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LES FEMMES QUI DEMANDENT LES ARRÉRAGES

British Library

British Library

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LES  FEMMES  QUI

DEMANDENT  LES

ARRÉRAGES

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Un arrérage est une rente qu’on paye à échéance régulière. De joyeux drilles ont appliqué ce principe au devoir conjugal : les maris doivent verser à leur épouse des arrérages « en nature ». Ceux qui tardent à payer leurs dettes de lit se voient condamnés à rattraper leur retard. Cette farce, ou plutôt cette « cause grasse », fut écrite par les Conards de Rouen. On pourra lire en appendice un Arrêt sur les arrérages édicté par ces mêmes Conards. En attendant, voici une chanson de leur compatriote Gaultier-Garguille sur le même sujet :

Amour tenoit sa séance                      Une veuve bien gentille

Il y peut avoir trois mois,                    Vint jurer par ses beaux yeux

Et j’ouïs à haute voix                          Qu’on lui en devoit de vieux

Prononcer cette sentence :                 De quatre ans qu’elle étoit fille :

« Il faut payer nuict et jour                 Qu’on lui payast nuit et jour

Les arrérages d’amour ! »                   Les arrérages d’amour !

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Trente femmes de tous âges               Une jeune damoiselle

Sont accourues promptement             Demandoit à un vielleux1 :

Demander le payement                       « –As-tu perdu les deux yeux

De tous les vieux arrérages :               En jouant de ta vielle ?

« Il faut payer nuict et jour                 –Non, mais ce fut l’autre jour,

Les arrérages d’amour ! »                   Payant les debtes d’amour. »

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Une vieille damoiselle                        Mais je ne me sçaurois taire

Qui caquetoit volontiers                      De ce rude jugement ;

Alla par tous les quartiers                   J’en appelle promptement,

Annoncer cette nouvelle :                   Car ma foy, c’est trop d’affaire

« Il faut payer nuict et jour                 Que de payer nuict et jour

Les arrérages d’amour ! »                   Les arrérages d’amour !

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Beaucoup de farces ridiculisent les vieux maris incapables de subvenir aux besoins sexuels de leur jeune épouse. Plus rares sont les farces où l’homme, jeune et en bonne santé, s’abstient parce qu’il n’aime pas les femmes. Le Nouveau marié qui ne peult fournir à l’appoinctement de sa femme montre un jeune homme qui pourrait faire l’amour, mais qui refuse sans aucune raison ; seules des menaces viendront peut-être à bout de sa chasteté volontaire. Le thème de la présente farce est presque identique : le mari a été condamné à verser les arrérages qu’il devait depuis cinq ans à son épouse, laquelle avait alors poussé l’obligeance jusqu’à lui faire cadeau de la moitié de sa dette. Pourtant, il n’a pas remboursé le reste. Sa raison ? Il n’aime pas les femmes.

Sources : Farce nouvelle trèsbonne & fort joyeuse des femmes qui demandent les arrérages de leurs maris & les font obliger par nisi 2. Recueil du British Museum, nº 8. Publié à Paris par Nicolas Chrestien, vers 1550.  —  Farce joyeuse et récréative d’une Femme qui demande les arrérages à son mary. Recueil de plusieurs farces tant anciennes que modernes. Paris, Nicolas Rousset, 1612, pp. 97-117. Je prends pour base l’édition ancienne (BM), et je la corrige tacitement d’après l’édition Rousset (R).

Structure : Rimes plates, avec 9 triolets et des quatrains à refrain.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce  nouvelle  trèsbonne

&  fort  joyeuse  des

Femmes  qui  demandent

les  arrérages  de

leurs  maris

&  les  font  obliger  par  nisi

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À cinq personnages, c’est assavoir :

       LE  MARY

       LA  DAME

       LA  CHAMBRIÈRE  [Collette]

       LE  SERGENT

       et  LE  VOYSIN

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                        LE  MARY  commence une chanson à plaisir :

        J’ay fait amye nouvellement,3                                PROLOGUE

        Qui porte un assez beau maintien ;

        Elle m’ayme parfaictement.

        J’ay fait amye nouvellement.

5      Son petit cas4, tout bellement,

        Le mieulx que je peulx j’entretien.

        J’ay fait amye nouvellement,

        Qui porte un assez beau maintien.

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                        LA  DAME 5                                     SCÈNE  I

        Ne te le disois-je pas bien,

10    Qu’il ne me tiendroit point promesse6 ?

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Quantes foys l’a-il fait7 ?

                        LA  DAME

                                              Rien ! [Rien !]

        Ne te le disois-je pas bien ?

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Il est plus parjure qu’un chien !

        Et ! mon doulx Sauveur, quel homme esse !

                        LA  DAME

15    Ne te le disois-je pas bien,

        Qu’il ne me tiendroit point promesse ?

        Je te pry, faisons-luy finesse8,

        En nom de la saincte bonté9.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        C’est un homme trop eshonté :

20    Il ne fait doubte10 de plaider.

        Je feray tant, pour vous ayder,

        Qu’il s’e[n] viendra [ronger des oz]11.

        Faictes-lay12 citer contra nos13,

        Et vous le ferez plus honteux,

25    Plus esbahy, plus marmiteux14

        Qu’il fut oncques jour de sa vie.

                        LA  DAME

        Collette, je n’ay nulle envie

        D’aller plaider en Court d’Église15.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Et pourquoy ?

                        LA  DAME

                                 Ilz ont une guise16,

30    Autant au soir comme au matin,

        Qu’il ne parlent rien que latin,

        Où je n’entendz pas une goute.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        À bien dire, cela dégoûte,

        Néantmoins qu’il soient gens de bien.

35    Mais au jeu où l’on n’entent rien,

        Les femmes n’y sçavent que mordre.

        En Court laye17, il y a plus d’ordre

        (Je le dis sans blasmer nully18) :

        Il fault qu’il soit assailly.

