DIGESTE VIEILLE ET DIGESTE NEUFVE
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DIGESTE VIEILLE
ET DIGESTE NEUFVE
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Cette moralité fut sans doute écrite à la fin de 1514 pour la Basoche de Paris1, qui aimait à déguiser les plus réjouissantes cochonneries sous les habits de la Justice. Pour résumer succinctement, la Digeste Vieille représente l’ancienne loi sous la forme d’une prostituée pourvue d’une longue expérience ; la Digeste Neuve représente la nouvelle loi sous la forme d’une débutante inexpérimentée ; la Coutume représente le droit coutumier sous la forme d’une vieille maquerelle qui a servi tout le monde.
Le premier niveau de lecture concerne le droit coutumier. La pièce encourage les efforts de Louis XII pour harmoniser le monstrueux bric-à-brac qu’était la Coutume sur un territoire où le moindre hobereau revendiquait la sienne : « Cognoissans les grandes vexations, longueurs, fraiz et dépens que noz povres sujetz ont euz et soufferts par cy-devant au moyen de la confusion, obscurité et incertitude qui se trouvoit ès Coustumes localles des provinces, bailliages, séneschaussées et autres payz et contrées de nostredit royaume (…), nous voulons et vous mandons que vous contraignez tous et chacuns noz baillifz, séneschaux, juges et autres nos officiers, à icelles Coustumes rapporter et faire rédiger par escript (…), et icelles faites entretenir, garder et observer inviolablement comme loy perpétuelle.2 » Le tout sous la supervision du Parlement de Paris, où il se peut que notre auteur ait émargé, comme tant d’autres écrivains.
Le second degré de la pièce pourrait facilement passer pour le premier : tous les termes qui concernent les livres, la lecture et les études sont porteurs d’un double sens érotique.
La Moralité s’achève sur un adieu au public. Comme s’il ne suffisait pas, quelqu’un a cru bon de plaquer à la suite le congé final d’une sottie jouée par quatre Sots qui, comme d’habitude, portent un numéro en guise de nom : le Premier, le Second, le Tiers, le Quart. La différence de style et de thème entre les deux œuvres saute aux yeux.
Source : Recueil de Florence, nº 43. Vu le nombre anormal d’erreurs phonétiques, on devine que l’éditeur a imprimé un livret que le chef de troupe avait dicté aux comédiens.
Structure : Rimes abab/bcbc, aabaab/bbcbbc et strophes à refrain, le tout saturé de rimes plates et de vers ajoutés par les acteurs.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle de
Digeste Vieille
et Digeste Neufve
où deux escoliers estudient, lesquelz
ne peuvent trouver moyen d’avoir
argent, si n’est par Coustume et Loix.
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À cinq personnages, c’est assavoir :
LE PREMIER [ESCOLIER, Primus]
LE SECOND [ESCOLIER, Secundus]
DIGESTE VIEILLE
DIGESTE NEUFVE
COUSTUME
*
LE PREMIER [ESCOLIER] 3 commence
C’est belle chose que d’estude SCÈNE I
Et [que] de bien « estudïer4 ».
LE SECOND [ESCOLIER]
Suffit5 mais qu’on ayt l’engin rude
Et qu’il soit trop fort à ployer6.
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DIGESTE NEUFVE 7 SCÈNE II
5 Qui pour8 moy se veult employer,
On y trouve termes joyeulx.
DIGESTE VIEILLE
Or çà, Dieu doint « confort9 » aux vieulx !
[DIGESTE NEUFVE]
Je conclus ma glose et mon texte10
Que le nouveau temps a le mieulx11.
10 Arrière, la Vie[i]lle Digeste !
LE PREMIER 12
Vous estes hors de nostre teste.
Je suis las de « lire » dedans :
J(e) y pers tous mes « entendemens13 ».
LE SECOND
Cela je laisse aux ancïens,
15 À ces grans fourés14 chaperons.
Je me tiens [de ces]15 gens mignons,
Francz, pollis [et] plains de caquet
Pour dancer beaux estordïons16.
Tousjours [au doigt le beau]17 signet ;
20 Le beau chien, le petit braquet18
Pour courir [sus19] à la perdrix ;
Et [le] beau lièvre au sopicquet20 ;
La belle fille à l’apétiz,
Les beaux tétins trousséz, petis,
25 Le corps mignon, bien fait et mixte21,
Yeulx vers22, petit nez, le doulx ris :
C’est le fait d’ung gentil légiste23.
LE PREMIER
Tousjours — à prime, à tierce, à sixte24 —
Je n’ay cesse d’estudïer.
LE SECOND
30 [Sus ! Digeste Neufve m’assiste]25,
Et pour vray le26 ve[u]il publier.
DIGESTE NEUFVE
Je sçay bien que vous estes ouvrier27
D’y « estudïer » promptement ;
Onc(ques), en ma vie, ne [vis lévrier]28
35 Qui courust plus légièrement.
Vous estes ouvrier, énémant29 !
Et pour bien courir par « chemin30 »,
Vous y courriez légièrement :
Je m’en raporte au « perchemin31 ».
DIGESTE VIEILLE
40 Dit-on plus de bien de moy ? Nenny :
Bien voy que je suis abolie.
Tout mon grant renom est bany,
Et moy-mesmes je suis banye ;
Je suis de tous poins abolie :
45 Digeste Vieille plus n(e) a court32.
Mais ceste [greinne à pomperie]33,
Elle a, à présent34, le bruyt de Court.
LE PREMIER
Digeste Vieille fait le sourt35.
LE SECOND
Digeste Neufve me resveille36 ;
50 Et somme, pour le faire court,
Prest suis à luy prester l’oreille37.
Elle me racompte merveille
De cinquante mille façons.
[Et moy-mesme, je m’esmerveille]38
55 De ces petis trousséz tétons,
[De ces]39 menues gentes gorgettes.
Somme, il n’est que Neufves Digestes
Pour éveiller40 « espris » nouveaux.
LE PREMIER
Mignons légistes et loyaulx41,
60 Si42, se veulent bien emploier
À dire les termes nouveaux,
Et tout pour bien « estudïer ».
Je veulx bien cela publier43
(Nonobstant que j’aye ung vieil « livre44 »)
65 Que, qui veult longuement régner,
Il n’est que joyeusement vivre45…
LE SECOND
Quant à moy, je suis à délivre46,
Serein47, alègre de mon corps.
Je n’ay pas escuz à la livre48 :
70 Dieu mercy, je n’ay nulz trésors.
Mais vélà tout mon réconfors
Que j’ay ma Digeste Nouvelle,
Où je fais souvent mes effors49,
Cause pourquoy elle dorveille50.
LE PREMIER
75 Cela me [semble estre merveille]51 !
[……………………… -ance.]
[Bien voy qu’avec Digeste Vieille]52
Je ne seray point à plaisance.
Mais au fort, par Dieu, quant j(e) y pense,
Veu qu’il est de vieulx « perchemin53 »,
80 Elle n’est point de grand(e) despence54.
Et si, ne court point par chemin55 ;
Et si, entent bien son latin56.
