GUILLERME QUI MENGEA LES FIGUES
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GUILLERME
QUI MENGEA LES
FIGUES DU CURÉ
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Cette farce, imprimée à Lyon vers 1550, exploite avec un sens comique aigu le stéréotype du jeune clerc gourmand, gaffeur, abruti par un enseignement inadapté, et réduit à l’état de larbin (ou d’entremetteur) par son maître.
Source : Recueil du British Museum, nº 19.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne et fort joyeuse de
Guillerme qui mengea
les figues du Curé
*
À quatre personnages, c’est assavoir :
LE CURÉ [maistre Parle-bien1]
GUILLERME2
LE MARY3
SA FEMME
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LE CURÉ commence SCÈNE I
Guillerme !
GUILLERME
Placet, Magistrum 4 ?
LE CURÉ
Tu as5 ung notable patron ;
[Lors,] d’où viens-tu ?
GUILLERME
[D’]où ? De foras 6.
Égo fuit duabus horas
5 Légendo épistolibus 7.
LE CURÉ
Que mauldit soit le lordibus 8 !
Il n’a sens non plus qu(e) ung oyson9.
GUILLERME
Maistre, je sçay une raison10
Pour guérir les chatz de la t[e]igne.
LE CURÉ
10 Et ! tays-toy, ta fièbvre quartaine !
Tu me feras vif enrager.
Tu ne cesses de langager,
Mais tu ne dis rien à propos.
GUILLERME
Mon engin11 n’a point de repos ;
15 La clergie12 me ront la teste.
Quant il vient une bonne feste13,
J(e) estudie à tort comme ung dyable.
Ce que je dis, ce n’est pas fable :
Les escoliers sont frénatiques14.
LE CURÉ
20 Voicy nouvelles bien antiques15,
[Que l’estudiant]16 en theologie
[Est ung fol].
GUILLERME
Vrayement, je le nye,
Que Légistes ou Décrétistes
Soyent plus saiges que les Artistes17.
25 Il n’est rien que cavillation18.
LE CURÉ
Tais-toy, [ou] que de passion19
Puisses-tu estre passionné20 !
Tu m’as longuement sermonné,
Et en françoys et en latin ;
30 Mais tout ne vault pas ung patin21,
Car tu ne dis chose qui vaille :
Je [n’en donray]22 pas une maille.
Chascun dit que ne sçays respondre23.
GUILLERME
Les chatz feront les canars pondre24 !
35 Mais, beau sire, qui vous l’a dit ?
LE CURÉ
Tout le monde.
GUILLERME
Je soys mauldit
S’ilz ne sont en bien grant esmoy !
Ilz ne sçavent nomplus que moy.
Que sçavent-ilz se je sçay rien25,
40 Ou se je sçay honneur ou bien,
Quant moy-mesmes ne le sçay pas ?
Je ne desmarcheroys ung pas26 ;
Je m’y porteray27 rondement.
LE CURÉ
Tu n’as sens ne entendement.
45 Quant tu voys que [je] me pourmaine28
Les dimenches et la sepmaine,
Tu marches tousjours quant et quant29 :
Tout le monde s’en va mocquant,
Maistre, varlet et chambèrière.
GUILLERME
50 Et où doys-je marcher30 ?
LE CURÉ
Derrière,
Et me faire honneur au besoing.
GUILLERME
Et fault-il que j(e) aille bien loing ?
LE CURÉ
À quatre piedz ou environ.
GUILLERME
Et ! par sainct Jacques, nous yron.
55 (Il vauldroit mieulx estre courtaud31.)
LE CURÉ
Guillerme !
GUILLERME
Dictes : « Hure ho32 ! »
Mais gardez bien que me frappiez.
LE CURÉ
Où es-tu ?
GUILLERME
[Cy,] à quatre piedz,
Tout ainsi que [vous] m’avez dit.
LE CURÉ
60 Va, que de Dieu soys-tu mauldit !
Tu n’es pas ainsi que j’entens33.
GUILLERME
Aussy, je n’auroys pas bon temps :
J’auroys les mains enfourassées34 ;
Elles en sont encor(es) brouillass[é]ez35.
