TE ROGAMUS, AUDI NOS !
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TE ROGAMUS,
AUDI NOS !
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Cette farce fut sans doute écrite à Rouen vers 1540. Sa seconde partie démarque la farce de Pathelin.
Source : Recueil du British Museum, nº 31. Farce imprimée à Paris pour Pierre Sergent, au plus tard en 1547.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets et 5 quatrains à refrain.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
trèsbonne
et fort joyeuse
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À trois personnaiges, c’est assavoir :
LE CHAULDERONNIER
LE SAVETIER
et LE TAVERNIER
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TE ROGAMUS, AUDI NOS ! 1
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LE SAVETIER commence 2 SCÈNE I
« Souliers vieulx !! Houseaulx3 !! »
LE CHAULDERONNIER
« Chaulderons à reffaire4 !! »
LE SAVETIER
« Souliers vieulx !! Houseaulx !! »
LE CHAULDERONNIER
Par saincte Avoye [et sainct Aquaire5] !
5 Ce savetier crye bien hault !
LE SAVETIER
Qu’esse que tu ditz, loquebault6 ?
Te fault-il avoir tant de plet7 ?
LE CHAULDERONNIER
Qu’esse qu’il te fault, [sottelet8,]
Très ort savetier députaire9 ?
10 « Chaulderons à reffaire !! »
LE SAVETIER
« Souliers vieulx !! Houseaulx !! »
En despit de toy entens-tu10 ?
LE CHAULDERONNIER
Et de quel aage les veulx-tu11,
Toy qui cryes en ce point hault ?
LE SAVETIER
15 « Souliers vieulx !! »
LE CHAULDERONNIER
« Argent m’y fault12 !! »
LE SAVETIER
Il m’en fault aussi !
LE CHAULDERONNIER
Quel corbault13 !
Veulx-tu faire du rigoleux14 ?
LE SAVETIER
Voylà : tu faictz, pour ung trou, deux15.
Et pource16 : tu as tant de plet !
LE CHAULDERONNIER
20 Et ! savetier infaict, pugnays17 !
Je te prie, beau sire : tays-toy !
LE SAVETIER
Je ne me tairay pas pour toy.
Dys18 du pis que tu pourras [dire] !
LE CHAULDERONNIER
Par bieu ! il me doit bien suffire :
25 M’a desmenty ung savetier ?
LE SAVETIER frappe
Je me veulx cy de toy vengier :
Pren cela, porte-lay19 bouillir !
LE CHAULDERONNIER
Où est mon [espée et mon bouclier]20 ?
[Malle Mort te puisse tenir !]21
LE SAVETIER [frappe]
30 Pren cela, porte-lay bouillir !
LE CHAULDERONNIER, frappant :
Pren cela, porte-lay rostir !
LE SAVETIER, frappant :
Pren cela et t’en va chier !
[ Pren cela, porte-lay bouillir !
LE CHAUDERONNIER
Où est mon espée et mon bouclier ? ]
[En frappant] 22 :
35 Tien cela et t’en va menger !
LE SAVETIER
Que tu es fol !
LE CHAUDERONNIER
Que tu es saige23 !
LE SAVETIER
Il est aussi ront qu(e) une bille24.
LE CHAUDERONNIER
Quant je te regarde au visaige,
Ce me semble la truye qui25 fille.
LE SAVETIER
40 Ton ventre est comme une sébille26 :
Ce me semble ung pillier qui tremble.
Oncques [h]uis27 de chesne ou de tremble
Ne fust plus dur28 : c’est [dure lame]29 !
LE CHAUDERONNIER
Vien çà, vien, savetier infâme !
45 Veulx-tu dancer, Happe-la-lune30 ?
LE SAVETIER
Dancer ? Et ! tu n’en sçais pas une31.
LE CHAUDERONNIER
Tais-toy, que n’ayes sur la teste32 !
LE SAVETIER
Par bieu ! j’ay couppé mainte teste,
Depuis que ne fus en bataille33.
LE CHAUDERONNIER
50 Il se mussa34 comme une caille,
Tant estoit hardy et vaillant.
LE SAVETIER
Vous y mentez, villain puant !
C’estoit pour faire l’avant-garde.