40    Ne portez-vous pas sa cédulle19 ?

                        LA  DAME

        Ouy dea.

                        LA  CHAMBRIÈRE

                          Or bien, sans faulte nulle,

        Vous le debvez faire adjourner20

        À demain, sans plus séjourner21.

        Fermement tenez bonne mine !

45    Mais qu’il recognoisse son signe22,

        C’est une suite rigoureuse23.

                        LA  DAME

        Et ! tant une femme est heureuse24,

        D’avoir mary selon sa sorte !

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Elle est réputée plus forte.

                        LA  DAME

50    Du mien, je n’ay ne bien ne joye.

        Mais le senglent pis25 que je voye :

        [Nul] je n’ose en son lieu commettre26.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Par ma foy ! j’ay servy un maistre

        Qui se faisoit tousjours, sans cesse,

55    Puis à moy, puis à ma maistresse,

        Baiser, acoller à désir.

                        LA  DAME

        Hélas, c’estoit un grand plaisir !

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Quand il venoit, du premier sault27

        Il me faisoit monter en hault28,

60    Et puis s’esbatoit à loysir.

                        LA  DAME

        Hélas, c’estoit un beau plaisir !

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Mais tant la sceut-il faire poindre29 !

        Je ne l’ouÿs oncques [se] plaindre ;

        Rien ne prenoit à desplaisir.

                        LA  DAME

65    Hélas, tant c’est un grand plaisir !

        [Au mien, je]30 luy donne reproche :

        Quand il fault que vers moy s’aproche,

        Par ma foy, je l’ose bien dire :

        Il luy semble que l’en luy tire

70    Faucille du cul tous les coups.

        J’en suis au mourir.

                        LA  CHAMBRIÈRE

                                        Dictes-vous31 ?

                        LA  DAME

        Et s’il convient que je me serre

        Près de luy, il me fait la guerre

        Et me donne plus de cent coups.

75    J’en suis au mourir.

                        LA  CHAMBRIÈRE

                                        Dictes-vous ?

                        LA  DAME

        Il m’est procédé32 une toux

        Par un vent, qui me serre et lance33.

        Et puis me prent une faillance34,

        Quand35 ne sens point mon amarris.

                        LA  CHAMBRIÈRE

80    Tant est-il de mauvais maris !

                        LA  DAME

        Mais que dictes-vous d’un tel homme36 :

        C’est [ce]… comme esse qu’on le nomme ?

        Un Monsieur, si terrible sire.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Je sçay bien qui vous voulez dire :

85    C’est un trèshonneste seigneur.

                        LA  DAME

        Je crois que c’est un bon payeur 37,

        À le veoir marcher par la voye.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Il ne luy chault à qui il paye,

        Mais qu’il s’acquitte.

                        LA  DAME

                                         Midieux, non !

90    Ce n’est point une morte-paye38 :

        Il ne luy chault à qui il paye.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Ha ! quel bon payeur, saincte Avoye39 !

                        LA  DAME

        Au moins en a-il le renom.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Il ne luy chault à qui il paye,

95    Mais qu’il s’acquitte.

                        LA  DAME

                                         Midieux, non !

        Laisson cela, et revenon

        À nostre homme : le cas40 me touche.

        Faison-luy un tas d’escarmouche,

        Qui pourra sergent recouvrer41.

                        LA  CHAMBRIÈRE

100  Il est bien besoing d(e) y ouvrer

        Et le poursuyvir chauldement.

                        LA  DAME

        Oncques, puis nostre apoinctement42,

        Par ma foy, je n’euz biens ne ayse.

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                        LE  SERGENT 43                             SCÈNE  II

        Dieu soit céans ! Ne vous desplaise,

105  J’entre privément44.

                        LA  DAME

                                        Dieu vous gard !

        Je ne vy huy qui tant me plaise45.

                        LE  SERGENT

        Dieu soit céans ! Ne vous desplaise,

        Voicy trèsbeau lict46, par sainct Blaise !

                        LA  CHAMBRIÈRE

        C’est mon47, et un trèsbeau brocard48.

                        LE  SERGENT

110  [Dieu sois céans ! Ne vous desplaise,]

        J’entre privément.

                        LA  DAME

                                      Dieu vous gard !

        Bien soyez venu ceste part49 !

        J’ay grandement de vous affaire :

        Fustes-vous pas présent à faire

115  Nostre appoinctement tout conclus50 ?

                        LE  SERGENT

        Nennin, il ne m’en souvient plus.

                        LA  DAME

        Bien peu s’en fault que je n’enrages !

        C’est pour cinq années d’arrérages

        Que mon bon mary me devoit

120  Du tribut que promis m’avoit.

        Il vous en fit tant de [longs plets]51 !

                        LE  SERGENT

        A ! ouy dea, j’en fis les exploitz52.

        De cela j’en suis souvenant,

        Car ce fut par tel convenant53

125  Que vous eustes de luy pitié,

        Et fust quicte pour la moitié54,

        Par tel si qu’il devoit payer55

        Et sans cesser continuer56,

        Tant jours ouvrables que les festes.

                        LA  DAME 57

130  Je prens sur ma foy ! vous y estes,

        C’est bien recordé58 le marché.

        Je vous ay tant de foys cherché

        Pour avoir conseil sur ce pas59 !

                        LE  SERGENT

        Et ! comment cela ? N’a-il pas

135  Satisfait en lieu et temps deu60 ?

                        LA  DAME

        Ce fut autant de temps perdu.

        Que j’en aye61 la fin somme toute !

                        LE  SERGENT

        A-il rien fait ?

                        LA  DAME

                                Pas une goute62.

                        LE  SERGENT

        De cela je m’esbahis fort.

140  Or dictes, que je vous escoute :

        A-il rien fait ?

                        LA  DAME

                                Pas une goute.