65 Je ne fus onc(ques) en tel esmoy.
LE CURÉ
J’entens : à quatre piedz de moy ;
Ung [pied], deux piedz, troys [piedz] et quatre piedz.
GUILLERME
Cela ne vault pas le débatre.
Pour faire la chose plus sceure36,
70 Il nous fauldroit une mesure
Pour mettre entre moy et nous deux.
Ne croyez pas les envieulx37 ;
S’ilz vous l’ont dit, je n’en puis mais.
LE CURÉ
Ilz ne m’en parlèrent jamais,
75 Mais je congnoys [la faincte toute]38.
GUILLERME
Comment [feray] ?
LE CURÉ
Vien çà, escoute.
Quant je dis « Bénédicamus
Domino 39 », tu es si camus
Que ne sçais dire, [ne scies]40
80 Respondre « Déo gratïés 41 » ;
Dont tu m’engendres de grans blasmes.
GUILLERME
Et ! vrayement, j(e) en croyray les femmes :
Et ! mes42 grans seurs et mes grans tantes
Dirent, ung jour [qu’estoyent présentes]43,
85 Que j’avoys une bonne gorge44.
LE CURÉ
Ouy [da], parlez-luy d’une forge,
Il respondra [d’]une pantoufle.
[Quant je diray]45, teste d’escoufle,
Je diray « Bénédicamus Domino »,
90 Dy « Déo gratïés ». En chantant.
GUILLERME, en chantant :
« Déo
Grâce(s)46 oyez ! »
LE CURÉ
Quelles « grâce(s) oyez » ?
Il y a : « Déo gratïés. »
As-tu bien petit47 de mémoire.
GUILLERME
« Déo » comment ?
LE CURÉ
« Gratïés ! »
GUILLERME
Et voire, voire :
95 « Déo gratïés. »
LE CURÉ
C’est ainsi[n]48.
GUILLERME
Et ! venez çà, frère Martin :
« Déo gratïés », en latin,
Sont-ce pas, [pour dire en françoys,
« Deux grâce(s) oyez]49 » ?
LE CURÉ
Pas je n’y pensoys.
100 (Il est revenu à son point.)
GUILLERME
Taisez-vous, je n’y fauldray point50,
Maintenant.
LE CURÉ
Ce sera bien faict.
Je t’aymeray bien, en effect,
Et t’entretiendray comme [ung] père51.
*
105 Sçayz-tu pas bien ? Chez ma commère,
Où je prins l’autre jour l’oyson…
GUILLERME
Je doys bien sçavoir la maison :
Vous m’y envoyez bien souvent.
LE CURÉ
Je te voys [faire] poursuyvant52,
110 Mais garde bien de te couper53.
Tu sçais qu’il est temps de soupper ;
Va-t’en mon compère54 quérir
Et ma commère requérir
Que je les prie qu’ilz viennent cy
115 Soupper, pour m(e) oster de soulcy.
Ne viens point sans les amener !
GUILLERME
Laissez-moy le cas démener55,
Je m’y porteray par compas56.
Ilz viendront (ou ilz ne viendront pas),
120 Si je les debvoys apporter57 !
LE CURÉ
Or, pense de t’y transporter
Incontinent et sans arrest58 ;
Cela me tient59 à intérest.
Mais avant que tu voyges là60,
125 Metz-moy en quelque lieu cela,
Que tu m’en saches rendre compte.
Il luy baille deux figues à garder.
GUILLERME
Quoy ?
LE CURÉ
Des figues.
GUILLERME
Que je les compte :
Il n’y en a que deux ?
LE CURÉ
Et non61.
GUILLERME
Des figues ? C’est saulvaige nom62.
130 Je n’en vis oncques, [Parle-bien]63.
LE CURÉ
Sçays-tu qu’il y a ? Garde-les bien :
Elles seront pour ma commère.
GUILLERME
Je la semondray64 la première :
Vous l’aymez mieulx que son mary.
LE CURÉ
135 Ne fais point long charivary,
Entens-tu bien ?
GUILLERME
Laissez-moy faire ;
Je sçay bien ce que j’ay affaire.
Ne faictes que mettre la table.
*
LE CURÉ65 SCÈNE II
Ce sot me sera proffitable ;
140 Je cuyde qu’il assagira,
Et croy que sagement yra
Faire le cas66.