LE CHAUDERONNIER
Voire : au pot35 à la moustarde…
55 « Argent me fault !! Argent m’y fault !! »
LE SAVETIER
Or çà ! besongner il me fault.
Commencer me fault à ung bout36.
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LE TAVERNIER 37 SCÈNE II
« J’ay moust38, moust !!
Vin vermeil, [vin] cléret et blanc !!
60 Et si, n’est qu’à ung petit blanc39 !!
Et si, faict ‟ aller40 ” et parler !! »
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LE SAVETIER SCÈNE III
Mor bieu ! il nous y fault aller.
LE CHAUDERONNIER
Me veulx-tu tenir compaignie ?
LE SAVETIER
Puisque c’est pour croquer la pie41,
65 Allons-y trèstout42 maintenant !
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LE CHAUDERONNIER 43 SCÈNE IV
Sus, tavernier, venez avant !
Allez-nous bien tost du vin traire44 !
LE TAVERNIER
Or çà, quel vin voulez-vous boire ?
Vous en aurez incontinent.
70 Voulez-vous du rouge, ou du blanc,
Ou de Vanves, ou de Baygneux45 ?
LE SAVETIER
Nous en burons46 de tous les deux ;
Ne ferons pas ?
LE CHAUDERONNIER
M’aït Dieux47, voyre !
LE TAVERNIER
Voylà ung vin tant amoureux48 !
75 Vous diriez « c’est succre », à le boire.
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LE CHAUDERONNIER SCÈNE V
J’ay espérance de bien boire.
LE SAVETIER
Et moy, [j’]en empliray ma pance,
Car j’en auray meilleur(e) mémoire49.
LE CHAUDERONNIER
Et moy, meilleure patience.
LE SAVETIER
80 Tais-toy, nous en aurons dispense50.
LE CHAUDERONNIER
La mort bieu, voicy bien sifflé51 !
LE SAVETIER
Celluy qu’on boyt en la despence52
Est bien aultrement baptizé !
LE CHAUDERONNIER
Par m’âme53 ! tu ditz vérité.
85 Comptons54 !
LE SAVETIER
Je n’ay pas ung tournois55.
LE CHAUDERONNIER
Par les patins bieu56 ! je n’ay croix.
LE SAVETIER
Par mon [serment ! et]57 je n’ay pille.
Tastes-y58, se tu ne m’en croys.
LE CHAUDERONNIER
Par les patins bieu ! je n’ay croix.
90 Et toy ?
LE SAVETIER
Ouy dea : [j’en ay là] trois
Tous neufz59, à compter riffle-à-riffle.
LE CHAUDERONNIER
Par les patins bieu ! je n’ay croix.
LE SAVETIER
Par mon serment ! et je n’ay pille.
LE CHAUDERONNIER
Tout60 aussi vray que l’Évangille,
95 Nous demourrons (i)cy.
LE SAVETIER
Çà, ce pot61 !
Or çà, il nous fault dire ung mot
De chanson62, et je t’en supplye !
LE CHAUDERONNIER
Or, commençons à chère lye63
Tout maintenant ! Gaudéamus64 !
LE SAVETIER, en chantant 65 :
100 Je requiers au Dieu de lassus66
Qu’il nous envoye cent mille escus
Pour boire tousjours à plains potz !
LE CHAUDERONNIER, [en chantant :]
Te rogamus, audi nos !
LE SAVETIER
Tousjours puissons avoir assez
105 De tartres67, râtons et pastéz,
Rost[z] de perdris et videcoqz68 !
LE CHAUDERONNIER
Te rogamus, audi nos !
LE SAVETIER
Sire Dieu, faictz croistre les blédz
Affin que ne soyons trouvéz
110 En faisant la beste à deux dos69 !
LE CHAUDERONNIER
Te rogamus, audi nos !
LE SAVETIER
Jamais ne puisse tavernier
Vendre son vin plus d’ung denier :
Si en burons à voulenté.
LE CHAUDERONNIER
115 Libera nos, Domine !70
LE SAVETIER, en chantant :
Et quant l’hoste71 viendra compter,
Qu’il ne saiche nomplus72 parler
Que faict ung enfant nouveau-né !
LE CHAUDERONNIER
Libera nos, Domine !
LE SAVETIER
120 Ho ! il suffist, en vérité !
LE CHAUDERONNIER
Huchons l’hoste73, si compterons.