        Se j’en approche, il me déboute.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Je vous prometz qu’il a grand tort.

                        LE  SERGENT

        A-il rien fait ?

                        LA  DAME

                               Pas une goute.

                        LE  SERGENT

145  De cela je m’esbahis fort.

                        LA  DAME

        Je le63 doubte plus que la mort,

        Sans cause et sans occasion64.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Monsïeur, faictes-luy raison65 :

        Il luy a fait beaucoup d’excès.

                        LE  SERGENT

150  De le66 tenir en long procès,

        Ce luy seroit un trop grand soin.

                        LA  DAME

        Hélas ! moy, je n’ay pas besoing

        D’atendre, ce67 me seroit gref.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Mais se vous pr[és]en[t]iez un bref68

155  Ainsi que feit vostre voysine69 ?

                        LE  SERGENT

        Quel ?

                        LA  CHAMBRIÈRE

                      De nouvelle dessaisine70.

        Ressa[i]sie seriez71, sur ce pas.

                        LE  SERGENT

        Ce bref-là ne gist pas au cas72,

        Ainsi que dire [l’]ay ouÿ.

                        LA  CHAMBRIÈRE

160  Pourquoy ?

                        LE  SERGENT

                            El73 n’en a pas jouy

        Un seul jour la dernière année.

        C’est de quoy elle est si tennée74.

        Cela en rien ne la soulage.

                        LA  DAME

        Se je mettoye un gage-plège75 ?

                        LE  SERGENT

165  Il est – [si] j’en ay bien mémoire –

        Propri[é]taire et possessoire,

        Mais il demour[r]oit tout confus

        S(e) une femme mettoit76 dessus,

        Joinct d’estre [encor] mis à l’acul77

170  Et puis d’y78 avoir sus le cul.

        [Nostre dame]79, sans fiction,

        Gardez vostre possession.

        [N’en verrez nul, tant soit]80 hardy

        [Ne] tant soit fol ou estourdy,

175  Qui vous osast desposséder.

        Il ne vous fauldra point plaider,

        S’il ne vient aucun qui s’oppose.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Sur ma foy ! vélà bonne chose.

                        LA  DAME

180  [Mon mary doit estre bien oint,]81

        Car par rigueur ne l’aurez point.

                        LA  CHAMBRIÈRE 82

        Enseignez-luy quelque bon tour.

                        LE  SERGENT

        Il le fault avoir par amour…

                        LA  DAME

        Pourchassez donc [ce qu’est à faire]83.

                        LE  SERGENT

        Je m’y en vois84. En ceste affaire,

185  J’ay vostre cas recommandé85.

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                     LE  MARY  et  LE  VOYSIN  entrent 86 en chantant :

        Celle qui m’a demandé                                         SCÈNE  III

        [ Argent pour estre m’amye,

        El(le) m’a faict grant villenye ;

        Jamaiz je ne l’aymeray. ]87

                        LE  MARY

190  Jamais ne l’abandonneray,

        Fust-elle cent foys plus haultaine88.

                        LE  VOYSIN

        Je la laisserois89.

                        LE  MARY

                                     Non feray :

        Jamais ne l’abandonneray.

                        LE  VOYSIN

        La raison ?

                        LE  MARY

                           Je la vous diray :

195  J’ay plaisir à luy faire peine90.

        Jamais ne l’habandonneray,

        Fust-elle cent foys plus haultaine.

                        LE  VOYSIN

        Vous vous pleignez de teste saine91.

        Je ne faitz doubte, par mon âme,

200  Qu’il n’est point de meilleure femme

        Au monde.

                        LE  MARY

                         Bien je vous en croys.

                        LE  VOYSIN

        Je le dy[s] la première foys

        Que vous appointastes92 à elle.

                        LE  MARY

        Que fist-el, la bonne fumelle93 ?

                        LE  VOYSIN

205  El94 vous quicta pour peu de chose.

        Et aussi, comme je suppose,

        Vous en avez fait vostre effect95.

                        LE  MARY

        En bonne foy, je n’ay rien fait.

        Il fault bien qu’elle ayt patience.

                        LE  VOYSIN

210  Craignez-vous point vostre conscience ?

        Vous rendrez compte et reliqua96,

        Car Dieu mariage applicqua

        Pour à l’un et à l’autre complaire.

                        LE  MARY

        Si vous ne me voulez desplaire,

215  Ne m’en venez plus tant prescher.

        Quand je m’en vouldray empescher97,

        Je tiens la clef 98 et le moyen

        Par lequel j’en cheviray bien99.

                        LE  VOYSIN

        S’elle vous en fait action100 ?

                        LE  MARY

220  Tost je luy feray cession101.

        Esse pas le dernier reffuge ?

                        LE  VOYSIN

        Sainct Jehan ! je ne sçay se le juge

        Vous vouldra à ce recevoir102.

                        LE  MARY

        Pourquoy non ?

                       LE  VOYSIN

                                  Vous devez sçavoir,

225  Quand cession est prétendue

        Pour une debte qui est deue,

        Se la debte est privilégée,

        La matière est bien abrégée

        Et s’en va comme une chandelle103.

230  Ou, quand on y voit la cautelle104,

        Aussi qu’elle est au cas présent…

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                        LE  SERGENT 105                            SCÈNE  IV

        Puisque je vous treuve présent,

        C’est force que je m’appareille106

        De vous dire un mot à l’oreille,

235  Et n’en desplaise à vostre bende107.

                        LE  MARY

        Dictes tout hault, que je l’entende.

        Je le sçay bien, c’est de ma dame.

                        LE  SERGENT

        Je le croy bien : c’est vostre femme

        Qui m’a prié vous adjourner

240  À demain sans plus retourner108.

        Et là, vous orrez son libelle109.

                        LE  MARY

        Oho ! je voys110 parler à elle.

        Voysin, allons-y vous et moy.

