LE TEMPS-QUI-COURT
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LE TEMPS
QUI COURT
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Le Monde, Plusieurs et Chacun, trois des personnages allégoriques qui animent cette sottie en forme de moralité, représentent le peuple. Ils regrettent le bon vieux temps de l’Âge d’or, mais ils sont prêts à suivre le temps qui court pour en profiter aussi crapuleusement que les autres.
La pièce fut jouée par des Sots lors d’un carnaval : elle peut donc se permettre quelques piques à l’encontre des courtisans. Nous avons là une des sotties protestantes rouennaises du manuscrit La Vallière, comme la Mère de ville ou la Réformeresse. Tiré du même recueil, le Moral de Tout-le-Monde offre des points communs troublants avec ce Temps-qui-court.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 43. L’état relativement bon du texte montre qu’il n’était pas écrit depuis longtemps lorsqu’il fut copié dans ce manuscrit, vers 1575. Nous attendions avec impatience l’édition de Jelle Koopmans, Marie Bouhaïk-Gironès et Katell Lavéant : Recueil des sotties françaises, Classiques Garnier, 2022, tome II, pp. 385-410. Hélas ! non seulement cette édition est rachitique (44 notes, pour la plupart inutiles1), mais elle est bourrée de fautes de lecture qu’un débutant n’aurait pas commises : Moralité nouvelle, de ≠ en, envyeulx ≠ ennuyeulx, es ≠ est, y est ≠ y s’est, en ≠ au, veus ≠ vens, ne ≠ me, tresfoulx ≠ tres doulx, le ≠ je, pure ≠ que, temps ≠ lieulx, etc. On a même poussé la désinvolture jusqu’à omettre le vers 342 ! Et pourtant, ce même Jelle Koopmans ne perd jamais une occasion de clouer au pilori Gustave Cohen lorsqu’il oublie un vers dans son édition du recueil de Florence (qu’il ne pouvait pas consulter directement), et se gausse d’Édouard Fournier qui prétend avoir sous les yeux le recueil du British Museum alors qu’il ne l’a jamais vu. Si nos trois farceurs s’étaient contentés de recopier l’édition de cette pièce parue en 1817, comme ils ont recopié l’édition Picot dans leur tome I, le texte eût été moins fautif. En tout cas, pour 49 €, on était en droit d’espérer un vrai travail.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, couplets de pentasyllabes aaab, sixains à refrain unique, 2 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Moralité
À quatre personnages, c’est assavoir :
CHASCUN
PLUSIEURS
LE TEMPS-QUI-COURT
LE MONDE
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CHASCUN commence 2 SCÈNE I
Et puys3 ?
PLUSIEURS entre.
Comment ?
CHASCUN
Mais quel vent court ?
PLUSIEURS
C’est grand triumphe que d’estre en Court4,
Car on y voyt grande noblesse.
CHASCUN
A, vertu bieu ! Mais le bâs blesse,
5 Qui5 n’a argent en habondance.
PLUSIEURS
Y n’est thésor6 que de plaisance
Pour à souhayt, maintenant, vivre.
CHASCUN
On ne sçayt plus quel estat suyvre
Pour, à présent, s’entretenir7.
PLUSIEURS
10 Quant je m’avise et me prens à souvenir
Du temps passé, auprès du temps qui court,
Tout [esbahi ce]8 me faict devenir,
Voyant que tout va en mauvais décourt9.
Tout bien en mal change10, pour faire court.
15 On va, on vient, on dict, on faict merveilles ;
On taille, on ronge, on bride11, on coupe et court.
Et tousjours [ont] gros asnes grans12 oreilles.
CHASCUN
On voyd [des choses]13 nompareilles,
Aujourd’uy, plus qu(e) onques jamais.
……………………………..
PLUSIEURS
20 On voyt des choses nompareilles,
Aujourd’uy, plus qu’onques jamais.
CHASCUN
Le temps, jadis, estoyt bon. Mais
Tousjours il empire au demain.
[Voécy un piteulx entremais !]14
PLUSIEURS
25 Quant Saturnus — le vieulx doulx et humain,
L’universel — gouvernoyt15, soublz sa main
Chascun alors vivoyt à son plaisir.
CHASCUN
Quant Apolo, en beaulté souverain,
Tua Piton, le [faisant soublz gésir]16,
30 Aulcun n’avoyt de mal faire désir.
PLUSIEURS
C’estoyt alors l’Âge doré17.
CHASCUN
On ne pouvoyt meilleur choisir.
PLUSIEURS
Par l’Argent18 il est empiré.
CHASCUN
L’Âge de fer vint tout saisir.
PLUSIEURS
35 Sans de relief avoir loysir19,
Toute vertu cheust lors à bas.
CHASCUN
Adieu soulas !
PLUSIEURS
Adieu plaisir !20
On ne voyt que noyse et débas.
CHASCUN
Nos esbas sont bas.
PLUSIEURS
40 Nos beaulx jeux sont jus21.
CHASCUN
Nos poix crûs sont crus22.
PLUSIEURS
Nos chans23 sont changés.
CHASCUN
Nos mectz24 sont mengés.
PLUSIEURS
Nos ris sont sousris25.
