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LA RUSE ET MESCHANCETÉ DES FEMMES

Bibliothèque nationale de France

Bibliothèque nationale de France

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LA  RUSE  ET

MESCHANCETÉ

DES  FEMMES

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On se plaint souvent des abus que les éditeurs du XVIe siècle ont fait subir à des farces du siècle précédent. Le record est détenu par la présente pièce. Un mauvais versificateur a perdu son temps à la mettre en alexandrins plus qu’approximatifs, alourdissant des octosyllabes volubiles et nerveux qui sont la signature du théâtre de cette époque. Au bout de 128 vers, il a fini par comprendre l’inanité de sa tâche, mais le mal était fait. Les 24 premiers vers de Rouge-affiné, Bec-affillé et Décliquetout ont subi le même traitement.

Il ne faut pas confondre cette Ruse, meschanceté et obstination d’aucunes1 femmes avec une autre farce intitulée l’Obstination des femmes, également nommée la Mauvaistié des femmes.

Source : Bibliothèque nationale de France, Rés. Yf. 3441. Édition publiée en 1596.

Structure : Rimes croisées, rimes plates.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce joyeuse et proffitable

à un chacun, contenant

la Ruse, meschanceté

& obstination

d’aucunes femmes.

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Par personnages, assavoir :

       LE   MARY   [maistre Jean Cornon]

       LA  FEMME

       OLLIVICQUE 2

       LE  SERRURIER  [maistre Cristofle]

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                               LE  MARY 3  commence                           SCÈNE  I

        Holà, ma femme, holà ! Qui est céans venu

        Qui, dedans ma bouticque, a robé4 un pourpoint ?

                               LA  FEMME

        J’en ay veu, ce jourd’huy, ce savetier vestu,

        Qui tient en ceste rue son banc5 en ce recoin.

                               LE  MARY

5      Et quoy ! Est-il venu le prendre en la bouticque ?

        Ou si quelque servant de nous luy a vendu ?

                               LA  FEMME

        Je ne sçay. Demandons, pour veoir, à Ollivicque

        S’il ne sçait point comment ce pourpoint s’est perdu.

                               LE  MARY

        Ollivicque, venez !

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                                       Dictes-moy la manière                         SCÈNE  II

10    Comme c’est qu’on a prins ce pourpoinct de satin !

                               OLLIVICQUE

        Maistre, venez à moy, apportez la lumière6 !

        Je vous compteray tout ce que vey7 un matin.

                               LE  MARY

        Sus donc, despeschez-vous, car je pers patience !

        Que ne pren[-j]e8 un baston et frappe dessus tous !

                               OLLIVICQUE

15    Maistre, quand vous seriez plus cruel que les loups,

        Attendez s’il vous plaist qu’aye dit ma sentence9.

        Or sus ! C’estoit un jour qu’estiez à la [grand] messe10

        Que vey entrer céans — mais d’une grand vistesse —

        Un homme dont ne sçay son nom ny sa demeure.

20    Toutesfois vous diray, et en bien petit d’heure11,

        Ce que j’en apperceu. Parlant à ma maistresse,

        Il luy a dict : « Madame, chassons toute tristesse ! »

        Puis après, d’un abord, au rays d’un clair matin12

        Je vey que sa main orde13 luy prenoit le tétin.

25    Je vey tout aussitost Madame renverser,

        Et après, le galland sur elle se coucher.

        Pour dire vérité, ell’ eust bien des escus.

        Aussi, elle vous a mis au rang des cocus.

                               LE  MARY

        Mais dy-moy, mon amy : a-il long temps sonné,

30    Ce que ce malheureux à ma femme a donné14 ?

                               OLLIVICQUE

        Pour le moins demy-heure. Et sur le mesme poinct,

        Je luy vey sur son dos emporter le pourpoint.