LE SAVETIER
Hoste !
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LE TAVERNIER SCÈNE VI
Qui est là74 ?
LE CHAUDERONNIER
Nous voulons
Sçavoir combien devons ensemble.
LE TAVERNIER
Et ! vous devez (comme il me semble)
125 Six solz, quatre deniers et maille75.
LE CHAUDERONNIER
Est-il vray ?
LE TAVERNIER
Ouy, sans [nulle] faille76 !
LE SAVETIER
Çà, mon hoste, je vous diray :
Demain au matin vous pairay.
De mon escot, il en est faict.
130 Pensez : j’en seray diligent.
LE TAVERNIER
Par ma foy ! il m’en fault argent,
Ne foy que [je] doy [à] sainct Christofle77 !
LE CHAUDERONNIER
Foy que [je] doy [à] sainct A[r]nofle78 !
Vous serez payé tout contant79.
135 Adieu !
LE TAVERNIER
Vous aurez ung sergent80,
Foy que doy à Dieu de lassus !
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LE SAVETIER 81 SCÈNE VII
Nostre hoste ferons bien camus82,
Se tu me veulx croyre.
LE CHAUDERONNIER
Comment ?
LE SAVETIER
Tu t’en yras hastivement
140 Habiller en guyse83 de femme.
Et je m’en iray, par mon âme,
(Entens-tu ?) faire le mallade ;
Et feray tant par ma ballade84,
Certes, que le feray desver85.
LE CHAULDERONN[I]ER
145 Or, pensons donc de le tromper.
Dépeschons-nous, il en est heure86.
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LE TAVERNIER 87 SCÈNE VIII
Il me semble que je demeure
Trop d’aller quérir mon argent.
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LE SAVETIER SCÈNE IX
Despeschons-nous légèrement88 !
150 Voicy nostre hoste icy près.
Le chauderonnier vest habit de femme,
et le savetier faict l’enraigé 89.
LE CHAULDERONNIER
Vienne qui vouldra : je suis prês.
LE SAVETIER
Aussi suis-je, par Nostre-Dame !
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LE TAVERNIER SCÈNE X
Holà !
LE CHAUDERONNIER, en femme.
Qui est là ?
LE TAVERNIER
Dieu gard, dame !
Vostre mary est-il céans ?
LE CHAULDERONNIER, [en femme.]
155 Hélas ! il est tout hors du sens.
Je ne sçay qu’il90 luy peult faloir.
LE TAVERNIER
Comment ? Pourroit-il bien avoir
La malladie sainct Aquaire91 ?
LE SAVETIER vient, comme enraigé.
Et frappe, et dit :
[Arrière, arrière, arrière, arrière]92 !
160 Voylà là malle bestïolle93.
Par la mortbieu, elle s’en volle94 !
A, dea ! Je l’auray, par ce « point95 ».
LE TAVERNIER
Beau sire, vous souvient[-il] point
Qu(e) arsoir96, à soupper, vous prestay97
165 Six soulz, quatre98 deniers ?
LE CHAULDERONNIER, en femme.
À qui, à moy ?
LE TAVERNIER 99
Vous [b]eustes trois quartes, hïer100.
LE SAVETIER [comme enraigé.]
Voylà le clocher Sainct-Sever101
Qui tremble de senglantes fièbvres ;
Et vous allez chasser aux lièpvres102 ?
170 Haro103, haro ! Hau, je le voy !
LE CHAULDERONNIER, en femme.
Qu’il vous souvienne de la foy
De Jésus, qui mourut pour nous104 !
LE SAVETIER, [comme enraigé.]
Regardez : que de loups-garoux !
LE CHAULDERONNIER, [en femme.]
[Et] où sont-ilz ?
LE SAVETIER
En ce quignet105.
Le savetier frappe sur le tavernier et sus
le chaulderonnier, et dit en chantant :
175 Au jolys boucquet 106…
Tenez : par ma foy, il s’en volle107 !
LE TAVERNIER
Ha ! tenez-lay, qu’il ne m’affolle108 !
Morbieu, j’ay eu belle vésarde109 !
LE SAVETIER
Et ! venez çà, vieille paillarde110 !
LE CHAULDERONNIER, en femme.
180 [Laissez cela]111, paillart infâme !