CHASCUN
45 Nos saultz sont saillis.
PLUSIEURS
Nos sons sont sonnés.
Et sommes très mal assignés26
De joye(e) et de plaisir au monde.
CHASCUN
Sy Dieu (qui tous les péchés monde27)
50 N’y mect briefz Réformation28,
Tout yra en perdition
Plus qu’onques ne feust au Déluge.
PLUSIEURS
À Luy seul fault avoir refuge29,
Car Il conduict jeunes et vieulx.
CHASCUN
55 Laissons ces propos ennuyeulx,
Et prenons le temps comme il vient.
PLUSIEURS
Ainsy le faire mieulx convient30,
Car n’y pouvons remédïer.
CHASCUN
Ce ne nous faict qu’atesdïer31
60 Sans en avoir aulcun proufit.
PLUSIEURS
Tant grate chièvre que mal gist32,
Et ne fust onc trop parler bon33.
CHASCUN
Plusieurs en ont receu le bond34,
Et saulté le sault dangereulx.
PLUSIEURS
65 Sy maintenant veulx estre heureulx,
Escouste, regarde et tais-toy35.
CHASCUN
C’est le poinct, la fin, et le pourquoy36
Où gist ma seulle intention.
PLUSIEURS
Passer je veulx, conclusion37,
70 Mon temps en plaisir et léesse38.
CHASCUN
Arière, chagrin ne39 tristesse !
Car par plaisir me veulx conduyre.
PLUSIEURS
Pouroyt-on eslire40
Plus joyeulx empire
75 Qu’avoir tire-à-tire41
Léesse et plaisance ?
CHASCUN
Certes, à brief dire,
Pour jouer et rire,
Fol est qui désire
80 Meilleure acointance.
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Icy vient le Temps-qui-court 42 SCÈNE II
par-devant eulx, puys se retire.
PLUSIEURS
O ! qui est-ce-là, qu’en ceste instance43
Va courant sy légèrement ?
CHASCUN
En ? Qu’as-tu veu ?
PLUSIEURS
Certainement
Qui ce peult estre, ne say pas.
85 Il a sy tost faict son trespas
Que je ne l’ay peu adviser44.
CHACUN
Bien te le seusse deviser,
Sy je l’eusse veu45.
PLUSIEURS
S’y revient,
Tu le voéras.
CHASCUN
Il le convyent.
Icy passe le Temps par-devant eulx en courant.
PLUSIEURS
90 Regarde icy ! Hau ! es-tu sourd ?
Voé-le là !
CHASCUN
C’est le Temps-qui-court :
Je le congnoys au vestement.
PLUSIEURS
C’est un saulvage46 habil[l]ement,
Comme je puys apercepvoir.
95 Mais dy-moy : pourions-nous sçavoir
Pourquoy y s’est tant travaillé47
Si48 qu’en ce poinct est abillé ?
Vrayment, je ne le puys entendre.
CHASCUN
Y nous le convyent donc[ques] prendre
100 Pour en sçavoir la vérité.
PLUSIEURS
Et comment, donc ?
CHASCUN
Soyt aresté
Quant il yra ainsy courant !
Qu’il soyt prins à un las courant49 !
PLUSIEURS
Mort bieu ! c’est trèsbien proposer.
105 Il nous convient le las poser
Afin que luy donnons l’arest.
CHASCUN 50
Voécy le las qui est toult prest ;
Tendre le fault subtilement,
Qu’i ne le voye aulcunement :
110 Car il congnoistroyt bien le faict.
Il est tendu.
PLUSIEURS
C’est trèsbien faict.
Nous voérons tantost bonne gale51 !
CHASCUN
Tu n’as pas garde52 qu’il s’en aille,
S’y passe dessus nostre tente53.
115 Tien bien delà !
PLUSIEURS
J’ey bonne atente
Que, de nous, poinct n’échapera.
CHASCUN
Alors voérons-nous qu’il dyra54.
Voé-le cy ! Il nous fault retraire55.
PLUSIEURS
Retire-toy, laisse-moy faire :
120 Bien le garderay de courir.
Icy vient le Temps, et se mect
au las ; et ilz l’arestent.
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LE TEMPS[-QUI-COURT] entre. SCÈNE III
O ! Dieu, venez-moy secourir !
Qu’esse-cy ? Je suys atrapé.
CHASCUN
Dea ! maistre, vous estes hapé.
Aultre que vous nous ne quérion56.
LE TEMPS
125 Qui estes-vous ?
PLUSIEURS
Sans fiction57,
« Plusieurs Gens » chascun nous apelle.
LE TEMPS
Je pers icy discrétion58.
Qui estes-vous ?
CHASCUN
Sans fiction,
Croyez, pour résolution,
130 [ Que n’avons prébende ou chapelle.59
LE TEMPS
Qui estes-vous ?
PLUSIEURS
Sans fiction, ]
« Plusieurs Gens » chascun nous apelle.
LE TEMPS
Dea ! Plusieurs Gens, je m’émerveille :
À quelle cause m’avez prins60 ?
135 Ay-ge vers vous, en rien, mesprins61 ?
Que voulez-vous ? Dictes-le-moy.
PLUSIEURS
N’ayez doubte [d’estre en émoy]62,
Car aulcun mal par nous n’aurez.
