LES FEMMES QUI FONT REFONDRE LEURS MARIS
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LES FEMMES QUI
FONT REFONDRE
LEURS MARIS
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Dans les farces, quand une jeune épouse est insatisfaite de son vieux barbon, elle prend un amant, ou elle fait appel à un troqueur de maris. Mais dans cette farce parisienne du XVIe siècle, les deux filles qu’on a mariées malgré elles à de vieux impuissants jugent plus pratique de les faire rajeunir par un fondeur de cloches. Lorsqu’une cloche est fêlée, on la fond, puis on coule son métal dans un moule pour en sortir une cloche neuve. Le fondeur de notre pièce met en œuvre une « science1 » analogue afin de rajeunir des vieillards bons pour la refonte. Nous avons ici la version « scientifique » du mythe de la fontaine de Jouvence : on entre vieux dans une mystérieuse machine à remonter le temps, et on en ressort jeune. Cette « fournaise2 » est une espèce de cabane munie d’un hublot, avec un double fond qui est censé contenir des bûches enflammées. C’est une copie des fournaises dans lesquelles les syphilitiques suaient la vérole. Cette farce peut être comparée à celle des Hommes qui font saller leurs femmes, dans laquelle ce sont les maris qui font « améliorer » leur épouse par un charlatan qui, ensuite, ne peut plus revenir en arrière.
Source : Recueil du British Museum, nº 6. Imprimé à Lyon vers 1548. L’éditeur s’est appuyé sur un manuscrit qui était quasiment rédigé en prose, avec des ajouts défiant la métrique, des hémistiches inversés, et des rimes sacrifiées au profit du sens (dans le meilleur des cas).
Structure : Rimes plates, avec 1 triolet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle à
cinq personnaiges des
Femmes qui
font refondre
leurs maris
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C’est assavoir :
THIBAULT
COLLART
JENNETTE [femme de Thibault]
PERNETTE [femme de Collart]
et LE FONDEUR [DE CLOCHES]
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THIBAULT 3 commence SCÈNE I
Hau, Jennette !
JENNETTE
Que voulez-vous ?
THIBAULT
Sus ! aydez-moy à ma requeste ;
Approchez-vous, mon fin cueur doulx.
Hau, Jennette !
JENNETTE
Que voulez-vous ?
THIBAULT
5 J’ay une si horrible toux
Qu’elle me rompt toute la teste.
Hau, Jennette !
JENNETTE
Que voulez-vous ?
THIBAULT
Sus ! aydez-moy à ma requeste.
Je me veulx faire ung peu honneste4 :
10 Boutez-moy [ma robbe en bon point]5.
JENNETTE
(Et ! ne suis-je pas bien en point,
D’estre femme d’ung tel vieillard
Qui ne vault nomplus que vieil lart6 ?
Mauldictz soyent l’heure et le jour
15 Que oncques je le vis !)
THIBAULT
Ha ! Dea, m’amour,
Que dictes-vous ? Que je l’entende,
Affin que remède vous rende
À vostre propos convenable7.
JENNETTE
Laissez-m(oy) en paix8, de par le dyable !
20 On n’aura jà bien, avec vous.
Qu’estranglé soit cestuy des loups,
Qui nous mist une foys ensemble9 !
THIBAULT
Vous vous courroucez, ce me semble,
À tort, sans cause et sans raison.
25 N’avons-nous pas belle maison,
Terres, prés, vignes [et raisin]10,
Tant qu’entour nous n’y a voisin
Qui en ayt plus souffisamment ?
Louer en debvons l’Omnipotent11 !
30 [Et qui, plus que nous, posséda
De varletz ?]12
JENNETTE
Il ne tient pas là13.
THIBAULT
N’avez-vous pas bons14 vestemens,
Et plusieurs beaulx habillemens,
Et aussi voz [gans que voylà]15,
35 Beaulx tissus ?
JENNETTE
Il ne tient pas là.
THIBAULT
Ne tiens-je pas, ma débonnaire,
Tous les jours [ung] bon ordinaire ?
[Les] biens ne nous failliront jà16,
La Dieu mercy !
JENNETTE
Il ne tient pas là.
THIBAULT
40 Je ne vous fais point de reprouche17,
Je ne vous [courrouce ne touche]18 :
Car oncques homme mieulx n’ayma
Sa femme, et19…
JENNETTE
Il ne tient pas là.
THIBAULT
N’allez-vous pas dancer aux festes
45 Avec d’aultres femmes honnestes,
Festoyer deçà et delà
S’il20 vous plaist ?
JENNETTE
Il ne tient pas là.
Par ma foy ! vous n’y estes mye.
THIBAULT
À quoy tient-il doncques, m’amye ?
50 Je vous requiers que je le saiche.
Je suis ung peu pesant et lasche
Pour faire l’amoureulx desduict21 ;
Je ne sçay si cela vous nuict.
Voulez-vous pas habille [m]estre22
55 Pour tel cas ?
JENNETTE
Il se pourroit bien estre23.
THIBAULT
Et pourquoy ?
JENNETTE
Nature le veult24.
THIBAULT
Ha ! m’amye, qui ne peult ne peult.
Vous debvez prendre pacience.
Celluy mestier n’est pas science
60 Pour recouvrer de bien en mieulx25 :
Car quant l’homme devient plus vieulx,
Il devient plus lasche à ouvrer26.
Il n’est si vaillant labourier27
Qui ne [s’ennuye du labour]28.
JENNETTE
65 Je ne cesseray nuyct ne jour
D’adviser29 ne d’estudier
S’on y pourroit remédier,
Car il30 me touche de trop près.
THIBAULT
Où allez-vous ?
JENNETTE
[I]cy après31 ;
70 Je reviendray en bien peu d’heure32.
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COLLART 33 SCÈNE II
Dieu, que ceste femme demeure34 !
Elle ne faict que babiller
Çà et là. C’est pour forcener35 !
Parquoy j’ay tousjours besoing d’elle.36
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75 Ho, Pernette ! SCÈNE III
PERNETTE
Qu’esse37 qui m’appelle ?
COLLART
C’est moy-mesmes. Dont venez-vous ?
PERNETTE
J’estoys allée quérir des chous
En nostre courtil, pour disner.
COLLART
Dame, on ne peult [de vous finer]38
80 [En nul temps, fors]39 quant il vous plaist.
PERNETTE
En fault-il faire tant de plaist40 ?
Je n’estoy(e)s pas en maulvais lieu.
COLLART
Je ne le ditz pas, de par Dieu !
Mais vous sçavez que je ne puis
85 Rien employer41 si [je] ne suis
Secouru de vous. C’est rayson
Que servy soyes, en ma mayson,
De vous mieulx que d’une estrangière.
PERNETTE
(Le dyable ayt part en la manière !
90 Tousjours il ne faict que grongner,
Tousjours ne cesse de tousser,
Cracher, niphler42, souffler, ronfler.