        Et je vous prometz sur ma foy

245  De parler bien à son sibi 111.

                        LE  SERGENT

        Elle est clère comme un ruby ;

        C’est dommage qu’elle est112 troublée.

                        LE  VOYSIN

        S(e) elle estoit plus souvent houssée113,

        El(le) reluyroit comme une ymage114.

250  Ô mon voysin, monstrez-vous sage.

        Et se conscience vous remort115,

        Cognoissez que vous avez tort.

                        LE  MARY

        Avoir tort ? J’ay tort, voyrement ?

        Dolent serois amèrement116

255  (Aussi je ne suis pas si fol117)

        De luy toucher… Vertu sainct Pol !

        Mais je crois qu’elle aura grand joye

        Quand il fauldra qu’elle me voye.

        Certes, je vous aymeray bien

260  Si vous povez trouver moyen

        Que j’aye [un] acord avec elle.118

        Je la voy.

                         Dieu vous gard, ma belle !                   SCÈNE  V

        Vers vous je viens par grand[s] acquêtz119

        Affin d’éviter un120 procès.

265  Vous m(e) aurez donc pour excusé121.

                        LA  DAME

        Hélas, tant vous estes rusé !

        Si vous [vous] mocquez, si le dictes.

                        LE  MARY

        La raison veult que je m’aquites :

        Aussi, c’est mon intention.

                        LA  CHAMBRIÈRE

270  Tant vélà bonne invention !

        Il est plain de grand charité.

                        LE  SERGENT

        Vrayement il vous a dit vérité.

        C’est pour cela que je l’amayne122.

                        LA  DAME

        Je vous remercie de la peine

275  Que vous prenez, mais je sçay bien

        Qu’il ne s’aquitera de rien.

        Lisez : « Promettre et rien tenir123. »

                        LE  VOYSIN

        La fièvre le124 puisse tenir

        Si vous n’estes125 tous deux contens !

                        LE  MARY

280  Voicy le Karesme126, et bon temps,

        Qu(e) avec vous me vueil resjouyr.

                        LA  DAME

        Sainct Jehan ! Dieu vous en vueille ouïr !

                        LE  VOYSIN

        Il sera plus doux que mïel127.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Ma dame n’a point de fïel :

285  On la peult de peu contenter.

                        LE  VOYSIN

        Esse à toy de t’en démenter128,

        Du discort129 de l’homme et de la femme ?

                        LE  MARY

        Il est temps de nous esventer130.

                        LE  VOYSIN

        Esse à toy de t’e[n] démenter ?

                        LA  DAME

290  Allons l’un l’autre contenter :

        [Nous n’y]131 pourrons avoir [nul] blasme132.

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                        LE  VOYSIN                                      SCÈNE  VI

        Esse à toy de te démenter

        Du discort de l’homme et de la femm[e] ?

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Et qu’esse qu’il te fault, infâme133 ?

295  Je parleray !

                        LE  VOYSIN

                             Tu mentiras134 !

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Tu te tairas !

                        LE  VOYSIN

                                Si feras-tu135 !

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Sainct Jehan ! tu t’en repentiras :

        Je parleray !

                        LE  VOYSIN

                               Tu mentiras !

                        LA  CHAMBRIÈRE 136

        Regarde bien que tu feras !

                        LE  VOYSIN

300  Et aussi, pourquoy me bas-tu ?

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Je parleray !

                        LE  VOYSIN

                               Tu mentiras !

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Tu te tairas !

                        LE  VOYSIN

                               Si feras[-tu] !

                        LE  SERGENT

        Le tout ne vault pas un festu137 :

        Il[z  se] sont ensemble remis.

305  Fol est qui se mesle d’amis

        Et d’enfans : c’est abusion138.

        À gens de bien n’est point permis139.

        Fol est qui se mesle d’amis.

                        LE  VOYSIN

        Allons après, c’est [par trop mis]140.

310  C’est pour toute conclusion.

                        LA  CHAMBRIÈRE

        Fol est qui se mesle d’amis

        Et d’enfans : c’est abusion.

                        LE  SERGENT

        Pour oster la d[i]vision,

        Chantons une chanson ensemble !

                        LE  VOYSIN

315  C’est le meilleur, comme il me semble.

.

                                              FIN

*

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Cinquante-troisiesme

Arrest d’Amours

donné sur le règlement des arrérages

requis par les femmes à l’encontre de leurs mariz.141

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Par-devant l’Abbé des Cornards en ses grans jours tenuz à Rouen, procès s’est meu & assis en première instance entre Catin Huppie142 (demanderesse en action personelle, hipotèque & payement d’arrérages, & encor requérant l’entérinement de certaine requeste143) d’une part, à l’encontre de Pernet Fétart144, son mary (défendeur), d’autre.

Finfrété145, pour la demanderesse, disoit que depuis quatre ans en çà ou environ, ledict défendeur – qui est d’assez belle taille – par plusieurs solicitations auroit tant poursuivy icelle demanderesse, faignant luy porter amitié & estre homme d’escarmouche146, que finalement, par commun accord des parentz, mariage s’en seroit ensuivy ; lequel ayant prins consommation147, depuis, par succession de temps, pensant icelle demanderesse s’estre mariée pour vacquer à procréation de lignée (ainsi que Dieu & nostre mère Saincte Église l’ordonnoyent), se seroit trouvé ledict défendeur, sinon du tout inhabile & malificié148 à tel déduit, pour le moins homme recreu & mal propre149, plus ayant de babil à sa langue que d’exécution à sa lance150. Tellement qu’à chasque propos, fuyant la lice151, subtilisoit152 mille délaiz, subterfuges & exoines153, sans donner le contentement réciproque au mariage, ainsi que le devoir l’obligeoit ; ains154 s’armoit de mille excuses fondées ou sur la saincteté des jours155, ou sur l’impertinence du temps156, ou bien se garantissoit157 de telz actes – requis au soulagement du mesnage – par unes fréquentes & assidues absences, de manière que la pauvrette demouroit nuict & jour en friche158, au grand dommage & intérest d’elle & des siens (…), oultre l’espreuve & expérience qu’elle en avoit faicte par le passé, longtemps devant159 que d’entrer en ce lien de mariage….