Reste[z] ! Voulons que déclarez
140 Pourquoy vous courez sy subit,
Et la raison de vostre habit
Et tant de hardes63 que portez.
LE TEMPS
J’en suys très content. Escoustez :
Sy vous voulez à moy entendre,
145 Me suyvir et mes dictz aprendre,
Je vous feray vivre à plaisir ;
Et de tout ce qu’arez désir,
Vous donray bonne instruction
Pour en avoir possession.
150 Et pour autant,64 cours sans arest
De tous costés, çà et là, prest
Pour trouver gens de ma façon,
Veuilans65 aprendre ma leçon
Nouvelle66, bonne et profitable.
CHASCUN
155 Sy la chose est[oyt] véritable,
Très volontiers [m’y donneroye]67.
Du toult68 à vous je servyroye
Tant que j’aroys la vye au corps69.
PLUSIEURS
En tel cas ne feroys discorps70,
160 Mais [j’y] metroye entier debvoir.
LE TEMPS
Nul(e) doubte n’en debvez avoir,
Car mon sçavoir et ma pratique
Est sy très grand. Où je l’aplicque,
J’en ay tout mon vouloir entier.
165 Aussy, je suys de tout mestier71,
Comment on72 voyt à mes outis.
Les plus caulx73, rusés et subtis
Sont par moy trompés et déceups74.
Rien don n’est que ne viengne au-dessus75.
170 Parquoy, sy vous me voulez croyre,
Je vous donray honneur et gloire
Et feray riche[s] brièfvement.
CHASCUN
Que nous sachons, premièrement,
Dont vient tant de diversité76 ;
175 Car d’en sçavoir la vérité
Ay grand fantasye. À la teste
Ce bonnet ront, cornes, cornète77 ;
Tant de papiers (c’est un grand nombre)78,
Tant d’engins — l’un droict, l’aultre combre79 :
180 Ce80 semble un maistre Aliborunt.
LE TEMPS
Pour vous le dire plast et rompt81,
Estat n’y a82, dessus la terre,
Dont je ne soys. Mesmes de guerre,
Qu’est l’un de mes poinctz principaulx :
185 Car j’en discours par mons et vaulx.
Où je sens guerre pululer,
Bastre, exiller, tuer, piller,
Il n’(y) a personne qui me passe :
J’en prens partout, j’espans, j’amasse ;
190 À force83 prens femmes et filles,
Brusles chasteaulx, maisons et villes.
Et — bien que soys de bas lygnage
Et que, pour estre sy volage84,
« Escuyer » ou « baron » me nomme —,
195 Sans rente, faictz du gentil homme.
Force est que le bon homme en baille85 ;
Ainsy, j’en ay vaille qui86 vaille,
Me faisant craindre et honorer.
PLUSIEURS
Par ce poinct-là, fault s’assurer
200 De bientost grans thésors avoir.
Ce bonnet ront ?
LE TEMPS
Debvez sçavoir
Que sy n’y a guerre ou débas,
En l’Église prens mes esbas ;
[Là,] en courant les bénéfices,
205 Je vens dignités et ofices87,
Force pardons, bules faulcères88.
Ou, sy je lesses telz affaires,
Par ma cornète et ma grand robe89
Gros et menus partoult desrobe,
210 Prenant mon entrée90 et accetz
Sus brouilerye91 et gros procès.
L’on92 sçay[t] comme chascun [je] ronge !
Sur les tromperyes que songe93,
Du droict faictz tort, et du tort droict.
215 J’en prens de travers et et à droict.
Voylà comment je me conduys.
CHASCUN
Il (y) a profict en tel[z] déduict[z],
Et bien y vouldroys passer temps.
Or çà ! tant de vieulx instrumens :
220 Déclarez-nous que servent-ilz94.
LE TEMPS
Quant à cela, sont vieus oultilz
Dont jadis souloyes labourer ;
Mais depuys qu’ay voulu curer95
Sur les cas que j’ey racomptés,
225 Faulte d’oulvrer se sont gastés96.
Aussy, labeur est trop pénible.
Puys d’aquérir y n’est possible
Tant de chevance qu’aultrement97.
PLUSIEURS
Je délibère entièrement
230 De vous suyvir toulte ma vye :
Aussy, je n’eus onques envye
De labourer.
CHASCUN
Ne moy aussy !
LE TEMPS
Vivre vous feray sans soulcy,
Honneur et gros biens amasser.
PLUSIEURS
235 Par moy ne tiendra de poucer98,
Et ne seray lâche en besongne.
CHASCUN
Puysqu’il convyent que g’y besongne,
Je croy que j’en arageray99.
LE TEMPS
Trèsbien je vous récompenseray,
240 Puysque des miens100 vous vous tenez.
Seulement au cœur retenez
(Comme ay dict) ma façon de vivre,
Afin que me puissez ensuyvre
En faictz et101 dictz, comme je tien.
245 Droict102, au présent, je vous retien,
Et vous veulx le Monde monstrer.
Soyez songneulx103 de l’acoustrer
Selon la façon et manyère.
PLUSIEURS
Je sçay ma leçon toulte entière :
250 Plus n’ay besoing de recorder104.
Car sy, un coup, puys aborder
Au Monde, il n’échapera poinct.