Bel despesche43 soit du vieillard !)
COLLART
Dea, m’amye, Dieu y ayt part !
95 Vous vous courroucez, ce me semble.
Dieu nous a-il pas mis ensemble
Par juste et loyal mariage ?
Et se je ne suis [qu’en fol aage]44
Et vous en la fleur de jeunesse,
100 Me debvez-vous monstrer rudesse,
Et reproucher mes accidens45 ?
Quant vous veinstes icy dedans,
Je n’euz de vous, pour tout potaige,
Que vingt livres46 en mariage ;
105 J’en eusse trouvé largement
Qui en eussent [eu plus de]47 cent.
On doibt trèstout considérer,
[Devant que de se marier :]
On n’en peult lors48 que mieulx valloir.
PERNETTE
110 Je veulx bien mettre à nonchalloir49
Voz « accidentz », n’en doubtez point ;
Mais il y a ung aultre point
Qui me faict mourir de destresse.
COLLART
Et quoy, ma trèsbelle maistresse50 ?
115 Dea ! si vous avez maladie
Ou quelque douleur, qu’on le dye :
Car ung médecin bel et bon
Manderay quérir.
PERNETTE
Nenny, non51.
COLLART
Y a-il nul, en voysinaige,
120 Qui vous a faict ou dict oultraige ?
J’en feray la pugnission
Tant qu’il souffira52.
PERNETTE
Nenny, non.
COLLART
Et ! avez-vous faulte de rien53 ?
De boire, ou menger ? Je sçay bien
125 Qu’on ne vous di[roi]st jamais non
De chose qui soit céans.
PERNETTE
Nenny, non.
COLLART
Avez-vous faulte aulcunement
De quelque bel habillement,
Ou de tissus de la façon
130 Qu’on [porte à]54 présent ?
PERNETTE
Nenny, non.
COLLART
Vous ay-je jamais menassée,
Bastue, [ou] férue55, ou frappée ?
[Vous di-je]56 pis que vostre nom,
Quoy que vous fissiez ?
PERNETTE
Nenny, non.
COLLART
135 Dea ! si vous avez sur le cueur
Mélencolye ou [bien rancueur]57,
Dictes-le-moy : [j’y pourvoyray]58.
Non ferez ?59
PERNETTE
Certes, non feray.
COLLART
Ce sont donc(ques) merveilleux labours60 !
140 Esse point donc(ques) du jeu d’amours,
Où vous61 faictes journées petites ?
[Esse point cela ?]
PERNETTE
Vous le dictes ;
Ce n’est pas moy qui vous accuse.
COLLART
Qui faict ce qu’il peult, il s’excuse62 :
145 Car il convient qu’on se repose,
Quant on ne peult faire aultre chose.
Prenez le temps paciemment
Ainsi qu’il vient.
PERNETTE
C’est mallement63 !
Il m’en desplaist, quant à ma part.
COLLART
150 Vous avez bon temps, d’aultre part.
De celluy mestier ne vous en chaille64 !
PERNETTE
Il n’y a « bon temps » qui rien vaille,
Ne de quoy donnasse [une escorce]65 !
COLLART
N’y pensez plus.
PERNETTE
Il m’est bien force,
155 [Car] je ne m’en sçauroy tenir66.
COLLART
Femme de bien doibt maintenir
Chasteté : la vertu est belle.
PERNETTE
Soyt belle ou layde, j’en appelle67,
Car j’ay le… cueur en la « besongne ».
160 Je m’en voys filler ma quelongne68,
Passer le temps sur69 ma commère.
COLLART
Or allez ! [Et] se mon compère
Veult venir souper avec nous,
Si l’amenez avec[ques] vous,
165 Et nous ferons trèsbonne chère.
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LE FONDEUR DE CLOCHES 70 SCÈNE IV
Ho ! Chaulderons vieilz, chauderons vieilz !
(Or çà, çà ! qui ne sçait manière
Trouver, aujourd’huy, de gaigner,
Et d’amasser, et d’espargnier,
170 Il est tenu pour une beste.)
J’ay science belle et honneste,
Et proffitable en plusieurs lieux.
Or escoustez, jeunes et vieulx,
Et entendez bien ma parolle !
175 Saichez que je viens d’une escolle71
Où j’ay aprins mainte(s) science(s),
Dont en verrons l’expérience
En ce pays, par mons, par vaulx.
Car j[e sç]ay, de divers métaulx
180 – Comme d’or, d’argent ou d’acier –
Fondre cloche s’il en est mestier72.
Pour trouver manière de vivre73,
De fer, de layton et de cuyvre
Sçay faire de divers ouvraiges :
185 Comme chaudières, poilles74 pour ménaiges,
En la mayson et résidence.
Mais sur tous75, j’ay une science
Propice au pays où nous sommes :
Je sçay bien refondre les hommes
190 Et affiner76 selon le temps.
Car ung vieillard de quatre-vingtz77 ans
Sçay retourner78 et mettre en aage
De vingt ans, habille79 [homme] et saige,
Bien besongnant du « bas mestier ».
195 S’il y a nul qui ayt mestier
De moy, céans me trouvera.
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PERNETTE 80 SCÈNE V
Ho ! ma commère !
JENNETTE
Qu(i) esse-là ?
PERNETTE
Et ! ce suis-je, ma cher81 tenue.
JENNETTE
Vous soyez la [très]bien venue,
200 Ma commère ! Quel vent vous maine,
Ne comment avez prins la peine
D(e) icy venir, par vostre foy ?
PERNETTE
Je vous diroye je ne sçay quoy82
Moult voulentiers, mais c’est secret :
205 Me firay-je en vous ?
JENNETTE
Dieu le sçait !
[Qu’y a-il]83 donc, belle commère ?
PERNETTE
J’ay une douleur si amère
Au… cueur, que j’en suis au mourir.
JENNETTE
Ne vous pourroit-on secourir ?
210 On doibt tout dire à ses amys
Et à ses amyes. [Et puis]84 ?
PERNETTE
Je n’ose dire…
JENNETTE
Et ! qu’i a-il ?
PERNETTE
De mon mary, qui est si vil85
Qu’i ne me faict… ne [froict ne chault]86.
JENNETTE
215 De faire cela87 ?
PERNETTE
Ne luy chault,
Car sa vigueur est amortie.
JENNETTE
Tout en ce point suis-je assortie88.
Plus malheureuse ne fust oncque.
PERNETTE
N’en faict-il nul semblant89 ?
JENNETTE
Quelconque90 !
PERNETTE
220 Foy que doys à Dieu91, ilz ont grand tort !
Si tost [qu’il est couché]92, il dort
[Comme ung sabot ou ung mastin,]93
Depuis le soir,
JENNETTE
Jusqu(es) au matin :
Comme pourceaulx94, par ma conscience !
