LES COQUINS
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LES COQUINS
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Les coquins sont des mendiants professionnels qui sont trop paresseux pour travailler. Mais ils dépensent une telle énergie pour mendier qu’ils se fatigueraient moins s’ils exerçaient un métier honnête. Le Miroir des enfants ingrats est une Moralité1 qu’on attribue au musicien Eustorg de Beaulieu (~1495-1552), prêtre catholique, puis pasteur protestant, marié bien qu’homosexuel, divorcé, remarié, et auteur de poèmes érotiques. On lui doit les Plaintes d’un vérollé (qui relatent sa propre expérience), et le Blason du Cul, où le roi Saül tente de sodomiser le jeune David. En bonne logique, ce Blason du Cul précède un tonitruant Blason du Pet & de la Vesse. Amateur de théâtre, Beaulieu constatait : « On n’escoute que les Badins, / Car c’est le meilleur d’une farce. » Fort de ce principe, il confie les 69 premiers vers de sa Moralité à un duo de farceurs, qui n’apparaît nullement dans les sources latines ou françaises de ce conte tiré de la Vie des anciens Pères.
Sources : Le Mirouèr et exemple moralle des enfans ingratz. Bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence <Vovelle Patrimoine Fonds ancien, Inc. D. 76>. Paris, Jean Saint-Denis, 1525. — Réédition revue et corrigée : Le Mirouèr et exemple moral des enfans ingratz. Bibliothèque nationale de France <Rés. Yf. 1587>. Paris, Alain Lotrian et Denis Janot, entre 1529 et 1545. L’édition lyonnaise de 1589 n’apporte rien de nouveau. Je prends pour base la version « Aix », et j’adopte tacitement la plupart des corrections proposées par « BnF ».
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 2 rondels doubles. Beaucoup de vers, sans doute apocryphes, échappent au schéma des rimes.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Deux clochards philosophent en attendant de trouver un pigeon à plumer.
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LE PREMIER COQUIN, en chantant. SCÈNE I
Entre vous, folastres coquars2,
Meschan[te]s gens d(e) orde3 façon,
Estourdis, coquibus, paillars :
Entendez à nostre leçon !
LE SECOND COQUIN
5 Par Dieu ! j’ay entendu le son
— Se l’armonye n’en est faulce —
D’aucun4 gentilhomme de Beausse
Qui se repaist d’une chançon.
LE PREMIER COQUIN
Comme l’oyseau en ung buysson,
10 Se repaissent les gallopins
De chanter5.
LE SECOND COQUIN
Ainsi temps passon ;
Mais c’est par faulte de lopins6.
LE PREMIER COQUIN
Présent7, povres turelupins
Ont l’entendement fort troublé,
15 Puis que pinars8 et goursfarins9
Ont ainsi enchéry le blé10.
LE SECOND COQUIN
Hé ! tant il en est d(e) assemblé !
J’entens : du blé qui porte croix11.
LE PREMIER COQUIN
Moins de bien12 acquis que d’emblé :
20 Tous larrons13 ne sont pas au bois.
LE SECOND COQUIN
En aurons-nous point, une fois,
Pour prester à usure ?
LE PREMIER COQUIN
Nous ?
Ha ! saint Jehan, [des fois] plus de trois14 !
Mais j’entens que ce seront poux15.
LE S[E]COND COQUIN
25 Pourquoy ne baille Dieu, à tous,
Chacun sa part esgalement ?
LE PREMIER COQUIN
C’est à quoy je pense par coups ;
Mais je m’y romps l’entendement.
LE SECOND COQUIN
Après le jour du Jugement,
30 Que vauldra toute la pécune
Que l’on forge d’or et d’argent ?
LE PREMIER COQUIN
Tout ne vauldra16 pas une prune.
Nous serons delà Pampelune17,
Ou plus loing que Nicomédie18.
LE SECOND COQUIN
35 Je cherche ma bonne fortune ;
Mais aucun ne sçay, ou aucune,
Qui la sache ou qui la me die19.
Pour quoy20, il fault que je mendie,
Et vive par prières haultes.
LE PREMIER COQUIN
40 Corps bieu ! se ne fussent les faultes21,
Ce seroit une seigneurie
Que le train de Bélistrerie22 :
Ung chacun vouldroit caÿmander23.
Demandez-vous plus belle vie
45 Que l’avoir pour la demander24 ?
LE SECOND COQUIN
Gaultier25, si fault-il regarder
S’il y a point quelque gourt coys26,
Là où nous puissons aborder
Pour avoir du pain et des poys.
50 Quant au regart27 d’escus de poix,
Il ne nous en fault point charger.
LE PREMIER COQUIN
Vray(e)ment, il y auroit danger :
Larrons courent, aucunesfois28.
LE SECOND COQUIN
Ne demandons ne deux, ne troiz
55 Pièces d’or.
LE PREMIER COQUIN
Ho ! pour abréger,
Quant au regart d’escus de poix,
Il ne nous en fault point charger.
LE SECOND COQUIN
Advis m’est qu’il y a troys moys
Que je n’euz mon saoul à menger.
LE PREMIER COQUIN
60 Par Dieu ! si fault-il bien songer
D’avoir à bauffrer29, toutesfois.
Quant au regart d’escus de pois,
Il ne nous en fault point charger.
LE SECOND COQUIN
Vray(e)ment, il y auroit danger :
65 Larrons courent, aucunesfois.
LE PREMIER COQUIN
S’il venoit quelque gourt sirois30
De qui nous fussions estrénéz31,
Pour chascun son double tournoys,
Nous en serions bien desjeunéz !
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Les mendiants repèrent un homme riche, mais il ne veut donner son argent qu’à son fils. En effet, la « moralité » que défend cette Moralité paraît un peu immorale : il vaut mieux donner ses biens à des escrocs plutôt qu’à ses propres enfants.
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LE PREMIER COQUIN SCÈNE II
70 Je ne sçay qui nous donnera
À menger, dont je suis marry.
LE SECOND COQUIN
Puis que le pain est enchéry32,
Je ne sçay que faire on pourra.
LE PREMIER COQUIN
Gueux sont au pont33.
LE SECOND COQUIN
Il en mourra34.
75 Bon Temps, en effect, est péry35.
LE PREMIER COQUIN
Je ne sçay qui nous donnera
À menger, dont je suis marry.