Je la trouve fort entendue57,
Moyennant que de beau satin
85 Je l’aye tousjours revestue58.
LE SECOND
La mienne vault mieulx toute nue,
Quant je la voy entre deux yeulx59,
Que ne fait la tienne vestue.
Arrière, ce « parchemin » vieulx !
DIGESTE NEUFVE
90 Han ! vous ne distes60 jamais mieulx.
Je61 croy que m’avez trouvé telle,
Et avez esté fort songneux62
D’estudïer soubz ma cotelle63.
Ainsi est ma « glose64 » fort belle
95 Et de parfond65 entendement.
Jà n’est besoing que je le celle :
Chascun le scet bien clèrement.
DIGESTE VIEILLE
Pour parler ancïennement,
Premièrement fus66 à Monsieur,
100 Qui en eust toute la liqueur67.
Chascun le voit évydamment.
Quant il m(e) « ouvrist » premièrement,
Jamais n’avoit « estudïé »,
Car je fuz son commancement.
105 Depuis, j’ay fort multiplié68,
Et ay mon « texte » publié69
Tant que c’est merveilleuse chose ;
Il en est tellement usé
Qu’on n’y congnoist plus que la « glose »70.
110 Mais encor, par moy, je suppose
Qu’on aprent [tout] bien et honneur71.
DIGESTE NEUFVE 72
Vous n’avez trouvé que saveur
En moy, et joyeulx esperitz,
Noz chappitres tous bien escriptz,
115 Mon « texte » bien enluminé73,
Le « parchemin » blanc relié74
Par hault, par bas fort bien reiglé75,
Et mon « bas76 » assez bien stillé.
Et tousjours ung gentil « engin77 »
120 (Posé qu’il ne soit pas refusé78,
Si s’usera-il79, à la fin),
Ma « glose » d’ung joyeux latin80,
Bien [paraphée et bien escripte]81.
Arrière, ce vieulx « parchemin » !
125 Or, ce n’est [plus] rien que redicte.
DIGESTE VIEIL[LE]
Et moy, je suis assez descripte,
Ung chascun me82 peult bien « congnoistre ».
Tu estoys encore[s] à naistre
Alors que j’estoye en mes saulx83.
130 Les escolliers estoient nouveaux84 ;
Ainsi, je leur ouvry l’engin85.
Et mes moz leur(s) sembloient si beaulx
Qu’ilz y ont apris leur latin86.
Tu deusses menger du papin87 :
135 Tu ne scez que c’est que de bien88.
Tu es trop neufve et ne scez rien.
Ton « engin » n’est point bien ouvert ;
Il est encor ung peu trop vert,
Et si, est peu enluminé.
DIGESTE NEUFVE
140 Tu as trop longtemps cheminé,
Et beu soubz mainte cheminée89.
Ton90 temps sera tantost passé :
Tu es desjà déterminée91.
Nul plus ne te preste l’oreille.
145 Tu es [des]jà quasi muée,
Car tu es la Digeste Vieille,
À92 mon semblant assez minée93 ;
[Et je suis]94 la Digeste Neufve.
DIGESTE VIEIL[L]E
Va, va ! Partout [où tu]95 te treuve,
150 Tu es toute à [commun esquot]96 :
Chacun t’a, pour payer l’escot97.
Tu es desjà toute abolye.
DIGESTE NEUFVE
Je suis ta forte maladye98
Qui te puisse mettre à basac99 !
155 La pommelée, ou le mautac100,
La fièvre quartaine te tienne !
Digeste Vieille et ancïenne,
Usée comme ungle de101 mullet,
Il ne te fault q’ung recullet102
160 Pour te mettre, où [vont] les gens yvres.
[L’]exemple monstre[s] de tes livres
À ces mignons de jeune enfance,
[Esquelz sèmes folle]103 cuydance
Pour dire quelque mot(z) joyeulx.
DIGESTE VIEILLE
165 Pourtant, se mon « engin » est vieulx,
Usé104 — et non usé sans cause —,
Ung chacun en a veu la clause105 :
Je m’en raporte à l’escripture106.
Digeste Vieille, par sa nature,
170 Est mieulx à priser que la Neufve.
La Neufve est de belle stature ;
La Vieille plus de raison preuve107 :
On [le scet quant elle]108 se treuve
Devant contes, ou ducz, ou roys109.
175 Par vieulx gendarmes, on apreuve110
À bien savoir « rompre le bois111 ».
PRIMUS 112
Noz « livres » parlent à dégois113.
SECUNDUS
Noz « livres » dysent à plaisance.
PRIMUS
Noz « livres » disent motz courtois,
180 Chacun selon sa congnoissance.
SECUNDUS
J[e l’]estudie114 à suffysance,
Et ne cesse d’estudïer ;
Mais je ne voy point d’aparence
Qu(e) argent puisse multiplier.
185 Je deusse boire et triumpher,
[Je deusse office recevoir,]115
Je deusse de l’argent avoir
Pour entretenir la mignonne.
PRIMUS
Je deusse vieil et neuf sçavoir,
190 Et estre plain de tout avoir116,
Et ne fût que pour ma personne.
SECUNDUS
Je possède la belle conne117
Qui me gaudist, qui me blasonne118
Et m’aguise l’entendement 119.
PRIMUS
195 Toutes les fois que m’arésonne
Sur120 ma Digeste, je m’estonne,
Tant [el] parle autenticquement.
SECUNDUS
J’estudie pacificquement,
[La] nuyt et [le] jour, promptement ;
200 En mon « livre » j’ay prins plaisance.
PRIMUS
J’estudie, et ne sçay comment :
Car je ne puis gaigner argent.
Somme advocaz en ont abondance.
SECUNDUS
C’est par faulte de confidence121,
205 Ou que tu as trop vieil[le] dance122 :
Aussi as-tu, on le peult voir.
PRIMUS
[N’es-tu point]123 bien à ta plaisance ?
Laisse-moy [vivre] en desplaisance.
Se rien n’ay, ne t’en doit chaloir124.
SECUNDUS
210 Tu n’as point « livre » pour valoir125 :
Il est du tout en nonchaloir126,
Et son « engin » est tout usé.
PRIMUS
Chacun de nous est abusé :
Il n’y a celuy127 si rusé
215 Que par « engin » n(e) « entendement »
Puisse attrapper aucun argent128.
SECUNDUS
Je ne sçay, je m’en esbahis.
Je voy mignons à l’apétis129,
Gorgïas, fraséz130, tout plain[s] d’or,
220 Avoir trèstous des biens satis131
Plus que Nabugodonosor132.
Je voy que pour avoir trésor133,
Bagues, [beaulx] signéz134 et aneaulx,
Escus, saluz, nobles, royaux135
225 (Il n’est [francs que]136 des advocas),
Reliquaires137, autres joyaulx,
Et belles chesnes138 autour du bras.
J’espère que post 139 tenebras
(Comme dit Job) auray140 lumière.
230 Au fort, si [je] ne gaigne guère,
Je prends plaisance sur mon « livre ».