PERNETTE
225 [De la « besongne » mal il pense]95.
JENNETTE 96
J’entens bien que97 vous voulez dire.
Quel remède ?
PERNETTE
À nostre martire98 ?
Par mon âme ! [plus rien n’y vault]99.
JENNETTE
Il est arrivé de nouveau100
230 Ung mesgnen101 d’estrange pays102,
Qui faict les gens tous esbahys
De la grand science qu’il sçayt ;
[Chascun vient admirer son faict,]
Et [l’entent desjà tout le monde]103.
PERNETTE
235 Que sçait-il faire ?
JENNETTE
Quoy ? refondre
Les hommes qui ont trop vescu.
PERNETTE
Par la croix bieu ! j’ay ung escu
Que je mettray à l’adventure.
JENNETTE
Comment ! il fault qu’on s’aventure104.
240 Car telz qu’ilz105 sont, vous sçavez bien
Qu’ilz ne nous vauldront jamais rien.
[J’y emploiray bien]106 deux ducatz.
PERNETTE
Il fault, premier107, parler du cas
À eulx, pour sçavoir qu’ilz108 diront.
JENNETTE
245 Voulentiers y consentiront,
Mais109 qu’on les saiche ung peu flater.
PERNETTE
Or, vous [l’]allez doncques haster110 ?
Je m’en voys111 convertir le mien.
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COLLART SCÈNE VI
Mais dont venez-vous ?
PERNETTE
Dont je vien ?
250 De proposer ung [nouvel art]112.
Car par ma foy, mon bel Collart,
Nous sommes sur une praticque
Trèsmerveilleuse et ententicque113,
Mais que [vous] y voulliez entendre.
COLLART
255 Qu’esse ?
PERNETTE
Nous voulons entreprendre
De vous getter hors de vieillesse,
Et de retourner en jeunesse
Jusques en l’aage de vingt ans.
COLLART
Je croy qu’on y perdra son temps
260 Et l’argent qu’on y despendroit114.
PERNETTE
Et ! par mon serment, non feroit115 !
Le Maistre est logé en la ville,
Qu(i) en a jà refondu dix mille,
Et retournent beaulx et plaisans116.
COLLART
265 S’il117 me debvoit couster cent frans,
Je vouldroye qu’il118 fût desjà faict !
Allons-y !
PERNETTE
Bon besoing en est119 :
Avez quarante [ans] plus que moy.
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JENNETTE SCÈNE VII
Thibault, vous ne sçavez ?
THIBAULT
Et quoy ?
JENNETTE
270 Vous estes fort cassé et vieulx.
Il me semble qu’il vauldroit mieulx
Qu’on eust trouvé certain remède
De vous120 renouveller, [Dieu m’ayde]121 !
THIBAULT
Mais comment se pourroit-il faire ?
JENNETTE
275 Trèsbien, car je sçay le repaire
Où nous debvons trouver l’ouvrier.
THIBAULT
Il nous fauldroit [donc affiner]122
D[ans] une matière moult dure123.
JENNETTE
Rien, rien, mais de belle fondure :
280 Sur tous les aultres c’est le père124.
THIBAULT
Allons donc !
JENNETTE
Collart125, vostre compère,
Se veult mettre avec vous [en point].
THIBAULT
Hé ! Dieu, qu’il en a bien besoing !
Il a bien [plus que moy vingt ans]126.
JENNETTE
285 Il a [perdu] beaucoup de temps :
En brief parler, il s’i doibt mettre.
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THIBAULT 127 SCÈNE VIII
[Ho !] compère, allons veoir ce maistre !
Que vous semble de cest affaire ?
COLLART
Que sçay-je ? S’il se pourroit faire
290 De soixante ans tourner128 à vingt,
Oncques si bien ne nous advînt :
Ce seroit ung souverain bien.
THIBAULT
Allons vers luy.
COLLART
Je le veulx bien.
Et voyons ung peu la façon.
PERNETTE
295 Il refondit hier ung masson
De quarante ans ou de bien près ;
Mais il le fist si jeune et frais
Que ses amys s’en sont seignez129.
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THIBAULT SCÈNE IX
Dieu vous gard, Maistre !
LE FONDEUR
[Bien viengnez]130 !
300 Que voulez-vous dire de bon ?
COLLART
Estes-vous fourny de charbon
Et de vouge[s]131 à l’avantaige ?
Nous voulons retourner en l’aage
De vingt ans132.
LE FONDEUR
Il est fort à faire !
JENNETTE
305 Nous vous voulons bien satisfaire133,
Nostre maistre, car il134 nous touche.
LE FONDEUR
Il n’est si vieil, soit borgne ou louche,
Que je ne face jeune à mon aise135,
Par la vertu de ma fournaise.
310 Ne s’i mette qui ne vouldra.
THIBAULT
Or çà, combien nous coustera ?
Et vous ferez bien la besongne.
LE FONDEUR
Chascun cent escus.
COLLART
C’est vergongne136
De demander à chascun si grosse somme !
LE FONDEUR
315 Cinquante escus pour [chascun homme]137,
Ou je n’y mettray jà la main.
PERNETTE
N’attendez pas jusqu’à demain
Pour somme d’argent qu’il nous coutte.
THIBAULT
Nous sommes contens138.
LE FONDEUR
[Qu’on s’y boute]139 !
320 Mais il me fault premièrement
Sçavoir le pourquoy et comment,
[Et si] voz femmes y consentent,
Affin que si el(le)s s’en repentent,
[Qu’els n’en viennent rien demander]140.
325 Je croy qu’il vauldroit mieulx garder
Voz marys en l’aage qu’ilz sont.
PERNETTE
Ha ! Rien, rien !
LE FONDEUR
Que vous coustent-ilz dont141,
Vieil[z], chanu[z]142, la barbe florye ?
Vous demandez grande folye.
330 Vous les menez et pourmenez143 ;
Par vous sont du tout144 gouvernéz.
Vous estes dames et maistresses.
Quant vous voulez faire largesses145,
Leurs biens ne vous sont deffandus.
JENNETTE
335 Pour Dieu ! qu’ilz soyent refondus,
Pour les affiner ung petit146 !
LE FONDEUR
Je les feray à vostre appétit.
Mais ilz me semblent bien ainsi.
[Vous,] d’où estes-vous ?
THIBAULT
[De Paris]147
340 Tous deulx sommes néz et nourriz ;
De la ville [avons la façon]148.
LE FONDEUR
Et comment ne par quel raison
Les voulez-vous cy affiner ?
Par bieu ! on ne sçauroit trouver
345 De plus fins, d’icy à Vaulgirart149.
Le capitaine Jehan Peullard150
[Finer de plus fins ne sçauroit]151.
JENNETTE
Saincte Marie, si feroit !
LE FONDEUR 152
Je ne sçay à quoy vous tirez153,
350 Mais vous vous en repentirez
Avant qu’il soit jamès ung moys.