LE SAVETIER, chantant :
Hé ! faulx villain112, tant tu as belle femme !
La morbieu ! je seray gendarme113 :
Je te turay, se tu viens cy !
LE TAVERNIER
Pour Dieu, tenez vostre mary,
185 Puisqu’il est ainsi enragé !
La mort bieu ! je seray payé
Ou jà n’yray hors de céans !
Prestez vostre argent à telz gens
Qui n’ont pas vaillant ung festu114 !
190 Encores ay-je esté battu ;
Qui pis vault, j’ay esté trompé.
LE SAVETIER
Par ma foy ! je suis eschappé115
[De luy payer son vin cléret.]
LE CHAULDERONNIER
Je veulx qu’on m’appelle Huet116
195 Se, de moy, il a jà tournoys !
LE TAVERNIER
Adieu, Messïeurs ! Je m’en voys117.
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LE CHAULDERONNIER 118 SCÈNE XI
Par la morbieu ! tu m’as blessé.
LE SAVETIER 119
[Moy ?] Et comment ?
LE CHAULDERONNIER
Tu m’as frappé
Si grant coup dessus la cervelle !
LE SAVETIER
200 Mais ne l’ay-je pas bien farcé120 ?
LE CHAULDERONNIER
Par mon serment, il l’a [eue] belle121 !
Je ne sçay comment on l’apelle,
Se ce n’est Martin de Cambray122.
LE SAVETIER
Allons-nous-en !
LE CHAULDERONNIER
Où ?
LE SAVETIER
Je ne sçay.
LE CHAULDERONNIER
205 En ceste rue aurons nouvelles,
Car le chemin demanderé123.
LE SAVETIER
[Mais] s’il vous plaist, prenez en gré124 !
Adieu, dames et damoyselles125 !
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FINIS
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1 [Seigneur,] nous t’implorons, écoute-nous ! Ce titre sert de refrain aux quatrains des vers 100-111. 2 Il arpente la rue, avec un sac sur le dos, et pousse le « cri » public de sa profession, comme sur cette image. En face de lui, un chaudronnier ambulant fait la même chose, ce qui nous vaut une de ces disputes entre commerçants dont les spectateurs étaient friands : voir par exemple le Pardonneur où, comme ici, les deux rivaux se mettront d’accord en allant boire gratis dans une taverne. 3 Bottes. « Je criray icy : ‟Houseaulx vieulx !/ Soulliers vieulx !” » (Le Savetier Audin.) Dans les farces, les cris de métiers n’obéissent pas toujours à l’octosyllabe. 4 Cri des chaudronniers ambulants. « N’avez-vous chaudron à reffaire ? » Le Chauldronnier. 5 Lacune. Saint Acaire, le patron des fous, est nommé au vers 158. Quant à sainte Avoye, elle devait crier très fort, « étant ‟sainte à voix” », comme nous le révèle Jacques Merceron dans son Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, p. 977. En outre, Merceron signale p. 976 que « saint Avoie (…) est ‟le saint qui a voix” ». 6 Loqueteux. Cf. les Femmes qui plantent leurs maris, vers 578. 7 De plaid, de bagout. Idem vers 19. 8 Lacune. « Maistre sotelet éventé ! » Guillerme qui mengea les figues. 9 BM : pugnais (De basse extraction. « Bon ribaut députaire. » Le Patinier, F 35.) 10 Est-ce que tu m’entends malgré toi ? 11 De quel âge veux-tu des souliers « vieux » ? 12 C’est le cri des émouleurs, mais il peut servir à tout homme qui manque d’argent. Cf. la Pippée, vers 166, 171, 175 et 181. 13 Quel corbeau, quel croasseur. 14 Prononciation normande de « rigoleur » : mauvais plaisant. 15 Au lieu de colmater un trou dans un chaudron, tu en fais deux. « Je suis si bon ouvrier/ Que, pour un trou, je sçay deulx faire. » Le Chauldronnier. 16 Et pour cause. 17 Punais, puant. Les savetiers, qui manipulent de vieilles semelles et de la poix, sont très sales : « Savetier plain de punaysie. » La Laitière. 18 BM : Fays (Dis ce que tu pourras dire de plus grave. « Quant on est fasché, on dit du pis que l’on peult. » Pierre Ragu.) 19 Porte-le. Même pronom normand dans la suite de ce triolet, ainsi qu’au vers 177. Nos deux larrons s’expriment comme les bourreaux de plusieurs Mystères : « Portez-le boullir,/ Rostir, ou faire des pastéz ! » Mistère de la Conception. 