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                               LE  MARY,  parlant à sa femme avec un baston, dit :

        Sus ! Venez çà, charongne, effrontée putain !                      SCÈNE  III

        Qui vous a donc esmeu15 de mener un tel train ?

35    Tu me pense tromper lorsque je n’y suis pas,

        De les faire venir pour prendre tes esbats ?

        Mais vous en pâtirez, car dessus vostre dos16

        Je ne lairray17 entier le moindre de voz os.

                               LA  FEMME

        Quoy ? Qu’est-ce, mon mary ? Qui vous a rapporté

40    De moy ce faux rapport et propos inventé ?

        Ne croyez pas que moy, qui suis à vous vouée,

        Me soys, comme vous dictes, à autre habandonnée.

        J’aymerois mieux cent coups, et cent coups de poignard,

        Et mesmes, que mon corps fust dans un feu tout ard18.

45    Que d’avoir contre vous commis un tel mesfaict.

        Regardez donc comment on doibt mettre [au retraict]19

        Les propos inventéz, car je ne l’ay point faict.

        Je vous jure sainct Gris : si je [pouvois tenir]20

        Qui vous a dit cela, je le feroy[s] mourir !

                               LE  MARY

50    Vous mentez faucement21, car je vous feray dire

        Que lorsque je n’y suis, on ne vous veoid que rire

        Avec des macquignons 22 qui viennent en ma bouticque,

        Puis a[u]près des vilaines maquerelles lubricques

        Qui te viennent inciter à me jouer ce tour.

55    Mais je te feray dire : « Ah ! maudit soit le jour23 ! »

                               LA  FEMME

        Dictes-moy, s’il vous plaît, celuy qui vous a dit

        Qu’avec ce savetier m’a veu24 dessus mon lict.

                               LE  MARY

        Mais dy-moy — en françois, et non pas en la latin25

        Pourquoy tu luy baillis ce pourpoint de satin.

60    Puis je te feray dire par petit Ollivicque

        Comme tu es putain, [et] infâme, et lubricque.

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                               LA  FEMME,  parlant à Ollivicque tout bassement,

                                                         luy dit, les mains jointes :

        Hé ! pour Dieu, Ollivicque, ne vueille donner blasme         SCÈNE  IV

        [À t]a pauvre maistresse pour la rendre infâme !

                               OLLIVICQUE

        [Ne] vous souciez, Maistresse, car je ne diray rien

65    [De tout ce que j’ay veu, si vous me traitez bien…]26

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                               LA  FEMME,  parlant tout haut à Ollivicque, luy dit :

        [Vi]en çà, meschant garçon qui m’as donné tel blasme         SCÈNE  V

        [Qu]e je seray tousjours réputée [pour] infâme !

        [As-]tu veu cy venir jamais, jour de ta vie,

        [Pe]rsonne qui m’ayt dict aucune villenie ?

                               OLLIVICQUE

70    [La]s ! parlez bas, Maistresse, car vous vous tairez bien.

        [Je] vous ay dit tantost que je ne dirois rien27.

        [Es]coutez, s’il vous plaît, ce que je vous veux dire,

        [C]ar je croy qu’à la fin, n’aurez envi’ de rire.

        [Es]t-il pas bien certain que dimanche dernier

75    [Je] vey entrer céans, par la porte derrier28,

        [L]e Maistre estant allé à la première messe,

        [U]n qui, d’une grand course et d’une grand vistesse,

        [V]ous vint trouver au lict où vous estiez couchée ?

        [E]st-il pas asseuré que, celle matinée,

80    [A]près avoir tous deux discouru d’un29 latin,

        [I]l print de sa main salle vostre polly tétin ?

        Me voudriez-vous nier que, tout incontinant

        Que vous aviez30 finy l’amoureux passe-temps,

        [J]e ne veid sus son dos, au rays du clair matin,

85    Qu’il emporta chez luy le pourpoint de satin ?

                               LA  FEMME

        Tu as menty, meschant ! Jamais, jour de ta vie,

        Tu ne me veis commettre aucune villenie.