PRIMUS
Je ne sçauroye plus141 de quoy vivre.
Je ne sçay, moy, que ce sera142.
Quant j’estudie dedans mon « livre »,
235 Tousjours je demeure à quïa143.
SECUNDUS
Je n’y [entends ne sol, ne la]144 :
Je deusse avoir chiens et oyseaulx145,
La belle mulle, les beaulx chevaulx,
La belle blanche hacquenée146
240 Pour bien rire et faire les saulx147.
À toute joye prédestinée,
Ma Digeste est enluminée148
Le149 possible pour gaigner bien.
PRIMUS
J’estudie la nuyt, la150 journée ;
245 Et si, ne puis praticquer rien151.
DIGESTE VIEILLE
Voullez-vous dire que nul bien
Ne vous est venu de par moy ?
PRIMUS
Ung bien petit, je n’e[n] dy rien152 ;
Je n’y ay rien acquesté153.
DIGESTE VIEILLE
Quoy !
250 Vous plaignez-vous de mon « estude » ?
PRIMUS
Nenny, mais je la treuve rude.
Je voy que le « texte » s’efface.
DIGESTE VIEILLE
Ne vous plaignez point !
PRIMUS
Je m’en passe154 ;
Il m’est advis [qu’il est bien force]155.
DIGESTE VIEILLE
255 Endurez l’estorce156 :
Vieulx bois qu’on157 escorce
Rapporte à son maistre.
PRIMUS
Sans fin je m’efforce
D’estudier à force,
260 Sans rien y congnoistre.
DIGESTE VIEILLE
Si158, n’y a-il prestre
Ny moine en [son] cloistre
Qui ne m’ayme bien.
PRIMUS
Quant je viens à estre
265 Dessus vostre « lettre159 »,
Je n’y entens rien160.
DIGESTE VIEILLE
Vous aurez du bien,
Et par mon moyen161.
« Estudïez » fort !
PRIMUS
270 Cela162 je croy bien ;
Mais il ne vient rien
Par quoy j’aye confort163.
SECUNDUS
Je deusse estre en Court,
Faire du millourt164
275 Et estre165 à plaisance.
Par vous, rien ne sourt166 :
On me fait le sourt167,
Je n’ay point d’avence168.
DIGESTE NEUFVE
Laissez apparance !
280 Tousjours, sur ma pense169,
Vous aurez des biens.
[SECUNDUS]
Qui n’a « basse dance170 »
Tout à souffisance,
Jamais ne vault riens.
285 Je ne voy moyens
Pour avoir des biens
Que par vostre « engin ».
[DIGESTE NEUFVE] 171
Ne craignez en riens :
Secret je le tiens172,
290 Car il est fort fin.
SECUNDUS
Ung petit loppin
De ce « canepin173 »
Fait acquérir bruit174.
DIGE[STE] NEU[FVE]
Mon beau musequin175,
295 Mon petit connin176,
Cela fort y duit.
LE SECOND
Pour avoir desduit177
Et passer la nuyt
Gorgïasement178,
300 Rire à l’appétit,
Le téton petit :
C’est vous proprement !
DIGESTE NEUFVE
C’est mon, énaymant179,
Mais qu’on ayt souvent
305 Déduit de nature.
LE SECOND
De cela s’entent,
Pour estre content
D’engin à mesure.
DIGESTE NEUFVE
Belle créature,
310 La belle figure
Digne de mémoire.
LE SECOND
……………………. 180
Belles filles, et bien à boire ;
Tétins poignans181, beaux musequins ;
[Queues d’une]182 sauvage gloire,
315 Qu’el troussent comme baldaquins183.
Mignon[ne]s portans brodequins,
[Ayans] les beaulx saphirs aux doiz,
Petiz piedz et petis tétins184 :
Vélà le présent cours de loix.
LE PREMIER
320 Avons-nous bien « rompu noz bois185 » ;
Et bien [avons sanglé]186 noz « livres »,
Et escarquillés à beaux dois187.
Regardez [s’en sommes délivres]188 !
LE SECOND
Par le sang ! nous sommes bien yvres
325 Par trop « estudïer » souvent.
On despend189 beaucop, en telz « livres » ;
Et en revient bien peu d’argent.
Au fort, mais que le corps soit gent,
Bien pris, à l’engin bien estroit,
330 Je me tiens quasi pour content
D’estudïer dessus le doit190.
PRIMUS
Je ne sçay, moy, qui ne seroit
Mal content d’estudïe[r] tant
Et n’avoir ung denier content191.
335 Le sang bieu ! cela me192 consume.
Quoy ! nuyt et jour estudïant
Au « bas », sans gaigner une plume !
SECUNDUS
Autant vauldroit humer le vent193 :
Il n’y a gresse ne escume194.
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COUSTUME 195 SCÈNE III
340 Encore n’est-il que Coustume.
Vous avez bel196 « estudïer » :
Coustume fait bénéficier197
Plus que ne fait Digeste Neufve
Ne que la Vieille. Je le preuve
345 [Par] exemple198 : se une belle fille
Fait souvent fourbir sa coquille199,
Coustume l’aprent200 au mestier ;
Car qui ne seroit coustumier
Et rusé par force d(e) usage,
350 Jamais il ne seroit ouvrier
Entendu201, [ne quelq’un de]202 sage.
DIGESTE NEUFVE
Nostre Dame ! quelle trousse-bagage203
Pour mener après ung gendarme204 !
DIGESTE VIEILLE
[El fait]205, de son museau, visage.
355 Elle en parle bien, en beau terme.
DIGESTE NEUFVE
[Quel vieille ! Tenez : est-el]206 ferme
Et plaine de grande cautelle207 !
Elle est pour estre à quelque Carme208
Pour servir d’une macquerelle.
DIGESTE VIEILLE
360 Pensez, la bonne damoiselle,
Elle y a gaigné mainte plume209 ;
Chascun le scet, la chose est telle.
Ce n’est à présent que la Coustume.
DIGE[STE] NEUF[VE]
C’est la vieille qui fiert210 l’enclume
365 Pour [forger les cloux de Jhésus]211.
Laissez-la là, c’est ung abus,
Se212 vous voullez estre bien aise.
SECUNDUS
Raison ?
DIGE[STE] NEU[FVE]
La Coustume est mauvaise
Qui court maintenant à Paris.
370 Elle fait tromper les maris,
Elle fait destruire maisons213,
Elle fait plusieurs gens mar[r]is.
El n’est digne de nulz guerdons214
Mais, ym[m]o 215, de villains lardons.
DIGESTE VIEILLE
375 Ainsi en sera-el(le) lardée.
Tenez, quelle vieille est-elle fardée !
Aussi elle farde les femmes216.
Telles Coustumes sont infâmes.
Touteffois, la Coustume court.
380 Pour attrapper mignons de Court217,
Ceste vieille farde visaiges ;
Il semble que ce soient ymages218,
Quant elles219 passent par ses mains.
DIGE[STE] NEU[FVE]
Pour esjouir les cueurs humains,
385 Pour contrefaire la mignonne220,
Coustume, la vieille matrosne,
Il n’est mauvaitié qu’el(le) ne fache221.