LE SECOND COQUIN
Qui le moyen ne trouvera36
De bien jouer à « Sainct-Marry37 »,
80 On ne sçauroit estre nourry.
Plus homme ne s’eslargira38.
Je ne sçay qui nous donnera
À menger, dont je suis marry.
LE PREMIER COQUIN
Puis que le pain est enchéri,
85 Je ne sçay que faire on pourra.
LE SECOND COQUIN
Allons-nous-en, qui m’en croyra,
Veoir ce mangon39, qui des biens tant
Assemble ; et si, n’a q’ung enfant.
Prions-le par façon si bonne
90 Qu’aucun peu40 de ses biens nous donne,
Tant pour Dieu que pour amitié.
LE PREMIER COQUIN
Comme41 luy ferons-nous pitié ?
Advisons quelque floc42 nouveau.
LE SECOND COQUIN
Faignons avoir perdu sus l’eau(e)
95 Le nostre43, par force de guerre.
LE PREMIER COQUIN
Mais povres laboureurs de terre44
Qui, par coup de malle45 fortune
Et feu, plus n’avons chose aucune,
Et n’avons sceu remédïer
100 Qu’il ne nous faille mendïer.
On a voulentiers de telz gens
Pitié, quant ilz sont indigens :
Car celluy n’y a qui ne soit
Subgect à Fortune46.
LE SECOND COQUIN
On le sçait
105 Assez bien par expérience !
S’il est homme de conscience,
À nous voir en si piteux point,
Il ne nous escondira point.
Faisons tant qu’à luy [nous] parlons !
LE PREMIER COQUIN
110 Ne disons point que nous allons
Vers la Basme-à-la-Magdaleine,
Ne devers Sainct-Hubert-d’Ardaine47 :
On le dit trop communément.
LE SECOND COQUIN
Ne baillons point tant seullement
115 Que [ruses ! Vienne à noz convis]48
Qui a tout rifflé, [grain, espis]49,
[En dés, jetons]50 et berlendie[r]s !
LE PREMIER COQUIN
Quant au regard des merca[n]die[r]s51,
Cestuy n’y [enterveroit termes]52.
LE SECOND COQUIN
120 Il nous fault tenir aultres termes53.
Jonchons54 ! Le voicy à sa porte.
LE PREMIER COQUIN
Jonchons fort ! Et soyons si fermes
Que sachons quelle bille55 il porte.
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LE SECOND COQUIN SCÈNE III
Bon crestïen, Dieu vous conforte
125 Si vous estes desconforté,
Et vous tienne en bonne santé !
Confortez-nous, nudz et desprins56 !
LE PREMIER COQUIN
Hélas, nous n’avons pas apprins
À vivre de mendicité.
LE PÈRE
130 Et dont vient ceste povreté ?
Pourquoy n’allez-vous besongner ?
Il me semble, à la vérité,
Que vous estes gens pour gaigner57.
LE PREMIER COQUIN
Monseigneur, ung povre denier
135 Pour Dieu, sans [rien] plus !
LE PÈRE
C’est cela !
Ung denier icy, l’autre là.
Vrayment, s’ainsi les départoye58
À chascun, peu en garderoye
Pour mettre mon filz en bon lieu59.
LE SECOND COQUIN
140 Certes, sire, donner pour Dieu
N(e) apovrist homme.
LE PÈRE
Saint Anthoine !
Si n’essairay-je pas l’essoine60.
J’ayme trop bien mieulx que de quoy
Trouve mon enfant après moy61,
145 Que qu’il dist62 : « Le dyable y ait part !
Mon père a fait trop grant départ63. »
Gaignez ! Chacun de vous est fort.
LE PREMIER COQUIN
Et ! sire, quant vous serez mort,
Qu’esse que vostre bien vauldra ?
LE PÈRE
150 Beaucoup : car mon filz le prendra
Comme [ung] héritier ordinaire,
Qui fera mon service faire64.
Je sçay bien que point n’y fauldra65.
LE SECOND COQUIN
Par Dieu ! la journée viendra
155 Que vous maudirez mille foys
La vie qui vous sourviendra66,
Et le denier ou le tournois
Que vous acquistes une fois
Pour vostre enfant.
LE PÈRE
(Ha, quelz bélistres67 !
160 Tant ilz congnoissent bien les tiltres68
Des saintz qui font venir argent,
Pour attraper la povre gent !
Pas ne suis baud69 de leurs raisons.
Il n’y a maistre ne régent
165 Qui sceust fournir à leurs blasons70.)
LE PREMIER COQUIN
Tout est ars71, granges et maisons :
Il ne nous est rien demouré.
LE PÈRE
Je n’en puis mais. J’espargneray,
Pour mon enfant mettre en hault lieu.
170 Qui vouldroit tout donner pour Dieu,
Il ne trouveroit de quoy frire72.
LE SECOND COQUIN
Sire, j(e) ouÿs une foys dire73
D’un homme qui vous ressembloit,
Et pour son enfant assembloit
175 Biens mondains delà et deçà.
En fin, son enfant le laissa
Mourir de fain sus ung fumier.
Advenir peult comme piéçà74 :
Vous ne serez pas le premier.
LE PÈRE
180 (Mon Dieu ! quel vaillant coustumier75
Voicy, pour prescher paraboles
Plus fermement, en ung monstier76,
Qu(e) Évangiles ou Épistoles77 !)
Va, va, mon amy ! Tes parolles
185 Me fâchent. Pour conclusion,
Quérez ailleurs provision !
Car jà, de chose que vous baille,
Mon filz n’apovrira de maille78.
Se j’ay de quoy, il me duyt bien79 ;
190 Pas n’est à celle coquinaille
Que je doy départir le mien80.
LE PREMIER COQUIN
Or eschéquons81, nous n’aurons rien.
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Pleust à la Saincte Trinité SCÈNE IV
Que le veisse en mendicité
195 Et que son enfant n’en tînt compte !
Jamais on ne dist tant de honte82
À homme que luy en diroye.
LE SECOND COQUIN
Je croy que son filz sera conte
(S’il peult), ou baillif, ou viconte83,
200 Par force d’or ou de monnoye.
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Deux jours après, les mendiants reviennent à la charge avec d’autres arguments. Sous le coup de la colère, ils laissent échapper beaucoup plus d’argot.
