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LES MIRACULÉS
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LES MIRACULÉS
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Beaucoup de Mystères contiennent des farces intégrales ou des scènes de farces ; voir la notice des Tyrans. Le Mystère de sainte Barbe (dans sa version en cinq journées) ne fait pas exception à cette règle : là comme ailleurs, les mendiants infirmes sont des personnages comiques. Déplorant que leurs dieux païens ne puissent les guérir, ils vont se livrer à un test comparatif entre ces dieux et les saints chrétiens ; ils accorderont à ces derniers la préférence après avoir bénéficié de leurs miracles. Les deux pauvres du Mystère de saint Vincent se livrent aux mêmes calculs : « Ou Jupiter ou Jhésucrist / Il ne me chault que l’en aoure [qu’on adore], / Mais que point en vain ne laboure [pourvu que je ne me fatigue pas pour rien] / Et du meilleur tousjours je boyve. » Aussi, quand un chrétien leur fait la charité : « À boire et à menger avons ; / Jhésus bien aimer nous devons / Mieulx qu’Apolo ne que Mercure. »
L’auteur inconnu du Mystère est picard, mais le scribe qui nous a légué cet unique manuscrit ne l’est pas plus que ses prédécesseurs : tous ces copistes ont introduit des traits bretons, angevins, ou même savoyards. Pour ne pas surcharger de notes mon édition, j’ai sacrifié quelques particularités dialectales propres aux copistes.
Source : Liber beate Barbare. Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 976. J’utilise les folios 57 vº à 58 vº (1re journée), 181 vº à 184 rº (3ème journée), et 318 rº à 326 rº (5ème journée). Ce manuscrit étant en réfection jusqu’en 2025, il ne m’a pas été possible d’en obtenir une copie numérique.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 1 rondel double, 2 rondels « doublés en la fin », 4 triolets, 8 dizains ababbccdcd.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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STULTUS loquitur.1 SCÈNE I
Dieux [tous] puissans2, donnez-moy ou vendez
Ung peu de sens pour en garnir ma teste !
Je pouroys bien de vos dons amender3,
S’il vous plaisoit, à ceste grande feste4.
5 Je vis tousjours en deul et en moleste5 ;
En moy je n’ay ne sens, n’entendement ;
Je n’ay de vous [nul] bien quel6 d’une beste.
Ce coup7 aurez, mes dieux, présentement !
BRIFFAULT, demoniacus. Retrograde primo.8
[ Ce coup aurez, mes dieux, présentement !
10 Je n’ay de vous [nul] bien quel d’une beste.
En moy je n’ay ne sens, n’entendement.
Je vis tousjours en deul et en moleste.
S’il vous plaisoit, à ceste grande feste,
Je pouroys bien de vos dons amende[r].
15 Ung peu de sens pour en garnir ma teste,
Dieux [tous] puissans, donnez-moy ou vendez ! ]
………………………………….
MALIVERNÉ9, aveugle.
Nos dieulx, vous m’avez fait aveugle :
En moy, clarté est endormye.
Si jadis n’eusse fait du10 beugle
20 Et donné vent que je n’ay mye11,
Vostre grâce me fust amye.
Dire puis que je n’ay nul bien.
Vostre bonté m’est ennemye.
Mauldit soit qui vous donra12 rien !
MAUNOURY13, boyteux.
25 Jadis, vous me feistes bouéteux,
Mes dieux : ce fut bien [faulx14] vouloir.
Je suys pouvre, paillart15, gouteux ;
Je [n’ay] chevance ne avoir16.
Je vous faiz icy assavoir
30 Qu’à vous je suys bien pou17 tenu ;
Et pour ce, pour dire le voir18,
Rien n’aurez de mon revenu !
LINART19, sourt.
Mes dieux, vous m’avez asourdi :
Je n’ouay quelle une pier[r]e dure20.
35 Je me treuve tout alourdi.
Par vous, grant pouvreté j’endure.
J’eusse [mys] m’amour et ma cure21
En vous, si vous m’eussez donné
Ouÿe ; mais vous et Nature
40 M’avez pouvrement ordonné22.
Du tout23 m’avez abandonné
À meschef, yver et esté.
De moy, rien ne sera donné
En ceste grant solempnité !
CLICQUE-PATE24, pouvre.
45 Pour tant25 que pouvre j’ay esté
— Vivant en deul et en esmoy,
Mandïant en grant pouvreté —,
Les dieux, vous n’aurez rien de moy !
MALAISÉ26, pouvre.
Tousjours suys en meschant aroy27.
50 Je n’ay, de vous, chose qui vaille.
Les dieux, vous n’aurez (par ma foy)
De moy présent, denier ne maille28 !
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MALAISÉ, primus pauper29. SCÈNE II
Hélas ! est-il âme qui donne
Ung blanc30 aux pouvres créatures ?
55 Nous n’avons argent ne pastures ;
Tousjours pouvreté nous fouésonne31.
CLIQUE-PATE, secundus pauper.
Ta voix meschantement32 résonne :
Desclar[e]s hault33 nos adventures.
MALAISÉ 34
Hélas !! est-il âme qui donne
60 Ung blanc aux pouvres créatures ??
CLIQUE-PATE
Ha, dea ! ceste foiz-là est bonne,
Affin qu’on oye tes murmures.
MALAISÉ
Pour compter noz malaventures,
Husche hault35, car raison l’ordonne.
CLIQUE-PATE 36
65 Hélas !!! est-il âme qui donne
Ung blanc aux pouvres créatures ???
Nous n’avons argent ne pastures !!!
Pouvreté tousjours nous fouésonne !!!
MALAISÉ
Sang que Dieu fist ! Ha ! tu m’estonne(s)
70 Toute la cervelle, de braire !
Se tu estoys à Sainct-Lazaire37,
Si scez-tu bien ton parsonnaige38.
CLIQUE-PATE
Pour gripper fouéson de fourmaige39,
Force de bribes [ou de trippe]40,
75 Tu faiz la plus terrible lippe41
Qu’oncques vy faire à compaignons
De ce mestier.
MALAISÉ
Et pour quignons
À fouéson atrapper de pain42,
Tu as le cry le plus haultain43
80 Que j’ouÿ [oncques. En ton]44 presche,
Tu as une voix si griesche45
Et si farouche que c’est raige !
Par ma Loy46 ! ce fut grant dommaige
Que tu ne fuz presbtre ou doyen47.
CLIQUE-PATE
85 Pourquoy ?
MALAISÉ
Tu as ung beau moyen.
CLIQUE-PATE
De quoy, « moyen » ? De quérir pain ?
MALAISÉ
Mais moyen de mourir de fain !
Nous avons beau commencement48.
CLIQUE-PATE
Je ne voullisse49 seullement
90 Qu’autant d’escuz qu’on en mectroit
Dedans les sacz que l’on coustroit50
Des agu[i]lles qui bien poinroient51,
En ceste place.
MALAISÉ
Que feroient
Les bélistrïens52 compaignons
95 [De tant d’escus]53 ? Nous ne tendrions
Compte de menue monnoye.
CLIQUE-PATE
Lessez54 la grosse aller sa voye :
El ne nous est pas si tost55 preste.
……………………………….
MALAISÉ
Nous n’avons pain, vin ne pitance :
100 C’est bien cause de lamenter.
CLIQUE-PATE
Héé dieux ! vez cy56 piteuse chance.
Nous n’avons vin, pain ne pitance,
Potaige, lait n(e) aultre substance
Pour nous nourir et substanter.
MALAISÉ
105 Aucun57 nous v[u]eille présenter
Or, argent ou aultre chevance !
Nous n’avons pain, vin ne pitance.
CLIQUE-PATE
C’est bien cause de lamenter.
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BARBARA 58 SCÈNE III
…………………………..
Je vous donne ces pièces d’or ;
110 Elles viennent du grant trésor
Du Roy : vous en serez tous riches.
MALAISÉ
On ne nous donne point telz miches59
Ailleurs. Nous vous mercïons, Dame !