JENNETTE
Ne vous en chaille [toutesfoys] !
LE FONDEUR
Je m’en raporte bien à vous.
COLLART
Sus, sus, Maistre, despeschez-vous,
355 Car nous y vouldrions desjà estre !
PERNETTE
Refondez-les tost, nostre maistre.
Et vienne qu’en154 peult advenir.
JENNETTE
Jamais n’en pourroit mal venir.
LE FONDEUR
[J’obéys,] c’est maulgré mes dentz155.
360 Sus, de par Dieu, entrez dedans !
[Je vous fondray quoy qu’il advienne,]
À celle fin qu’à moy ne tienne156 ;
Mais le cueur ne me le dit pas.
THIBAULT
Maistre, besongnez par compas157,
365 Que nous n’y soyons confondus158.
PERNETTE
Par bieu ! vous serez refondus,
Vieillars radocteurs que vous estes !
LE FONDEUR
Or, faictes à Dieu vos159 requeste[s]
Que je les vous [rende aussi]160 saiges :
370 Car ainsi comme ilz changent d’aage[s],
Ilz changent161 de condition.
JENNETTE
C’est tout ce que nous demandon,
Affin qu’ilz changent leurs manières.
LE FONDEUR
Et s’il y avoit tant de matières,
375 En les fondant d’ung cueur joyeulx,
Que pour ung homme en vienne[nt] deux162
Quant l’ouvraige [dehors sera]163,
Que dictes-vous ?
PERNETTE
Tant mieulx vauldra,
Mais qu’ilz soyent [tous deux] bons « ouvriers164 » !
380 L’ung sera pour les jours ouvriers165,
Et l’aultre pour les bonnes festes.
LE FONDEUR
Puisque de si grand vouloir estes,
Affin qu’ilz soyent plus fort rouges166,
Il vous [fault animer]167 les vouges
385 Et souffler à toute puissance.
JENNETTE
Très voulentiers !
LE FONDEUR
(De ma naissance168,
Ne trouvay femme[s] si hastives !
Ce sont les plus superlatives169
Que soyent d’icy à Senlis170.)
PERNETTE
390 Comment se portent noz marys,
Maistre ? Pense[z] de nous respondre.
LE FONDEUR 171
Ilz commencent trèsfort à fondre.
Je ne sçay quel(le) fin ilz feront.
JENNETTE
Je croy172 que fort s’eschaufferont,
395 Tant souffleray par cy endroit.
PERNETTE
Le mien estoit tousjours si froit
Qu’i n’y avoit chaleur quelconques.
JENNETTE
Se fondent-il[z], Maistre ?
LE FONDEUR
Quoy doncques173 !
Vostre fonderie fort s’approche.
400 Soufflez, soufflez, nous aurons cloche174,
Car la matière prent trèsbien.
PERNETTE
Par mon âme ! [je veulx]175 le mien,
Ce m’est advis, à mon semblant176.
JENNETTE
Mais que j’aye ung jeune gallant,
405 Il ne m’en chault quoy qu’il me couste.
LE FONDEUR
(Avant qu’il soit la Penthecouste177,
[Celle-cy, qu’est]178 chaulde et soubdaine,
Vouldroit179 avoir fièbvre quartaine,
[Et aura]180 le cueur bien marry
410 [Qu’elle n’eust]181 son premier mary.
Mais il ne fault plus sonner mot.)
PERNETTE
Sus ! esse faict ?
LE FONDEUR
Tantost, tantost ;
Ayez ung peu [de] pacience.
Et ! cuidez-vous que la Science
415 Se publie en si petit182 d’heure ?
JENNETTE
Il y a desjà plus d’une heure
Qu’il sont dedans vostre fournayse.
LE FONDEUR
Je sçay bien que feray à mon ayse
Pour mieulx contregarder le faict183 :
420 Se le vostre estoit contrefaict,
Boyteux, bossu, [ou] borgne, ou louche,
[Ou ne sonnoit qu’à une clouche,]184
Vous en seriez trop mal contente.
PERNETTE
Il est tout cler185 !
LE FONDEUR
Ung peu d’attente186,
425 [Et] nous ferons bien nostre cas187.
JENNETTE
On vous payera en beaulx ducatz :
Nous-mesmes les avons en garde188.
PERNETTE
Esse faict, Maistre ?
LE FONDEUR
[Je regarde]189 ;
La matière est presque coullée.
430 Soufflez encore une soufflée
Pour les coulourer à devis190.
JENNETTE
J’ay bien soufflé, ce m’est advis.
Dieu vueille que le mien soit tout fin !
PERNETTE
Je demande le mien sanguin :
435 Je n’ay cure d’ung flegmatique.
JENNETTE
Et je veulx le mien colléricque191,
Hardy, motif192 et esveillé.
LE FONDEUR
Ilz seront trop fins, [à mon gré] :
Car quant ilz sont d’estoffe fine
440 Et [le refondeur leur]193 affine
La matière, [il la rent plus aigre]194.
JENNETTE
Tant sera chascun plus alaigre.
Que vault ung homme s’i n’est fin ?
On le tient pour ung babouin,
445 Ung homme simple, [ung homme infâme]195.
Il me faisoit estre homme et femme196,
Tant estoit à la bonne foy197.
PERNETTE
Le mien se rapportoit à moy
De tout tant que [je] voulloye faire.
LE FONDEUR
450 Vous trouverez tout le contraire,
À ceste heure, se je ne faulx198.
JENNETTE
Je croy qu’ilz sont de gros métaulx,
Et de matière bien espesse.
LE FONDEUR
Ilz estoyent durcis en vieillesse,
455 Qui m’a donné beaucoup de peine.
JENNETTE
Je suis jà à la grosse alaine199,
Par mon serment, tant ay soufflé !
LE FONDEUR 200
Holà ! ho ! tout est [bien] formé :
Ilz ne sont borgnes ne camus201.
460 Chantez Te Deum laudamus202 !
Voicy voz marys beaulx et gent[s].203
.
JENNETTE SCÈNE X
Par mon serment, ilz sont plaisans204 !
Je ne vouldroye [pas] pour grand-chose
Qu’il fust à faire205.
LE FONDEUR
Je suppose
465 Que j’ay bien gaigné mon sallaire,
Mais qu’il ne vous vueille desplaire.
Chascun recongnoisse le sien !
JENNETTE
Je cuide que voicy le mien.
Avez-vous point à nom Thibault ?
THIBAULT
470 Ouy, vrayëment, hardys et baud206.
Et vous estes ma mesnagière.
Mais il fauldroit changer manière :
Je veulx gouverner à mon tour.
PERNETTE
Mon amy, Dieu vous doint bon jour !
475 Estes-vous point maistre Collart ?
COLLART 207
Ouy, vrayëment, franc et gaillard,
[Moy] qui estoys doulx et courtoys.