                               OLLIVICQUE

        Maistre, je veux mourir d’une mort misérable

        Si ce que je vous dy n’est aussi véritable !31

                               LE  MARY

90    Sus, sus ! Que nous voyons la bource des escus

        Qui ont esté gaignéz au travail de ton cul !

                               LA  FEMME

        Las ! je n’ay pas un sol qui soit32 en mon pouvoir.

                               LE  MARY

        Sus, sus, despeschons-nous, car je le veux tout veoir !

        Et ne me faictes plus, à cest’ heure, tant braire.

95    Si je prend mon baston, je vous feray bien taire ;

        Despeschons-nous, [ou bien je vous rompray le col33] !

                               LA  FEMME

        Sur ma foy, mon mary, je n’en ay pas un sol.

                               LE  MARY

        Que sont donc devenus tant de doubles ducats,

        Tant de doublons d’Espaigne, escus de Portugal

100  Que l’on t’avoit donné [ce dimanche à plein poing34] ?

                               LA  FEMME

        Hélas ! je vous asseure, je n’en vey jamais point.

                               LE  MARY,  en frappant :

        Or il les faut trouver, et tout incontinant35,

        Ou tost tu finiras le reste de tes ans36 !

        Mais voyez, je vous prie, s’elle faict la rusée !

105  On diroit, à [la] veoir, qu’elle n’y a point touchée.

        Et qui la voudroit croire en ses belles parolles,

        Elle vous diroit bien que le vray est frivolle[s]37.

                               LA  FEMME

        Hé ! pour Dieu, mon mary, je vous crie mercy !

        Je sens desjà mon cœur à demy mort, transi.

                               LE  MARY,  en frappant :

110  Allons, allons, allons ! [L’argent,] de par le diable !

                               LA  FEMME

        Mon mary, je suis morte, rien n’est plus véritable.

        Hé ! pour Dieu, laissez-moy, je vous crie mercy !

                               OLLIVICQUE 38

        [H]é ! mon Dieu, laissez-la : ell’ a du cul vessy39.

        [M]ais je vous dis puant.40

                               LA  FEMME,  faisant la morte en se pasmant 41, dict :

115  Hélas, je me meurs ! Hélas, je me meurs,

        [S]i je n’ay tost secours.

                               LE  MARY  demande de la paille à Ollivicque

                                                     pour luy mettre au cul 42.

        Sus, venez, mon vallet ! Apportez-moy du feu[rre]43,

        Car je veux secourir ma femme, [que ne meure]44.

                               OLLIVICQUE

        Que demandez-vous, Maistre ? Voulez-vous de la paille ?

                               LE  MARY

120  Ouÿ, despeschez-vous ! Mon Dieu, [la grand conaille]45 !

        Courage, sus, ma femme ! Et quoy, ne dis-tu mot ?

                               OLLIVICQUE

        Sans mentir, ell’ est morte.

                               LE  MARY

                                                   O ! que [vous estes]46 sot !

        Tenez, tenez, tenez, levez-la par les bras,

        Et vous verrez tantost s’elle se reviendra.

                               OLLIVICQUE 47

125  Mais vous la bruslerez !

                               LE  MARY

        N’importe : levez !

                               OLLIVICQUE,  en la soubslevant :

        Couraige, ma Maistresse ! Or sus, qu’on se réveille !

        Sentez-vous pas la puce vous frétiller l’oreille48 ?

                        LA  FEMME,  sentant le feu :

        Ha ! meschant, je te tuëray !

                        [LE  MARY] 49

130  Ma fy50 ! je vous pardonneray.

                        LA  FEMME

        Ah ! mon Dieu, hélas, je suis morte !

                        [LE]  MARY

        Ollivicque, serrez51 la porte :

        Les volleurs52 sont en ma maison.