Lors de leurs fiançailles, devisans lesdictes deux parties en particulier (comme est la commune usance des accordéz), iceluy défendeur, par plusieurs allèchemens & subornations, sceut si bien surprendre la demanderesse que, ne se povant dépestrer de ses laz160 – joinct la promesse du futur mariage –, fut contraincte de se laisser du tout161 aller à la mercy dudict défendeur, luy prestant par ce moyen plusieurs « pains sur la fournée162 »….

Conséquemment, par coustume généralle, ledit défendeur estoit tenu à payer les arréraiges, ou bien de déguerpir la place. Quant est du déguerpissement, n’y en avoit aucun en la présente matière, attendu que le mariaige contient en soy une hipotecque qui ne périt que par la mort. Restoit donc à fournir par luy au payement des arréraiges escheuz après ses longues tergiversations & absences….

Par plusieurs interpellations, avoit ladicte demanderesse solicité le défendeur de parfournir à ceste debte. Et pour preuve de ce, employoit pour toute production les œillades & jambes coquines163, & mille parolles de mignardise & douceur par elle practiquées, sans que partie adverse y ait jamais presté que l’oreille sourde, tournant à chasque propoz la charrue contre les bœufz164. Au moyen de quoy, après une longue attente, voyant icelle demanderesse que pour quelque instance & poursuyte qu’elle fist par amytié à l’endroict dudict défendeur, néantmoins ne vouloit entendre d’entrer en aulcun payement.

Conseillée par quelques siens parens & amis (gens entenduz165 en cest affaire), avoit esté contraincte de mettre ledict défendeur en procès par-devant l’Abbé des Cornardz. Si, concluoit à l’encontre dudict défendeur à deux fins : c’est à sçavoir qu’iceluy défendeur, comme du tout affecté & hipothecqué à la personne de ladicte demanderesse, fust tenu de payer entièrement les arréraiges escheuz jusques à huy166 des nuitz oiseusement passées depuis leur contract de mariage…. Ou, en tout événement, que permission fust baillée à ladicte demanderesse se pourvoir d’adjoinct & ayde selon qu’elle verroit estre bon de faire….

Disoit ledict Maugarny167 estre semblablement d’accord (car il vouloit recongnoistre vérité) des plaisirs que ledict défendeur avoit receuz de ladicte demanderesse auparavant leurdict mariage…. Partant, si la demanderesse avoit usé à l’endroict dudict défendeur de quelque sorte de gratieuseté, la récompense luy en avoit esté par un mesme moyen rendue, par ce qu’elle ne pouvoit exercer ceste libéralité que le deffendeur, sur le champ, ne luy rendist la pareille, voire avec une usure centiesme168. Et ce pour autant que le plaisir de la femme – non point par jugement humain mais par arrest des oracles169 – est de la centiesme partie & sans comparaison plus grand que celuy que reçoit l’homme en telles opérations….

Si (comme elle avoit soustenu) la vérité estoit telle qu’elle avoit faict espreuve cors à cors de la personne dudict défendeur, soubz correction170, ne pouvoit dire qu’elle eust esté surprinse ; ains se debvoit à elle-mesme imputer si elle s’en trouvoit mal171….

Le mary n’est point plus obligé qu’en tant qu’il y peult satisfaire. Aultrement, si l’hypotecque des mariaiges alloit d’un mesme pas que les autres, certainement à la longue les povres maryz demeureroient percluz & hypothecquéz de tous leurs membres ; & y auroit danger que, de telles actions hypotécaires, on ne créast autres actions d’apoticaires, pour les fraiz & mises qu’il conviendroit faire en drogues, pour substanter & remettre en entier la nature172 des pauvres hommes, lesquelz se débilitent, cuydantz faire plus qu’ilz ne peuvent….

En matière de corvées, n’y escheoyent point d’arréraiges : par conséquent, ny en mariaige, où les baisers & accollementz de mary à femme ne sont que pures corvées. Ainsi, le sort principal payé, demeuroient pareillement absorbéz tous les arréraiges qu’eussent peu les femmes mariées prétendre….

En tant que touchoit le second173, sur l’adjoint par elle requis, respondoit que telle requeste estoit contre toutes bonnes meurs, & chose non jamais usitée, à raison des dissensions, jalouzies, umbraiges & divorces qui se pourroient susciter entre le mary & l’adjoinct ; tellement que, d’aucune mémoire, ceste loy n’avoit jamais eu cours, mais bien avoit-on veu au contraire en plusieurs endroictz du Levant (& de nostre aage & de l’ancienneté) un mary avoir plusieurs femmes….

Le public, à l’occasion des clameurs qui venoient ordinairement de la part des femmes par faulte d’adjoinct, requéroit qu’il pleust audict Abbé & à son Conseil, renouvellant l’ancienne loy, ordonner que désormais, à chasque femme mariée seroit son mary semblablement pourveu d’adjoinct, & ledict Arrest publié à son de trompe par tous les cantons des Cornardz….

Si a ledict Abbé & sa Court veu le procès en grande & meûre délibération, & le tout veu & considéré, a déclaré & déclare ladicte demanderesse bien recevable en ses demandes & conclusions. Et en faisant droict sur icelles, a condemné ledict défendeur à payer les arréraiges deubz par iceluy défendeur, à raison de l’hipotecque procédant de leur mariage. Alias, à faulte de ce faire, a permis à ladicte femme dès à présent comme dès lors, & dès lors comme dès à présent, se pourvoir, à sa volunté, d’adjoinct…. Pour oster d’oresnavant toutes les plainctes qui viennent en ladicte Court de la part desdictes femmes, leur a ladicte Court permis (en cas qu’ilz se trouvent mal payées) se pourveoir semblablement d’adjoint comme ladicte demanderesse, à la charge que tout se face soubz main & sans bruit, au déceu174 de leurs mariz.