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LE PREMIER COQUIN SCÈNE V
Que dis-tu de ce pinart-là84,
Qui tant, pour son filz, est eschars85,
Que des biens du monde qu’il a
Ne veult point conforter ces fars86 ?
LE SECOND COQUIN
205 Il ne fault point estre couars :
Retournons à luy hardiment !
Quelques harpelus87 ou lÿars
En aurons par beau preschement.
LE PREMIER COQUIN
Pour babiller piteusement88
210 Et joncher beau89, c’est mon mestier !
LE SECOND COQUIN
Et moy, mentir plus fermement
Q’un pardonneur en ung monstier90,
Car c’est le train.
LE PREMIER COQUIN
Amen, Gaultier !
Chascun doit estre résolu.
215 Si ne peusmes-nous, devant-hyer,
De luy, greffir ung harpelu91.
LE SECOND COQUIN
Si eussions bien[s]92, s’il eust voulu.
Mais s(e) ung pinot avoit donné93,
Il cuideroit l’avoir tolu94
220 À son filz, tant est obstiné !
LE PREMIER COQUIN
Brief, si suis-je déterminé
De luy faire encor ung assault ;
Car s’il povoit estre affiné95,
Ce seroit vray tour de marault96.
LE SECOND COQUIN
225 Entre nous deux, aviser fault
Quelque floc de nouvalité97
Pour tirer de luy froit ou chault98 :
Ce ne sera qu’abilité99.
LE PREMIER COQUIN
Desguisons-nous !
LE SECOND COQUIN
C’est bien chanté100.
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230 Nous sommes assez desguiséz :
Pour les habitz de Povreté,
Nul n’en vit101 de mieulx débriséz.
Quant Dieu les auroit deviséz102,
À grant-peine trouveroit-on
235 Habitz plus meschans et briséz103
Que ceulx que maintenant porton.
LE PREMIER COQUIN
Où est qui sus mon hoqueton
Presteroit cent escus de poix104 ?
LE SECOND COQUIN
Mais plustost cent coups de baston !
240 Il ne vault maille ne tournois105.
LE PREMIER COQUIN
Si fault-il encore une fois
Veoir s’il sera point pitéable106 ;
Des heures sont, aucunesfois,
Q’un riche est plus chiche q’un dyable.
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LE SECOND COQUIN SCÈNE VI
245 Homme de bien, doulx, amÿable107 :
J’ay ouÿ dire à plus de mille
Qu(e) estes l’homme plus108 charitable
Qu’on sache par champs ne par ville.
Las ! nous n’avons ne croix ne pille109
250 Pour vivre, ne plus froit que l’astre110.
LE PÈRE
Escoutez comment il babille
Pour en avoir !
LA MÈRE
Han ! quel follastre !
Il en abatroit plus que quatre,
Qui le croyroit111.
LE PÈRE
Voire que dix !
255 Il feroit rage d’en abatre,
Mais que les gens crussent ses ditz112.
LE PREMIER COQUIN
Au nom de Dieu de Paradis,
Qui tant de maulx pour nous souffrit,
Qui113 par grant charité offrit
260 En une croix son digne corps :
Aydez à nous retirer hors
De povreté !
LE PÈRE
C’est bien presché !
Vrayment, je tiendroye à péché
D(e) aller distribuer114 mon bien
265 À telz gens qui ne vallent rien.
LA MÈRE
Que ne labourez-vous ès champs,
Et trouvez de vivre moyen
Sans vous tenir ainsi meschans115 ?
Pensez-vous que riches marchans
270 Vous tendent le pain en la main ?
LE PREMIER COQUIN
Hélas, Madame : femmes et enfans,
En noz maisons, meurent de fain116.
Or avez-vous des biens tout plain,
Lesquelz Dieu vous vueille sauver !
275 Donnez-nous, pour avoir du pain :
Cela ne vous sçauroit grever117.
LE PÈRE
Ne cuidez pas si beau baver
Que, de moy, denier puissiez traire118 !
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Le père marie son fils à la fille d’un noble. Au cours des agapes fut jouée une farce de noces119, qui n’a malheureusement pas été conservée. La farce conclusive est également perdue. Car un spectacle théâtral comprenait un lever de rideau — sottie ou monologue comique —, une moralité, puis une farce qu’on annonçait à la fin de la moralité, comme en témoigne le dernier vers de la Bouteille : « Atendez, vous aurez la Farce.120 » Aussi, la version BnF de notre moralité ajoute ce quatrain final : « Homme ne se tire à l’escart [que nul ne s’en aille], / Mais garde bien chascun sa place ! / Car pour le département gaillard [pour se quitter de bonne humeur], / J’entens que vous aurez la Farce. »
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LE CURÉ SCÈNE VII
Nous aurons quelque esbatement,
280 Ce croy-je.
LE PREMIER VOYSIN
Quelque farcerie.
LE SECOND VOISIN
Feste ne vault rien autrement,
S’il n’y a farce ou mommerie121.
Icy jouent une farce. Et puis, la
farce jouée, le seigneur parle.
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Les mendiants, selon la coutume, ont reçu les restes du banquet de noces. Ils s’en lèchent encore les babines le lendemain.
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LE PREMIER COQUIN, en chantant. SCÈNE VIII
Au joly bosquet 122
Croist la vïolette.
LE SECOND COQUIN, [en chantant.]
285 C’est bien dit, Jaquet !
Ton cueur se goguette123.
LE PREMIER COQUIN
Je me resjouy de la feste
Qui fut hier faicte.
LE SECOND COQUIN
Pour le moins,
Ung lopin m’est cheu entre les mains124,
290 Qui estoit de bon appétit :
Ce fut de la tarte ung petit125,
Que j’euz tout soudain avallée.
LE PREMIER COQUIN
Comment rosty, tarte, gellée
Venoit en estat triumphant,
295 Pour la feste de cest enfant !
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Les dernières nouvelles sont bonnes : le riche avare, qui a tout donné à son fils ingrat, est enfin ruiné. L’heure de la revanche approche ; aussi, nos mendiants astiquent leur plus bel argot.
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LE PREMIER COQUIN SCÈNE IX
Et puis, gaultier : qui se rescaille126 ?