        Je la veux mener en prison.

                        LA  FEMME

135  En prison ? [Homme] abominable !

        [Hé !] tu feras les cinq cens diables !

                        [LE]  MARY

        Or, il faut trouver cest argent.

                        LA  FEMME

        Tuë-moy, malheureux meschant,

        [Sans plus]53 me faire tant languir.

                        [LE]  MARY

140  Je ne te feray jà mourir,

        Mais tu seras tant plus malade54.

                        LA  FEMME

        Sainct Jehan ! tu me donne une aubade

        Dont tu te pourras repentir.

                        [LE]  MARY

        Ah ! je te feray bien mentir55.

145  Mais je veux avoir la clicquaille56.

                        LA  FEMME

        Mais si je n’ay pas une maille57,

        Faut-il que j’en aille trouver ?

                        [LE]  MARY

        Je ne sçay que tant estriver58.

        Despesche-toy, [par sainct Cristofle59] !

                        LA  FEMME

150  J’ay perdu la clef de mon coffre.

                        [LE]  MARY

        Il en faut faire [une forger]60 ;

        Allez quérir le serrurier.

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                        OLLIVICQUE,  parlant au serrurier :         SCÈNE  VI

        Maistre, venez à la maison !

                        LE  SERRURIER

        Et  qu’y a-il ?

                        OLLIVICQUE

                              Il y a  sans comparaison61,

155  Un cul qui a perdu sa « clef ».

                        [LE]  SERRURIER

        Ha ! je [l’ay retrouvée de bref]62,

        Car je la porte à ma ceinture63.

                        OLLIVICQUE

        Vous sçavez quasi la casseure64,

        Car c’est celuy de ma maistresse.

                        [LE]  SERRURIER

160  Tu veux jouer quelque finesse,

        Est-il pas vray, [encontre moy] ?

                        OLLIVICQUE

        Non, je vous jure en bonne foy !65

        Escoutez [icy], je vous prie,

        Comme nostre maistre [Jean] crie.

                        [LE]  SERRURIER

165  Qu’a-il ? [Ah ! il bat]66 ta maistresse.

                        OLLIVICQUE

        Ah ! qu’il luy a faict mal aux fesses :

        Elle ne faict que culleter67.

                        [LE]  SERRURIER

        Dieu l’en vueille récompenser,

        Et luy vueille sa peine rendre68 !

                        OLLIVICQUE

170  Or, nous les faisons trop attendre,

        Entrons ! [Maudit soit le dernier69 !]

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        Maistre, voicy le serrurier                                               SCÈNE  VII

        Qui vient pour ouvrir vostre coffre.

                        [LE]  MARY

        Pourquoy l’as-tu laissé dernier ?

175  Entrez, entrez, maistre Cristofle !

                        [LE]  SERRURIER

        Dieu vous gard, maistre Jean Cornon70 !

                        [LE]  MARY

        Qui vous a si bien dict mon nom ?

        Venez un peu ouvrir ce coffre,

        Depuis qu’on a perdu la clef.

                        [LE]  SERRURIER

180  Y a-il quelque [tort ou grief]71

        Qui vous faict crier liffreloffre72 ?

                        LA  FEMME,  regrétant son coffre,

                                                  dit 73 tout bassement :

        Hélas, bon Dieu ! [Et] que feray-je ?

        Mon Dieu, où me[s sols] cacheray-je,

        Puisqu’on a trouvé mes escus ?

185  Je les avoys bien, de mon cul,

        Gaigné à la grande sueur74.

        Mais doresnavant, n’auray peur :

        J’en feray encor(es) davantage.

        Ah ! maudict soit le mariage !

190  Puis qu’il ne couvre mon honneur.

        Faut-il que, pour manger du lard 75,

        Mon mary soit nommé « Cornard » ?

        Je vous jure qu’il est bon homme76,

        Et si, ne sçay[t] comme on le nomme77.