*
GUILLERME SCÈNE III
Par mon serment !
C’est grant faict que d’entendement67,
Autant en fébvrier qu(e) en novembre.
145 Mais toutesfoys, je me remembre68 :
Il fault veoir de ce fruict nouveau.
Ventre sainct Gris ! et, qu’il est beau !
En ma vie n’en [p]uis gouster.
Ne séroys-je69 la dent bouter
150 Dedans ceste ficassion70 ?
Qu’il est doulx, par la Passion !
Je cuyde que je l’ay fendue ;
Puisque [je] l’ay ainsi mordue,
Il vault mieulx que la menge toute.
155 Mon maistre n’en verra jà goutte.
Je croy qu’il en aura pitié :
Je n’ay71 mengée que [l]a moytié ;
Il ne me battra qu(e) à demy.
C’est grant faict que de l’Ennemy72,
160 Qui rien que tempter ne me faict !
Mais si, m’en repens-je, de faict,
De l’avoir mengée, maintenant.
Si c’estoit par73 ung lieutenant…
Il en est faict, elle est farcye74.
165 Encore, Dieu je remercye
De quoy l’autre75 en est eschappée.
*
LE CURÉ SCÈNE IV
Ilz font bien longue demeurée.
Le soupper est jà préparé.
J’eusse jà mon hostel76 paré,
170 Et si77, ne sçay s’i viendront point.
Au fort, je m’en voys metre à point
La nappe, tandis qu’ilz viendront.
*
GUILLERME SCÈNE V
Je croy que les chiens me mordront ;
Pourtant, je sçay bien le passaige78.
175 Il me fault faire mon messaige,
Ainsi. Comment ? Je sçauray bien.
*
Dieu vous gard de mal et de bien79, SCÈNE VI
De fortune et bonne santé !
LA FEMME
Maistre sotelet éventé80,
180 Sans raison, ne belle ne bonne !
GUILLERME
Mon Maistre a dit que vous semonne81
Pour venir soupper avec soy.
Il a juré dessus sa Foy
Qu’il fera de belles négoces82
185 Et vous traictera comme aux nopces
Du père de son matribus 83.
LE MARY
(Au grant dyable soyent les abus !
Je congnoys bien leur accointance84.)
Y voulez-vous aller ?
LA FEMME
S’on85 tence,
190 Il n’y fault point aller.
GUILLERME
Tresdame !
Menez hardyment vostre femme ;
Au moins, se [nostre huys est bouclé]86,
Elle [en] porte tousjours la clef,
Car elle vient veoir bien souvent
195 Mon Maistre.
LA FEMME
Va, va-t’en devant,
[Nous te suivrons.] Quel messaiger !
LE MARY
(Ne voicy pas pour enrager ?)
Sus, yrons-no[u]s ?
LA FEMME
Je le veulx bien.
LE MARY
Et ! par bieu, je n’en feray rien,
200 Belle dame.
GUILLERME
Vélà le cas :
Perdrez-vous ung si beau repas
Par despit [qu’avez] l’ung de l’autre ?
LE MARY
Or allons, de par [Jehan l’apostre]87,
Puisqu’ainsi est.
LA FEMME
Je n’iray jà !
GUILLERME
205 Vous y vouldriez estre desjà.
Et ! mon Dieu, que vous estes fine.
LE MARY
Et, vertu bieu ! ceste mastine88
Me donra-el(le) tousjours diffame89 ?
GUILLERME
Ne parlez point de vostre femme
210 Ne de mon90 maistre Parle-bien !
Au grant jamais ne luy fut rien91,
Nomplus que vous avez esté.
LA FEMME
Taisez-vous, villain affetté92 !
Que de fièbvre soyez-vous oingt !
GUILLERME
215 Venez çà : vous souvient-il point
Que vous fustes ung jour93 dehors ?
Il me puisse meschoir du corps
Se ne commist son bon désir,
Ma foy, pour vous faire plaisir.
220 Pource qu’el est si dangereuse94,
Et qu’el est si fort paoureuse95
De nuyct, que de grant frayeur tremble,
Ilz couchèrent tous deux ensemble
Aussi privément96 que vous faictes.