Qui bruyt127, à présent ?
LE SECOND COQUIN
Je me marmouse128,
Car (pardieu) dedans ma fouillouse129
Il n’y a harpelu ne maille130.
LE PREMIER COQUIN
300 Qui pire est, le monde se raille,
Présent, des povres souffreteux131 :
On les appelle « coquinaille132 ».
LE SECOND COQUIN
Il fault que desrisïon saille133
Tousjours sur les calamiteux.
LE PREMIER COQUIN
305 Mais ce gros pinart maupiteux134,
Qui jamais ne fist aucun bien,
Qui est maintenant marmiteux135 :
Dont vient cela ?
LE SECOND COQUIN
Je n’en sçay rien.
Peult-estre qu’il n’a plus du sien
310 Comme il souloit136 le temps passé.
Puis il est vieil et ancïen.
LE PREMIER COQUIN
Par le corps bieu, c’est bien pensé !
Ou que son filz l’a délaissé
De tous poins, et n’en tient plus compte,
315 Après qu’il l’a eu avançay137.
LE SECOND COQUIN
S’il est ainsi et je le sçay138,
Je luy en diray plus de honte
Que l’eaue de la grant mer ne monte :
Trop desprisoit mendicité.
LE PREMIER COQUIN
320 Aussi vray que je [le] raconte,
Il cherra en nécessité139.
LE SECOND COQUIN
Plust à Dieu que ma voulenté
Fist140 son filz ! Plustost le verroit
Mourir141 qu’il ne luy donneroit
325 Ung morceau de pain seulement.
Et si, feroit vray jugement,
Car jamais ne le vis en lieu
Qu’il voulsist142 rien donner pour Dieu.
Mais se jamais vient à ung huis
330 Pour en demander et g’y suis143,
Lourdement je l’en chasseray !
LE PREMIER COQUIN
Aussi feray-je, se je puis.
Et son filz luy reprocheray.
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La situation de l’ancien riche s’aggrave, pour le plus grand bonheur des mendiants.
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LE PREMIER COQUIN SCÈNE X
Vélà le mastin144 qui se plaint
335 À sa femme — j’ay entendu —
Que tout son grant feu est destaint145,
Et est tout le sien despendu146.
LE SECOND COQUIN
Ha, que le vélà esperdu !
Tousjours avoye en fantasie147
340 De le voir une fois rendu
À l’Ordre de Bélistrerie148,
[Ainsi qu’une povre personne.]149
LE PREMIER COQUIN
Il s’en va demander l’aumosne
À son filz.
LE SECOND COQUIN
S’il luy dit : « Adieu,
345 Mon amy, vuidez de ce lieu ! »,
Ce sera une dyablerie.
LE PREMIER COQUIN
Et puis Dieu sçait la mocquerie
Qui en trotera par les champs,
Entre bélistres et meschans150,
350 Par emprès151 entre seigneurie !
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Avec une délectation proche du sadisme, les mendiants interceptent le père et la mère à l’heure où, vêtus de loques, ils vont quémander auprès de leur fils ingrat.
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LE PREMIER COQUIN SCÈNE XI
Quoy ! vous estes tout deschiré.
Vostre filz vous congnoist-il point ?
Plus n’avez robe ne pourpoint
Qui vaille : où est tout demouré ?
LE SECOND COQUIN
355 Quant serez-vous bien réparé ?
Dictes, hay, maistre [A]lipentin152 :
Vous a vostre filz honnoré,
Et en sa maison retiré153 ?
LE PREMIER COQUIN
Ouy dea : [feu] soufflez bien matin154.
LE PÈRE
360 Ha ! le chien, [l’]infâme mastin !
Père et mère ne recongnoist.
LE PREMIER COQUIN
Allez, ord infâme coquin !
Maintenant, dessus vostre fin155,
De povreté sçaurez que c’est.
LE SECOND COQUIN
365 Se vostre filz vous descongnoist,
Maintenant, il vient bien à lieu156 :
Car jamais les povres de Dieu
N(e) aymastes ; il Luy en desplaist.
LE PREMIER COQUIN
Jamais n’eustes ung denier prest157
370 Pour faire œuvre de charité.
LE SECOND COQUIN
À ceulx qui sçavent le Donnest 158,
Fault qu’il monstre sa povreté.
LE PREMIER COQUIN
Et ! paillart, vous avez esté
Tant riche, et acquis des biens tant :
375 Où sont-ilz ?
LE PÈRE
Las ! j’ay tout bouté
À avantager mon enfant.
LE SECOND COQUIN
Or, allez sçavoir, maintenant,
S’il a de quoy bien vous pourvoir !
LA MÈRE
Comment ? Seulement de nous veoir
380 Il est honteux et desplaisant.
LE PREMIER COQUIN
C’est la raison, puis qu’il est grant159
Et qu’il a des biens largement.
Dire estre filz d’ung caÿmant160 ?!
Père et mère ne servent rien.
385 Ce seroit honte, voyrement.
LA MÈRE
Présent161 nous a fait seulement
De162 pain bis. Bien mauldire dois
L’heure de nostre engendrement163,
Enfantement, nourrissement,
390 Et que le conceuz une fois164 !
LE SECOND COQUIN
Il a le vostre165, touteffois :
Allez dire qu’il vous soustienne !
LE PREMIER COQUIN
C’est droit (par monsieur166 sainct Françoys)
Que malle167 povreté vous tienne.
LE SECOND COQUIN
395 À ceste heure-cy, vous souvienne
Que jamais vous ne tîntes compte
Des povres ; mais injures et honte
[Vous] leur disiez, et qu’ilz perdoient
Leurs peines quant vers vous alloient.
400 Car jamais n’en eurent denier,
Quelque beau prier qu’ilz vous ayent168.
LE PÈRE
Hélas, c’estoit pour espargner
Pour cest infâme pautonnier169
Qui me descongnoist et regnie,
405 Maintenant, à mon temps dernier170.
Se Dieu est juge droicturier171,
Point ne croy qu’Il ne le mauldie172 !
LE PREMIER COQUIN
Allez, plain de villenie,
Bélistre en bélistrerie,
410 D’huys en autre173 mendïer
Et demander vostre vie174 !
On ne peult, par mocquerie,
Trop fort vous injurïer.