195  Je les luy devois bien bailler78

        Sans le faire tant estriver.

                        [LE]  MARY

        Çà, çà, villaigne, venez cy !

                        LA  FEMME

        Hélas, je vous crie mercy !

        Jamais je n’y retourneray79,

200  Sinon quand je m’y trouveray

        [Et qu’en auray occasïon.]80

                        [LE]  MARY

        Certes, tu as bonne raison.

        Et pour moy, je n’ay point de tort.

                        LA  FEMME

        Ha ! le bon enfant, quand il dort !

205  Par ma fy, c’est un bon garçon !

                        [LE]  MARY

        Tu as encor bonne raison81.

        Va-t’en, je te donne gaigné[e]82.

        Mais si tu es jamais trouvée

        Avec personne en la maison83,

210  Je leur donray à desjeuné84 !

                        [LE  SERRURIER]

        Libera nos, Domine ! 85

                        [LE]  MARY,  parlant au serrurier :

        Maistre Cristofle, allez-vous-en,

        Non pas pour vous donner congé86.

        Or tenez : voylà de l’argent ;

215  Voyez s’il y en a assez.

                        [LE]  SERRURIER

        Grand mercy, maistre [Jean] Cornon !

        Il suffit que, de vostre grâce,

        J’aye beu87 en vostre maison

        Et mangé d’une poulle grasse.

                        [LE]  MARY

220  Nous boyrons donc quand vous voudrez.

                        [LE]  SERRURIER

        Requiescant in pace ! 88

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                        [LE]  MARY,  parlant aux lecteurs de ceste 89 :

        Si je n’eusse eu [si] belle femme,                                   SCÈNE  VIII

        Je n’eusse point doubté90 ce blasme,

        Ny moins n’eusse esté au hazard91

225  D’estre nommé « Gros-Jean Cornard92 ».

        Mais d’autant que ma femme est belle,

        Elle m’estime moindre qu’elle.

        Comme suis, à la vérité.

        Il le luy faut bien pardonner,

230  Pourveu qu’on me donne à disner93.

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        Donques, Messieurs qu’avez de belles femmes,

        Ne craignez rien, ne leur donnez nuls94 blasmes,

        N’entrez jamais en point de jalousie

        Si vous voyez qu’elles soyent amoureuses95 :

235  C’est ce qui96 faict qu’elles sont plus heureuses.

        Ne vueillez doncq entrer en frénésie.

.