Mais plus ne suis comme j’estoy(e)s :
Je vous garderay bien de rire !
PERNETTE
480 Hélas ! commère, qu’esse à dire ?
Mon mary est du tout changé.
JENNETTE
Et le mien est si estrangé
Qu’i m’a jà menassé à battre.
THIBAULT
Tenez, Maistre : sans rien rabattre,
485 Voylà cinquante escus comptans208.
Nous sommes de vous bien contents209.
COLLART
Nous vous commanderons210. Adieu !
LE FONDEUR
Allez à la garde de Dieu,
[Mes jouvenceaulx, avec voz belles]211 !
JENNETTE
490 Dieu ! que noz marys sont rebelles
Devenuz, et mal gracieulx !
PERNETTE
Le mien est si malicieulx212
Que je ne luy ose respondre.213
.
THIBAULT SCÈNE XI
Puisque m’avez voulu refondre
495 Et changer ma complexion,
[Vous ferez mon intention,]214
Car je seray seigneur et maistre !
Or pensez bien de [me] remettre
Toutes les clefz de la mayson !
JENNETTE
500 Non feray !
THIBAULT
Dictes-vous que non ?
Ha ! par la mort ! Si [je vous fiers]215…
JENNETTE
Pour Dieu, mercy je vous requiers216 !
THIBAULT
Compte rend[r]ez du mien de tout le temps passé ;
Et se vous m’avez cabassé217
505 Jusqu(es) à la valeur d’ung patart218,
Vous le comperrez219 !
JENNETTE
(Diable y ayt part220
Au premier qui s’en advisa
De le refondre !)
.
COLLART SCÈNE XII
Venez [çà],
Damoyselle, [me] rendre compte :
510 Car je veulx sçavoir combien monte
Mon ordinaire justement,
Jusqu(e) à ung denier221.
PERNETTE
Et ! comment ?
Nous [qui] vous avons faict refondre,
[Voulez-vous maintenant nous tondre ?]222
515 Je m’y oppose, quant à moy !
COLLART
Tays-toy ! Je monstreray de quoy223 :
Voicy vostre opposition.
PERNETTE
Qu’esse à dire ?
COLLART
Qu’ung224 gros baston,
Au millieu du dos bien assis…
PERNETTE
520 Esse cela ?
COLLART
Voyre, et bien pis !
Brief, vous [en] passerez par là.
.
PERNETTE 225 SCÈNE XIII
Hau ! commère !
JENNETTE
Qui esse là ?
PERNETTE
C’est moy, [la] malle fortun[é]e.
JENNETTE
Et ! comment ?
PERNETTE
Ha ! la malle journée,
525 Quant nous feismes telle entreprise !
JENNETTE
Bien follement [feismes sottise]226,
Dont grandement [il nous mescheoit]227.
PERNETTE
Commère, qui n’y pourvoyeroit228,
Autant nous vauldroit estre à naistre229.
JENNETTE
530 Il fault retourner vers le maistre,
Et que tant vers luy [nous] fassion
Qu’il trouve manière et façon
De les remettre au premier aage.
PERNETTE
J’ay encore ung beau pucelage230
535 Qu’il aura, s’il y veult entendre231.
JENNETTE
Se je debvoyes bien despendre232
Tous les plus beaulx tissus que j’aye,
Il fault que sa science essaye.
Et ! il nous le fault rappeller.
PERNETTE
540 Mais qu(e) il y vueille travailler,
Nous luy payerons bien ses journées233.
.
JENNETTE SCÈNE XIV
Maistre, nous sommes retournées234.
Payer voulons nostre venue.
LE FONDEUR
Vous soyez les trèsbien venues !
545 Qui vous amaine [en ce retraict]235 ?
Comment se porte nostre faict ?
PERNETTE
Très mal ! Nous avons le[s] cueur[s] marrys
D’avoir refondu noz marys.
Le mien m’a jà voulu tuer.
JENNETTE
550 [Et] le mien m’a voulu ruer236
Ung pot d’estain parmy la teste.
LE FONDEUR
Dea ! c’est commencement de feste.
Quant une femme est à son ayse237,
Elle est de nature maulvaise,
555 S’elle ne le peult endurer.
PERNETTE
Las ! on doibt bien considérer
Qu’entre nous, femmes, par usaiges,
Que238 nous ne sommes pas si saiges
[Comme il nous en seroit]239 mestier.
LE FONDEUR
560 Besoing n’aviez de ce mestier240,
Car vous aviez deux bons preudhomes.
PERNETTE
Hélas ! monseigneur, perdu[e]s sommes,
Se n’y estendez vostre grâce.
LE FONDEUR
Que voulez-vous que je vous241 face ?
565 Commandez-moy, je suis tout vostre.
JENNETTE
Nous voulons largement du nostre
Despendre242, et qu’on treuve l’adresse
De les retourner en vieillesse.
Nous n’eusmes onc(ques) telle desroute243 !
LE FONDEUR
570 [Las !] est-il vray ?
JENNETTE
N’en faictes doubte.
Car tout nous passoit par les mains244.
LE FONDEUR
Se vous venez de peu en moins245,
Il ne s’en fault point esbahir.
Mais je ne vous vueil point mentir
575 C’est que se vous donniez cent escus,
Je ne les refondroye jà plus246.
Et aussi, sçay bien qu’ilz diroyent
Que jamais n’y consentiroyent,
Car ce seroit grande follye.
580 Passez vostre mélencolye
Le plus doulcement que pourrez ;
Prenez pacience et souffrez247.
Puisque n’avez voulu rien croyre,
[Ceste honte il vous fauldra boire.]248
585 Et tout cela considéré249,
Ne pensez plus au temps passé
Mais à celuy qu(i) est advenir.
JENNETTE
Las ! que pourrons-nous devenir ?
Oncques n’eusmes douleur[s] si fortes250.
PERNETTE
590 Autant nous vauldroit estre mortes
Que de languir en telz251 destresse[s].
JENNETTE
Las ! nous ne serons plus maistresses ;
De ce, bien je m(e) ose vanter252.
Plus n’aurons joyes [de trotter]253,
595 Mais douleurs grans254 et véhémentes.
LE FONDEUR
De ce, ne soyez desplaisantes.
Les hommes ont telle puissance
[Qu’il fault leur rendre]255 obéyssance :
Gouverner doibvent par rayson.
600 Allez chascun[e] en sa256 mayson,
Et laissez en paix ces matières257.
Entre vo[u]z aultres, mesnagièr[e]s,
Maintenez-vous en voz estatz258.
Prenez exemple à noz [d]esbatz
605 Pour éviter aultres périlz,
Et vous gardez [bien], hault et bas,
De refondre voz bons marys.
.
FINIS
.
Cy fine la farce des Femmes
qui font refondre leurs marys.