CLIQUE-PATE
Chez ces usuriers qui sont riches,
115 Dont ce leur est honte et diffame, 60
On ne nous donne point telz miches.
Cecy vault myeulx que poilz de bisches
Ou de cerfs.
BARBARA
Usez-en sans blasme !
MALAISÉ
On ne nous donne point telz miches
120 Aillieurs.
CLIQUE-PATE
Nous vous mercïons, Dame !61
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MALAISÉ SCÈNE IV
Qu’en ferons-nous ?
CLIQUE-PATE
Villain infâme,
Parle bas, qu’on ne nous escoute !
Allons [deviser sur le coute]62
Tout à coup, et crocquer la « pie63 ».
125 Et quand la « pie » sera juchie64,
Le demourant aura conseil65.
MALAISÉ
Tu diz bien. Pour ce, je conseil’
Que nous en aillons (à brief mot)
Boire du meilleur vin ung pot
130 Mainctenant, à sang rapaisé.
CLIQUE-PATE
Chemine davant, Malaisé !
Je te suyvré tantost à haste.
MALAISÉ
Mais où yrons-nous, Clique-pate,
Despendre deux onces d’or fin ?
CLIQUE-PATE
135 Nous en yrons chez ,
,66 et burons du meilleur.
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MALIVERNÉ, cecus67. SCÈNE V
Hélas ! Je suys en grant destresse
Et en engouesseuse tristesse
De touz les langoreux congneue68,
140 Car j’ay perdu toute ma veue ;
Et oncques, de moy, ne fut veue
Quelque clarté.
En ténèbres suys si69 arté
Que je ne sçay, par loyauté70,
145 Que c’est lumière71.
J’ay perdu par ceste misère,
Par ceste pugnicïon fi[è]re72,
Joye mondaine.
Las ! ung crapault et une irraigne73
150 Ont74 une grant joye certaine
Dont suys privé :
Car ilz voyent bien, en leur privé,
Où chascun d’eulx est arivé.
Pour eulx conduire,
155 Ilz voyent trèsbien le soleil75 luire
De jour, et la lune reluyre
Durant la nuyt.
Je me complains et faiz ung bruit76
De Nature, qui moult me nuyst
160 Et contrarie :
Car [à] mainte beste garnye
De sens, el(le) donne et aparie
Veue plaisant.
Mais el a esté reffusant
165 Me donner veue suffisant :
Je la pers toute.
Bien pouvre est-il, qui ne voit goute.
Je saveure bien peu et gouste77
Des biens du monde.
170 Le sens de veue — où je me fonde
Selon raisonnable faconde
Et78 véritable —
[Est] nommé le plus délectable,
Plus plaisant ou plus prouffitable
175 Par sa noblesse.
MAULNOURY, claudus79.
Hélas ! Or suys-ge en grant féblesse
Et moult débille80 :
Moy qui deusse avoir corps abille81,
Fort et puissant,
180 Suys contrefaict et impuissant,
Tort [et] bouesteux82.
Je suys de santé souffreteux,
Et de support83.
Nature, [tu] me faiz grant tort
185 En cest endroit.
À quoy tient que je ne voys84 droit ?
Comme ung estrange85,
Droit naturel de moy s’estrange86.
Et, vertueulx,
190 Je suys ung suppost monstrueux
Et deffectif87 ;
Je suys ung suppost illusif88
De touz mocqué :
Je suys de touz foulx abrocqué89
195 Par mocquerie.
Nature tout ainsi me lie.
Corps imparfaict,
Il semble que j’ay esté fait
En grant despit
200 D’aulcun90 des dieux, lequel me fist,
Dont suys dolant.
Las ! si j(e) alasse à mon tallant91
Où je voulsisse,
Je gaignasse par mon service
205 Ma vie humaine.
Mais à grant-paine je me traîne
Sur le careau.
Ung cheval, ung beuf, ung toreau
Est bien eureux
210 En ce cas, et moy malheureux,
Qui ne me bouge.
Hélas ! ung oiseau grix ou rouge
Peult bien voller,
Mais je ne puis ung pas aller
215 Ne pas ne cours92.
LINART, surdus93.
Las ! Jamais je ne me res[c]ours94.
Je suys nommé ung [des] très lours95
De ce monde, aussi des [plus] sours
Et inutille.
220 Je suys plus sourt q’un pot à huille96.
Ès champs, en chasteau ne en ville,
Il n’est — pierre, ne boys, ne tuylle —
Chose plus sourde
Que moy. J’ay la teste si lourde,
225 [L’oreille tant forte]97 et tant gourde !
S’on me dit quelque mal ou bourde,
Je n’entens note.
Quelque parolle qu’on me note98,
[Rien n’entens, que chascun le note.]99
230 Je ne sçay, pour prendre ma note,
Riens que respondre100.
On me peult mauldire ou confondre,
Parler ou de fiens ou de pondre101,
Sermonner de brebiz à tondre
235 Sans quelque entente.
Je dy que ma vïe patente102
Est [la] plus mauldicte, impotente,
La plus meschant, la plus dolante
Qui soit, ce croy,
240 [De quoy je suys en grant esmoy.]103
Bien voy ceulx qui parlent à moy :
Respondre ne sçay cy ne quoy104
À leur[s] propos105.
S’on parle bas, je respons gros106 ;
245 S’on me dit « pain », je respons « pos107 » ;
S’on dit « Bonjour ! » : « [À quel propos]108 ? »
Ou s’on se taist,
Rien ne sçay, dont il me desplaist.
Si, v[u]eil donc conclure, d’effaict109,
250 Que je suys le plus imparfaict
Qui soit en vie.
MALIVERNÉ
La[s] ! voycy pouvre compaignie :
Aveugles, bouéteux, aussi sours,
Et gens de misérable vie.
MALNOURY
255 Las ! voycy pouvre compaignie.
Nature n’est pas nostre amye,
Qui nous a faiz touz ainsi lours.
LINART
Las ! voycy pouvre compaignie :
Aveugles, boyteux, aussi sours.
MALIVERNÉ
260 Nature : en nous, mal tu resours110 ;
Tes manières nous111 sont amères.
Pourquoy du ventre de noz mères
Veinmes-nous ainsi mal aiséz112 ?
MALNOURI
En113 nous, n’a aucuns bienaiséz
265 Qui n’ai[e]nt de bien excepcïon.
LINART
Il fault114 une perfection
À chascun de nous, dont c’est perte.
MALIVERNÉ
Malnoury, par demande aperte115,
Araisonnons ung peu ce sourt.
270 Comment va Linart ?
LINART
Dont il sourt116 ?
Il sourt d’une doulce fontaine
Qui est assise en une plaine,
Ainsi comme j’ay ouÿ dire.
MALNOURY
Do[i]nt bon jour117 !
LINART
S’il porte navire ?
275 Ouy, .III. ou .IIII. [queues à queues]118.
MALIVERNÉ
De quel boys ?
LINART
Il y a troys l[i]eues,
Mais on dit que l’une est petite.
MALNOURI
À quel propos119 ?
LINART
De pierre cuite120
Jusques dedans Paris n’a mye.
MALIVERNÉ
280 Beau sire, avez-vous point d’amye
Par amour ?
LINART
A ! je lay prestée
Au curé.
MALNOURI
Quoy ?
LINART
Quoy ? Mon espée,
Qui est du temps du roy Basac121.
MALIVERNÉ
Où fut-elle faicte ?
LINART
En ung sac
285 Qui tenoit bien quatre septiers :
J’e[n] apporte bien deux milliers
En mon coul, [sur ma fleur de]122 lis.
MALNOURY
De quoy ?
LINART
De quoy ?
MALIVERNÉ
C’est ung palis123
Entre son oreille et la nostre.
290 Où est la [chose, qui fut vostre]124,
De quoy nous parlasmes le plus ?
LINART
Comment ?
MALNOURI
Comment ?
LINART
Il n’en vient plus
Passé davant la Chandeleur125.