El(le) fait acroire d’une vache,
Le plus du temps, que c’est ung veau222.
390 Coustume, [il] n’est rien qu’el ne sache :
Tousjours [forge] ung terme nouveau
Et faict d’un moyne ung Gouvernau223,
D’un Jacobin ung homme d’armes.
DIGESTE VIEILLE
El(le) fait gentilz [hommes224] de Carmes,
395 Et gens de guerre d’Augustins ;
À Cordeliers porter guisarmes225,
[Mantels fendus et]226 brodequins.
PRIMUS
Et ! nous serions bien [grans] coquins227
D(e) en telle Coustume nous mettre.
400 Raison ? Elle ne congnoist lettre228,
Et n’y entent ne blanc, ne bis229.
SECUNDUS
Elle fait d’ung varlet ung maistre ;
Elle fait tout son appétis230.
COUSTUME
Par bieu, mes enfans et amys :
405 Je vous oys231 bien sur vostre « droict ».
SECUNDUS
Il est vray. Mais qui232 vous voudroit
Maintenir comme on faict à présent,
On mettroit l’envers à l’endroit233 :
Chascun le voit [bien] clèrement234.
PRIMUS
410 Nous ne vous voullons nullement,
Car nous sçavons [trop] qui vous estes.
COUSTUME
Messieurs, je vous pry humblement
Que [je sois avec]235 voz Digestes.
SECUNDUS
Ne nous mettrez-vous point en restes236 ?
COUSTUME
415 Nenny ! Jamais ! Aucunement !
Ym[m]o, tousjours acroissement
Vous feray237, et avoir pécune,
Mais238 seullement que je soye une
De voz petites chambèrières.
420 Coustume congnoist les manières ;
Par Coustume, en « droit » on se fonde.
Il n’est rien où el(le) ne responde.
Il n’est [juge qui bien ne face]239,
Qui n’a Coustume avant sa face240.
425 De tout ce[la] suis coustumière.
LE SECOND
Coustume, vous ne parlez guière,
Mais vous atachez bien voz motz241.
DIGESTE NEUFVE
Elle parle bien à propos,
Et me semble qu’elle dit bien.
430 Et pour contente je me tien,
Quant à moy, qu’elle soit des noz242.
LE PREMIER
Coustume est [bien] digne de « los243 »,
Et parle par bonne manière.
DIGESTE VIEILLE
Retenons-la, à deux briefz motz244 :
435 El(le) sera nostre chambèrière.
COUSTUME
Par mon âme, j’en suis bien fière !
Je vous serviray de bon cueur245.
*
LE SECOND 246 SCÈNE IV
Or çà ! nous sommes à honneur.
Nous congnoissons tout à plaisance,
440 Nous avons biens à suffisance,
Nous avons Coustumes et Loix.
LE PREMIER
Nous avons argent à puissance :
Nous serons faitz gens de finance
Par « droit », par Coustumes ou Loix.
LE SECOND
445 Nous avons de tout congnoissance,
Nous avons bruit à suffisance247
Par « droit », par Coustumes ou Loix.
LE PREMIER
Nous avons escus et salus248,
Et plusieurs gracïeux salus249.
450 Et si, ferons250 tout « hault le bois »,
Et requer[r]ons251 de plus en plus
Par « droit », par Coustumes ou Loix.
LE SECOND
Nous aurons petis musequins,
Mignon[ne]s aux petis yeulx fins.
455 Et si, burons tout à dégois252.
Et si, parviendrons à noz fins
Par « droit », par Coustumes ou Loix.
LE PREMIER
Nous demour[r]ons mignons légistes,
Gorgïas, fraséz, gens253 et mistes,
460 Humbles, loyaulx, doulx et courtois.
Et noz raisons seront escriptes
Par « droit », par Coustumes ou Loix.
LE SECOND
Vivent gentilz mignons loyaulx,
Vrais légistes espicïaulx254 !
465 Vive le roy de France, harnois255
Contre tous les [faulx doctrinaulx]256 :
Car il leur [a porté]257 des maulx
Par « droit », par Coustumes ou Loix.
LE PREMIER
Arrière, gens de fiction258 !
470 Car c’est ma vray[e] intencion
Que seront pugnis une fois,
Et qu’on leur fera leur raison259
Par « droit », par Coustume[s] ou Loix.
LE SECOND
Je commande260 à Dieu les mignon[ne]s
475 Et aussi toutes voz personnes !
Adieu vous dis à haulte voix !
Noz causes doivent estre bonnes
[Par « droit », par Coustumes ou Loix.]261
.
***
[ FIN D’UNE SOTTIE ]
LE PREMIER
Tel cuyde262 avoir sa maison faicte
480 En peu de temps sans263 demourer,
Pour sa famille honnourer,
Qui264 se meurt ains qu’el soit parfaicte.
LE SECOND
Tel, souvent, abille265 à menger,
Et puis266 aux autres le départ,
485 Qui267 le plus souvent, pour sa part,
N’en a que les os à ronger.
LE TIERS
Tel cuyde, quant [ne sçauroit mie]268,
Estre maistre et faire les saulx269.
[On luy livre sy]270 durs assaulx
490 Qu’i n’ose nommer : « Une pie271 ! »
LE QUART 272
Toute la noble seigneurie,
Mais s’i vous plaist, n’ayez nul regré !
Et vous plaise de prendre en gré
Se le coqu gaigne la pie !