*
1 Ce mot magique est employé aux vers 171, 176, 187, 232, 414 et 538. 2 On la nomme ainsi aux vers 309 et 417. Le pays de Cocagne lui préfère un cuvier d’eau bouillante : « Tousjours y boult une chaudière plaine/ D’eau, qui les vieux en jeunesse rameine. » 3 Ce premier couple est dans l’une des deux maisons représentées sur la scène. L’homme, un riche propriétaire terrien, n’a que quarante ans ; mais il est obèse (vers 51) et asthmatique (vers 5), et il ne quitte plus son fauteuil. 4 Élégant. 5 BM : apoint ma robbe (Déplissez-moi ma robe.) 6 Cette comparaison du vieillard et du vieux lard est traditionnelle : « Trouve autant de goust qu’en vieil lard./ Mauldict soit-il, qui a brassé/ Me marier à tel vieillard ! » (Frère Guillebert.) Rappelons aussi que Jennette veut dire jeunette : « Moult me trouvay abus,/ Car furent fort jennettes,/ Quant je vis quatre culz/ Ferméz à deux chevilles. » (ATILF.) 7 Afin que je trouve une solution convenable à votre problème. 8 « Laissez-m’en paix, vous me fâchez ! » Raoullet Ployart. 9 Que celui qui nous maria soit égorgé par des loups ! Dans la farce de la Fontaine de Jouvence, la jeune épouse du vieillard n’est guère plus aimable : « Puisse morir tout le premier/ Qui parla de me marier/ À ce faulx villain ! » 10 BM : a grand foison 11 Le Tout-puissant. 12 Je comble une lacune. Avoir plusieurs domestiques était le summum de la réussite bourgeoise. 13 Là n’est pas la question. Jennette va rabâcher 5 fois ce petit refrain, comme Pernette rabâchera 5 fois le sien (note 51). 14 BM : voz 15 Je comble une lacune. Les Parisiennes distinguées ne sortaient pas sans leurs « déliés gans » (le Povre Jouhan). 16 BM : en piece 17 BM : riotte (Voir reproucher au v. 101.) Cette rime est surtout parisienne : « –Des mains tu n’y auras touche./ –Ce seroit à moy grant reprouche. » Trote-menu et Mirre-loret. 18 BM : touche ne courrouce (Je ne vous bats pas.) Le public a dû mettre dans ce verbe toucher un sous-entendu graveleux, comme le fera le public de l’Avare : « –Il faut bien que je touche quelque chose. –Mon Dieu, vous toucherez assez… » 19 BM : que moy ce mest aduis. 20 BM : Ou il 21 Cf. le Ribault marié, vers 488. 22 Un maître habile pour ce genre de choses. 23 Cela se pourrait bien. 24 BM : donne. (« Et la cheville en la crevace (…),/ Car il n’est riens qui tant luy plaise./ Nature le veult et commande :/ Charnalité la chair demande. » Le Livre de Mathéolus.) 25 Qu’on pratique de mieux en mieux. 26 À pratiquer « l’œuvre de chair ». 27 BM : laboureur (« Labouriers, paysans et autres. » Godefroy.) 28 BM : sennuy de labourer 29 BM : De muser (De réfléchir.) 30 Cela. Idem vers 306. 31 Près d’ici. 32 Dans peu de temps. 33 Dans la seconde maison, un vieillard maladif de 60 ans guette le retour de son épouse, qui est allée rôder en ville. 34 Reste longtemps absente. 35 Il y a de quoi devenir fou. 36 Pernette rentre, avec un chou dans les mains en guise d’alibi. 37 Qui est-ce. Les deux voyelles sont encore fusionnées au v. 197, mais pas à 522. 38 BM : finer de vous (On ne peut vous trouver.) 39 BM : Fort (Jamais, sauf quand cela vous convient.) 40 De plaids, de discours. 41 Rien faire. 42 Renifler, se moucher. 43 Bon débarras. « Sa mort seroit belle dépesche ! » Godefroy. 44 BM : qung folastre (Si je suis gâteux. « Fol eage nous trompe. » Rébus de Picardie.) 45 Mes infirmités. 46 De dot, versées par les parents de la mariée, trop heureux de caser leur fille à si bon compte. 47 BM : plus eu de dix 48 BM : fort (On ne peut alors que mieux s’en porter.) 49 Je veux bien oublier. 50 Collard désigne ainsi la femme qui le gouverne ; rien de sexuel dans ce mot, qui revient aux vers 332 et 592. 51 Ce petit refrain apparaît 5 fois : voir la note 13. 52 Comme il conviendra. Cf. le Povre Jouhan, vers 297. 53 Manquez-vous de quelque chose ? 54 BM : les porte pour le (À la mode actuelle.) 55 Frappée. Cf. « sans coup férir ». 56 BM : Ne dire (« Je te donray des souffletz quatre,/ Se tu me dis pis que mon nom ! » La Nourrisse et la Chambèrière.) 57 BM : rancune 58 BM : ie y puruoyray 59 BM reporte cette question de Collard juste avant le v. 139, au détriment de la rime en -ray. 60 De grandes peines. 61 BM : que (Où vous avez peu de gain.) 62 BM : est excuse (Il est pardonné.) 63 BM : maulgre moy (Avec difficulté.) 64 Ne vous occupez pas de ces choses. 65 BM : ung baston (Une écorce est un déchet méprisable : « Ne chouète ne chat-cornu/ Ne me servent pas d’une escorse. » La Pippée.) 66 Je ne peux m’en empêcher. C’est le vers 10 de Troys Pèlerins et Malice. 67 Je fais appel. « Je m’y oppose !/ Fornicallement j’en appelle ! » Colin filz de Thévot. 68 BM : quenoille (Cf. Tout-ménage, vers 189.) Les femmes vont filer leur quenouille chez leur voisine, ce qui est une excuse pour bavarder. 69 Chez. « Voulez-vous pas bien que je voise/ Ung petit sur une bourgoise ? » Les Queues troussées. 70 Dans la rue, à côté de sa fournaise, il « crie » son métier de chaudronnier pour attirer les clients ; ce cri chanté reste en dehors du schéma des rimes. Jennette, qui habite à proximité, écoute son boniment. 71 L’école de Tolède, où on enseignait la magie. Voir la note 37 de Tout-ménage, et le vers 378 de Frère Fécisti. 72 Besoin. Idem vers 195 et 559 ; ailleurs, ce mot désigne le « bas métier », le coït. 73 Mais parce qu’il faut bien vivre. 74 BM : poillez (Des chaudrons et des poêles à frire.) 75 Par-dessus tous mes confrères. 76 Et les raffiner, les débarrasser de leurs défauts. 77 BM : quarante (Un bon charlatan exagère toujours ses pouvoirs.) 78 Je sais le faire revenir. 79 Habile. 80 Elle frappe à la porte de sa voisine. 81 BM : chere (Vous que je tiens cher, que je chéris. « Vous soyez la trèsbien venue !