20 BM : bouclier et mon espee (Correction d’André TISSIER : Recueil de farces, t. II, 1987, pp. 201-226.) « Où est » se prononce « wé » en 1 syllabe, et on scandait « bou-clier » en 2 syllabes. Le chaudronnier s’arme d’une cuillère à pot et d’un couvercle de casserole, qui font partie de son attirail professionnel. 21 Il manque le 3e vers de ce triolet lacunaire : AB(a)Aab(AB). Je lui supplée le vers 313 des Trois amoureux de la croix, une autre farce normande dont le vocabulaire présente quelques analogies avec celle-ci. 22 BM : le chauderonnier en femme. (Cette didascalie n’intervient qu’à partir du vers 153.) 23 Constatation ironique. « –Vous estes fol ! –Vous estes sage ! » L’Arbalestre. 24 Il est obèse à force de boire du vin. 25 BM : que (La Truie que file est cantonnée au sud de la Loire : Nîmes, Arles, etc. Plus au Nord, on disait « qui ».) Cette enseigne représentait une grosse truie tenant une quenouille. On la croisait dans d’innombrables villes : Bourges, Arras, Angers, Reims, Paris, Le Mans, etc. La truie qui file donna son nom à plusieurs rues qui existent toujours. À Rouen, elle servait d’enseigne à un tisserand, rue Martainville. Cette cochonne grassouillette prêtait à des comparaisons peu flatteuses ; Charles Fontaine la mit à contribution pour railler le style ampoulé d’un ennemi de Marot : « Quant à part moy je regarde le stille/ De ce Sagon, grand asnier maigre et sec,/ Il me souvient d’une truye qui file. » 26 Une sébile, une coupe ronde. 27 Jamais une porte cochère en bois. 28 BM : dure/ 29 BM : une enclume. (Voir la note d’André Tissier.) Lame = pierre tombale : « Dessoubz la dure lame/ Fut enterré. » Clément Marot. 30 Ahuri. Cf. la Résurrection Jénin à Paulme, vers 200 et note. 31 Tu ne connais pas une seule chanson pour me faire danser. Le répertoire vocal des savetiers est intarissable : voir par exemple les 36 chansons du savetier Calbain. 32 Que tu ne reçoives des coups. « De mon poing aurez sur la teste ! » Le Raporteur. 33 Depuis la fin de la guerre où j’ai combattu. Les paroisses normandes envoyaient des civils accomplir une sorte de service militaire dans une compagnie de francs-archers : voir la note 27 des Frans-archiers qui vont à Naples. La locution « depuis que ne fus » traduit une action révolue dont l’effet se poursuit encore : « Regardez comme il a changé,/ Depuis qu’il ne fut à nourrice. » (D’un qui se fait examiner.) André Tissier a donc tort de remplacer « ne » par « je ». 34 Il se cacha à l’abri des combats. « Je ne sçay par où je me musse ! » Maistre Mymin qui va à la guerre. 35 Au pot de chambre. La moutarde symbolise les excréments : cf. les Rapporteurs, vers 280 et note. Bref, le savetier eut la « trouille », au sens propre et au sens figuré. 36 Tout de suite. 37 Devant sa taverne, il pousse le « cri » de sa profession. 38 Du moût, du vin fruité. « L’on a crié du moûlt de Rin. » Le Clerc qui fut refusé. 39 Et pourtant, il ne coûte qu’un sou. « Vin blanc,/ Rouge, cléret, tout à un blanc. » (Le Savatier et Marguet.) Le clairet est un vin rosé. 40 Et même, il fait aller à la selle : il combat la constipation. « Au bon vin cler avalle, avalle,/ Qui fait aller et parler. » Ung Fol changant divers propos. 41 Pour avaler du vin. « Le prescheur va croquer la pye. » Sermon joyeux de bien boire. 42 BM : trestous (Immédiatement. « Je m’y en voy tout maintenant. » Le Tesmoing.) 43 Il s’assied à la table de la taverne, avec son complice. 