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FINIS
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1 Voir Pour le Cry de la Bazoche. Jelle Koopmans* attribue Digeste Vieille à Pierre Gringore. *Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 593-605. 2 Blois, 18 septembre 1509. 3 Les deux étudiants en droit sont vêtus pauvrement ; ils portent un bonnet de clerc, et une écritoire phallique pend au-devant de leur ceinture. 4 De copuler. Idem vers 29, 33, 62, etc. Voir la note 66 des Femmes qui aprennent à parler latin. 5 Suple (« Il suffit mais que » est une locution figée : « Il suffit mais qu’il aille l’amble. » Le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies.) L’engin désigne l’intellect (lat. ingenium), mais aussi — et surtout — le pénis. Même double sens aux vers 131, 215 et 308. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 92. Notons qu’un autre étudiant, Maître Mimin, a lui aussi « l’engin rude » (vers 198). 6 F : ployez (Je corrigerai tacitement ces fautes d’accord tout au long de la pièce.) 7 Digeste Neuve et Digeste Vieille sont deux personnages allégoriques qui représentent des livres de droit : des pages — imprimées pour Digeste Neuve et manuscrites pour Digeste Vieille — sont épinglées sur leur robe de prostituée. (Dans un même souci de réalisme, les oiseaux de la Pippée sont couverts de plumes.) 8 F : sur (Si on veut me servir.) 9 Jeu de mots sur con fort [sexe endurant] : « Je pry Dieu qu’il vous doint confort ! » Les Mal contentes. 10 F : teste (« Je n’y entens texte ne gloses. » Colin qui loue et despite Dieu.) 11 Que le droit rénové a ce qui se fait de mieux. 12 Il couche avec Digeste Vieille, alors que son camarade est l’amant de la jeune Digeste Neuve. 13 Mes érections. Idem v. 194. « Je ne vy aussi dur engin/ Comment il a, par mon serment !/ Ha ! il a bel entendement. » Pernet qui va à l’escolle. 14 F : rouges (Aux vieux juristes. Cf. les Sotz fourréz de malice, v. 131 et note.) « Et ès fourréz chaperons./ Justice, équité est morte. » (Eustache Deschamps.) « Ad ce jour avoit grant foison de prélas et de fourés chaperons. » (Froissart.) 15 F : des 16 F : estrodions (Le tordion est une danse aux mouvements lascifs. « Et inventa la bonne dame/ Mille tordïons advenans/ Pour culeter à tous venans. » Clément Marot.) 17 F : aux beaux la (Le signet est une bague surmontée d’un sceau. Idem v. 223.) « J’avoye argent, les beaulx signetz. » Beaucop-veoir. 18 Le chien de chasse. Cf. le Faulconnier de ville, vers 396. 19 « Pour courir sus aulx enfans d’Israël. » La Bouteille. 20 En saupiquet, en sauce piquante. 21 Miste : gracieux. Idem v. 459. 22 Vairs : vifs et chatoyants. Voir la note 187 de la Pippée. 23 C’est l’affaire d’un juriste. Idem vers 59, 458 et 464. 24 Aux heures de prime, de tierce et de sexte. Cf. les Mal contentes, vers 431. 25 F : Sur digeste vous assiste 26 F : la (Je veux attester publiquement que c’est vrai. Voir le v. 63.) 27 Expert. « Car ne suis ouvrier de ce faire. » (Ung Fol changant divers propos.) On scande toujours « ou-vrier » en 2 syllabes. 28 F : vi ouurier (« Courez com un lévrier ! » Les Botines Gaultier.) 29 Vraiment. Ce juron est réservé aux femmes. Idem v. 303. « Ennément, je n’en sçay rien. » Le Povre Jouhan. 30 Vagin. Faire le chemin = ouvrir la voie, déflorer une fille. Cf. les Botines Gaultier, vers 137. 31 Le parchemin, généralement velu, désigne le pubis des femmes. Idem vers 79, 89 et 124. Cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 25 et note. 32 N’a plus cours, telle une monnaie décriée. 33 F : genne a pompelie (Cette semeuse de syphilis. La maladie ne fut baptisée ainsi qu’en 1530 ; auparavant, on lui donnait toutes sortes de noms : « La grosse vérolle, la galle de Naples, le pourpoint à “boutons”, la brigandine clouée, la gaillardise, la mignonnise, la pomperie. » Le Pourpoint fermant à “boutons”.) On l’appelait aussi « la male graine » ou la « graine de Naples ». Au vers 155, c’est Digeste Neuve qui souhaitera une bonne syphilis à sa concurrente. 34 À présent. Idem v. 407. Elle a désormais l’estime de la cour du Parlement, où se décrètent les lois ; voir le v. 273. 35 Ne veut rien entendre. Idem v. 277. 36 M’excite. 37 Les oreilles symbolisent les testicules : Sermon pour une nopce, vers 72 et 197. Idem v. 144. 38 Vers manquant. J’emprunte le vers 182 de Frère Fécisti. 39 F : Dictes (Les gorgettes désignent les seins. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 30.) 40 F : euersiez (Voir le v. 49.) Les esprits <épris = enflammés> sont les pénis : « Cavaler les esprits, c’est chevaucher les engins. » Béroalde de Verville. 41 F : nouueaulx (À la rime des vers 58 et 61.) Les mignons légistes sont encore loyaux à 460 et à 463. 42 F : Qui (Ainsi.) 43 Admettre publiquement. 44 Bien que je m’exerce avec Digeste Vieille. Le « livre » qui s’ouvre pour qu’un homme puisse « lire » dedans est une métaphore de la vulve : « Ma belle, à ce concert, gentille,/ Ouvrit son livre allaigrement. » Un jour que j’accollois m’amie. 45 La Basoche de Paris se gaussa du remariage, en octobre 1514, de Louis XII avec la jeune Marie Tudor : le roi mena joyeuse vie pendant trois mois, puis mourut d’épuisement en essayant de lui faire un héritier. Il avait régné 15 ans et demi. « Ceux de la Basoche, à Paris, disoient pour se jouer que le roy d’Angleterre avoit envoyé une haquenée [pouliche] au roy de France pour le porter bientost et plus doucement en enfer ou en paradis. » 46 Je suis libre. Idem v. 323. 47 F : Serre (« O richesse plaine !/ O ferme sçavoir !/ Quel joye seraine,/ En la vie humaine,/ Povons plus avoir ? » Mistère de la Passion de Troyes.) 48 Pour le poids d’une livre. 49 F : renfors (Mes assauts sexuels. « Dieu te doint ung bien bon “confort”,/ S’il advient que trop grant effort/ Te face, la nuyt, ton mary ! » Sermon pour une nopce.) 50 F : est fort veille (C’est la raison pour laquelle elle dort debout. « Elle dorveille en douce paix. » Godefroy.) 51 F : en esmerueille (C’est incroyable. « Ce semble estre merveilles de beauté. » Bertrandon de La Broquière.) 52 Vers manquant. Voir le v. 41. 53 Vu que son sexe est un vieux parchemin. 54 Elle ne me coûte pas cher. 55 Et de plus, elle ne court pas le guilledou. 56 Et de plus, elle s’y connaît (en matière de technique amoureuse). « Elle entend bien son latin. » Les Mal contentes. 57 Experte dans les choses de l’amour. Idem v. 351. « Vous estes un vaillant champion,/ Et entendu en cest affaire. » L’Amoureux. 