/ Estes-vous cy, ma chier tenue,/ Pour faire sacrifice aux dieux ? » Vie de sainct Christofle.) Jennette fait entrer son amie. 82 Quelque chose. 83 BM : Mais qui 84 BM : aussi. (« Et puis ? » s’emploie pour inciter quelqu’un à parler : « –Esse tout ? –Quoy ? –Et puis ? –Et puis ? » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) « A-mi-es » compte pour 3 syllabes, comme au v. 94. 85 BM : vieil 86 BM : chault ne froict 87 « Doulces fillettes/ Qui aimez bien faire cela. » Frère Guillebert. 88 Je subis le même sort que vous. 89 Nulle tentative. 90 Aucune. 91 Forme figée de « par la foi que je dois à Dieu ». « Foy que doy Dieu de Paradis ! » Le Capitaine Mal-en-point. 92 BM : quilz sont couchez 93 Vers manquant. « Tous deux yvres, dormons comme ung sabot. » (François Villon.) Le mâtin est un gros chien : « Ils resveillent les gros mastins qui dorment dans la maison. » (La Plonce Richette.) 94 « Je me dors comme ung beau pourceau. » La Pippée. 95 BM : Cest mal pense de la besongne. 96 BM ajoute : En vieillart matin (Ce dernier mot est caviardé.) 97 Ce que. 98 BM : matiere 99 BM : ie ne scay que dire. (Plus rien n’a d’effet. « Plus riens n’y vault ne faire ne deffaire. » Jehan Régnier.) 100 Nouvellement, récemment. 101 Un maignien, un chaudronnier ambulant. C’est un personnage des Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 102 D’Espagne : note 71. 103 BM : tout le monde lentent ia. (J’ai reconstitué le vers précédent, qui est perdu.) 104 Que nous tentions notre chance. 105 Que nos vieux maris. 106 BM : Je y empliray 107 D’abord. 108 Ce que nos maris. 109 Pour peu. Idem vers 254, 379, 404, 466, 540. 110 Vous allez inciter le vôtre ? 111 Vais. Pernette rentre vite chez elle. 112 BM : nouueau art (Une nouvelle technique. « Pour inventer un nouvel art et une nouvelle méthode pour chasser les indispositions du corps. » Marin Mersenne.) 113 Authentique, reconnue. Cf. Pour porter les présens, vers 75 et 228. 114 Dépendre = dépenser. Idem vers 536 et 567. 115 On n’y perdrait rien. 116 Pernette, qui n’a jamais vu le fondeur, lui invente une bonne réputation. 117 BM : Cil (Même s’il.) 118 Que cela. 119 BM : auez dieu mercy / Car vous en 120 BM : nous 121 BM : Je vous en prie. 122 BM : doncques refondre (Voir les vers 190, 336, 343, 440.) 123 BM : alluitee (Ce mot n’a aucun sens, il est trop long, et il ne rime pas. À part ça…) 124 C’est le meilleur de tous les fondeurs. 125 BM : Thibault 126 BM : vingt ans plus que moy. 127 Il entre avec sa femme chez Collard et Pernette. 128 Revenir. BM intervertit ce vers avec le suivant. 129 Se sont signés : ont fait le signe de la croix devant ce miracle. Pernette fait encore appel à son imagination fertile (note 116). Les deux couples vont vers le fondeur. 130 BM : Vous soyez le bien venu seigneur (« Bien viengnez, Bon Temps ! » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) 131 De bûches. (Idem vers 384.) À rapprocher de BOUGE, que Godefroy définit : « Faisceau de bois, fagot. » 132 BM ajoute : sil se peult bien faire. 133 Payer. 134 Cette affaire. 135 Selon ma volonté. Idem vers 418 et 553. 136 C’est une honte. 137 BM : lhomme (« Chascun » a été inclus par erreur dans le vers précédent.) 138 D’accord. 139 BM : En bonne heure 140 BM : Quelles ne men demandassent rien 141 BM : de coste vous (Dont = donc.) 142 Chenus : ayant le poil blanc. 143 Vous les promenez : vous en faites ce que vous voulez. 144 Totalement. Idem vers 481. 145 Des dépenses. 146 Pour les perfectionner un peu. 147 BM : Nous sommes de la ville de deuant nous (La pièce est parisienne : voir le v. 345.) Les troupes d’acteurs modifiaient les mentions géographiques au gré de leurs tournées. Quant aux éditeurs, désireux de plaire sur tout le territoire, ils omettaient parfois le nom des villes, comme cela est constant dans les Sotz escornéz : « –Mon seigneur de tel lieu/ Se mettra de nostre allience…./ –Où est-il, ce Sot ? –En tel lieu…./ –Et vous trouvez tous sans outrecuidance/ En telle place le jour des Innocens./ (Icy on assigne le lieu où l’en veult.) » 148 Nous avons le style. (Je comble une lacune.) Le fondeur s’adresse maintenant aux deux femmes. 149 Ce village n’était pas encore intégré à Paris. 150 Ce militaire est inconnu au bataillon. Il y eut peut-être une farce du Capitaine Jehan Peullard, comme il y a une farce du Capitaine Mal-en-point. 151 BM : Nen scauroit finer de plus fins. (Ne parviendrait pas à en trouver de plus fins.) 152 BM ajoute : Quelle simplesse 153 Vous visez. 154 BM : qui en (Ce qui en.) 155 Malgré moi. Cf. Jehan de Lagny, vers 206. Le fondeur ouvre la porte de la fournaise et s’adresse aux deux vieillards. 156 Afin qu’on ne dise pas que c’est ma faute. Le vers précédent est perdu. 157 Avec prudence. Cf. Troys Gallans et Phlipot, vers 359. 158 Anéantis. Les deux hommes entrent dans la fournaise, dont le fondeur ferme la porte. 159 BM : vostre (Priez Dieu.) 160 BM : rendes ieunes & 161 BM : changeront 162 Que vous en ayez deux au lieu d’un. 163 BM : sera dehors 164 BM : laboureurs (« Ou-vrier » compte toujours pour 2 syllabes : vers 276 et 380.) « Ma dame, vécy des ouvriers/ Qui laboureront voulentiers/ En vostre “vigne”. » Raoullet Ployart. 165 Ouvrables : les jours où il est permis de travailler. « Aux jours ouvriers et jours de festes. » Le Munyer. 166 Rougis par la chaleur de ma fournaise. Mais rouge = traître : cf. Serre-porte, vers 542. 167 BM : fauldroit mener (À genoux, les deux femmes vont souffler sur les braises qui sont dans le double fond de la fournaise.) 168 Depuis que je suis né. 169 Extraordinaires. 170 À 40 km de Paris. 171 Il regarde par le hublot de la fournaise. 172 BM : cuide (Vers 259, 325 et 452.) 173 Et comment donc ! 174 Ce vers est à coup sûr un proverbe ; les cloches en ont fourni beaucoup. 