Ilz prennent l’autr[u]y et le leur126.
295 La ribaudaille ! Je m’en plains.
Hé ! pardieu, ilz seront restrains127
Et j’en seray ung jour vengé !
MALIVERNÉ
Par ma Loy, c’est bien vendengé128 !
Mais il n’y a ne fons, ne rive129.
LINART
300 Quand ? Dea ! quand on fait la lessive :
Lors est ma braye bien lavée.
A la crapaudaille soit130 noyée !
À la laver use mes131 doiz.
MALNOURY
Il lave cy en quoquardoys132
305 Aussi bien qu’oncques laver vy.
LINART
Il n’en seroit pas assovy
Pour une escullée de mattes133.
MALIVERNÉ
Qui, Linart ?
LINART
Le prince de Nates134.
MALNOURY
Voycy bon temps pour exploicter135.
LINART
310 Demandez-vous s’il est natier136 ?
MALIVERNÉ
On n’en aura mèshuy le bout137.
LINART
Esse de noéz138 ou tout le brout
Que vous parlez ? Ou d’escaillées139 ?
MALNOURY
Vous luy avez belles baillées140 !
315 Vous en respondez comme saige.
Adieu, Linart !
LINART
[Myeulx] ? Et ! que sai-ge :
Selon que la brunète141 est fine.
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MALIVERNÉ SCÈNE VI
Laissons-le cy, car il devine142.
C’est cy une v[i]eille vïelle143.
320 Il a trop longue kyrïelle144 :
On n’en auroit le bout145 en piesse.
MALNOURI
Nous avons esté longue pièce146
En captivité très patente147.
Nous avons nature impotente,
325 De quoy point nous ne nous louons.
D’autre part, garir ne povons148
Par noz dieux : car je sçay, de voir149,
Qu’ilz n’ont mye tout le povair150
De garir noz débilitéz151.
330 Maintes foys les ay incitéz
Par152 prièr[e] qu’ilz me garissent ;
Mais chascun coup, ilz m’escondissent153.
Ilz ne m’ont en rien avancé.
Sy [ay-je] en moy-mesme pencé
335 Que maint beau fait et maint miracle
Se font ou154 petit habitacle
Où le corps de Barbe repose.
Et, partant, du tout je propose
D’y aller expérimenter155.
340 S’elle fait mon mal absenter
Et qu’elle me garisse nect,
Je suys déterminé et prest
De prendre la Loy qu’el avoit156.
MALIVERNÉ
Tu as trèsbien dit : car on voit
345 Que plusieurs y ont recouvré
Santé. Ce seroit bien ouvré157
S’elle nous garissoit tous deux.
MALNOURY
Allons-y !
MALIVERNÉ
Allons, je le veulx !
On [ne] peult perdre à essayer.
MALNOURY
350 Il ne fault pas hault abaier158,
Affin que les gens ne nous oyent :
Car si les Païens advisoi[e]nt
Nostre bonne dévocion,
Seroit nostre destruction.
355 Aller tout cayement159 il nous fault.
MALIVERNÉ
Chascun quiert santé, quant luy fault160 ;
Aussi [sont mes deux yeulx]161 perduz.
Prendre aymerays myeulx les vertuz162
Ou d’un homme ou d’une femme
360 Je le vous jure sur mon âme
Que d’estre aveugle tousjours.
MALNOURI
Âme163
N’en saura rien, car nul n’aborde
Où elle est164.
MALIVERNÉ
Tien donc ceste corde165
Et me maine à sa sépulture !
MALNOURI
365 Or y allons, à l’aventure !
Quant est à moy, j’ay grant fiance
Que nous y aurons recouvrance
De santé et de vallitude166.
MALIVERNÉ
Nous sauron bien la plénitude
370 Du povair que son dieu luy donne.
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SANCTUS VALENTINUS 167 SCÈNE VII
Je voy venir mainte personne
Débille168, impotent[e] et mallade.
Au sainct sépulcre doulx et sade169
De Barbe, que chascun reluyse !
375 Dieu v[u]eille que chascun y puisse
Recouvrer santé endroit soy170,
Pour l’acroissement de la Foy
Et pour le salut des loyaulx171 !
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MALNOURY SCÈNE VIII
Je sens bien alléger mes maulx
380 Pource que le lieu aprouchons.
Je vous pry que nous avancyons :
Si sera le labour finé172.
Maliverné intret in habitaculo
sepulcri, et Malnoury cum eo.173
MALIVERNÉ
Vray174 Dieu, je suis enluminé !
MALNOURY
Et moy, je ne suis plus bouéteux !
MALIVERNÉ
385 Ton povair est cy désigné,
Vray Dieu : je suys enluminé !
MALNOURI
Ce lieu dévot est assigné
Pour garir malades piteux.
MALIVERNÉ
Vray Dieu, je suis enluminé !
MALNOURY
390 Et moy, je ne suys plus bouéteux !
MALIVERNÉ
Voycy ung lieu délicïeux
De très mervoilleuse influence ;
Il rend les désoléz joyeux,
Tant a de vertuz affluence175.
395 Voycy une grant apparence
Pour [en] conclure évidenment
Que le corps qui segrètement
Repose en ce tugurïon176
Est de divin exaulcement
400 Et digne [d’]aprobacion.
Dicat genibus flexis : 177
Ô Barbe, en dignité promeue :
Humblement je te remercye
Que tu m’as ma veue rendue,
Qui davant178 estoit obscursie.
405 M’âme est joyeuse et esclarsie179
Par celuy miracle divin.
Pour tant, d’humble cueur et inclin180,
Je mect[z] ma foy en adhérence181
À Jésus Crist, ton dieu bénin182 :
410 Tousjours luy feray révérence.
MALNOURI
Voycy eupvre183 miraculeuse,
Sans charme184, sans enchantement ;
Ce n’est pas eupvre frauduleuse,
Ne faicte sophisticquement185
415 [Par des deables, malignement,]
Car deables n’ont point lieu ycy.
Nous sommes186 tous sains (Dieu mercy !)
Par la seulle intercessïon
De Barbe, dont le corps transsi
420 Repose en ceste mansion187.
Dicat genibus flexis :
Ô digne lieu sainct et dévot,
Plain de grâce c[é]lestïelle
Qui es[t] cy mys[e] en ung dépost :
Je t(e) honnore pour l’amour d’elle,
425 Dont le digne corps sans mamelle188
Repose189 en toy honnestement.
Ce puisse estre à l’acroissement
De la foy que Barbe tenoit :
Car, de cueur et de pencement190,
430 Je croy en Dieu qu’elle croyoit.
Pour tant, je me vueil occupper
À la servir de bon endroit.
Je puis saillir, coure, trocter191,
Reculler et aller tout droit.
435 Celuy est foul qui ne vouldroit
Croire en une vierge si saincte.
[Je ne faiz plus regret ne plaincte,]192
Car de santé certain je suys.
Toute personne forte actaincte193
440 Est garie en entrant à l’uys194.
Exeant locum sepulcri.195
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LINART SCÈNE IX
Ha, a ! Que c’est là ? Oncque, puis
Que Dieu m’estouppa les oreilles196,
Je ne vy aussi grans merveilles,
Et si, ne fuz si esbahiz.
445 Ces deux hommes-là sont gariz
En mains qu’on ne pourroit toussir197.
Ilz n’ont fait qu’entrer et yssir
En celle petite maison,
Et ilz sont sains comme ung poisson.
450 Ne sçay s’il y a là ung mire198
Qui les gens garist et remire199
D’erbe, de racine ou d’escorce.
Ou se c’est par la trèsgrant force
Et200 vertu du lieu ? J’en faiz doubte.
455 Maliverné ne véoit201 goutte,
Et il voit myeulx que moy beaucop202.
Et puis Malnouri, qui fut clop203,
Qui ne povait avant aller,
Peult saillir, triper204 et baller,
460 Et courir sans mal endurer.
Il me convient adventurer
[Et] aussi bien qu’eulx y entrer,
Pour veoir se pouray rencontrer205
Ma santé et me resjouyr,
465 Et ma sourdesse évacuer206.
Je croy que j’auré beau huer207 !