CHASCUN
Je luy montreray, en105 tel poinct,
Que je le tien jà de nos gens.
255 Tant luy donray de mectz changeans
Qu’il ne sçaura du quel gouster.
[Nous fauldra des périlz]106 houster,
Avant qu’on le puisse congnoistre.
LE TEMPS
Or, que chascun besongne en maistre !
260 Saluons-le [tout] doulcement.
Voéla107 !
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Le Dieu du firmament SCÈNE IV
Qui vous gard d’ennuy, Monde très doulx !
Saluant le Monde, qui vient.
LE MONDE
Dieu gard, enfans ! Qui estes-vous ?
LE TEMPS
Le Temps-qui-court.
LE MONDE
Et les galans ?
PLUSIEURS et CHASCUN ensemble :
265 On nous apelle « Plusieurs Gens ».
LE MONDE
Vous soyez les très bien venus !
LE TEMPS
De ce sommes à vous tenus,
Et vous ofrons et biens et corps108.
PLUSIEURS
Nous ne cherchons noyse ou discors ;
270 Seulement quérons nous esbatre.
Pour quoy, sy voul(i)ez, sans débatre
Nous vous tiendrons de compaignye.
LE MONDE
Vous me semblez noble m[a]ygnye109,
Joyeulx, mygnons, frisques et gens110
275 Plus que les antïennes gens
Plains de simplesse111 au temps passé.
CHASCUN
Nous avons le Viel Temps laissé
Pour adérer au Temps-qui-court,
Qui est mygnon, gentil et gourt112,
280 Et de façon toulte nouvelle.
LE MONDE
Vostre gentil esprit m’esveille,
Et quasy me donne apétit
D’estre des vostres un petit113.
Mais premyer, vous vouldroys congnoistre114.
PLUSIEURS
285 Sy vous voulez des nostres estre,
Jamais n’arez douleur pressée115.
LE TEMPS
Joyeuse pensée,
Doulce destinée
Est en moy trouvée116.
290 Je n’ay nul soucy.
Une matinée,
Je suys sur la prée117 ;
Puys, vers la vesprée,
Je revien icy.
295 Je liève matin,
Puys du meileur vin
Je boy un tatin118.
Ai-ge pas bon temps ?
CHASCUN
Il ne me chault qu’on dye
300 Que119 n’ay poinct d’envye ;
Mais que [j’aye ma]120 vye,
C’est ce que j’atens.
PLUSIEURS
Tout compte rendu121,
[Sy j’ey]122 entendu,
305 Quant j’ey despendu123,
Je ne compte rien.
LE TEMPS
C’est bien entendu !
Sans estre esperdu,
Tel las est tendu124,
310 Dont aurons du bien.
LE MONDE
Toutefoys, quant je pence bien,
Les gens du passé ne vyvoyent
De ceste mode, ains il ensuyvoyent 125
[Simplicité loin de la Court]126.
LE TEMPS
315 Ce n’estoyt que bestialité !
Tout est, huy, nouveau inventé :
Et c’est la façon las du Temps-qui-court.127
LE MONDE
J’ey veu Justice et toute Équicté 128 ;
Jà 129, tousjours règne en hostilité,
320 Et 130 décadence, et en tout décourt.
CHASCUN
Aujourd’uy, partout y fault prendre,
À droit, à tort, sans compte rendre :
C’est la façon du Temps-qui-court.
LE MONDE
On voy[oy]t tous à labeur tendre131
325 Sans en rien, sur nul, entreprendre132,
Ny jouer d’aulcun mauvais gourt 133.
PLUSIEURS
Estre subtil, trencher du134 brave,
Prendre l’autruy comme une espave135 :
C’est la façon du Temps-qui-court.
CHASCUN
330 Et sy quelc’un en parle ou bave136,
Le tourmenter plus c’un esclave,
Brûlant maisons, villes et bourgs.
LE TEMPS
Estre cruel, fier et haultain,
Combien qu(e) on n’ayt à demy pain137 :
335 C’est la façon du Temps-qui-court.
LE MONDE
Chascun estoyt, lors, tant humain,
Pugnyssant partout l’inhumain ;
Les povres n’estoyent sans secours.
LE TEMPS
Mectre l’aultruy138 avec le sien,
340 Prendre tousjours, ne donner rien :
C’est la façon du Temps-qui-court.
Or bref, et pour le fère court :
Estre fier et ambicieulx,
Cauteleux et malicieulx,
345 Sans foy, amour ne loyaulté,
Traistre, menteur, sans vérité,
Inventeur et plain de falace139 :
C’est ce que je veulx [que lors]140 face
Quiconques veult avec moy vivre,
350 Ses plaisirs en tous lieulx poursuyvre.
Aultrement faire je n’entens.
CHASCUN
Monde, sy à honneur tu tens,
Estre te fault de nostre bende.
LE MONDE
J’en suys content, car je demande
355 Tant seulement vivre à plaisir.
LE TEMPS
En as-tu donc ferme désir ?
LE MONDE
Il est certain.
LE TEMPS
Çà donc ! Il fault
Que tu devienne fin et cault.
Et afin qu’on ne te congnoisse141,
360 Vestir te fault à la renverse142
Et prendre, aussy, nostre livrée143.