44 Allez vite tirer du vin au tonneau. Rime avec « baire », à la manière normande : « Du meilleur vin y veulent baire. » La Muse normande. 45 De Bagneux. L’auteur rouennais dénigre ces vins de la région parisienne, qui ne coûtent pas cher parce qu’ils ne valent rien. 46 Nous en boirons. Idem vers 114. Cette forme est notamment usitée en Normandie : cf. les Brus, vers 127. 47 M’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! La diérèse est surtout normande : cf. la Confession Rifflart, vers 124, 219 et 265. 48 Digne d’être aimé. « Que dictes-vous de mon vin blanc ?/ Est-il friant et amoureux ? » Le Capitaine Mal-en-point. 49 Le vin est censé augmenter la mémoire. « Me donnez à boyre :/ J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. 50 Une autorisation spéciale. « Bons beuveurs ont dispense. » (Godefroy.) Le savetier vide son gobelet d’un trait. 51 Bu. « À bien sifler ne faulx jamais. » (Le Retraict.) Nous disons toujours : Siffler un verre. 52 À la cave : « Du vin qui est en la despense. » (Sermon joyeux de bien boire.) Dans les collèges et les séminaires, le responsable de la dépense « baptise » le vin en y versant de l’eau : cf. Maistre Jehan Jénin, vers 165-7. 53 BM : mon ame (Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 14, 771, 800, 817.) 54 Comptons l’argent dont nous disposons. Les deux buveurs se fouillent vainement. 55 Un sou. Idem vers 195. 56 Par les semelles de Dieu : euphémisme pour éviter de jurer par les plaies de Dieu. Toujours dans le registre vestimentaire, on jurait aussi « par la tocque bieu ». (La Mauvaistié des femmes.) La croix est une pièce de monnaie dont le côté face est frappé d’une croix. 57 BM : dieu (Correction Tissier, d’après le refrain de 93.) N’avoir ni croix ni pile = N’avoir pas un sou. « Je n’ay ne crois ne pille », comme l’avouent les clochards de la farce des Coquins (F 53) lorsqu’ils doivent régler le tavernier. 58 Mets ta main dans ma braguette. Sur la coutume qu’ont les hommes de cacher leur argent dans leur braguette, voir Saincte-Caquette, vers 424 et note. 59 J’ai 3 écus tous neufs. On use de cette plaisanterie pour dire qu’on n’a pas d’argent. « Ouy dea, il en a troyz tout neufz ! » (La Pippée.) Riffle-à-riffle = avec parcimonie. On dit plutôt « ric-à-ric » : cf. le Résolu, vers 15 et note. 60 BM : Pour (« Tout aussi vray que l’Évangille,/ Elle le fera. » Serre-porte.) 61 Passe-moi le pot de vin. Le savetier le vide jusqu’à la dernière goutte. 62 Nous allons chanter. « Je vous supply que vous et moy/ Nous disons ung mot de chanson. » Deux hommes et leurs deux femmes. 63 Avec une figure épanouie. « Si, vueil chanter à chière lye. » La Confession Rifflart. 64 Réjouissons-nous. « Gaudeamus ! Vive bon temps ! » (Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) Peut-être avons-nous affaire à un titre : beaucoup de chansons d’étudiants s’intitulaient Gaudeamus, et leur refrain était en latin, comme ici. 65 Cette chanson n’est pas connue, mais on en chante une autre aux vers 435-472 du Pèlerinage de Mariage*, avec la même structure en quatrains aabB et le même refrain. *Cette farce sera jouée en 1556 à Rouen. 66 De là-haut. Idem vers 136. On exigeait de Dieu des espèces sonnantes et trébuchantes : « Dieu gard les gallans ! Et vous doint/ À ung chascun cent mile escus ! » Les Coppieurs et Lardeurs. 67 De tartes : cf. Jehan qui de tout se mesle, vers 144. Les rastons sont des crêpes : « Rastons, tartes, gasteaux. » ATILF. 68 Coqs de bruyère. Ce mot vient de Picardie, de même que le raston du vers précédent et le burons normanno-picard de 114 (cf. le Pourpoint rétréchy, vers 64, 388 et 881) : cette chanson pourrait donc être picarde. 