Au mains, je sçauray qu’on dira208.
Et quand Briffault209 me mauldira,
Luy210 dira[y] « bon jour ! » ou « bon vespre ! ».
470 Je m’y envoys ains qu’il211 avespre,
En espérance de garir.
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MALIVERNÉ SCÈNE X
Malnoury, voy-tu acourir
Ce sourdault212 à ceste logecte,
Com nous avons fait ?
MALNOURY
Or [m’en] guecte213 :
475 Je cuyde que garir poura.
Esprouvons un pou s’il orra214
Comme il [n’]a fait puis215 qu’il fut né.
Intret Linart locum sepulcri.
MALIVERNÉ
Linart !
LINART. [Intrent Maliverné et Malnoury]
in habitaculo sepulcri.
Qu’esse, Maliverné ?
MALIVERNÉ
Fièbvre au cueur216, beaussire ?
LINART
Or, prenez
480 Qu(e) ainsi soit217 : qu’en est-il ?
MALNOURI
Tenez !
Entent-il bien, le chambellan ? 218
Linart !
LINART
Hau !
MALNOURI
Empoigne mal an219 !
LINART
Baisse-toy et le pran [delà220] !
Qu’est-ce cy, seigneurs ? Comment, dea !
485 Je suys hors de périlleuse voye.
Cuydez-vous que tousjours je n’oye
Aussi bien que vous ? Si faiz, voir221 !
Certes je vous [faiz] assavoir
Qu’aussitost que j’euz mes deux piéz
490 Cy-dedans, j’ouÿ tout sus piéz222
Aussi bien ou myeulx comme vous.
La mercy du hault Dieu trèsdoulx
Que Barbe servoit, et la sienne !
La gloire, pourtant, n’est pas myenne223 :
495 C’est à Dieu et à la dévote
Saincte Barbe (que je dénote
Estre fort224 prévileigiée
Ou Ciel, où el est cituée).
Il n’est homme si langoureux,
500 Si maladif, si douloureux,
Si vil et inhumain pécheur,
S’i la requiert de dévot cueur,
Que tantost el ne le sequeure225.
MALIVERNÉ
En petit d’heure, Dieu labeure226 :
505 On le voit par expérience.
MALNOURI
Ce dit227 est vray, je vous asseure :
En petit d’heure, Dieu labeure.
Nous sommes gariz sans demeure228,
Sans phisicque229 ou aultre science.
LINART
510 En petit d’heure, Dieu labeure :
On le voit par expérience.
Pource, en tant que j’ay audience,
Je regraciré Dieu mil230 foiz.
Dicat Linart, genibuz flexis :
Ô Jésus, qui sceiz et congnoys
515 Les cueurs des humains au parfond231 ;
Qui d’un seul regart sceiz et voiz
Les choses qui furent et sont,
Et qui ou temps futur seront.
Tu voiz et congnoys mon désir :
520 Je n’apète riens, ne232 désir’,
Sinon toy servir et amer233.
Ne me laisse jamais gésir
En la Loy qu’on doit diffamer234 !
Tu m’as gary soudainement
525 Et as mes oreilles ouvertes,
Dont je te mercy haultement,
Car davant, el(le)s furent couvertes :
Tu as les tayes descouvertes 235
Empeschans mon audicion.
530 Tout [as fait]236 sans succession,
Qui est eupvre dessus Nature237.
Nulz homs sans disposicïon238
Ne sçauroi[e]nt faire telle cure.
Vierge martire et saincte dame,
535 Entre les sainctes honnorée,
Je [me commande]239 corps et âme
En ta main tant qu’auré durée240.
Vierge de vices espurée,
V[u]eilles que si bien je te serve
540 Qu’en fin de mes jours je déserve241
Estre avec toy ès Cieulx logié !
Et mon esprit tousjours préserve,
Qu’i ne soit en Enfer plongé !
Exea[n]t sepulcrum.
MALIVERNÉ
Allons quérir cest enraigé
545 Briffault, qui est démonïacle242 ;
Amenons-l(e) en cest habitacle
Par charité et par aulmosne,
Affin que la pouvre personne
Y puisse recouvrer santé.
MALNOURY
550 S’i nous avoit ung peu heurté
De ses fers243, par acord, nous troys,
Il nous vauldroit myeulx tenir coys :
[Car] nous n’en aurions aultre chose244.
LINART
Allons hardiment ! Je suppose
555 Que le lieu245 luy prouffitera
Sitost qu’en [luy] habitera
[Dessuz l’autel]246 et couverture.
MALIVERNÉ
Il n’a riens, qui ne s’aventure247 ;
Et s’aucun ne s’aventuroit
560 Pour luy, tousjours ainsi seroit
Sans recouvrer ce qu’il luy fault.
Allons hardiement !
.
MALNOURY SCÈNE XI
Çzà, Briffault !
Nous te mainerons par le braz
Au sainct lieu.
BRIFFAULT, demoniacus.
Tien-toy coy248 ! Feras,
565 Traistre laron, filz de putain ?
LINART
Tantost, santé recouv[r]eras
Au sainct lieu.
BRIFFAULT
Tien-toy coy ! Feras ?
Si tu aproches, tu auras
Ung coup de mes fers sur le groing249 !
MALIVERNÉ
570 Ha[y] avant, hay250 ! C’est à demain ?
Vous viendrez sans plus de fatras
Au sainct lieu !
BRIFFAULT
Tien-toy coy ! Feras,
Traistre laron, filz de putain ?
Va-t’en voir messire Jourdain251,
575 Qui avec ta femme est couché ;
Ne sçay s’il y aura « loché252 ».
Bêê, bêê ! Va, jennin253 que tu es !
Hélas, hélas ! tu as beau nés254.
Où allez-vous, nostre beau maistre ? 255
580 Par ma foy, on te fait bien paistre !
Mais au fort, tu en as le brout256.
Vien çzà, mon cousin ! Par quel bout
Se desnoue le neu257 d’amours ?
Alarme, alarme ! Tost, secours !
585 Je voy les deables cy venir.
MALNOURI
A ! il commence [de venir]258
Et entrer en sa frénaisie.
BRIFFAULT
Si j’ay plus de ma fantaisie259,
Va y voir, je le te conseille !
Cantet : 260
590 Viendras-tu à la veille261,
Jennin, Jennot,
Marguin, Margot ?
Viendras-tu à la veille
Sus l’escarbot 262 ?
595 Dieu dit que [je] l’esveille
Huy assez tost
Sans dire mot.
Viendras-tu à la veille,
Jennin, Jennot,
600 Marguin, Margot ?
Dieu poira263 la chande[i]lle
Et tout l’escot.
Ce dit Perrot :
[Là boirons]264 soubz la treille
605 Chascun son pot.
Viendras-tu à la veille,
Jennin, Jennot,
Marguin, Margot ?
Viendras-tu à la veille
610 Sur l’escarbot ?
.
Qu’en dictes-vous, maistre Mignot ? 265
C’est bien chanté, n’est mye ? N’es[t-]ce ?
Ton père chante la grant-messe,
Au dimenche, en nostre parroche266.
MALIVERNÉ
615 Pren delà ! Vien, Linart, aproche !
Empongne-le par le267 braz destre,
Et puys moy par le braz sénestre.
Et Malnoury nous conduyra.
BRIFFAULT
Haro268 ! Las ! Et ! on me prendra !
620 Au meurtre, bonnes gens ! À l’aïde269 !
MALNOURY
Vous y serez mené sans bride.
Avant que vous mangez de pain,
Vous y vendrez270, paillart villain,
Hastivement, de chaulde trace271 !
Pausa. Ducant eum in habitaculo sepulcri, et
sanetur272. Et postea, dicat genibus flexis :
BRIFFAULT
625 Ha ! trèsdoulx Dieu, voycy grant grâce.
Mes fers me sont chuz hors des mains.