LE MONDE
Je n’ay chose tant désirée
Que de vous complaire en tous lieulx.
PLUSIEURS
Tu t’en trouveras beaucoup myeulx,
365 Je te promais. Tien, [vêts cecy]144 !
LE TEMPS
O ! que le voélà bien, ainsy !
CHASCUN
Le Monde, [asteure, est]145 renversé.
LE MONDE
Bien aultre suys que du passé.
En moy, n’y a a poinct de fyance146.
PLUSIEURS
370 Le Monde, par oultrecuydance,
Est maintenant fol devenu147.
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LE TEMPS
C’est icy assez tart148 tenu :
Faisons d’icy département149.
CHASCUN
Nostre Jeu soyt bien retenu150 !
PLUSIEURS
375 C’est icy assez tart tenu.
LE MONDE
Prions chascun, grand et menu,
Nous excuser bénignement.
LE TEMPS
C’est icy assez tart tenu :
Faisons d’icy département.
380 En prenant congé de ce lieu,
Une chanson pour dire adieu ! 151
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FINIS
*
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BALADE DE LA FAÇON
DU TEMPS QUI COURT
( JEHAN BOUCHET ) 152
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1 Pourquoy esse que maintes gens
Qui ont tant de science acquise
Se tiennent153 souvent indigens,
Et n’ont vaillant154 une chemise ?
Mais dont vient celle cornardise155
Que quelque follastre milourt156
Treuve pain, vin, et nappe mise ?
C’est la façon du temps qui court.
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9 Pourquoy docteurs157, maistres, régens
Ne sont plus pourveuz en l’Église ?
Pourquoy macquereaulx émergens158
Ont tant de biens ? Esse la guise ?
Pourquoy flateurs plains de fainctise
Gouvernent les seigneurs de Court ?
Pourquoy clers ne sont plus de mise ?
C’est la façon du temps qui court.
.
17 Pourquoy, à gens tant négligens
Et pervers, police est commise159 ?
Pourquoy larrons, pillars, sergens160
Ont de justice l’entreprise ?
Pourquoy symonie est permise ?
Pourquoy Barat marche si gourt161 ?
Pourquoy le monde se desguise ?
C’est la façon du temps qui court.
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25 Prince : Si follie est admise
Et vertuz tenue de court,
S’il ne règne que paillardise,
C’est la façon du temps qui court.
*
1 Elles consistent à nous dire, au cas où cela nous intéresserait, si Giuseppe Di Stefano a relevé telle ou telle locution dans son dictionnaire. Les difficultés qui eussent mérité une note n’en ont pas. 2 Ces deux personnages habillés en fous sont dehors, dans un lieu indéterminé. 3 Cette question oiseuse amorce plusieurs sotties : le Monde qu’on faict paistre, les Sotz fourréz de malice, les Cris de Paris, etc. 4 D’être reçu à la Cour. 5 Le bât blesse, si on… 6 LV : tehesor (Il n’est trésor. Idem vers 200.) Même vers dans la Fille esgarée, dont le ms. La Vallière fait suivre notre sottie. 7 Se nourrir et se vêtir. 8 LV : esbahir (Dans les moralités, les décasyllabes sont toujours bienvenus. Il y en aura d’autres aux vers 25-30.) 9 Suit un mauvais cours. Idem vers 320. 10 LV : charge (Le bien se change en mal. « Et bien souvent, en mal change le bien. » Jan de Maumont.) 11 LV : baille (On empêche de parler.) Couper court = couper la parole. « Le duc de Bourbon (…) cuida faire atardement de paroles, mais incontinent, le duc d’Acquitaine lui copa court. » ATILF. 12 LV : ont (Les notables incultes prêtent l’oreille aux flatteurs. On peut aussi comprendre que ce sont des voleurs, et qu’en tant que tels, ils devraient avoir les oreilles coupées.) 13 LV : les chosses (Je corrige de même le vers 20. Les refrains 18-21 semblent avoir été le début et la fin d’un triolet.) « Nous verrons merveilles,/ Voire, et des choses nompareilles. » Pour le Cry de la Bazoche. 14 Vers manquant. J’emprunte le vers 247 du Poulier à quatre personnages, qui est aussi le vers 238 de Frère Frappart. Traduction : Voilà un pitoyable divertissement ! 15 LV : gouuernement (Saturne régna sur l’Âge d’or.) 16 LV : serpent inhumain (« Estre vaincu ou soubs gésir. » ATILF.) Le dragon Python gardait l’oracle de Delphes ; Apollon le tua pour y mettre une sibylle à ses ordres. 17 Une autre moralité du ms. La Vallière met en scène l’Âge d’or, l’Âge d’argent, l’Âge d’airain et l’Âge de fer (LV 17). 18 Jupiter détrôna Saturne et instaura l’Âge d’argent, qui représente la cupidité. 19 Sans avoir la possibilité de se relever. 20 Sans prévenir, le copiste idiot du ms. La Vallière ajoute ensuite deux pages qu’il avait omises dans le Lazare, la moralité qui précède la nôtre. (Koopmans et sa fine équipe ont tort de dire que ces pages proviennent « d’une pièce non autrement connue » : elle est connue de tous ceux qui ont lu ce manuscrit.) Le Temps-qui-court reprend comme si de rien n’était au folio 241 rº. 21 Sont mis à bas. Les jeux peuvent désigner les spectacles théâtraux, comme au vers 374. 