                                       FIN

                 Par G.F.D.M.E.F.97

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1 De certaines.   2 Olivic, variante rarissime de « Olivier ». C’est le jeune serviteur du couple. La page de titre le nomme Le Serviteur, et la première page Le Vallet, mais toutes les rubriques l’appellent Ollivicque (et non pas Ollinicque, comme l’écrit un des rares chercheurs qui ont mentionné cette farce).   3 Il est dans sa boutique de pourpointier [faiseur de pourpoints], avec sa femme. Leur employé, Olivic, fait son travail un peu plus loin.   4 A dérobé. Cf. le Gaudisseur, vers 71 et 106.   5 Son étal.   6 Une chandelle : l’action se déroule dans la soirée. Le valet veut que son maître s’éloigne de la femme, dont il va dire du mal.   7 Je vous conterai tout ce que je vis.   8 Qu’est-ce qui me retient de prendre. « Que ne pren-je une plume, à cell’ fin que je trace/ Ton nom ! » Roger Maisonnier.   9 Mon témoignage.   10 On voit mal un tel mécréant se rendre à la messe pendant que sa femme reste à la maison, alors que c’est en général le contraire. Sachant que beaucoup de femmes qui prétendent aller prier rejoignent en fait leur amant, ce mari dépourvu du moindre sens moral (comme les trois autre protagonistes) ne rejoindrait-il pas sa maîtresse le dimanche matin ?   11 En peu de temps.   12 Grâce à un rayon de soleil. Idem vers 84. D’un abord = de prime abord.   13 Les savetiers, qui manipulent de vieilles chaussures et de la poix, ont toujours les mains sales : voir le vers 81. Cf. la Laitière, vers 139-140.   14 Les écus qu’il avait dans sa bourse ont-ils tinté longtemps, pendant qu’il s’agitait sur ma femme ? Autrement dit : combien de temps a duré le coït ?   15 Mue, incitée.   16 Éd. : corps  (« Mon baston sera esprouvé/ Sus vostre dos ! » Serre-porte.)   17 Je ne laisserai.   18 Brûlé.   19 Éd. : en effect  (Dans les cabinets. Cf. le Retraict.)   20 Éd. : scauois celuy  (Saint Gris est le surnom traditionnel de saint François d’Assise, qui portait une robe grise.)   21 Injustement. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 597.   22 « Maquignon de chair humaine : maquereau. » (Antoine Oudin.) Les maquerelles occupent le vers suivant.   23 Maudit soit le jour où je suis née !   24 Il m’a vu. La femme a couché pour de l’argent avec ce savetier (vers 3), à qui elle a donné un pourpoint (vers 2). De tels dons étaient normaux de la part des commerçantes : la drapière de Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain offre à son amant dix aunes de drap.   25 En parlant clairement. Cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 235.   26 Vers manquant. Les valets de farces, en échange de leur discrétion, exigent de coucher avec leur patronne. Celui de Raoullet Ployart veut bien monter la garde pendant que sa maîtresse reçoit des amants, mais il pose ses conditions : « Maistresse, vous m’entendez bien :/ Après que labouré auront,/ Il fauldra, quant ilz s’en yront,/ Que laboure ung peu après eulx. » Comme ici, les promesses du serviteur ne l’empêcheront pas de révéler au mari l’inconduite de sa femme.   27 Que je ne dirais rien à mon maître. En effet, le valet ne s’adresse pas au mari, qui écoute pourtant la conversation, mais à la femme.   28 Éd. : dernier  (De derrière. Cf. le Résolu, vers 161, 230 et 240.)   29 Éd. : au  (D’un même langage. « Mais il trouva responces trestoutes d’un latin. » A. Töbler.)   30 Éd. : estiez   31 L’imprimé termine ce vers avec un point d’interrogation, et ajoute dessous : Comme ie le racompte.   32 Un sou vaillant. Idem vers 97 et 183.   33 Je comble une lacune. « Morbieu, je te rompré le col ! » Les Sotz nouveaulx farcéz, couvéz.   34 Cet hémistiche manque. La coucherie s’est produite le dimanche précédent (vers 74). « J’ay de l’or à plain poing. » Le Poulier à sis personnages.   