Car, pour Dieu ou pour prier
415 Qu’on vous sceust approprier175,
Onc n’eustes la courtoisie
D(e) ung povre [homme] conseillier176,
Pour tout bouter [sans cillier]177
À celluy [filz] qui vous nie178.
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LE SECOND COQUIN SCÈNE XII
420 C’est ma prophécie,
Dont Dieu je mercie
Que point ne mentoye179.
Car, par sa folie,
Convient qu’il mendie
425 Comme je disoye.
*
Le père prodigue est contraint de vendre ses frusques aux deux mendiants, qui sont désormais plus riches que lui. Mais dans les Moralités, bien mal acquis ne profite jamais.
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LE PÈRE SCÈNE XIII
Or n’ay-je ne denier ne maille,
Ne chose du monde qui vaille,
Fors que ce vestement maleureux.
Encore me le vault-il mieulx
430 Vendre à aucun, ou engaiger180,
Que la laisser181 en ce dangier
De mourir de fain.
LE PREMIER COQUIN
Que dis-tu,
Meschant coquin, asne vestu182 ?
Par droit on te deveroit pendre !
435 As-tu argent ?
LE PÈRE
Pas ung festu.
Et si, [je] n’en sçauroye où prendre183.
LE SECOND COQUIN
Vien çà, paillart ! Me veulx-tu vendre
Ta robe ? Je l’achetteray.
LE PREMIER COQUIN
Non feras ! Mais je changeray
440 La mienne à luy, qui ne vault rien184,
Et argent luy retourneray.
LE PÈRE
Il me fauldroit sçavoir combien.
LE PREMIER COQUIN
Vingt solz tournoys elle vault bien.
Et se tu veulx que marché tienne,
445 Despouille-toy et prens la mienne :
C’est droictement ce qu’il te fault
Pour estre vestu en marault.
Point plus je ne t’en donneray.
LE SECOND COQUIN
Escoute, Gautier, bien mieulx vault ;
450 Mais c’est tout ung : g’y partiray185.
LE PÈRE
Çà ! de par Dieu, je le feray.186
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Dieu m’envoye ce qu’il luy plaira ! SCÈNE XIV
Mais tant de foys je mauldiray
Le paillart qu’il luy mescherra187.
455 Hé, Jésus ! Qu’esse que dira
Le monde de ma congnoissance188,
Maintenant, quant il me verra
En ceste grièfve doléance189 ?
Au fort, je fais la pénitance
460 Du grant péché que j’ay commis
Par orgueil et oultrecuidance
Pour mettre mon filz à plaisance.
Je n’ay plus, au monde, d’amys.
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LE SECOND COQUIN SCÈNE XV
Viens çà ! Ne m’as-tu pas promis
465 Qu’à ceste robe auray ma part,
Rabbatus ce que tu as mis190 ?
LE PREMIER COQUIN
Ta fièvre quartaine, paillart !
Par la chair bieu, pas ung hallart191 !
C’est à moy ! Je la retiendray,
470 Et à ung fripier la vendray
Pour y gaigner ung franc [ou deux192].
LE SECOND COQUIN
Comment ! Veulx-tu faire du gueux ?
S(e) une foys j’ay la teste enflée193,
Garde-toy de moy, se tu veux !
475 Car je maintiendray par les dieux194,
Devant tous, que tu l’as besflée195 !
LE PREMIER COQUIN
Va, va, yvrongne, à ta siflée
Des pipeurs196, car c’est ton droit lieu197 !
LE SECOND COQUIN 198
Et, çà ! Que bon gré en ait Dieu !
480 Fault-il tant de foys caqueter ?
LE PREMIER COQUIN
Au larron, qui me veult oster
Ma robe !!
LE SECOND COQUIN
Je renye sainct Gris199 !
G’y auray ma part, pour le pris,
Ou je t(e) assommeray de coups !
LE PREMIER COQUIN
485 Prens-la, et me baille vingt soulz :
C’est l’argent que j’en ay donné.
LE SECOND COQUIN
Et puis200 ? C’est ung bien entre nous,
Que Dieu nous avoit amené.
*
1 À la fin de la version BnF, le colophon de l’éditeur l’intitule : Mistère du crapault. 2 Sots. Chanson inconnue : voir H. M. Brown, nº 100. 3 Sale. Idem vers 362. 4 De quelque. La misère des nobles beaucerons était proverbiale ; voir la note 99 de Maistre Mymin qui va à la guerre. Celui-ci se nourrit de chansons, alors que pour Rabelais, « les gentilzhommes de Beauce desjeunent de bâiller ». Gargantua, 16. 5 Les jeunes coursiers, faute de mieux, se nourrissent de notes. « Entre nous, petis gallopins,/ Aurons-nous point quelques loppins [morceaux à manger] ? » ATILF. 6 Par manque de bons morceaux à manger. Idem vers 289. 7 À présent ; idem vers 301. « Turlupin : un fainéant, un homme de rien. » (Le Roux.) Jeu de mots sur « tire-lopin », pique-assiette : « Hume-brouet meine à la dance/ Le maistre des tirelopins. » Geu saint Denis. 8 Depuis que les scélérats. Même terme argotique aux vers 201 et 305. « Tel semble estre bonne personne/ Qui est un très mauvais pinard. » Les Povres deables. 9 En argot, un gourfarin est un amateur de bonne chère. Gourd pharynx = grand gosier. « Bons compaignons, rustres et gourfarins. » A. de la Vigne. 10 Ont rendu le blé plus cher. Idem vers 72. 11 Je veux dire : de l’argent*. La croix est le côté face d’une monnaie, comme au vers 249. En argot moderne, le « blé » symbolise toujours l’argent. *Ou plus exactement, de l’or, qui a la couleur du blé doré. Dans l’argot de l’époque, les grains désignent des écus d’or. 12 BnF : biens — Aix : ble (Il y a moins d’argent honnêtement acquis que d’argent volé.) 13 Tous les voleurs. Les « brigands des bois » détroussent les voyageurs dans la forêt. On remarquera l’humour de nos deux voleurs, ici et aux vers 53 et 481. 14 Plutôt deux fois qu’une ! C’est une réponse au vers 21. « Et pour mieux passer le temps,/ En ce voyage/ Boiront des foys plus de trois. » Noëls lavallois. 