69 Seigneur, fais en sorte que l’herbe soit assez haute pour cacher les couples qui forniquent dans les champs. Ce vers et le refrain figurent dans le Pèlerinage de Mariage : « Qu’aultres ne leur batent les cus/ Et facent leurs maris coqus/ En faisant la beste à deulx dos,/ Te rogamus, audi nos ! » 70 Libère-nous, Seigneur ! Même refrain pour les quatrains 398-434 du Pèlerinage de Mariage, et pour les quatrains 54-65 des Trois nouveaulx martirs (F 40). Les tercets 66-75 de cette farce normande ont pour refrain « te rogamus, audi nos ». 71 L’hôtelier, l’aubergiste. Idem vers 121, 122, 127, etc. 72 Pas plus. « Il ne ramonne plus/ Non plus q’un enfant nouveau-né. » Le Ramonneur de cheminées. 73 Appelons le tavernier. 74 Que désirez-vous ? 75 Et 1 centime. 76 Sans aucun doute. « Que vous sachez sans nulle faille/ Qu’il ne s’en fauldra une maille. » L’Aveugle et Saudret. 77 « Foy que je doy à saint Amant ! » (Les Trois amoureux de la croix.) Même tournure archaïque aux vers 133 et 136. 78 Saint Arnoul, patron des maris trompés. Ce n’est pas un hasard si Molière a baptisé « Arnolphe » le cocu de l’Escole des femmes ; voir la note de Tissier. 79 « Payé en sera tout comptant. » Le Raporteur. 80 Je vais vous faire assigner en justice par un sergent. 81 ACTE 2. Nous sommes le lendemain matin (vers 128 et 164), chez le savetier, puisque c’est lui qui a promis de défrayer le tavernier. 82 Penaud, piteux. 83 En manière. « Vous vestir en guise de prestre. » Les Trois amoureux de la croix. 84 Par mes balivernes. « Que je racontasse bourderies ne des balladeries. » Godefroy. 85 Devenir fou. 86 BM : temps. (« Metz-moy dedens, il en est heure. » Cautelleux, Barat et le Villain.) 87 L’auteur démarque la scène de Pathelin (vers 498-986) où le drapier se rend chez son emprunteur pour lui réclamer l’argent qu’il lui doit. 88 Rapidement. « Qu’on s’avance/ Légèrement ! Despeschons-nous ! » (La Nourrisse et la Chambèrière.) Le savetier regarde par la fenêtre et voit approcher le tavernier. 89 BM : lenraiger. (L’enragé, le possédé du diable.) Le chaudronnier s’approprie la robe et la coiffe de la défunte épouse du savetier, lequel se cache derrière le rideau de fond, après avoir ébouriffé ses cheveux pour mieux jouer le rôle d’un « démoniacle » : voir la note 91 du Cousturier et Ésopet. 90 Ce qu’il. 91 « Mal de saint Acaire : opiniastreté, humeur acariastre. » (Antoine Oudin.) « Du mal monseigneur saint Aquaire/ Puisse-tu estre tourmenté ! » La Mauvaistié des femmes. 92 BM : Aquatre/aquatre/aquatre/ (« Arrière ! » est le cri des charlatans qui attirent la foule en lui faisant croire que ce qu’ils montrent est d’essence diabolique. « Arière, arière, arière, arière ! » Le Bateleur.) 93 BM : bestialle (La mauvaise bête désigne l’Antéchrist : cf. la Fille bastelierre, vers 90 et note.) 94 On représente les démons avec des ailes de chauve-souris. « Vélà ung moisne noir qui vole ! » Farce de Pathelin. 95 De cette manière. Jeu de mots sur « poing ». Le savetier frappe le tavernier. 96 Que hier soir. « Je beu tant, arsoir, à souper. » Les Maraux enchesnéz. 97 BM : preste (Je vous prêtai : je vous fis crédit.) Rime avec « mai », à la manière normande : « –Qui esse là ? –C’est mé ! » Messire Jehan. 98 BM : trois (Voir le vers 125.) 99 BM ajoute dessous : Pas ne le nyez (L’éditeur parisien, qui n’a pas repéré la rime normande « mai », introduit une rime plus commune, au détriment de la mesure.) 100 BM : de vin (Vous avez bu 3 pichets hier soir. « Fort vin beustes hïer. » Aye d’Avignon.) 