*

1 Des mendiants aveugles jouaient de la vielle dans les rues.   2 Par sommation de payer sous peine d’excommunication. Les femmes qui réclament des arrérages à leurs piètres maris sont deux : celle qui intervient dans la farce, et sa voisine, dont on raconte les démarches infructueuses aux vers 154-163.   3 Chanson inconnue, y compris dans la version R : Amie ay fait nouvellement. (Voir Brown, nº 15.) Le terme musical « à plaisir », qui traduit l’italien a piacere, laisse entendre que le chanteur improvise une mélodie sur ce triolet. En ces temps où le moindre maître ès Arts savait mieux le solfège que nos actuels diplômés du Conservatoire, cela n’aurait rien eu d’impossible.   4 Sexe. « Les tétons mignars de la belle,/ Et son petit cas qui tant vault. » Clément Marot.   5 Chez elle, assise au bord du lit, elle discute avec sa chambrière, qui est en quelque sorte son avocate.   6 Qu’il ne me rembourserait pas les coïts qu’il me doit. Voir la notice.   7 Combien de fois vous a-t-il fait l’amour ? On retrouve ce verbe faire aux vers 138 et 208.   8 Jouons-lui un mauvais tour. « Faisons-luy quelque aultre finesse. » Troys Gallans et Phlipot.   9 Au nom de la bonté de Dieu (qu’on invoque ici pour commettre une action diabolique).   10 Il ne redoute pas.   11 BM : renger des noz  (Qu’il en sera ruiné.)  Puisque le mari est plus parjure qu’un chien (vers 13), il sera traité comme un chien.   12 Faites-le. Au contraire des autres éditeurs parisiens, Chrestien n’a pas trop édulcoré les idiotismes normands.   13 Contre nous. Cf. les Veaux, vers 252. La chambrière, qui prend au sérieux son rôle d’avocate, va même jusqu’à citer du latin.   14 Piteux.   15 Devant l’Official, qui réglait tous les problèmes liés à la sexualité du couple. Cf. le Tesmoing et Jehan de Lagny.   16 Une manie. Le latin était la langue officielle de l’Église.   17 La Cour laie [laïque] est un tribunal séculier, au contraire de la Cour d’Église. Cf. la Réformeresse, vers 254-255.   18 Personne.   19 Sa reconnaissance de dette prouvant qu’il vous doit un certain nombre de coïts.   20 Citer à comparaître.   21 Tarder.   22 Pour peu qu’il reconnaisse sa signature.   23 Il y aura des suites sévères.   24 Ironique : Qu’elle est malheureuse !   25 Le pire, le plus grave.   26 Je n’ose pas mettre un amant à sa place. « Je ne puis commettre aultre lieutenant général en mon lieu. » (ATILF.) Dans l’Arrêt que je publie en annexe, la femme obtient que son impuissant de mari soit flanqué d’un « adjoint » qui s’occupera d’elle.   27 De prime-saut, d’emblée. Cf. Jehan qui de tout se mesle, vers 148.   28 Dans la chambre.   29 BM : paindre  (Pointer, bander. « Lance au bout d’or qui sais et poindre et oindre. » Ronsard.)   30 BM : Du mien il ne  —  R : Mais au mien ie   31 Vraiment ?   32 J’ai attrapé. Au lit, les femmes se pressaient contre leur mari pour avoir moins froid.   33 Qui m’oppresse et m’élance.   34 Une défaillance, un malaise. « Las ! il m’est pris une faillance. » Le Poulier à sis personnages.   35 BM : Je  —  R : Que  (Quand je ne sens pas contre moi mon voisin de lit. « Pour l’amour de son amarry. » Les Chambèrières qui vont à la messe.)   36 La femme se renseigne afin de pourvoir d’un bon « adjoint » son mari déficient.   37 « “C’est un payeur d’arrérages.” Ces mots se disent en riant pour marquer un homme vigoureux, & bien capable de contenter une Dame en matière d’amour. » Le Roux.   38 Un soldat à la retraite. Sous-entendu : un impuissant.   39 Même les gens qui n’étaient pas de Paris connaissaient de réputation la chapelle Sainte-Avoie : c’est à ce pèlerinage que prétendaient se rendre les épouses qui allaient rejoindre leur amant. Voir la note 106 du Povre Jouhan.   40 Cette affaire. Mais on n’a pas oublié le « petit cas » du vers 5.   41 Si nous pouvons trouver un sergent.   42 Jamais, depuis que nous avons signé une conciliation au sujet des arrérages sexuels qu’il me doit. Voir la notice.   43 Il entre chez la dame. Ce sergent apparaît miraculeusement quand on a besoin de lui, et l’auteur ne tente même pas de justifier cette apparition.   44 Sans me gêner.   45 BM : desplaise  (À la rime.)  Je n’ai vu aujourd’hui personne que j’aie autant eu envie de voir.   46 BM : lieu  (Si le sergent est venu chez la dame à une heure où il devine que le mari est absent, c’est qu’il avait peut-être envie de tester le lit.)   47 C’est vrai. Cf. Régnault qui se marie, vers 256.   48 BM : regard  (Le brocard est une étoffe dont on fait notamment des couvre-lits : « Un autre lict de brocard de soye. » Inventaire de Vaux.)  Un brocard est aussi une raillerie : cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 324. La chambrière soupçonne le sergent d’avoir des vues sur sa patronne.   49 Par ici.   50 N’étiez-vous pas présent à la signature de notre conciliation ?   51 BM : soupplectz  (De longues plaidoiries. « En fault-il faire tant de plaist ? » Les Femmes qui font refondre leurs maris.)   52 La notification. « Aucun sergent du Roy ne puisse (…) faire adjornemens ou aucuns exploiz de justice. » (ATILF.) Exploit rime en « è », à la manière normande : « Escrivez-nous cy nostre explet. » Jehan de Lagny.   53 De telle manière.   54 Vous lui fîtes cadeau de la moitié des arrérages qu’il vous devait.   55 BM : songer  —  R : payeroit  (Par telle condition qu’il vous paye en nature ces arrérages.)   56 R : continueroit  (Ce vers manque dans BM.)   57 BM : chambriere.  —  R : Femme.   58 Rappelé, résumé.   59 Sur ce point. Idem vers 157. « Je vous respondray sur ce pas. » Pour le Cry de la Bazoche.   