15 Nos grains de blé ne seront pas autre chose que des poux. 16 Éd : vault (Tout cet argent ne vaudra plus rien.) 17 Au-delà de la patrie des mal nourris, qui mangent le clair de lune faute de mieux. « –Et d’où est-il ? –De Panpelune :/ Le pouvez veoir à ses abitz. » Baudet, Blondète et Mal-enpoint. 18 Jeu de mots sur « comédie ». Les argotiers jouent beaucoup sur les toponymes : Aller à Niort (nier), à Bordeaux (au bordel), à Reims (aux reins d’une femme), à Angoulême (engouler = manger), à Saint-Trottin (trotter en ville), etc. 19 Je ne connais personne qui sache où elle est, ou qui me l’indique. 20 Pour cette raison. 21 S’il n’y avait pas des manques : le manque d’argent, ou de nourriture. 22 Que le métier de la mendicité. Idem vers 341 et 409. « Au monde, n’a plus belle vie/ Que le train de Bélîtrerie. » Hystoire de la vie du glorieulx sainct Martin. 23 Forme argotique de « quémander ». Voir le vers 383. « Gens vagabonds et oyseux [oisifs] : qu’ilz les facent labourer [travailler], et ne les souffrent point caÿmander. » Ordonnance contre les caÿmans et bélistres. 24 Que de gagner sa vie en la demandant. « Car ceste manière de quester est plus utile, pour avoir sa vie, que aultrement. » La Nef des Folz du monde. 25 Compagnon. Idem vers 213, 296 et 449. « Je veulx rebigner [surveiller] le gaultier/ Et, par signes, l’admonnester/ De mignonnement se traicter [se tenir]. » (Mirouèr des enfans ingratz.) Mais il semble bien que nos coquins s’appellent tous deux Gautier, ce nom étant fort répandu chez les voyous : voir Gautier et Martin. 26 Une riche maison. Mots d’argot. « Ung gier coys de la vergne Cygault [de la ville de Paris]. » Villon, Ballades en jargon, 9. 27 En ce qui concerne ; idem vers 118. Les écus de poids ont le poids réglementaire ; idem vers 238. 28 Les voleurs sont souvent en libertés. Voir la note 13. 29 De quoi bâfrer <argot>. Cf. les Bélistres, vers 312. 30 Quelque riche dupe. Mots d’argot. « Embuschons-nous soubz la feuillée/ Pour attendre quelque syrois. » Les Tyrans au bordeau. 31 Étrenner un commerçant, c’est lui procurer son premier paiement de la journée. 32 Maintenant que le pain est devenu trop cher. 33 « Estre au pont aux asnes : estre confus, estre renversé, ne sçavoir que dire, en demeurer là. » Antoine Oudin. 34 De nombreux gueux mourront. 35 La mort de Bon Temps est le sujet de plusieurs sotties. 36 Si nous ne trouvons pas le moyen. 37 « ‟Jehan Aymes, qui avoit joué aux marelles à six tables, appelé le jeu Saint-Marry.” C’est un jeu de mots qui rappelle la confusion du joueur dupé et ‟marri”. » Lazare SAINÉAN, les Sources de l’argot ancien, t. I, p. 86. Malheureusement, Sainéan n’avait pas lu le Mirouèr des enfans ingratz. 38 Plus aucun homme ne sera large, généreux. 39 Cet accapareur. « Les riches et ces gros mangons, et ces gouffres [goinfres] qui ne demandent qu’à tout ravir. » Godefroy. 40 Qu’un peu. 41 Comment. Les deux filous vont imaginer des histoires émouvantes pour apitoyer leur victime. 42 Une tromperie. Même mot d’argot à 226. 43 Notre argent. Les marchands au long cours pouvaient tout perdre si leur bateau était coulé par la flotte anglaise. 44 Faisons-nous plutôt passer pour des fermiers. 45 Mauvaise. Idem vers 394. Les mendiants qui font croire qu’ils ont tout perdu dans un incendie constituent une catégorie à part entière, qu’on nomme en argot les « riffaudés ». 46 Car il n’y a personne qui ne soit sujet aux revers de Fortune. 47 La grotte de la Sainte-Baume (qui passe pour avoir hébergé Marie Madeleine), et l’abbaye de Saint-Hubert-en-Ardenne. Ces deux pèlerinages drainaient de bons chrétiens, auxquels les autochtones faisaient la charité, mais aussi des « coquillards » qui abusaient de la naïveté ambiante. 48 Aix : de rusfes cheu en nos conais — BnF : russes cheu a noz conais (Qu’il vienne à notre invitation.) Ce quatrain argotique a dérouté les éditeurs, et sans doute les copistes qui les ont précédés. Je ne garantis pas mes corrections. 49 Aix : grenoys — BnF : grenois (Celui qui a tout bouffé, aussi bien le grain que les épis. Gautier et Martin propose une formule similaire : « Il n’y a plus denier ne maille ;/ Tout est riflé, jusqu’à la paille. ») 50 Aix : Andres petons — BnF : Andres yetons (Les brelandiers tiennent des cabarets où l’on joue au brelan, c.-à-d. aux dés. « Berlandiers, taverniers, cabaretiers, basteleurs & autre personne faisans exercice de jeux dissolus. » Ordonnance royale.) Je traduis ces 4 vers ainsi : « Ne nous en tenons pas aux ruses. Que suive notre combine celui qui a tout perdu au jeu ! » 51 Les marcandiers accusent un innocent d’avoir volé leur marchandise, puis l’obligent à rembourser le prétendu vol. « Marcandiers : classe de gueux, prétendus marchands qui se disaient avoir été volés. » L. Sainéan, II, 391. 52 Éd : enteneroit harmes (Ce bourgeois n’y « entraverait » pas un mot, n’y comprendrait rien. « Il le leut, mais n’entervoit que floutière [que dalle]. » Le Jargon de l’argot réformé.) 53 Il nous faut parler autrement qu’en argot. 54 Trompons ! Même verbe argotique aux vers 122 et 210. Cf. Gournay et Micet, vers 216 et 480. 55 Éd : bielle (En argot, la bille est une monnaie en billon. « De la monnoye, c’est de la bille. » Guillaume Bouchet.) Les mendiants abordent le riche. 56 Nous qui sommes nus, et dépris de tous biens. 57 Que vous êtes capables de gagner votre vie. Idem vers 147. 