101 BM : sainct seuerain (L’ancienne église Saint-Sever de Rouen fut terminée en 1538. L’éditeur parisien ajoute 3 lettres à son nom pour former celui d’une église de Paris.) 102 Alors qu’on sonne la messe, vous allez à la chasse ? Double sens : Vous allez vous gaver de viande ? « Faites ces mains chasser aux lièvres,/ L’une au plat et l’autre aux baulièvres ! » Le Capitaine Mal-en-point. 103 C’est un des hurlements que poussent les diables des Mystères. Dans le Munyer, Lucifer s’exclame : « Haro ! deables d’Enffer ! » Voir la note de Tissier. 104 Emprunt à la farce normande du Testament Pathelin, où l’épouse dit au moribond : « Souvienne-vous du Roy des Cieulx/ Qui, pour nous, en croix, mort souffrit. » 105 Dans ce recoin. Les démons hantent volontiers la maison des pécheurs. BM descend cette réplique sous la didascalie. 106 Bosquet. « Au joly bocquet/ Croist la violette. » Pour s’en tenir au théâtre, cette chanson résonne dans la moralité des Enfans de Maintenant (BM 51) et dans celle des Enfans ingratz, ainsi que dans le Mystère de saint Sébastien. 107 Le savetier frappe le tavernier pour l’empêcher de « s’envoler ». 108 De peur qu’il ne m’assomme de coups. Cf. Serre-porte, vers 197 ; dans cette farce où la taverne joue un rôle primordial, un savetier revêt les habits de sa propre épouse et cogne sur des hommes. 109 Frayeur. « J’eusse eu belle vésarde ! » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 110 Il tente de trousser sa prétendue femme. 111 BM : Et ca (Formule de refus que les femmes honnêtes réservent à leur mari : « –Çà, la bouchette !/ –Laissez cela ! » Jolyet.) 112 Paysan matois : « Me marier/ À ce faulx villain. » (La Fontaine de Jouvence.) Probable rappel d’une chanson de Jehan L’Héritier, publiée en 1530 puis en 1535 : « Jan, petit Jan, quant tu as belle femme,/ Garde-la bien mais n’en soys point jaleux. » Je ne serais pas surpris que le savetier, qui fait tout pour embarrasser son concurrent de la veille, chante : « Tant tu es belle femme. » 113 Soldat. « Je seray gendarme parfaict. » (Troys Gallans et Phlipot.) Le savetier se jette à nouveau sur le tavernier. 114 Qui n’ont pas même un fétu de paille. Le tavernier vient de reconnaître le chaudronnier travesti, et comprend qu’on l’a berné. Il se dirige vers la porte. 115 Dispensé. « Dieu mercy, je suys eschapé/ De craincte et de douleur mortelle. » (Lucas Sergent.) Le vers suivant est perdu. 116 Je veux bien qu’on me traite de nigaud. « Si j’y metz, de l’année, le pié,/ Je vueil qu’on m’appelle Huet ! » (Les Enfans de Borgneux.) Le chaudronnier retire sa coiffe et recommence à parler de lui au masculin : Guillemette redevient Huet. 117 Je m’en vais. Le tavernier se retire. Son « messieurs » n’est pas destiné aux spectateurs mais au couple d’hommes. 118 BM : sauetier. (Le chaudronnier a été blessé par son prétendu mari au vers 175.) 119 BM : tauernier. (Le tavernier vient de partir.) 120 Abusé, ridiculisé. 121 On la lui a baillée belle. « Par le sang bieu, nous l’avons belle ! » Les Botines Gaultier. 122 Les Normands donnaient ce nom à des dupes : cf. les Trois amoureux de la croix, vers 203 et note. Une farce normande s’intitule Martin de Cambray (F 41). 123 BM : demanderons. (Je demanderai.) L’éditeur a fait ce que font tous les éditeurs quand ils perdent le dernier feuillet de leur manuscrit de base : il l’a remplacé par la fin d’une autre pièce. Et donc, il a donné les noms de nos personnages à deux maraudeurs sans abri, qui ne connaissent pas la ville dans laquelle ils errent. 124 Ce vers, tel que je le complète, est le vers 94 de Jehan qui de tout se mesle. 125 Après avoir féminisé son compagnon de beuverie, le savetier féminise les spectateurs.