Mirez-vous273 icy, cueurs humains,
En ces miracles apparens274 !
J’estoye, a[u] matin, hors du sens,
630 Démonïacle, enraigé, foul ;
Pendu me fusse par le coul,
S’on ne m’e[n] eust trèsbien gardé.
Mais Jésus Crist m’a regardé
De son œil de quoy il regarde
635 Barbe, son espouse, qu’il garde
De vice et de toute macule275.
En moy, n’avoye raison nulle,
Intelligence qu’en servaige.
J(e) avoye lors perdu l’usaige
640 De mon petit entendement
Et de raison totallement,
De mémoire et de voulenté.
Car le deable avoit supplanté
Mon âme, qu’il avoit liée.
645 Mais à présent, est desliée
Par la puissance et aliance
De Jésus, en qui j’ay fiance,
Moyennant276 Barbe la très digne.
Le deable est277, par elle, en ruÿne,
650 Qui si longuement m’a tenu.
Parquoy, humblement, le chef nu278,
Dieu et Barbe je remercy,
Et vous, mes bons amys279, aussi,
Qui avez esté le motif
655 De faire garir ce chétif.
Si, vous prie que me pardonnez
Les coups que je vous ay donnéz,
Les mesfaiz, aussi les mesdiz
Que je vous [ay] ou faiz ou diz,
660 Pour Dieu et pour tous se[s] saincts noms.
LINART
Amy, nous le te pardonnons,
Et Dieu aussi le te pardonne.
*
1 Le Fou parle. C’est le seul endroit du Mystère où le texte de ce personnage est noté. Ailleurs, on nous dit qu’il parle, mais nous ignorons ce qu’il raconte. Certains médiévistes croient qu’il improvisait en vers, ce qui est impossible, ou en prose, ce qui est improbable. Il devait emprunter des monologues de fous à d’autres Mystères, ou à des sotties, ou à des monologues dramatiques. 2 On lit, quelques vers plus tôt : « Dieux tous puissans résidans sur les cyeulx. » 3 Ms : amendez (La rime est juste, mais le sens est faux. L’auteur fait mal la différence entre les infinitifs et les participes passés ; je corrigerai tacitement ces dévergondages grammaticaux.) Je pourrais bien m’améliorer. 4 On célèbre au temple « la feste de l’immortel/ Jupiter, qui est aujourd’huy ». 5 En douleur et en désagrément. 6 Pas plus que. Cette curieuse tournure, qu’on retrouve au vers 34 et encore quatre fois dans ce Mystère, est examinée par Mario LONGTIN : Édition critique de la cinquième journée du Mystère de sainte Barbe en cinq journées. (University of Edinburgh, 2001, p. 99.) C’est Longtin qui a intitulé « farce des miraculés » la comédie que je publie aux vers 137-662. 7 Au lieu de déposer des présents devant la statue de Jupiter, le fou la gifle. 8 Briffaut [gourmand] est un démoniaque possédé par le diable. Il récite en sens rétrograde le couplet qui précède, à partir du dernier vers. Dans cet épisode et dans la 5ème journée, beaucoup d’autres acteurs se livrent à ce jeu de rhétoriciens : le copiste met le couplet normal dans la bouche d’un personnage, puis, sans le récrire, il note que tel autre personnage doit le rétrograder. 9 Mal hiverné, mal ravitaillé pour passer l’hiver. Comme toujours, le nom des mendiants est taillé sur mesure. 10 Ms : ung (Si je n’avais pas fait l’imbécile, vous ne m’auriez pas rendu aveugle. « Tu es fol,/ Bien lourdault, bien badin, bien beugle,/ D’ainsy me cuyder faire aveugle. » Le Monde qu’on faict paistre.) 11 Et promis ce que je n’ai pas. 12 Ms : dira (Celui qui vous donnera quelque chose. Notre Mystère emploie souvent cette contraction picarde : « Que Dieu nous donra le povair [pouvoir]. ») 13 Mal nourri. Il marche avec des béquilles. 14 Une mauvaise action. « Et leur faulx vouloir multiplient. » Jeu du Prince des Sotz. 15 Je couche sur la paille. Cf. les Bélistres, vers 57. 16 Ni fortune, ni richesse. 17 Peu. Idem vers 476. Voir L.-F. DAIRE, Dictionnaire picard, gaulois et françois. 18 Le vrai, la vérité. Idem vers 327 et 487. 19 Prénom picard. Voir René DEBRIE, Glossaire du moyen picard. 20 Je n’ois [n’entends] pas plus qu’une pierre dure. Voir la note 6. 21 Mon amour et mon soin. 22 Agencé, pourvu. 23 Totalement. Idem vers 338. 24 Jambe de bois. Ce mendiant est un faux infirme. 25 Pour la raison. Idem vers 407 et 431. 26 Qui ne vit pas dans l’aisance ; voir le vers 263. « Malaisé de biens. » Godefroy. 27 En mauvais état. 28 Ni un présent, ni un denier, ni une piécette. 29 Premier pauvre. Voici un dialogue entre les mendiants professionnels Clique-patte et Mal-aisé. Allergiques au travail, ils laissent croire à sainte Barbe qu’ils sont chrétiens pour obtenir d’elle une aumône, qu’ils iront boire à la taverne, comme les deux bonimenteurs du Mystère des trois Doms après qu’ils ont apitoyé trois saints. 30 Une pièce de 5 deniers. 31 Ms : fouessonne (Je corrige aussi les vers 68 et 73, d’après le vers 78.) Nous avons à foison. « Souspeçon tousjours me foisonne. » ATILF. 32 Médiocrement, faiblement. 33 Plus haut, en parlant plus fort, afin que d’éventuels donateurs entendent tes plaintes. 34 En hurlant. 35 Appelle le public avec force. « Hucher » est picard : voir Debrie. 36 En hurlant plus fort que son camarade. 37 Quand bien même tu serais hébergé à Saint-Lazare. On nommait ainsi les lazarets, les léproseries. Leurs pensionnaires, qui n’étaient pas nourris, sortaient pour mendier ; ils faisaient alors beaucoup de bruit en criant et en agitant leurs cliquettes [castagnettes]. 38 Tu sais bien ton rôle. 39 Pour attraper foison [quantité] de fromages. On rencontre la métathèse « fourmage » en Picardie : voir Debrie. 40 Ms : je les grippe (Les mendiants cherchent toujours à se procurer des tripes : voir l’Aveugle, son Varlet et une Tripière, ou la Trippière <F 52>.) 41 Moue, grimace de douleur. Les faux malades qui mendient ont un sens du mime très développé. « Regarde comme il fait la lipe :/ Il lui fault un morssel de tripe. » Le Martyre S. Estiene. 42 Pour resquiller à foison des croûtons de pain. 43 Haut, sonore. 44 Ms : onc que on me 45 Si dure. 46 Par ma religion. Idem vers 298, 343 et 523. 47 Prêtre, ou responsable d’une communauté ecclésiastique : ces deux professions exigent une voix de stentor. 48 Nous avons bien commencé (à mourir de faim). 49 Je ne voulusse, je ne voudrais. La forme picarde correcte est voulsisse, comme au vers 203. 50 Qu’on coudrait avec. 51 Ms : ponroint (Piqueraient : conditionnel picard de « poindre ».) Les vers 92-95 sont très abîmés ; je ne garantis pas mes corrections. 52 Ms : palestiens (Mot inconnu.) Bélîtrien = bélître, mendiant. « Et ces méseaulx [lépreux], bélistriens,/ Taingneux. » Les Sotz fourréz de malice. 53 Ms : Quel de fieus (Tendrions : forme picarde de tiendrions. « Quant entre mes bras la tendray [je la tiendrai]. » Les Trois amoureux de la croix.) 54 Ms : Lesser (Laissez la grossesse aller à son terme : laissez faire les choses.) 