58 Si je les répartissais ainsi. Idem vers 191. 59 Dans une bonne situation. Idem vers 169. 60 Je ne prendrai pas ce risque. 61 J’aime mieux que mon enfant trouve de quoi vivre après ma mort. 62 Plutôt qu’il dise. 63 Partage de ses richesses. 64 Qui paiera pour faire dire des messes après ma mort. 65 Qu’il n’y manquera pas. 66 Éd : soustiendra (Qui surviendra, qui vous adviendra. « Ce qui sourviendra de par delà. » Louis XI.) 67 Mendiants. Idem 349 et 409. 68 Les noms. 69 Éd : beau (Je ne suis pas avide. « Ribauds/ Qui de tout prendre sont si bauds. » Godefroy.) 70 Il n’y a aucun débatteur qui puisse répondre à leurs discours. 71 Tout ce que je possédais a brûlé. Le 1er Coquin expérimente l’histoire qu’il a imaginée aux vers 96-98. 72 Il n’aurait plus rien à mettre dans sa poêle. 73 Raconter une anecdote. 74 Il peut vous en advenir comme cette fois-là. 75 Ce légiste n’a rien à faire là ; il faudrait un homme d’Église, par exemple un aumônier, ce qui enrichirait le vers suivant d’un calembour : prêcher par oboles. 76 Dans un moutier, un monastère. Idem vers 212. 77 Ou les Épîtres de saint Paul. 78 Pour ce que je vous donnerai, mon fils ne s’appauvrira pas d’un centime. 79 Si j’ai de l’argent, cela me convient bien. 80 Ce n’est pas à cette canaille que je dois partager mon bien. 81 Partons <argot>. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 61. Les coquins s’en vont. 82 On n’aura jamais dit tant d’injures. Idem vers 317 et 397. 83 Comte, baillis ou vicomte. 84 De ce scélérat <note 8>. 85 Avare. 86 Ces farceurs, ces bons vivants que nous sommes. Argot. « Dorelotz et fars/ Qui par usaige, à la vergne [ville] jolye,/ Abrouèrent au flot de toutes pars/ Pour maintenir la joyeuse folye. » Villon, Jargon, 11. 87 Quelques liards : des piécettes. Même terme argotique aux vers 216 et 299. « Un liard : un herpelu. » G. Bouchet. 88 Pour ce qui est de me plaindre pitoyablement. 89 D’user d’une belle tromperie. « Par une fainte,/ Par ung beau joncher évident. » Gournay et Micet. 90 Qu’un marchant de pardons dans un monastère. Voir la farce du Pardonneur. 91 Nous n’avons pu, avant-hier, empoigner un liard de lui. Mots d’argot. 92 Nous aurions des biens. 93 S’il nous avait donné un denier <argot>. 94 Enlevé. Verbe tolir. 95 Trompé. « Affiner/ Et abuser les bonnes gens. » Le Pardonneur. 96 De maraudeur. Idem vers 447. Voir les Maraux enchesnéz. 97 Une tromperie nouvelle. Cf. le vers 93. 98 Ceci ou cela. 99 Ce n’est qu’une question d’habileté. « Ce n’a esté qu’abilité/ À vous. » Mirouèr des enfans ingratz. 100 C’est bien dit. Les deux clochards tirent de leur balluchon des nippes encore plus miteuses que celles qu’ils portent, et ils s’en accoutrent. Voir la note 94 du Pasté et la tarte, une farce où « deux coquins » se déguisent pour retourner voir leur victime sans être reconnus. 101 Éd : voit (Débrisés = déchiquetés.) 102 Même si c’était Dieu qui les avait divisés, décousus. 103 Plus misérables et lacérés. 104 Où est le fou qui me prêterait 100 écus de poids sur le gage de mon corset ? 105 Ton corset ne vaut ni un centime, ni un denier tournois. 106 Si ce père aura pitié de nous. Cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 249. Les deux mendiants retournent frapper à la porte du riche. 107 Aimable. « Il est tant doulx et amÿable ! » Sœur Fessue. 108 Le plus. 109 Ni le côté face, ni le côté pile d’une monnaie. 110 Et nous n’avons rien de plus froid que l’âtre de notre cheminée. 111 Si on le croyait, il raflerait plus de pain que quatre hommes. « Et abatre pain à deux mains. » Villon. 112 Pour peu que les gens croient ses paroles. 113 Éd : Que 114 Éd : diminuer (« Ses biens distribuer. » ATILF.) 115 Misérables. Idem vers 2, 235, 349 et 433. 116 Assertion destinée à émouvoir une mère. Si nos gueux avaient une maison, une épouse et des enfants, nous le saurions. 117 Cela ne peut pas vous ruiner. 118 Ne croyez pas plaider si bien que vous puissiez tirer de moi un seul denier. 119 Sur ces gaudrioles où toutes les obscénités sont permises, voir la notice de la Présentation des joyaux. La farce de noces du Mirouèr des enfans ingratz fut jouée par notre duo de coquins : tous les personnages ont déjà un rôle dans la scène du banquet, sauf eux ; or ils sont présents, puisqu’on leur distribue les reliefs du festin. 120 Une farce pouvait également succéder à une autre ; à la fin des Hommes qui font saller leurs femmes, on avertit les spectateurs : « Il y a encore la Farce de Pied-à-boulle. » 121 Ou un spectacle au cours duquel on danse la morisque. « Farces, mommeries et sotteries [sotties]. » Brantôme. 122 Sur la faveur théâtrale dont a joui cette chanson érotique, voir la note 106 de Te rogamus audi nos. 123 Exulte. Le 2e Coquin brode sur la suite de la chanson : « Je vis hier Jacquet/ Dire à Michelette. » 124 Un bon morceau a chu entre mes mains. « Pense-tu qu’on te puist bailler/ Tousjours des chappons entre mains ? » Le Capitaine Mal-en-point. 125 Un peu de tarte. 126 Qui fait peau neuve, comme un serpent qui mue. 127 Qui est en vogue ? « –Qui bruit ? –Qui ? Moy ! » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 128 Je grogne. « Que ravissans loups/ M’estranglent se plus je marmouse ! » Le Retraict. 