175 BM : iay veu 176 À mon goût. 177 Avant la Pentecôte. « Devant qu’il soit la Penthecouste. » D’un qui se fait examiner pour estre prebstre. 178 BM : Celle est bien 179 Aimerait mieux. 180 BM : Auec 181 BM : Et elle eust 182 BM : peu (Se manifeste en si peu de temps. « En petit d’heure Dieu labeure. » Proverbe.) 183 Veiller sur cette opération. 184 Vers manquant. Cloches = testicules. « Mais d’un des pendanz n’a-il mie…./ Ne puet soner qu’à une cloche. » (Roman de Renart.) « Son vit estoit droit comme broche ;/ Et maintenant il est à croche :/ Il cline en bas et se desloche,/ Et ne sonne qu’à une cloche. » (Jehan Molinet.) Cette expression convient bien à un fondeur de cloches qui rend aux hommes leur virilité. Les Parisiens prononçaient clouche (voir la note 18) : « C’est la clouche de Noustre-Dame. » Maillet. 185 C’est clair. 186 BM : attendre 187 BM : besongne (Notre affaire.) 188 Dans beaucoup de ménages, les femmes gèrent la cagnotte. Voir la note 49 du Ramonneur de cheminées. 189 BM : Regardez icy. 190 À souhait. 191 BM : colloricque (Gouverné par l’une des quatre humeurs, l’homme est colérique, sanguin, flegmatique, ou mélancolique.) 192 Résolu. Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas, vers 38. 193 BM : les refondeurs les 194 BM : les vent plus a gre 195 BM : comme une femme (Pour un simplet ou pour un homme dénaturé.) 196 Il me laissait porter la culotte. 197 Tant il était naïf. Cf. le Ribault marié, vers 560. 198 Si je ne me trompe pas. 199 J’ai l’haleine courte : je suis essoufflée. 200 Il regarde par le hublot, et il interrompt les souffleuses. 201 Ils n’ont pas le nez aplati comme les Mores. Afin d’obvier à ce grave défaut, les sages-femmes, « pour plus grande beauté, tirent le nez aux enfans nouvellement naiz ». Jehan de Léry. 202 Le Te Deum est un chant de louanges pour remercier Dieu. On prononçait « té déon lodamu ». 203 Le fondeur ouvre la fournaise, d’où sortent les deux jouvenceaux. Les acteurs ont abandonné leur perruque et leur barbe blanches (vers 328), leur canne, et en ce qui concerne Thibaud, le rembourrage qui le rendait obèse. 204 BM : iolys (Voir le v. 264.) 205 Il n’y a pas grand-chose à refaire. 206 BM : baus (Baud = ardent.) Il s’approprie la bourse que sa femme porte en bandoulière. BM anticipe dessous le vers 477. 207 Il prend la bourse de sa femme. 208 BM : comptez (Que nous payons comptant. « Quiconque a cent escus content. » Le Pauvre et le Riche.) BM ajoute dessous : A vostre bon congie 209 BM : contentes 210 Nous vous recommanderons aux gens de notre âge. Collard paye ses 50 écus. 211 BM : Messieurs et mes iouuenceaulx. 212 BM : mal gracieulx (à la rime.) Malicieux = mauvais. 213 Les deux maris traînent leur femme vers la maison. 214 Vers manquant. Vous ferez ce que je veux. « On vous aydera/ À faire vostre intencion. » Jeu du Prince des Sotz. 215 BM : ferez (Si je vous frappe, du verbe férir.) Thibaud fait mine de lancer un pot d’étain (vers 551) sur sa femme. 216 Je vous demande grâce. Elle donne à son mari le trousseau de clés qui pend à sa ceinture. 217 Escroqué. 218 BM : denier (D’un sou. « À maistre Jehan Cotart (…)/ Dévoye environ ung patart. » François Villon.) 219 Vous me le paierez. 220 Que le diable l’emporte ! « Deable ait part ! » (Eustache Deschamps.) Jennette oublie que c’est elle qui a eu l’idée de refondre les maris, aux vers 229-246. 221 À 1 denier près. 222 Vers manquant. La moralité de cette farce pourrait être : les femmes aiment le plaisir, mais elles préfèrent encore l’argent. 223 Des arguments. Collard empoigne une de ses vieilles cannes. 224 BM : Dung 225 Elle s’enfuit et frappe à la porte de sa voisine, dont le mari est absent. 226 BM : fusmes mal conseillez 227 BM : nous est mescheu (Il nous en vient du mal.) 228 Si nous n’y trouvions pas de parade. 229 Nous serions des débutantes. 230 BM : ducat (Pernette vit dans la chasteté, comme cela est dit aux vers 156-7.) « Et vous aurez mon pucelage. » La Fontaine. 231 S’il sait y faire. 232 Dépenser en les lui donnant. 233 BM : peines. (Son salaire. « En nous payant noz journées,/ Ramonnez voz cheminées. » Le Ramonneur de cheminées.) Les deux femmes retournent voir le fondeur. 234 Revenues. Mais aussi : bouleversées. 235 BM : par deca (Dans ce coin.) 236 Lancer. 237 Suit sa volonté. 238 Ce « que » explétif n’est pas incorrect : « Vray est que, pour compter l’affaire,/ Que quant je fus à leur main mise… » Les Sotz fourréz de malice. 239 BM : Comment il nous feroit de (Comme nous en aurions besoin.) 240 De mon office. 241 BM : y 242 Vous donner de notre argent. 243 BM : ioye 244 Nous étions maîtresses de tout. 245 Si vous avez perdu au change. 246 Le progrès scientifique va toujours de l’avant, il ne peut pas revenir en arrière. C’est la conclusion d’une autre farce scientifique (hélas perdue), Celluy qui avoit espousé une femme mute : un chirurgien redonne la parole à une femme muette, à la demande du mari ; mais ce dernier retourne vite implorer ledit chirurgien de la rendre à nouveau muette : « Le médicin respondit en son art bien avoir remèdes propres pour faire parler les femmes, n’en avoir pour les faire taire. » Rabelais, Tiers Livre, 34. 247 Supportez. 248 Vers manquant. « Il vous fault boire ceste honte. » Le Dorellot. 249 BM : considerez (Tout bien considéré.) 250 BM : grande. 251 BM : telle 252 Je ne crains pas de le dire. Cf. le Dorellot, vers 186. 253 BM : ne lyesses (Les bourgeoises passaient leur temps à « trotter » en ville, sous couvert d’aller à l’église ; on disait alors qu’elles allaient prier saint Trottin. Voir les vers 71-73.) « Joi-es » compte pour 2 syllabes. 254 BM : grandes (L’adjectif grand était mixte.) 255 BM : Que tous leur rendent 256 BM : voz 257 BM : mestiers 258 Tenez-vous-en à ce que vous avez.