35 Tout de suite. Idem vers 82.   36 Ou je vais te tuer séance tenante.   37 N’est que mensonge. « Bourdes, mensonges et frivoles. » (ATILF.) Le mari frappe sa femme. Éd. ajoute dessous : Sus sus qu’on se despesche.   38 Éd. : Le Mary.   39 Elle a pété, comme tous les personnages de farce qui reçoivent des coups sur les fesses. Cf. les Hommes qui font saller leurs femmes, vers 252.   40 Entre les vers 114 et 128, faute de mieux, l’éditeur a imprimé le brouillon du remanieur, qui a conservé des fragments des octosyllabes originaux en attendant de les transformer en alexandrins. Il serait donc vain de vouloir intervenir dans ce champ de bataille. À l’instar de l’éditeur, je ne peux que publier telle quelle cette ébauche informe.   41 En s’évanouissant.   42 Ce rituel carnavalesque consiste à coincer une longue gerbe de paille entre les cuisses d’un fêtard, en manière de queue, puis d’y mettre le feu.   43 De la paille.   44 Éd. : qui se meurt.  (Afin qu’elle ne meure pas.)   45 Éd. : les grand canaille, / Elle se meurt.  (Le mari enroule vers le haut la robe de son épouse couchée par terre, et il remarque la taille de sa vulve. On trouve une scène similaire dans Pantagruel <chap. 15>, lorsqu’un lion découvre le « comment-a-nom » d’une vieille évanouie, grand de « cinq empans et demy ».)  Le con — le sexe de la femme — a été affublé de nombreux suffixes péjoratifs. Conaille n’est pas attesté, mais les écrivains immortalisaient rarement ces créations populaires ; sans compter que la plupart des textes érotiques de l’époque ont disparu. Restif de La Bretonne emploiera le verbe conailler pour copuler.   46 Éd. : tues  (Le mari vouvoie presque toujours son valet.)   47 Il maintient le corps debout. Le mari approche une chandelle de la paille, puis met le feu au cul de sa femme. Les amateurs de symboles apprécieront…   48 N’avez-vous pas la puce à l’oreille ? Ne vous doutez-vous de rien ? À partir d’ici, nous voilà débarrassés des alexandrins.   49 Éd. : Olliuicque.   50 Ma foi ! idem vers 205. Éd. ajoute sous ce vers : Si vous pouuez.   51 Fermez. Voir la farce de Serre-porte.   52 Les voleurs de pourpoints, et ma femme qui est leur complice. Éd. a mis ce vers après 131.   53 Éd. : Non pas   54 Il recommence à taper.   55 Avoir tort.   56 La monnaie cliquetante.   57 Pas un centime.   58 Pourquoi tu contestes tant. Idem vers 196.   59 Je comble une lacune. Aux vers 173 et 175, coffre rime aussi avec Cristofle. Saint Christophe était invoqué par les voyageurs pressés.   60 Éd. : faire une autre,  (« Et d’autres clefs vite forger. » Frère Fécisti.)  Le mari s’adresse au valet.   61 Calembour grivois : sans con, par raison. Cf. la Responce de la Dame au vérolé, vers 76.   62 Éd. : l’auray tost retrouué  (Rapidement. « Je périrai, ce croi-ge,/ Si ne me secourez de bref. » Pates-ouaintes.)   63 Une grosse clé phallique pend devant la ceinture du serrurier. Une illustration flamande contemporaine de notre farce (fin XVe siècle) met aux prises une dame et un monsieur : « –Amis, veilliez ouvrir mon coffre/ Que je vous baille, donne et offre./ –Dame, le coffre moult me plet,/ Mais la sérure me desplaît,/ Car ma cleif n’est point par mesure/ Grande assez selon la fendure. »   64 Vous connaissez aussi la fissure. Nous comprenons que le serrurier est un des clients de la dame.   65 Les deux hommes arrivent devant la fenêtre ouverte de la maison, où le couple se dispute bruyamment.   66 Éd. : trouué?a il battu   67 Que bouger le cul pour échapper aux coups. Mais aussi : que copuler. « Dedans le berceau, (Alix) culetoit…./ Avec garsons, petis enfans,/ Alloist tousjours en quelque coin/ Culleter…./ Et lors, culetoit plus que vingt…./ Et puis mourut en culetant. » Clément Marot.   68 Dieu veuille raccourcir sa pénitence au purgatoire ! Mais aussi : Dieu veuille lui rendre la pareille en la culetant !   