60 Dû, prévu. J’emprunte à R ce mot qui manque dans BM.   61 BM : ays  (Que j’en vienne à bout.)   62 Le mari doit payer les arrérages en liquide… Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 136.   63 BM : ne  (Je le redoute.)   64 Sans raison.   65 Réglez son compte au mari. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 245.   66 BM : les  (De maintenir son mari.)   67 BM+R : cela  (Cela me serait pénible.)   68 Une lettre officielle.   69 La femme du Voisin, lequel est l’ami intime du mari. Donc, aucun de ces deux « amis » ne veut coucher avec son épouse.   70 Spoliation. « Briefz de nouvelles dessaisines. » ATILF.   71 BM : serois  (Vous seriez remise en possession de vos droits, sur ce point.)   72 Ne concerne pas ce cas. Double jeu de mots : Ce petit pénis ne gît pas dans le sexe de la voisine.   73 BM : Et  (Elle : la voisine.)   74 BM : tencee  (Tannée, tourmentée. « De ma vie, ne fus plus tenné/ Que je fus à ceste heure-là. » Les Maraux enchesnéz.)   75 Un gage-pleige, un brevet. « De quelque bref ou gaige-plège. » (Pates-ouaintes.) Rime avec soulaige.   76 BM : nestoit  (Au jeu de paume, « mettre dessus », c’est envoyer l’éteuf par-dessus la corde.)  Allusion à une posture où la femme virile chevauche l’homme efféminé.   77 D’être acculé. Cf. Frère Guillebert, vers 253.   78 BM : luy  (D’être fessé par la Justice.)   79 BM : Vostre clame  (Madame, sans mentir.)   80 BM : Par apres nul sanson  (« Et n’est nul, tant soit hardy, qui pour ceste querelle s’oze mettre en champ à l’encontre de lui. » Messire Gilles de Chin.)   81 Vers manquant. Oint = amadoué.   82 Au sergent.   83 BM : cest affaire  (À la rime.)  Accomplissez ce qu’il y a à faire.   84 J’y vais.   85 J’ai votre cas sous ma protection. Mais le cas désigne encore et toujours le sexe de la femme : voir les notes 4, 40 et 72.   86 Ces deux amis inséparables sont dehors, non loin de la maison du mari.   87 BM : &c.  (Et cetera.)  Cette chanson étant fort connue au XVIe siècle, l’éditeur résume le 1er couplet dans un « etc. » qui n’était pas gênant à l’époque, mais qui nous prive aujourd’hui de la rime du vers 190. Je complète donc ce couplet d’après le ms. de Bayeux.   88 Réminiscence d’une autre chanson qui dit : « Et fust-elle cent fois plus belle. » Voir le vers 260 du Povre Jouhan, et le vers 214 de l’Antéchrist.   89 Si j’étais vous, je la quitterais.   90 R échange ce vers sadique contre un vers masochiste qui ne reflète pas la profonde misogynie de l’époux : Je treuve plaisir en ma peine.   91 « Vous plaignez-vous de teste saine ? » Testament Pathelin.   92 BM : appointactes  (Voir la note 50.)   93 Ma femme (normandisme).   94 BM : Et  —  R : elle  (Elle vous tint quitte.)   95 Vous avez agi en conséquence.   96 Vous en rendrez un compte exhaustif. « Qu’ils feussent condempnés et contrains à rendre compte et reliqua de l’administration par eulx eue des biens dudit Henry. » ATILF.   97 Quand je voudrai m’y mettre.   98 La clé, qu’on enfonce dans le trou d’une serrure, est une métaphore priapique courante. « –Il y a, sans comparaison,/ Un cul qui a perdu sa clef./ –Ha ! je l’auray tost retrouvée,/ Car je la porte à ma ceinture. » La Ruse, meschanceté et obstination d’aucunes femmes.   99 J’en viendrai bien à bout.   100 Une action en justice. Le voisin se transforme lui aussi en avocat.   101 Abandon de mes biens. « Je feray, avant, cession,/ Et vous abandonne mes biens. » Jehan qui de tout se mesle.   102 L’acceptera.   103 Et finit par s’éteindre.   104 Une ruse du débiteur.   105 Dehors, il rencontre les deux hommes par hasard. Décidément, les dieux du théâtre sont avec lui !   106 Que je m’apprête.   107 À votre compagnon, par allusion à « la bande sacrée des jeunes Thébains, qui autrement s’appelloit la bande des amis ». (François de La Noue.) Les mignons d’Henri III seront accusés d’y appartenir : « Quelqu’un de la bande sacrée eut des chancres en mauvais endroits. » (Agrippa d’Aubigné.)   108 Sans que vous reveniez sur vos pas.   109 Vous entendrez sa requête.   110 Je vais.   111 À elle. Ce mot latin est un peu menaçant : « Le diray à maistre Antitus,/ Qui parlera à ton sibi ! » Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris.   112 BM : nest   113 BM : houblee  (Dépoussiérée. Au second degré : ramonée. Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 30 et passim.)   114 Une médaille fixée à la coiffure.   115 Si vous avez des remords de conscience.   116 BM met ce vers juste après 252, suivi sur la même ligne par la rubrique Le mary.   117 BM : sot   118 La femme et sa chambrière sortent de la maison.   119 BM : aceptz  (Pour mon plus grand profit. « Et n’avez pas eu grand acquest/ Ny proffit à parler ainsi. » L’Antéchrist.)   120 BM : a   121 Vous me tiendrez pour excusé : vous accepterez mes excuses.   122 BM : layme.   123 Proverbe recueilli tel quel dans les Adages françoys.   124 BM : la  (L’encrage de ces 2 vers est très défectueux : on devine plus qu’on ne lit.)   125 BM : nettes   126 La pièce est donc jouée lors du Carnaval, que va suivre le Carême, qui est une longue période d’abstinence peu favorable aux plaisirs de la chair. La femme ne se rend pas compte que son mari la berne une fois de plus.   127 Diérèse normande. Lorsque maître Pathelin imite le patois normand, il dit à propos d’une mouche à miel : « Ou à une mousque à mïel. »   128 De t’en préoccuper. Les deux « avocats » commencent à s’écharper.   129 De la discorde.   130 De changer d’air, de quitter les lieux. Cf. Pour porter les présens, vers 26.   131 BM : Ny nous   132 « Elle n’y peult avoir nul blasme. » (Les Queues troussées.) Le couple rentre dans sa maison. Dans R, le Voisin commente ce départ :