129 Dans ma bourse <argot>. « Nous luy ramplirons sa foulliouse. » Les Deux pouvres. 130 Ni un liard, ni un centime. Note 87. 131 À présent, des pauvres nécessiteux. Effectivement, il y eut une farce du Povre souffreteux, nommée dans les Vigilles Triboullet. 132 Le père a commis cette raillerie au vers 190. 133 Éd : voise (Il faut toujours que la dérision saute sur les infortunés.) 134 Ce scélérat sans pitié. 135 Pauvre. « Et le povre, et le marmiteux. » L’Aveugle et Saudret. 136 Plus autant d’argent qu’il en avait l’habitude. 137 Après que le père a contribué à l’avancement de son fils. 138 Et si je le sais. 139 Il tombera dans la misère. Verbe choir. 140 Éd : Eust (Plût à Dieu que le fils du riche fasse selon ma volonté !) 141 Il préférerait alors voir mourir son père. 142 Jamais je ne vis son père en état de vouloir… 143 Si son père vient à une porte pour demander du pain, et si j’y suis déjà. 144 Voilà ce mâtin, ce chien. Idem vers 360. 145 Éteint. « Je destains le feu. » Mallepaye et Bâillevant. 146 Et que tout son argent est dépensé. 147 J’avais toujours à l’idée. 148 Sur cet ancêtre de la Cour des miracles, voir la note 99 des Tyrans au bordeau. 149 Vers manquant. « Par charité et par aulmosne,/ Affin que la pouvre personne/ Y puisse recouvrer santé. » Les Miraculés. 150 Parmi les mendiants et les miséreux. 151 Éd : expres (Et plus tard parmi la noblesse. « Et par emprès, l’amenèrent en une aultre taverne. » Lettre de rémission.) Par son mariage, le fils de l’ancien riche fréquente désormais l’aristocratie. 152 Le très rabelaisien saint Alipantin reçut un coup de pied au cul le jour du Mardi gras : cf. les Basteleurs, vers 196 et note. Maître Alipentin paraît être un croisement entre ce vénérable saint Alipentin et le faux savant maître Aliboron. En tout cas, il n’a aucun rapport avec le roi Alipantin, un ennemi du roi Arthur. 153 Accordé une retraite, logé. 154 Vous allumez le feu de bonne heure, comme les riches qui peuvent se payer du bois. « Souffler le feu : pour dire ‟souffler sur le feu pour l’allumer”. » (Dict. de l’Académie françoise.) Cette plaisanterie est cruelle : d’après le vers 336, le couple n’a plus de bois pour se chauffer. 155 Alors que vous allez sur votre fin. 156 Cela tombe bien. « Tout vient à lieu, qui peult atendre. » Proverbe. 157 Contrepèterie, sans doute involontaire : Un dernier pet. 158 Traité de grammaire latine de Donatus : « Où avez-vous mis mon Donnest ? » (D’un qui se fait examiner.) Jeu de mots traditionnel sur « donner » : « Le Donat est pour eulx trop rude. » Villon. 159 Maintenant que c’est un grand personnage. 160 D’un quémandeur, d’un mendiant. Argot. Cf. le Mince de quaire, vers 252 et note. 161 Éd : Presenter (Il nous a seulement fait cadeau de pain noir, en disant à un domestique : « Varlet, donne-leur du pain bis ! ») 162 Éd : Du 163 De notre accouplement. 164 Et l’heure où je l’ai conçu. 165 Votre argent. 166 Aix : mõseigñr — BnF : monseigñr (« Monsieur sainct Françoys ! Que peult-ce estre ?…./ Les brayes de monsieur sainct François. » Frère Guillebert.) 167 La mauvaise. Idem vers 97. 168 Aussi fort qu’ils vous aient prié. 169 Vaurien. 170 À ma dernière heure. 171 Juste. 172 Les 2 négations s’annulent : Je crois qu’il le maudira. 173 D’une porte à l’autre. 174 Votre subsistance. 175 Qu’on puisse vous rendre favorable à nos demandes. 176 Consoler. « Consoillier les déshéritéz. » Godefroy. 177 Éd : en cellier (Sans sourciller, sans hésiter. « On lui doibt dire sans cillier :/ Passe delà ! » ATILF.) 178 Qui vous renie. Les parents du fils ingrat s’en vont. 179 Qu’il ne m’ait pas fait mentir : qu’il ait réalisé ma prophétie. 180 Ou le mettre en gage contre de l’argent. 181 Que de laisser ma femme. 182 Âne habillé en homme. Comme au vers 362, les Coquins traitent de « coquin » l’ancien riche. 183 Et même, je ne saurais où en prendre. 184 La mienne, qui ne vaut rien, contre la sienne, qui est encore luxueuse. 185 Je participerai à l’achat. 186 Le père prodigue échange sa robe contre celle du 1er coquin, puis il s’éloigne en maudissant son fils. 187 Qu’il lui arrivera malheur. Verbe méchoir. 188 Le voisinage. 189 Dans cette cruelle affliction. 190 En soustrayant la somme que tu as mise. 191 Tu n’en auras pas un sou <argot>. « –Argent contan ! –Pas ung halart ! » Moralité de la Croix Faubin. 192 Je comble cette lacune. « Ung franc ou deux pour leur despens. » Ph. de Vigneulles. 193 Si ma tête s’échauffe. 194 Ce juron païen est commun dans les Mystères qui décrivent les temps bibliques ou antiques ; mais notre Moralité se situe en France au XVIe siècle. 195 Extorquée <argot>. Cf. Gournay et Micet, vers 455-6 et 524. 196 Des chasseurs qui sifflent dans un appeau pour attirer les passereaux ; voir la Pippée. Mais un pipeur est aussi un tricheur qui pipe les dés. 197 C’est l’endroit qui te convient le mieux. 198 Il tente d’arracher sa robe au 1er Coquin. 199 St François d’Assise, dont la robe était grise. 200 Et après ? Il s’agit d’une fin de non-recevoir. « –Nous vous avons servy. –Et puis ? » (Les Premiers gardonnéz.) Les Coquins sortent définitivement ; renonçant aux guenilles et à l’argot, ils vont sans doute jouer les rôles de l’évêque et du pape à la fin de la pièce.