58 Les livres précieux avaient une reliure en satin. 59 Dans l’intimité. Nous dirions aujourd’hui : entre quatre yeux. 60 F : dictes (Vous ne dîtes, au passé simple.) 61 F : Que 62 Soigneux, appliqué. 63 Sous ma cotte courte, sous mon jupon. Cf. le Cousturier et Ésopet, vers 111. 64 Ce mot vient de γλῶσσα, qui signifie langue. Or, la langue désignait le clitoris : cf. le Tournoy amoureux, vers 62 et note. Idem vers 109 et 122. 65 Profond. 66 F : suis (Je fus d’abord. « Quant premièrement fus louée/ Pour nourrir l’enfant de céans. » La Nourrisse et la Chambèrière.) 67 La force. « Force n’ay plus, substance ne liqueur. » Villon. 68 J’ai multiplié mes conquêtes masculines. 69 J’ai rendu public mon sexe. 70 Qu’on n’y reconnaît plus que le clitoris. 71 « Nul n’en pouvoit dire que tout bien & honneur. » Valentin et Orson. 72 Au Second Écolier. 73 Mon sexe rougi par une activité régulière. Idem v. 139. 74 F : que lie (Bien joint.) 75 On trace sur les parchemins des lignes horizontales pour guider l’écriture. Double sens : réglée = qui a ses règles. 76 Idem v. 337. Voir les Femmes qui font renbourer leur bas. 77 Mon sexe de femme. Idem vers 137, 165, 212, 287 et 329. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 129 et note. 78 À supposer qu’on ne le refuse jamais. 79 F : se rusera il (Voir le v. 108.) 80 En latin, glose se dit glossa, qui transcrit le grec γλῶσσα [langue]. Voir la note 64. 81 F : parapher et bien escripre 82 F : le (Connaître est pris au sens biblique : forniquer.) 83 En pleine possession de mes moyens (y compris sexuels). « Femme en ses saulx meurt à regret. » Danse macabre des femmes. 84 Puceaux. 85 F : langin (Je leur déployai le pénis.) 86 Leur science amoureuse. 87 De la bouillie pour les bébés dans ton genre. Cf. Légier d’Argent, vers 81. 88 Tu ne sais ce que c’est que le bien. 89 Tu as bu dans plus d’un foyer. 90 F : Bon (Tu seras bientôt vieille. « Je vueil soustenir/ Qu’il a desjà son temps passé/ Et qu’il est rompu et cassé. » Ung jeune moyne et ung viel gendarme.) 91 Terminée, finie. 92 F : Et (À ce qu’il me semble, à mon avis. « Il seroit bon, à mon semblant,/ Mère, d’icy nous despartir. » ATILF.) 93 F : exprimine (Sapée. « Vertus sont minées. » Le Ramonneur de cheminées.) 94 F : Que ie fuz 95 F : et 96 F : communiquot (Au tarif de groupe. « François, à l’union [Français, unissez-vous] ! Car que peut un corps tissu & composé de plusieurs parties si à commun escot [regroupées] elles ne (…) luy donnent force & vertu ? » Pierre de L’Ostal.) 97 À condition de payer sa part. 98 Sorte d’imprécation. « Hé ! je suis ta fièvre quartaine ! » La Laitière. 99 À bas. « Argent ? Il est mys à basac. » Gautier et Martin. 100 Que la tuberculose bovine ou une inflammation syphilitique. « Fuyez ce trou que le mau tac confonde ! » Rondeau de la vérolle. 101 F : a (Comme le sabot d’un mulet. On ferrait les chevaux, mais rarement les mulets.) 102 Qu’un petit coin où l’on fait ses besoins. 103 F : Quelque sens ou quelque (Dans lesquels tu sèmes l’erreur. « Il trébusche en erreur d’oppinion et de fole cuidance. » ATILF.) 104 F : Ruse (Voir les vers 108 et 212.) Usé non sans raisons : il subit beaucoup de frottements. 105 En a vu l’explication. 106 On a beaucoup « écrit » dessus. Les clercs ne se privaient pas de confondre l’écriture avec le coït, le parchemin avec le pubis féminin, la plume avec la verge, l’encre avec le sperme, etc. Dans Frère Guillebert, une épouse cherche « un amy gaillard/ Pour suppléer à l’escripture » de son vieux mari ; voir la note 49 de ladite farce. 107 Prouve, montre. Idem v. 344. 108 F : ne scet pas ou on (Chaque comté, chaque duché, chaque petit royaume exerçait encore sa propre justice comme à l’époque féodale, que symbolise Digeste Vieille. Voir ma notice.) 109 Jeu de mots sur roids [raides]. « Il n’y a, jusques en Barrois,/ Plus nobles logiz que sont cons,/ Car on n’y peult logier que roix. » Parnasse satyrique du XVe siècle. 110 On éprouve, on expérimente. 111 À rompre la lance dans les batailles (les gens d’armes sont des hommes de guerre). Double sens : À éjaculer. Idem v. 320. « Tiendrez-vous jusques à demain,/ Insatiable créature,/ Dans la maigreur de votre main/ Mon pauvre engin à la torture ?/ Contre vous, il a par dix fois,/ En une nuit, rompu son bois. » François Maynard. 112 Le Premier Écolier. Le Second Écolier devient Secundus. 113 Nos maîtresses parlent avec plaisir. Idem v. 455. « À joie et à dégois. » ATILF. 114 Je besogne Digeste Neuve. 115 Ce vers manquant amorce les sizains en aabaab. « Je deusse estre pourveu présent,/ Avoir bénéfices et cures. » L’Avantureulx. 116 Et je devrais posséder un gros avoir. Pour nos deux étudiants, l’apprentissage du droit n’est valable que s’il mène à un enrichissement rapide. La justice est le cadet de leurs soucis. 117 F : congne (Diminutif affectueux : « Acollez-moy, ma doulce conne ! » Le Dorellot.) 118 Qui me réjouit, qui me flatte. 119 Qui m’aiguise l’érection. Note 13. 120 Que je m’arraisonne, que je m’entretiens avec. 121 Par manque de confiance. 122 Ou que tu es de la vieille école. « La mère luy dit, qui sceit assez de la vieille dance. » ATILF. 123 F : Cestuy est (Ce vers, tel que je le corrige, est le 2e de Franc cœur qu’as-tu à soupirer, une chanson franco-italienne d’Antoine de Vigne, qui mourut en 1498 ; fort appréciée des gens de théâtre, cette chanson résonne aussi dans Marchebeau et Galop, dans le Gallant quy a faict le coup et dans le Pèlerinage de Mariage.) 124 Cela ne te concerne pas. 125 Ta Digeste Vieille ne te valorise pas beaucoup. 126 F : mon chaloir (Elle est totalement négligée. « Ne soyez point en nonchaloir. » ATILF.) 127 Aucun de nous deux. 128 Que grâce à son engin et à son érection il puisse gagner quelque argent. 129 Appétissants. Cf. le Faulconnier de ville, vers 289. 130 Élégants et polis. « Gorgias, mignon,/ Franc, fraiz, frasé comme ung ongnon. » Guillaume Coquillart. 131 Assez (mot latin). 132 Nabuchodonosor II, richissime roi de Babylone. 133 F : trepas (« D’avoir le trésor de leur père. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat.) 134 Signets : bagues surmontées d’un sceau. Voir le v. 19. 135 Ce sont quatre monnaies de grande valeur. 136 F : que francs (Il n’y a des francs que pour les cupides avocats. Double sens très ironique : Seuls les avocats sont francs.) 