22 Sur les pois crus, voir la note 83 du Capitaine Mal-en-point. 23 Nos chants. 24 Nos mets, nos provisions. Idem vers 255. 25 LV : soublz ris (Nos rires ne sont plus que des sourires.) 26 Mal partagés. 27 Purifie. « Pour ces péchiéz monder. » ATILF. 28 N’instaure rapidement la Réforme. 29 Les huguenots aimaient mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints ou à ses papes. 30 Il vaut mieux faire ainsi. Koopmans et Cie affirment que le ms. attribue cette réplique à Chascun ; un simple coup d’œil sur ce manuscrit les aurait convaincus de leur erreur. 31 Cela ne fait que nous lasser. 32 Le mieux est l’ennemi du bien. Même vers proverbial dans Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain et, bien sûr, dans la Ballade des proverbes de Villon. 33 Allusion à la censure, qui devint hystérique au moment de la Contre-Réforme. « Et de trop parler nous gardons. » Pour le Cry de la Bazoche. 34 Les protestants qui ont trop parlé ont fini pendus. Cette expression venue du jeu de paume tient au fait que, par charité chrétienne, le bourreau, après avoir passé la corde au cou du condamné, le pousse dans le vide pour lui rompre les vertèbres cervicales. Comme disent les gibiers de potence Gautier et Martin : « On luy baille le soubresault. » Le vers suivant décrit encore la pendaison. 35 LV : tais toult 36 LV : bout (La raison. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 321.) 37 Donc. 38 Liesse : joie. Idem vers 76. 39 LV : ariere (« Arrière, soucy ne meschance ! » Les Premiers gardonnéz.) 40 Choisir. 41 Sans relâche. 42 Ce personnage traverse la scène en courant. Il passe derrière Chacun, qui ne le voit donc pas. Ses habits sont un empilement de costumes divers ; il tient dans ses mains un gros sac de toile, et des outils de laboureur complètement disloqués. Mestier et Marchandise (LV 73), une autre moralité du ms. La Vallière, fait entrer le même personnage bariolé : « Le Temps-qui-court vient, et est vestu de diverses couleurs. » 43 Qui est-ce qui, en cette occasion. 44 Il a traversé si vite que je n’ai pas pu le regarder. 45 J’aurais su te le dire, si je l’avais vu. 46 Hétéroclite. 47 Il a pris tant de peine. 48 LV : et (Tant et si bien. « Si qu’en ce point,/ S’amours désir à dous penser adjoint. » Guillaume de Machaut.) 49 À un nœud coulant. Le lacs est un lacet, un collet que les braconniers tendent pour capturer des lapins. 50 Il tend le collet. 51 Galéjade, plaisanterie. Cf. la Veuve, vers 261. 52 Tu ne risques pas : « Tu n’as garde que je me rende ! » (L’Aveugle et Saudret.) La rime est en alle : « Devant qu’elle s’en alle/ Comme à l’accoustumé retrouver son Céphale. » Joseph Du Chesne. 53 Sur notre collet tendu. « Chascune de ces tentes est bonne, mes celle du costé n’est que pour la venue d’une beste d’une part. » (Gaston Phébus, Livre de chasse.) Chacun confie à Plusieurs le bout du lacet pour qu’en le tenant, il empêche de fuir le Temps-qui-court. 54 Nous verrons ce qu’il dira. 55 Nous devons nous retirer, nous dissimuler. 56 LV : querons (Imparfait du verbe quérir. « Ton père et moy, dolens, te quérion. » Miracle de Théodore.) 57 Sans mentir. 58 Mon discernement : je n’y comprends rien. 59 Que nous ne sommes pas des gens importants. « Ilz ont et chappelle et prébende. » (Guillaume Coquillart.) Il manque les vers 6 et 7 du triolet ABaAabAB. 60 Pour quelle raison m’avez-vous pris au piège ? 61 Ai-je fauté envers vous en quoi que ce soit ? 62 LV : de ce de moy (Ne redoutez pas d’être dans l’agitation. « Il n’a cause d’estre en esmoy. » Mistère du Siège d’Orléans.) 63 De fournitures : les outils de labourage et le sac à procès. 64 Et pour cela, je… 65 Veuillant : qui veulent. 66 La nouveauté caractérise le Temps-qui-court, comme on nous le répète aux vers 280 et 316. « Le Temps qui court,/ Tout nouveau. » Le Prince et les deux Sotz. 67 LV : madonneroye (Je m’y adonnerais. « À paine je m’y donneroye. » Les Chambèrières et Débat.) 68 Totalement. « Du tout à Justice me rendz. » (Les Esbahis.) Koopmans et Cie ont lu De toult, mettant de l’équivoque là où il n’y en a pas. Encore heureux qu’au vers suivant ils aient lu la vye et non le vit ! 69 Tant que je vivrai. Même vers dans Colin filz de Thévot. 70 Je ne ferais aucune discordance, aucune opposition. 