55 Ms : toust (Très souvent, le copiste note « ou » au lieu de « o » : toust, suppoust, chouse, propous, noustre, voustre, dépoust, etc. Je corrige tacitement cette graphie dialectale, qui n’est pas due au fatiste.) 56 Voyez ici : voici. 57 Que quelqu’un. 58 Sainte Barbe est le modèle de la nouvelle convertie intolérante et bornée, qui croit que vandaliser des œuvres d’art gréco-romaines est un acte de foi (en portugais : auto da fe). Profitant de ce qu’elle est la fille du roi*, elle vient de saccager — et de piller — le trésor royal. *Voir la Chanson en divers son, tirée du même Mystère. 59 De tels dons. 60 Ce n’est pas avec de bons sentiments qu’on fait de la bonne poésie : ce vers apocryphe dénature le triolet ABa(b)AabAB. 61 Sainte Barbe s’éloigne. 62 Ms : diuiser sur le coude (Discuter en étant accoudés à la table d’une taverne. « Deviser sur le coute, coste le [à côté du] vin. » ATILF.) La rime exige coute, que le Dictionnaire picard, gaulois et françois de Daire écrit « couste ». 63 Avaler du vin. Cf. Te rogamus audi nos, vers 64. 64 Ms : juchee (Rime picarde. « Quant la pye est juchie. » Ballade en jargon que Thierry Martin attribue au Picard Colin de Cayeux : VILLON, Ballades en argot homosexuel, Mille et une nuits, 1998, pp. 71-72.) 65 La somme restante fera l’objet d’un vif débat. 66 L’auteur a laissé des blancs pour qu’on puisse ajouter des noms de tavernes selon la ville où se joue le Mystère. Tant bien que mal, un copiste du XVIIIe siècle a résolu ces deux vers de la sorte : « Nous en irons chez Lambotin,/ À la Croix d’or, et burons du meilleur. » 67 Cæcus : aveugle. Voir les vers 17-24. Cet épisode est situé après la mort de sainte Barbe. 68 Connue de tous les malheureux. Idem vers 499. 69 Ms : cy (« Arté » est une syncope picarde : arrêté, figé. Voir Debrie.) 70 En vérité. 71 Ce qu’est la lumière. 72 Féroce. « Fier comme ung lyon. » Colin filz de Thévot. 73 Le crapaud et l’araignée sont les animaux les plus vils. « Yraigne » est picard : voir Debrie. 74 Ms : A (La suite est au pluriel.) 75 Ms : soulail 76 Une plainte au sujet. 77 Je savoure peu et je goûte peu. 78 Ms : Est (Selon l’opinion commune et vraie.) 79 Atteint de claudication, boiteux. Voir les vers 25-32. 80 Je suis très débile, faible. Idem vers 372. 81 Habile. 82 Tordu et boiteux. « Boué-teux » compte pour deux syllabes aux vers 25, 253 et 384. 83 De finances. 84 Que je ne vais pas. 85 Comme si j’étais un étranger. 86 S’éloigne. « Ce faisoit joie estrangier de moi. » ATILF. 87 Défectueux, frappé d’un défaut physique. 88 Illusoire. 89 Embroché, transpercé. Debrie donne abrocqui. 90 Par l’un. 91 Si je pouvais aller selon mon désir où je voulais. Cf. la Complainte d’ung gentilhomme, vers 14. 92 Ni au pas, ni à la course. « Et ne vont jamais les chevaulx, en icelluy pays, que le pas ou le cours. » ATILF. 93 Sourd. Vers 33-44. 94 Je ne me reconstitue, physiologiquement ou financièrement. « Pour me rescourre,/ Iray de bonne heure à la queste. » Les Bélistres. 95 Un des plus accablés. Idem vers 257. 96 Je suis sourd comme un pot. 97 Ms : Loraille tant sorte (« Oraille » est la graphie du copiste ; je la corrige encore au vers 442, qui rime en -eilles, et à 525.) J’ai l’oreille si dure et si engourdie. 98 Qu’on m’adresse. 99 Vers manquant. « Je vueil bien que chascun le note. » Jeu du Prince des Sotz. 100 Je ne sais pas sur quelle note je dois chanter les répons des Vigiles. Dans la Chanson en divers son, notre Mystère fait chanter les Vigiles à Lucifer, et leurs répons aux démons. « Chantez, mère, nous respondrons. » (Les Vigilles Triboullet.) L’auteur oublie que Linard est encore païen. 101 Ms : pouldre (Les références de Linard concernent la ferme : fumier, poules, moutons.) 102 Publique. Idem vers 323. 103 Au changement de folio, le copiste a sauté un vers. « J’en suis en grand esmoy. » Folconduit. 104 Ni ceci, ni cela. « Sans plus dire ne si, ne quoy. » Les Drois de la Porte Bodés. 105 Je rectifie les rimes du copiste : propoux, groux, ouy, propoux. Voir la note 55. 106 Avec une grosse voix. 107 Ms : ouy (Pots de vin. « Et tousjours du vin à plains pos. » Les Chambèrières et Débat.) 108 Ms : ad ce propoux (C’est à quel sujet ? Au vers 278, Mal-nourri pose cruellement cette question à Linard.) 109 En réalité. « Ce petit livre, attendu que, d’effait,/ Il est d’un gros et rude stille fait. » (Le Plaisant boutehors d’oysiveté.) Mario Longtin conserve « deffaict ». 110 Tu t’illustres mal. Verbe ressourdre. 111 Ms : nont 112 Sommes-nous venus au monde si mal lotis. 113 Parmi. 114 Il manque (verbe faillir). Idem vers 356 et 561. 115 En lui faisant des demandes pressantes. Nous arrivons au passage obligé : le dialogue de sourds. Voir la notice du Gouteux. 116 D’où ce fleuve tire sa source ? 117 Que Dieu te donne une bonne journée ! « Doint bon jour, ma dame ! » Les Sotz fourréz de malice. 118 Ms : bien breues (« Queuë à queuë : À la file, immédiatement l’un après l’autre…. Ces bateaux estoient queuë à queuë. » Dict. de l’Académie françoise.) 3 ou 4 navires l’un derrière l’autre. 119 C’est à quel sujet ? Voir la note 108. 120 Ms : forte (De brique. « Comment pierre cuite/ Fust faite et pollie, et enduite. » ATILF.) Là où on ne produisait pas de briques, on les faisait venir par transport fluvial. 121 Du sultan Bajazet Ier. « Plus vaillant que Basac. » (Mystère de Ste Barbe.) Voir Mario Longtin, p. 296. 122 Ms : par ma foy du (On imprimait une fleur de lis au fer rouge sur l’épaule des coupeurs de bourses.) Le bissac, porté sur le col, pend sur les deux épaules. 123 Il y a une palissade, un mur. Voir Debrie. 124 Ms : housse qui fut voustre (Le copiste remplace « chose » par « chousse » aux vers 517, 553, etc. La chose dont nous avons le plus parlé. « La chouse de quoy yl estoit le plus marry. » Ph. Duplessis-Mornay.) Mal-hiverné joue sur le double sens phallique du mot chose : « Dieu luy doinct chose qui se dresse ! » Frère Phillebert. 125 Après le 2 février, qui est une des dates de l’année où se payent les termes. 126 Les collecteurs d’impôts mélangent notre argent avec le leur. « Mectre l’aultruy avec le sien. » Le Temps-qui-court. 127 Limités dans leurs actions, ou limités en nombre. 128 Ms : destenge (En argot, vendanger = voler. « L’auroys-tu poinct bien vendengée ? » Le Retraict.) 129 Il n’y a aucune limite à leurs exactions. 130 Ms : sote (Ces crapauds sont les ribauds du vers 295.) 131 Ms : ses (J’use mes doigts à laver ma braie, ma culotte. Voir le vers suivant.) 132 Comme un fou. « En cocardois, comme fol et infâme. » ATILF. 133 Ms : macres (Avec une écuelle de lait caillé, nourriture préférée des fous. « Laquelle lui avoit préparé une bonne, belle et grande platelée [platée] de mattes. » Godefroy.) Escullée = écuellée, contenu d’une écuelle : le Gentil homme et son Page, vers 158. 