137 F : Lapidaires (Quoi qu’on en dise, ces traités consacrés aux pierres précieuses n’ont jamais désigné les pierres en question.) Les reliquaires portatifs sont des médaillons creux qui peuvent s’ouvrir : « Petiz joyaulx et reliquaires d’or pendans ou à pendre. » Inventaire de Charles Ⅴ. 138 Bracelets. 139 F : pose (« Post tenebras, spero lucem. » [Après les ténèbres de la mort, j’espère la lumière.] Livre de Job.) 140 F : auoir 141 Je ne saurais plus trouver. 142 Ce que cela va devenir. 143 En mauvaise posture. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 391. 144 F : entendens rien a cela (Rien du tout. « Tu n’y congnois ne sol, ne la. » Éloy d’Amerval.) 145 F : chieus (Les oiseaux sont des éperviers avec lesquels les nobles chassent.) 146 Pouliche. 147 Faire des exercices de manège : « Si tost que Burgalant fut sailly sur son destrier, lui fist faire les saulx en l’air. » (Galien Réthore.) Mais la haquenée peut être une femme : cf. le Retraict, vers 340. Cela modifie le sens du vers : « Faire le saut : Obliger une femme à se rendre, la pousser à bout, profiter de sa foiblesse, en jouir. » (Le Roux.) 148 Maquillée. 149 Autant que. 150 F : et a 151 Et pourtant, je ne peux rien gagner. « Sans riens gaigner ne praticquer. » Sermon pour une nopce. 152 Bien peu, inutile d’en parler. « Il suffist, je n’en dy rien, donc. » Maistre Doribus. 153 Acquis. 154 Je m’en contente. Cf. le Ribault marié, vers 267. 155 F : quel est bien forte (Que j’y suis bien obligé. « Il est bien force/ Que nous endurons ceste endosse. » Les Maraux enchesnéz.) 156 F : lescorche (Ce coup. « Si flatteurs ont receu l’estorce. » Première Moralité.) 157 F : bien (L’écorce du chêne-liège rapporte à son propriétaire, d’autant que plus l’arbre est vieux, plus elle est épaisse.) Le liège ne servait pas qu’à faire des bouchons de bouteilles : on en vendait beaucoup aux fabricants de semelles. 158 F : Sil (Pourtant.) 159 Sur votre « Q ». Cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 179. « Puis nous remurons la lettre qui ensuit après le PÉ. » Béroalde de Verville. 160 Le cul de Digeste Vieille est donc muet. 161 Grâce à moi. « Tu auras encore du bien/ Par mon moyen. » L’Aveugle et Saudret. 162 F : Vela (Correction proposée par Jelle Koopmans.) 163 Un réconfort financier. Cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 29. 164 Le milord, le riche. Cf. les Tyrans, vers 170 et 182. 165 F : mectre 166 Nul argent ne surgit (verbe sourdre). 167 On refuse de m’écouter. 168 On ne m’avance pas d’argent. 169 Sur ma panse, sur mon ventre : en faisant l’amour avec moi. « Sur l’orifice de la pance/ De leurs femmes. » Frère Guillebert. 170 Le coït. « Mon “flajollet” ne vault plus riens…./ La basse dance doulce et tendre/ Est hors de mon commandement. » Jehan Molinet. 171 F : Dige vi 172 Je cache le mien. 173 Sorte de vélin dont on fait les parchemins. Au second degré, c’est donc le pubis d’une femme. 174 Une bonne réputation. 175 Mon petit museau. Idem vers 313 et 453. 176 Mon con, mon sexe. Cf. le Savatier et Marguet, vers 46. 177 Du plaisir charnel. Idem v. 305. 178 Agréablement. 179 C’est mon avis, vraiment. Note 29. 180 Il manque un tercet en -ure -ure -oire. Du coup, l’enchaînement est un peu abrupt. 181 Pointés. 182 F : Qurest une (La queue est la traîne cousue au col de la robe. On la trousse pour ne pas la salir ; voir les Queues troussées.) 183 F : cragnequins (Le baldaquin est le dais qui entoure un lit. Dans la journée, on le trousse pour qu’il laisse passer la chaleur de la cheminée.) 184 F : patins (L’auteur fantasme sur les petits seins : vers 24, 55, 56, 301.) 185 F : voix (Nous avons souvent éjaculé. Note 111.) 186 F : assemble (Les cartables n’existant pas, les étudiants transportaient leurs livres attachés par des sangles de cuir.) Sangler une femme, c’est la besogner : cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 88. 187 Nous les avons ouverts à pleines mains. 188 F : se en auons de liures (Si nous en sommes délivrés. Voir le v. 67.) 189 On dépense. 190 Sur le bout du doigt, par cœur. « Mais il fault sçavoir sur le doit/ Ypocras. » (Les Femmes qui aprennent à parler latin.) Double sens : de lutiner Digeste Neuve avec mon doigt. 191 Comptant. 192 F : mer 193 Se nourrir de vent. 194 La soupe est maigre. 195 Vêtue en vieille paysanne de province, et affublée d’un accent campagnard. 196 Vous avez beau. 197 F : verifiez (Fait obtenir des bénéfices, des postes lucratifs. « Vous avez bénéficié/ Un johannès [un ignare]. » Science et Asnerye. 198 « Cecy, je le preuve par exemple. » ATILF. 199 Sa vulve. « Mes jeunes filles,/ Ne faictes fourbir vos coquilles. » Sermon pour une nopce. 200 F : la rent (La met à l’apprentissage.) La maquerelle du Dorellot se nomme Faicte-au–mestier. 201 Un coïteur expérimenté. Note 57. 202 F : nest quelqun ne 203 F : trousse a page (Le trousse-bagage est le laquais d’un capitaine. « Si l’ennemy arrivoit sur le trousse-bagaige. » Loÿs Gollut.) L’auteur fait plutôt allusion aux filles à soldats qui suivent l’armée : « Quant elle auroit suivy le camp à la Rochelle,/ S’elle a force ducats, elle est toute pucelle. » Mathurin Régnier. 204 À la suite d’un soldat. 205 F : Elle est (De son museau bestial, elle veut faire un visage humain.) 206 F : Quelle vueille tenes est tel (Encore et toujours des erreurs phonétiques : voir ma notice.) 207 De ruse. 208 Ces moines ont toujours des femmes chez eux : « Carmes n’ont plus de chambèrière…./ Tousjours Carmes auront freppières. » (Les Rapporteurs.) Villon le constatait déjà : « Carmes chevauchent noz voisines. » 209 Beaucoup d’argent. « Quand on a gagné de l’argent à quelqu’un au jeu ou par quelque adresse, on dit qu’on a eu de ses plumes. » Le Roux. 210 F : fait (Qui frappe, du verbe férir.) 211 F : sourger les clox des hus (C’est la vieille Hédroit qui forge les clous de la crucifixion. « Il fault forger/ Des gros cloux pesans et mossus [émoussés]/ Pour aller atacher Jhésus/ Au gibet…./ Icy forge la vieille les cloux. » Jehan Michel, Mistère de la Passion.) On peut ouïr le langage raffiné d’Hédroit aux vers 194-285 des Tyrans. 212 F : De (Correction Cohen.) 213 F : mignons (Des familles entières. « Là se destruict mainte bonne maison. » Marot.) 214 D’aucune récompense. 215 En latin, immo = au contraire. Idem v. 416. Cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 206. Les lardons sont des sarcasmes dont on larde les gens : cf. la Pippée, vers 46, 481 et 770. 