71 Je me mêle de tout et de n’importe quoi, comme Wâtelet de tous mestiers (Montaiglon, XIII, 156-169). Le Temps-qui-court, symbole du temps présent, est un aimable dilettante qui ne fait rien sérieusement, comme certains médiévistes. 72 Comme on le. Le Temps-qui-court tient des outils de labourage délabrés. 73 Rusés. Idem vers 358. 74 Déçus, abusés. 75 Il n’est rien dont je ne vienne à bout. 76 Pourquoi vous avez un costume si disparate. 77 Le bonnet rond est porté notamment par les hommes d’Église. Le chapeau à deux cornes désigne la mitre d’un évêque. La cornette est le chaperon des avocats. Le Temps-qui-court a donc empilé ces trois coiffures sur sa tête. 78 Le Temps-qui-court tient un sac à procès débordant de paperasse. 79 LV : contre (Tordu. « Faucille combre et torte. » Godefroy.) 80 LV : te (« Ce semble merde toute pure. » Le Munyer.) Un maître Aliboron est un incompétent qui s’occupe d’une quantité d’affaires auxquelles il n’entend rien. Cf. les Ditz de maistre Aliborum qui de tout se mesle (Montaiglon, I, 33-41). 81 Plat et rond : tout rond, en un mot. 82 Il n’y a aucune fonction. 83 Par la force. 84 Bien que je sois si inconstant. 85 Que l’homme du peuple me donne de l’argent. 86 Que. Cf. Science et Asnerye, vers 300. 87 Des charges ecclésiastiques. « Tout-le-Monde obtient par argent/ Dignités, prébendes, ofices ;/ Par argent, il a bénéfices. » Moral de Tout-le-Monde. 88 Beaucoup d’indulgences et de fausses bulles pontificales. Nous sommes en plein dans la satire luthérienne. 89 La cornette est la coiffe des avocats. Les magistrats exercent une profession dite « de robe longue ». Les juges et les avocats sont considérés comme des voleurs. 90 LV : entiere (Ayant accès aux tribunaux. « [Il] trouva moyen d’avoir entrée & accès audict Pape. » Richard de Wassebourg.) 91 Sur des brouilles familiales. 92 LV : lors 93 Que j’imagine. « Trom-pe-ri-es » compte pour 4 syllabes. 94 À quoi ils servent. « Que servent ung tas de nonnains ? » Les Gens nouveaulx. 95 LV : labourer (À la rime.) M’occuper. « D’aultre labour ne volt curer. » ATILF. 96 Faute d’œuvrer, mes outils se sont rompus et ont rouillé. 97 En travaillant, il n’est pas possible d’acquérir autant de revenus qu’en ne travaillant pas. 98 LV : pouser (De dire « pouce ! », de me ménager. « C’est sans poulcer ne soupirer. » Troys Gallans et Phlipot.) Plusieurs et Chacun vont s’épuiser à ne pas travailler. 99 LV : aracheray (« Arager » est la forme normande de enrager : faire rage.) 100 LV : menus (« Vous serez des miens,/ Et [je] vous feray beaucoup de biens. » Le Franc-archier de Cherré.) 101 LV : en (En actes et en paroles. « En faicts et dicts,/ Vous mocquez-vous ainsi des gens ? » Le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies.) Comme je tiens = Comme j’en suis d’avis. Cf. Jolyet, vers 230. 102 LV : doibtz (Sans détour, sans tergiverser.) 103 Ayez soin. 104 LV : racorder (De réviser. « Me fault recorder ma leçon. » Le Cuvier.) 105 LV : un (Dans cette circonstance. « En tel poinct, y fault bien entendre/ Qu’i sont estalés çà et là. » Science et Asnerye.) 106 LV : et fauldra des berilz (Nous devrons nous ôter de tout danger. « Pour soy ouster du péril où il se véoit estre. » Philippe de Commynes.) Les 3 galants se dirigent vers le Monde. 107 Voilà le Monde. Les 3 galants des Gens nouveaulx s’approchent de lui avec la même circonspection : « Il nous fault gouverner le Monde ;/ Aux anciens n’appartient plus…./ Traicter le convient doulcement. » 108 Nous sommes à vous corps et biens. 109 De noble maisnie, de noble famille. 110 Gais et gents [plaisants]. 111 De simplicité. Ce mot est condescendant, sauf dans la moralité Envye, Estat et Simplesse (nº 11 de notre ms. La Vallière). 112 Mot d’argot signifiant riche ; cf. les Tyrans, vers 171, 175 et 185. « Tel mendye/ Qui a esté bien gourt./ Voilà le train, par bieu, du Temps-qui-court. » Marchandise et Mestier (BM 59) ; le Temps-qui-court est un personnage de cette moralité. 113 Un peu. 114 Mais avant, je voudrais vous connaître. 115 Oppressée. Rappel du Psaume 143, cher aux protestants, et que Clément Marot traduisait de la sorte : « Dont mon âme ainsi empressée/ De douleur se trouve oppressée. » 116 LV : trouuer (Les vers 287-310 sont très corrompus. Le scribe, copiant un manuscrit de base fautif, met deux pentasyllabes par ligne, ce qu’il ne fait pas aux vers 39-46 et 73-80.) Nous avons là une chanson de bergers bien antérieure au drame, auquel elle se rattache artificiellement par une mention toute symbolique du « lacs tendu ». 