       Il s’en sont alléz là-derrière,

       Pensez, cheviller leur accort

       Afin qu’il en tienne plus fort.

       C’est ainsi qu’il faut appaiser

       Les femmes, quand veulent noiser.

       Les voilà ensemble remis.

133 Homosexuel. « Les infâmes/ Bougerons [bougres] plains de forfaicture,/ Pécheurs contre Dieu et Nature. » (La Nef des folz du monde.) Voir la note 95 des Sotz fourréz de malice.   134 Tu n’auras pas dit la vérité. Cf. l’Aveugle, son Varlet et une Tripière, vers 111.   135 C’est toi qui te tairas.   136 Elle tape sur les fesses du voisin.   137 Cessez de vous battre, cela n’en vaut plus la peine. « Tout n’en valloit pas ung festu. » Les Premiers gardonnéz.   138 Le sergent condamne à la fois la sodomie et la pédophilie. « (Néron) s’esforça de transformer .I. filz masle en nature de femme quant il lui fist trenchier les .II. génitoires. De celui temps vint le proverbe que “l’usage des biaus enfans est abusion”. » Denis Foulechat.   139 BM : promi  (C’est indigne des gens de bien.)   140 L’encrage de ces 2 vers est défectueux. Ici, on lit vaguement : le toup mis. « C’est par trop mys, je vous assure. » (La Mère de ville.) Il faut comprendre : Nous sommes restés là trop longtemps. « Que chascun s’en aille,/ Car, par Dieu, nous avons trop mys. » (Le Monde qu’on faict paistre.)   141 Cet Arrêt composé par les Conards de Rouen clôt certaines éditions des 51 Arrests d’Amours, de Martial d’Auvergne.   142 Huppée, galante. « En faitz d’amours, j’estoye huppé. » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain.   143 Cette requête consiste à faire aider le mari impuissant par un adjoint.   144 Paresseux. Cf. le Résolu, vers 191 et note.   145 C’est l’avocat de la femme. Fin frété = rusé. « Un fin frété renard. » Godefroy.   146 Un bon amant. « (Il) commença à allentir les “coups” et n’estre plus si aspre en ses escarmouches. » Straparole.   147 Ayant été consommé.   148 Victime d’un maléfice qui rend impuissant, comme le nouement d’aiguillette.   149 Épuisé et peu propre à ce genre d’exercice.   150 Verge. « Je suis mal fourny de grosse lance telle qu’el espère et voy bien qu’el désire d’estre rencontrée. » Cent Nouvelles nouvelles, 15.   151 Le combat amoureux. « Petiz tétins, hanches charnues,/ Eslevées, propres, faictisses/ À tenir amoureuses lices. » Villon.   152 Il invoquait subtilement.   153 Des empêchements.   154 Mais il.   155 L’Église prohibait les rapports conjugaux certains jours de l’année.   156 Sur des conditions météorologiques défavorables au coït.   157 Se protégeait.   158 N’était jamais labourée. Cf. Raoullet Ployart, vers 43.   159 Avant. La jeune fille n’était donc plus vierge depuis longtemps.   160 De ses lacs, de ses pièges.   161 Totalement.   162 Couchant plusieurs fois avec lui. Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 237 et note.   163 Les appels du pied.   164 Lui tournant le dos dans le lit.   165 Expérimentés. Cf. l’Amoureux, vers 95. « N’est-il pas temps que vous emmenche ?/ J’ay desjà trois jours attendu :/ C’est trop, pour un homme entendu. » Bonaventure Des Périers.   166 Jusqu’à aujourd’hui.   167 Mal garni, mal équipé. C’est évidemment l’avocat du mari impuissant.   168 Sans que le mari ne lui rende ce plaisir au centuple.   169 Le devin Tirésias, qui avait été métamorphosé en femme, avouait que celles-ci prenaient dix fois plus de plaisir que les hommes : « Thyrésïas point ne menti/ Quand il dit que plus, de luxure,/ Quand il estoit femme senti/ Que quand avoit nostre nature. » L’Amoureux passetemps.   170 Sauf erreur. Cf. les Mal contentes, vers 483.   171 S’en prendre, si elle n’était pas contente de son mari, alors qu’elle l’avait essayé « corps à corps » avant de l’épouser.   172 La verge. « La créature/ Se venoit assoir à ses piéz/ Pour luy eschauffer la nature. » Guillaume Coquillart.   173 En ce qui concerne le second point : l’adjoint qui épaulera le mari déficient.   174 À l’insu.