134 De fesses. Plusieurs pochades carnavalesques nomment ce faux prince désargenté : le Privilège et l’auctorité d’avoir deux femmes, ou les Ordonnances & réformations composées par le grant prieur de Bondeculage & Serrefessier. (Contrairement à ce qu’on dit parfois, il est absent du Monologue des Sotz joyeulx.) Il tiendra un rôle dans le Jeu du Prince des Sotz. 135 Pour réussir. Daire donne esploictier. « Se je puis esploitier, il n’i revenront [reviendront] jamès à temps. » ATILF. 136 Si le prince de Nates est un fabricant de nattes. « Car oncques je ne vy natier/ Qui peust recouvrer grant chevance. » Bien advisé et Mal advisé. 137 On n’en verra pas le bout aujourd’hui. 138 De noix, dont l’enveloppe se nomme le brou : « De broust de noiz. » ATILF. 139 Ms : descaillez (De noix écalées, extraites de leur coque.) 140 Vous la lui avez baillée belle ! Cf. le Fossoieur et son Varlet, vers 30. 141 Sorte d’étoffe : « Drap de brunette. » (Le Ribault marié.) Mais c’est également une femme réputée pour sa finesse d’esprit : « Or pleust à Dieu qu’il fût ès mains/ De la brunète que tu scez ! » (La Pippée.) Mal-nourri et Mal-hiverné s’en vont. 142 Il vaticine comme un prophète, il dit n’importe quoi. 143 Rengaine : « –Il en fait plus grant kyrielle…/ –Quelz moutons ? C’est une vïelle ! » (Farce de Pathelin.) Ayons à l’esprit que Mal-hiverné porte en bandoulière la vielle sur laquelle tous les mendiants aveugles s’accompagnent quand ils chantent dans la rue. 144 Suite de phrases absurdes. 145 On n’en verrait jamais le bout. En pièce = avant longtemps. 146 Longuement. 147 Prisonniers de nos infirmités. 148 Nous ne pouvons guérir. « Garir » est picard : voir Debrie. 149 De vrai. Les Picards prononçaient « vair ». 150 Le pouvoir. Idem vers 370 et 385. 151 Nos infirmités. Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 215. 152 Ms : Et de 153 Les dieux m’éconduisent. Voir Jules CORBLET : Glossaire du patois picard ancien et moderne. 154 Au. Même forme picarde (voir Corblet) aux vers 498 et 518. L’habitacle est la « logette » (v. 473) ou la « petite maison » (v. 448) qui abrite le tombeau de sainte Barbe. 155 D’aller en faire l’expérience. 156 D’adopter la religion chrétienne. Les convictions religieuses de nos mendiants ne relèvent pas de la théologie mais du plus trivial intérêt personnel : ils vont au plus offrant. 157 Œuvré. 158 Aboyer : parler trop fort. Debrie donne abbayer. 159 Jeu de mots sur coiement [silencieusement : voir Daire] et sur cayement, ou caïmant, terme d’argot qui désigne un mendiant ; cf. Daru, vers 44 et note. 160 Quand elle lui fait défaut. 161 Ms : est mon corps (Le vers est trop court, et l’adjectif est au pluriel.) « Perdu j’ay les yeulx. » (Daru.) « As-tu perdu les deux yeux/ En jouant de ta vielle ? » Gaultier-Garguille. 162 La sainteté. 163 Aucun païen. « Âme n’y sçauroit contredire. » (Raoullet Ployart.) Ce mot étant relégué au début de la ligne, le copiste a cru que ce vers ne rimait pas ; il a donc rajouté l’inutile vers 360. 164 Nul ne va là où Barbe est inhumée. 165 La corde servait à guider les aveugles, tel celui d’Ung biau miracle : « Le Varlet, en baillant la corde : / Alons, donc ! Tenez bien la corde ! » 166 « État de celui qui est en bonne santé. » Daire, Dictionnaire picard, gaulois et françois. 167 Saint Valentin est le fondateur du tombeau miraculeux de Barbe. Il préfigure le curé vénal qui présente à un public payant la relique de sainte Caquette : « Si pourrons-nous, ce jour, acquerre/ Richesses, dons et grans offrendes :/ Car vécy le peuple à grans bendes. » 168 Débile, faible. Idem vers 177. Mario Longtin préfère lire « De ville ». 169 Agréable. 170 En ce qui le concerne. Cf. les Povres deables, vers 215. 171 Paradoxalement, les « loyaux » sont ici les apostats qui ont abjuré le paganisme. 172 Ainsi notre peine sera finie. 173 Que Mal-hiverné entre dans la loge du tombeau, et Mal-nourri avec lui. 174 Ms : Vroy (Je corrige la même lubie du copiste aux refrains 386 et 389, ainsi qu’au vers 506.) Enluminé = qui a recouvré la lumière, la vue : cf. l’Aveugle et Saudret, vers 59, 322, 325, 353. 175 Tant il a une grosse quantité de vertus. 176 Prononciation à la française du latin tugurium : cabane. « Léopaldus (…) se mussoit en ung petit tugurion. » Le Violier des histoires romaines. 177 Qu’il dise avec les genoux fléchis. 178 Qui auparavant. Idem vers 527. 179 Mon âme est joyeuse et éclaircie [éclairée]. 180 Pour cela, avec un cœur humble et incliné. 181 En adhésion. 182 Ms : benign (Bienveillant.) 183 Une œuvre. Idem vers 413 et 531. 184 Sans sortilège. 185 Ni faite dans l’intention de tromper. Le vers suivant est perdu. 186 Ms : suymes (C’est là, comme au vers 508, une variante bretonne de sommes due au copiste ; l’auteur écrit « sommes » à la rime. Voir Longtin, p. 94.) Jeu de mots sur « sains » et « saints ». 187 Dans cette demeure. 188 D’après la légende, le bourreau avait arraché les seins à Ste Barbe. 189 Ms : Respuse (Voir les vers 337, 398 et 420.) 190 De pensée. 191 Sauter, courir, trotter. 192 Vers manquant. « Luy faisant mes regrectz et plainctes. » Monsieur de Delà et monsieur de Deçà. 193 Gravement atteinte. 194 Par l’huis, la porte de la loge. 195 Qu’ils sortent du lieu du sépulcre. Au loin, Linard les voit sortir en bonne santé. 196 Jamais, depuis que Dieu me boucha les oreilles. 197 En moins de temps qu’il n’en faut pour tousser. « Mains » et « toussir » sont picards : voir Debrie. 198 Un médecin (voir Daire). Cf. le Brigant et le Vilain, vers 93. 199 Soigne avec un remire [remède]. 200 Ms : De (Transcription fautive de « & ». « Luy donnent force & vertu. » Pierre de L’Ostal.) 201 Ne voyait. 202 Ms : beaucoup (Voir Debrie.) Et maintenant, il y voit beaucoup mieux que moi. 203 Éclopé. 204 Ms : tromper (Sautiller. « Saulter, tripper, tumber, baler. » Sermon joyeux des quatre vens.) Baller = danser. 205 Avoir de la chance. Ignorant cette acception picarde, le copiste adjoint à ce mot un vers explicatif. 206 Faire disparaître ma surdité. 207 Crier, implorer. « Vous avez beau huer. » Les Trois amoureux de la croix. 208 Au moins, je saurai ce qu’on dira autour de moi. 209 Ms : Herfault (Briffaut, possédé par le démon, passe son temps à maudire tout le monde : voir les vers 565 et 577.) 210 Ms : On (Bon vêpre = bonsoir. Voir Corblet.) 211 Ms : que (J’y vais avant qu’il fasse nuit. Daire donne avesprir. Beaucoup de chansons de geste offrent la variante : « Ains qu’il soit avespré. ») 212 Ce sourdingue. Cf. le Gouteux, vers 25, 37 et 265. Le fatiste ne trouve pas anormal qu’un ancien aveugle reconnaisse Linard sans l’avoir jamais vu. 213 Je m’en méfie. « Point ne s’en guectent les gallans. » Les Coppieurs et Lardeurs. 