117 Sur la prairie. 118 Un coup. Ces 3 vers rappellent la chanson Nous sommes de l’Ordre de saint Babouin : « L’Ordre ne dit mye de lever matin./ Dormir jusqu’à prime et boire bon vin. » La Résurrection Jénin à Paulme. 119 LV : car je (Peu m’importe qu’on dise que je n’ai pas d’ambition.) 120 LV : au jour la (Du moment que j’ai assez pour vivre. « Je ne vous demande ny gages, ny récompense ; pourveu que j’aye ma vie, c’est assez. » Charles Sorel.) 121 LV : et rendu (Tout bien calculé. Voir le vers 322.) 122 LV : relasche et (Si j’ai bien compris.) 123 Quand j’ai tout dépensé. On songe à Briffaut, qui fait ses comptes — négatifs — au début du Capitaine Mal-en-point : « J’ay tout mon compte…./ Nenny, se j’ay bien entendu :/ Bref, mon argent est despendu. » 124 Notre collet est tendu pour attraper des « pigeons ». Dans la sottie (vers 103-122), ce piège est bien réel, et non symbolique. 125 Mais ils suivaient. Les vers 312-341 développent cinq sixains à refrain qui étaient probablement chantés ; mais cette fois, ils sont de l’auteur. 126 LV : et en tous leurs faictz simplicite 127 Ce refrain est également celui de la Balade de la façon du temps qui court, de Jehan Bouchet, que l’auteur de la sottie avait certainement lu, tant la notoriété de ce poète était grande. Je publie ladite ballade sous la pièce. 128 J’ai vu l’époque où Justice et Équité avaient cours. 129 LV : jey (Maintenant.) 130 LV : estre en (Décours = déclin. Idem vers 13.) 131 On voyait tout le monde aimer le travail. 132 Sans rien commettre contre les autres. « Jamais ne te prendroit envie/ D’entreprendre rien sur nourrisses ! » La Nourrisse et la Chambèrière. 133 Ni jouer avec un mauvais dé, un dé pipé. Jehan Rabustel consigna ce mot d’argot dans son interrogatoire des Coquillards de Dijon : « En déz a divers noms, c’est assavoir : madame, la vallée, le gourt… » 134 LV : faire le (Contrefaire le bravache. « Trencher du brave et du mauvais garson. » C. Marot.) 135 LV : espare (Comme un objet trouvé, qui appartient à celui qui le ramasse.) L’autrui, c’est le bien d’autrui, comme au vers 339. « Prendre l’autruy et larcyner [commettre des larcins]. » Science et Asnerye. 136 Ou bavarde sur un ton critique. 137 Bien qu’on n’ait pas assez à manger. 138 Mettre le bien d’autrui (note 135). Koopmans et Cie n’ont pas vu l’article « l’ ». 139 Menteur et plein de tromperie. 140 LV : las que lon (Que fasse désormais celui qui…) Une main compatissante avait introduit dans le ms. de base l’interjection « las ! », ici et au vers 317. 141 Qu’on ne te reconnaisse pas. 142 Il faut que tu mettes tes habits sens devant derrière. La scène illustre le code carnavalesque du Mundus inversus, du Monde à l’envers. 143 Un costume de Fou, comme le nôtre. La conviction que le Monde est fou et qu’il marche à l’envers régit une bonne part de la pensée médiévale. 144 LV : vesency (Revêts ce costume de Fou.) 145 LV : est a ceste heure (Le copiste a reculé devant un idiotisme normand. « De che qu’on fet et dit, asteure, dans Rouen. » La Muse normande.) 146 On ne peut plus me faire confiance. « Au temps qui court n’y a fiance. » Seconde Moralité ; au vers 299 de cette sottie, on habille en fou le personnage du Monde. 147 À la fin du Moral de Tout-le-Monde, on habille aussi le Monde en fou : « Tout-le-Monde, à l’heure présente,/ Est fol et plain d’abusion [de tromperie]…./ Aujourd’uy, Toult-le-Monde est fol. » 148 LV : se (Refrains corrects à 375 et 378.) Nous sommes restés assez longtemps ici. 149 Départ. 150 Retenez la valeur morale de notre spectacle. 151 Ce distique apocryphe est la signature habituelle du copiste du ms. La Vallière. 152 Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 17527. Ce poème fut composé avant 1517, date de sa première édition, qui lui donnera son titre définitif : Ballade contre ceulx qui eslièvent les pécheurs. 153 La version du ms. fr. 2206 et les éditions gothiques donnent : treuvent 154 N’ont pas même. 155 Cette extravagance. 156 Qu’un richard à moitié fou. Cf. Digeste Vieille, vers 274. 157 Les docteurs en théologie. 158 Qui sont sortis de la mer. Autrement dit, les proxénètes. « –La terre portera/ Ce que deussent porter les eaux./ –Quoy, du poisson ? –Des maquereaux. » Sottie de l’Astrologue. 159 L’ordre public est confié. 160 On considère les sergents comme des bandits ; voir les vers 469-472 du Testament Pathelin. 161 Pourquoi les trompeurs marchent-ils si fastueusement. Barat est personnifié, comme dans Cautelleux, Barat et le Villain.