69 Je comble cette lacune à partir du vers 174, un vers d’acteur qui fut ajouté alors que la pièce était encore jouable, et donc intacte. Cette formule d’émulation est en fait le nom d’un jeu d’enfants : « Jouant à maudict soit le dernier. » (Pierre Saliat.) « Et se prindrent à jouer à toute reste au maudict soit le dernier. » (Pontus Payen.) Les deux joueurs se précipitent dans la maison.   70 « Jean, dans le stile satyrique, signifie cocu, cornard. “Sa femme l’a fait Jean”, pour l’a fait cocu, lui a planté des cornes. » (Le Roux.) Comme si ce n’était pas assez clair, Jean Cornon est surnommé « Gros-Jean Cornard » <vers 192, 194 et 225>. Le serrurier, qui pourtant le cocufie, a l’obligeance de l’appeler par son vrai nom.   71 Éd. : chose a disner?  (Tort ou préjudice. « Sans faire tort ou grief à aucun. » Le Grant coustumier de France.)   72 Éd. : liffreloffee  (En baragouin germanique. « Puisque tu fais si bon retour/ De ce païs des Alemaignes,/ Il ne fault pas que tu te plaignes/ De nous envoyer, si tu daignes,/ Quelque épigramme en lifrelofre. » Charles Fontaine.)  Le serrurier pointe sa grosse clé, puis l’introduit dans la serrure du coffre que la femme tient devant son bas-ventre, comme sur l’illustration.   73 Éd. : di-soit  (Dit à voix basse, pour le public.)   74 Je les avais bien gagnés à la sueur de mon cul.   75 Parce que je suis coupable. « Avoir mangé le lard : estre coulpable. » (Oudin.) Jeu de mots : Parce que j’aime les pénis ; cf. le Ramonneur, vers 103.   76 Que c’est une bonne poire. Cf. Raoullet Ployart, vers 263. « Bon homme : cornard. » Oudin.   77 Et même, qu’il ne sait pas qu’on le surnomme Gros-Jean Cornard.   78 J’aurais dû lui donner mes écus.   79 Je ne recommencerai à fauter. « Le mary (…)/ Cryera à sa femme mercys,/ Promectant n’y retourner plus. » Pour le Cry de la Bazoche.   80 Vers manquant.   81 Là aussi, tu as raison. Voir le vers 202.   82 Je t’accorde la victoire. « Je leur donne gaigné s’ils peuvent dire (les) plus communs vocables qui tombent en nostre usage sans parler latin. » Marie de Gournay.   83 Le mari admet que sa femme ait des clients, mais ailleurs qu’à la maison, bien que sa réputation de cocu soit déjà répandue dans le voisinage.   84 Je les repaîtrai de coups de bâton. Mais le serrurier prend le verbe déjeuner au sens propre, et réclame de plein droit ce repas que le mari vient de promettre aux amants de son épouse.   85 Les clercs, insatiables amateurs de repues franches et d’humour sacrilège, disaient : A fame libera nos, Domine ! [Libère-nous de la faim, Seigneur !] Le serrurier citera encore du latin de clercs au vers 221.   86 Sans vouloir vous chasser. Le mari prend de l’argent dans le coffre de sa femme.   87 J’aie bu. Souvenir de la scène où maître Pathelin escroque le drapier : « De venir boire en ma maison…./ Et si, mangerez de mon oye. »   88 Nouvelle plaisanterie de clercs : Que les verres de vin que nous allons boire reposent en paix dans notre estomac !   89 De cette farce. L’éditeur n’adresse pas un congé aux spectateurs, comme c’est le cas d’habitude, mais une « moralité » aux lecteurs. Il avait certes beaucoup à se faire pardonner…   90 Redouté.   91 Et je n’aurais pas couru le risque.   92 D’être surnommé « cocu » (note 70).   93 Du moment que ses clients lui rapportent assez d’argent pour me nourrir. L’époux devient donc le « maquignon » de sa femme. La suite est en décasyllabes, mais le remanieur n’y est pour rien : c’est le cas dans beaucoup de conclusions de farces, comme le Cousturier et Ésopet, les Sotz fourréz de malice, la Mère de ville, etc.   94 Éd. : mal  (« Sans donner à aucuns nulz blasmes. » Maistre Mimin estudiant.)   95 Qu’elles ont un amant.   96 Éd. : que   97 Ces initiales n’ont jamais pu être résolues.