214 Vérifions un peu s’il entendra (verbe ouïr). 215 Depuis. 216 Êtes-vous agité ? « Quand sa maistresse avoit la fièvre au cœur. » P. de l’Écluse. 217 Admettons qu’il en soit ainsi. 218 Sans doute un refrain de chanson. 219 Une année de malheur. Cette expression paraît désigner ici un étron. Les temps ont changé : de nos jours, marcher dedans porte bonheur. 220 Mot manquant. Prends-le pour toi ! Voir le vers 615 : « Pren delà ! » 221 J’entends aussi bien que vous, vraiment. 222 Je me mis à entendre sur le champ. « Tout sur piedz m’en feusse vengé. » Les Bélistres. 223 Ne m’en revient pas. 224 Ms : sort (Fort privilégiée : en bonne place auprès de Dieu.) 225 Ms : secoure (Même sens, mais les rimes sont en -eure. Voir Daire.) « Je prie Dieu qu’il me sequeure. » Le Gouteux. 226 En peu de temps, Dieu fait beaucoup de travail. Proverbe courant. 227 Ce dicton, ce proverbe. 228 Nous sommes guéris sans retard. 229 Sans médecine. Cf. le Médecin qui guarist, vers 22. 230 Ms : ma (Je rendrai grâce mille fois à Dieu. « L’en mercia à tot le mains/ Plus de mil foiz. » Rutebeuf.) 231 En profondeur. Voir Debrie. 232 Ms : de (Je ne souhaite ni ne désire rien. « Et voi bien que c’est ton désir/ De fère quanque [tout ce que] je désir’. » La Clef d’amors.) 233 T’aimer. 234 Dans la religion païenne. 235 Tu as retiré les taies qui couvraient mes tympans. Au sens propre, la taie [cataracte] recouvre les yeux. 236 Ms : atoy (Tu as tout fait sans perte de temps.) 237 Ce qui est une œuvre surnaturelle, un miracle. 238 Nul homme dépourvu d’un don divin. 239 Ms : recommande (Je me recommande. « À Dieu je me commande. » Les Povres deables.) 240 Tant que je vivrai. « Tant qu’aurons au monde durée. » Les Sotz triumphans. 241 Qu’à la fin de mes jours je mérite. « Tu seras payé/ Ainsi comme l’as desservy. » Jéninot qui fist un roy de son chat. 242 Possédé par le démon. Voir les vers 9-16. 243 Les fous dangereux portaient des espèces de menottes ; voir les vers 569 et 626. Par accord = ensemble : « Alon par acord veoir le bon/ Oudinet. » Le Gallant quy a faict le coup. 244 Ms : chousse (Car nous n’aurions rien d’autre de lui. « Car il n’en aura aultre chose. » Le Testament Pathelin.) 245 Le tombeau de Ste Barbe. 246 Ms : De soubz loustel (Une couverture est une pierre d’autel : « La couverture dudit grant autel, qui est moult grant et molt grosse, est la propre couverture du Saint Sépulcre. » ATILF.) 247 Celui qui ne prend pas de risques. Même proverbe dans Resjouy d’Amours. 248 Ms : quoy (Voir les refrains 567 et 572.) Tiens-toi tranquille ! Le feras-tu ? « Tais-toy ! Feras ? » Sermon joyeux de bien boire. 249 Ms : croing (Sur le groin, sur le museau. « Tu prendras cela sur ton groing ! » La Nourrisse et la Chambèrière.) 250 En avant ! « Hay avant, hay ! » (Cautelleux, Barat et le Villain.) C’est à demain = C’est pour aujourd’hui ou pour demain ? « Trut avant, trut ! C’est à demain ? » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 251 Peut-être le curé mentionné au vers 282. Les prêtres des farces débauchent leurs paroissiennes : « À ma femme,/ Messire Jehan aprenoit sa game…./ Messire Jehan, qui la besongnoit. » Les Trois nouveaulx martirs, F 40. 252 S’il l’aura secouée sexuellement. 253 Niais, comme le sont les moutons. Corblet donne janin. « Tant tu es jényn ! » Les Botines Gaultier. 254 Tu es un ivrogne. « Qui a beau nez boit ès bouteilles. » Les Rapporteurs. 255 Ce vouvoiement hors de propos semble indiquer que nous avons là un refrain de chanson. 256 Quelque chose à brouter, à paître. « Gaigner le broust. » Mallepaye et Bâillevant. 257 Le nœud. Cette image peut provenir du Roman de la Rose : « Lors t’auray le neu desnoé/ Que tousjours trouveras noé…./ Amour si est paix haïneuse. » 258 Ms : adeuenir 259 Ms : tenaisie (Si ma furie augmente. Cf. le Cousturier et Ésopet, vers 260.) 260 Qu’il chante. Cette chanson à boire annonce celle qu’Antonio Gardano publiera en 1539 : « Robin, Robin, viendras-tu à la veille ?/ Si tu i vien, n’oblie pas la bouteille,/ Et tu voirras là chose non pareille. » 261 Le copiste écrit voille ici et aux refrains, et esvoille au v. 595 ; je rétablis la rime en -eille fournie par les vers 589 et 604. Viendras-tu à la veillée ? 262 En chevauchant un bousier, sorte de coléoptère coprophage. Pour la rime, il vaudrait mieux lire : l’escargot. Les fous trouvaient naturel qu’on soit « monté dessus ung lymaçon ». Ung fol changant divers propos. 263 Paiera. Mais aussi : pétera. « S’on l’oit vécir [péter] ne poire. » (Villon.) Les enfants jouaient à éteindre une chandelle avec un pet. « Chandeille » est picard : voir Debrie. 264 Ms : Labourons (Là, nous boirons sous la tonnelle. « Et furent trère du vin, et burent souz leur treille. » Godefroy.) 265 Ce vers hétérogène pourrait appartenir à la même chanson que le vers 579. 266 Ms : parroyche (Voir Debrie.) Dans notre église paroissiale. Sur les enfants de curés, voir par exemple Jénin filz de rien. 267 Ms : les (Empoigne-le par le bras droit.) 268 Hurlement que poussent les diables. « Haro ! deables d’Enffer ! » Le Munyer. 269 Rime picarde en -ide. Voir Debrie. « Jamais n’en aurez grant aÿde./ On luy eust bien lasché la bride. » Le Ramonneur de cheminées. 270 Viendrez (forme picarde). Cf. le Brigant et le Vilain, vers 10 et 225. 271 Rapidement, tant que la trace du gibier est chaude et que les chiens peuvent suivre sa piste. 272 Ms : sanatur (Toutes les didascalies latines sont au subjonctif : elles transmettent des ordres aux comédiens. Pour des raisons qui m’échappent, Mario Longtin lit : sanativo.) Qu’ils le conduisent dans la loge du tombeau, et qu’il soit guéri. Et après, qu’il dise, en ayant les genoux fléchis. 273 Prenez exemple. « Mirez-vous là ! » (Le Povre Jouhan.) Mario Longtin préfère lire « Ajuréz vous ». 274 Visibles. 275 Tache, péché. 276 Par l’intermédiaire de. 277 Ms : cest 278 La tête nue : en tenant mon bonnet de fou à la main. Dans tous les Mystères, la conversion au christianisme s’accompagne d’un abandon total du sens critique, du sens de l’humour, du sens de la formule, et plus généralement, de l’amour de la vie : un converti ne songe plus qu’à mourir en martyr, après avoir renoncé à tous les plaisirs de l’existence au profit d’un masochisme bouffi d’orgueil : « Mais ces chrestïens sont si folz/ Qu’ilz preignent plaisir qu’on les bate. » La Vie de sainct Christofle. 279 « Dieu mercy,/ Et vous, et tous mes bons amys ! » Le Roy des Sotz.