216 Elle les maquille pour les rajeunir. Mais aussi : Elle ternit leur réputation. « Je farderay bien une femme. » Le Roy des Sotz. 217 Pour escroquer les courtisans en leur faisant croire qu’elle leur livre de la chair fraîche. 218 Des tableaux peints. 219 F : ilz (Quand les prostituées.) 220 F : personne (« J’ay voulu contrefaire/ Le mignon. » Les Femmes qui plantent leurs maris pour reverdir.) 221 F : sache (À la rime de 390. « Fache » est la prononciation nordique de « fasse » : « Qui penseret qu’un fieux [fils] d’une si bone mère/ Fache dez actions si remplies de mal ? » La Muse normande.) Il n’y a aucune mauvaiseté, aucune malice qu’elle ne fasse. Cf. la Mauvaistié des femmes. 222 La viande du veau était plus onéreuse que celle de la vache, que des bouchers peu scrupuleux vendaient pour du veau. 223 F : gouuernan (Gouvernau fut le précepteur de celui qui allait devenir le roi Arthur ; il l’instruisit dans l’art de la guerre : « Quand l’enfant eut quinze ans, si luy apprint Gouvernau de l’escrime, tant qu’il ne pouvoit trouver son pareil. » Artus de Bretaigne.) 224 En théorie, les nobles guerroyaient au profit du roi. 225 Elle fait porter des hallebardes. Tous ces hommes d’Église transformés en soudards font référence au pape Jules II, qui venait de mourir. Il n’hésitait pas à revêtir l’armure pour monter lui-même à l’assaut. Gringore en a fait la très belliqueuse Mère Sotte dans le Jeu du Prince des Sotz, où ledit prince n’est autre que Louis XII. 226 F : Penthoufles fendues (Les manteaux militaires sont ouverts du côté gauche, ce qui permet de dégainer l’épée. Ils sont ouverts du côté droit pour les gauchers. « Un mantel fendu à un costé. » ATILF.) Les brodequins sont ici des godillots militaires. 227 Des vauriens. 228 Elle est analphabète. Les Coutumes étaient souvent orales, d’où la volonté des rois de les mettre par écrit ; voir ma notice. 229 Ni blanc, ne gris brun : elle n’y connaît rien. Cf. les Sotz triumphans, vers 128. 230 F : appetit (Les vers 23 et 218 donnent « appétis » au singulier.) Elle fait tout selon son désir. 231 F : ouys (J’entends vos prétentions. C’est une formule juridique.) Comme aux vers 421 et 444, le droit désigne le pénis dressé : cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 187 et note. 232 F : quil (Si on.) 233 Tout serait sens dessus dessous, comme au vers 402. 234 Voir le v. 97. 235 F : ce soit auecques 236 Ne nous rendrez-vous pas débiteurs ? « On demeure en reste/ Au tavernier, souvente foys. » La Réformeresse. 237 F : feres (Au contraire, j’accroîtrai vos gains.) 238 Pourvu. 239 F : iugez que ie ne sace 240 S’il n’a le droit coutumier devant lui, sous ses yeux. « Le signe de la vraie croix (…) mis avant ma face, je recommande mon âme à Dieu. » Jean de Chissey. 241 Vous joignez les paroles à la musique. « Desquelles chansons et oraisons les motz sont icy attachéz. » Tielman Susato, éditeur de partitions. 242 Des nôtres. « Se (tu) veulx estre des noz,/ Ressembler te convient Minos. » Christine de Pizan. 243 De louanges. Calembour sur « l’os », le phallus : « S’aucunes gens vous portent blasmes,/ Mes dames, je vous porte los. » Les Menus propos. 244 En bref. À la fin de la Pippée (vers 931-4), l’un des perdants devient aussi le serviteur des gagnants. 245 L’hypocrite et flatteur Mitoufflet prononce le même vers quand il cherche à entrer au service du Roy des Sotz. 246 ACTE 2. Seuls en scène, les deux ex-étudiants portent un chaperon fourré de juriste. Le droit ancien et le droit nouveau, maintenant qu’ils sont servis par le droit coutumier, les ont enrichis. 247 Une grande réputation. 248 Des saluts : des pièces d’or. Idem v. 224. 249 Tout le monde nous salue gracieusement. C’est à ce détail que les parvenus croient avoir réussi : voir par exemple le clerc d’Ânerie aux vers 249-250 de Science et Asnerye. 250 F : serons (Cet imprimeur confond très souvent le « f » (f) et le « s » long (ſ) du ms. de base.) « Faire haut le bois : Souldiors to stop and make a stand, advancing their pikes. » (Cotgrave.) Cf. les Premiers gardonnéz, vers 215. Mais le bois désigne également le pénis, comme aux vers 176 et 320 : « Pour faire sonner le hault boys/ Et faire la chosète. » L’Aveugle et Saudret. 251 Nous ferons des réquisitoires. Ou bien : nous allons requérir les femmes. 252 Et aussi, nous boirons avec joie. 253 Gents. Idem v. 328. Nous avons vu gorgias et frasé (v. 219), et miste (v. 25). 254 Les juges se font payer en épices : cf. Science et Asnerye, vers 207. 255 F : en paix (On ne peut être en paix contre quelqu’un !) Le harnois — ou le harnais, qui a la même prononciation — est une armure, une protection contre l’ennemi. 256 F : destriaulx (Contre les pernicieux manuels d’enseignement.) 257 F : appartient (Louis XII eut à cœur de simplifier la procédure juridique. Voir ma notice.) 258 Faiseurs de mystifications. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 127. 259 Qu’on leur réglera leur compte. « Je luy feray bien sa raison ! » Les Chambèrières et Débat. 260 Je recommande. « Je vous commande à Dieu ! » (Le Cuvier.) Le Second Écolier s’adresse au public pour lui présenter les adieux de la troupe. 261 Ce refrain manquant clôt la Moralité. Voir ma notice. Cette dernière strophe porte l’acrostiche JEAN P., qui pourrait être la signature de l’auteur. On m’objectera que l’orthographe de ce nom était Jehan ; mais au XVIe siècle, on écrivait parfois Jean, ou même Jan. Dans le Badin qui se loue, Janot jure par « saint Jean ». 262 Tel s’imagine. L’accumulation d’idées reçues commençant par « tel » est un des jeux favoris des Sots : voir les vers 337-344 des Povres deables, ou les vers 59-66 des Sobres Sotz. 263 F : pour (Sans tarder.) 264 F : Quil (Qui meurt avant qu’elle ne soit finie.) 265 Habille, prépare. « On nous habille ung si beau disner. » (ATILF.) L’écriture en coq-à-l’âne est caractéristique des sotties. 266 F : qui (Puis le partage entre les autres.) 267 F : Que 268 F : il scaroit (Alors qu’il en serait bien incapable.) Cette sottie est composée de quatrains abba. 269 Être maître chez lui, et faire ce qu’il veut de sa femme. Voir la définition de Le Roux à la note 147. 270 Quon luy liure cy 271 La Mauvaistié des femmes a pour sujet un mari qui ne parviendra jamais à mettre une pie dans une cage parce que son épouse veut y mettre un cocu [un coucou]. « –Une pie vous nommerez !/ –Mais ung cocu ! » La sottie devait relater la scène de ménage en question. 272 Il s’adresse au public.