LA FEMME
225 (Voylà parolles bien discrètes !
A-il envoyé par devers moy
Tel messaiger ?)
GUILLERME
Il est tout vray,
Mais il ne vous en souvient pas.
Encores, que après le repas,
230 Vous allastes soubz la cheminée97.
LE MARY
(Oncques feu ne fut sans fumée.
Quant j’escoute bien ces parolles,
Je congnoys bien qu’elles sont folles ;
Mais il y a quelque chose, en somme.)
GUILLERME
235 Par ma foy ! mon Maistre est bon homme.
Par la croix de chair et de paille98
Se tous ses biens il ne luy baille !
Et bien souvent se joue99 à elle.
Et puis il l’appelle : « La Belle,
240 Jouons-nous et luyttons100 bien fort ! »
Mais mon Maistre est bien le plus fort :
Il la gette tousjours en bas101.
LA FEMME
Laisse-nous en paix ces débatz !
Qu(e) au grant dyable soys-tu donné !
GUILLERME
245 Bénédicité ! Fault-il pas dire la bonté
De mon Maistre ?
LE MARY
Va-t’en devant ;
Nous en parlerons plus avant.
Si nous voulons aller, allons !
GUILLERME
Or marchez du bout102 des tallons,
250 Et vive la fleur du raisin !
Ne vous batez pas en chemin :
Noyse ne vault rien sans débat.
*
LE CURÉ103 SCÈNE VII
Qu’esse, Guillerme ?
GUILLERME
Ung [grant] sabat104
Qu’il[z f]ont s’ilz viendront [ouy] ou non,
255 Et qu’elle avoit maulvais renom105,
Et qu’il a tort et qu’el a droit,
Et s’i vouloit qu’elle viendroit
L’ung sans l’autre, comme il me semble,
Et qu’ilz viendroyent tous deux ensemble
260 Coucher à vostre presbytère.
Vous ne vistes onc(ques) tel mystère.
*
Les voicy, ilz sont jà106 venus. SCÈNE VIII
LE CURÉ
(Il en compte107 par les menus,
Mais je ne sçay que c’est à dire.)
265 Or çà ! ne voulons-nous pas rire ?
Bien soyez venus, mon compère !
LA FEMME
Dieu y soit !
LE CURÉ
Et Dieu gard, commère !
LE MARY
Nous sommes venus privément108,
Monsieur.
LE CURÉ
C’est par commandement.
LA FEMME
270 Hélas ! il nous ayme tous cher(s).
LE CURÉ
Se fust esté ung jour de « chair109 »,
Nous eussions eu quelque aultre « chose ».
Or çà ! que chascun se dispose110.
Venez deçà, commère, par ma foy :
275 Vous serez au plus près de moy,
Au moins s’il vous plaist.
LA FEMME
Grant[z] mercy[s].
LE CURÉ
Puisque tout le monde est assis,
Mengeons fort, ne nous faignons point111 !
GUILLERME112
(Sainct Jehan ! je m’en voys mettre à point113,
280 Et fust pour aller à la guerre.)
LE CURÉ
Guillerme !
GUILLERME
Placet, Monsieur ? Voire,
Dis-je114 le Magistrum.
LE CURÉ
Viens servir !
GUILLERME
(Il ne m’a pas donné loysir115 ;
Mais si, m’en vengeray-je bien.)
LE CURÉ
285 [N’avez-vous faim ?] Estrong de chien !
Je vous prie, mengez, mon compère.
LA FEMME
Regardez, voicy nostre père
Spirituel116.
LE MARY
Vrayement, c’est mon117.
Que vous feistes ung beau sermon,
290 Ces jours passés, [saincte Marie] !
LE CURÉ
Laissons cela, je vous [en] prie ;
Parlons d’aultre chose.
GUILLERME
Hec ! hic ! hec 118 !
(Ung estronc d’chien en vostre bec !)
LE CURÉ
Qu’esse qu’il y a, sans-cervelle119 ?
GUILLERME
295 Si je porteray de la chandelle :
Pas ne demandez autre chose ?120
*
LE CURÉ SCÈNE IX
Mengez tousjours, car je suppose
Que vous n’estes pas bien traictéz.
LE MARY121
Vrayement, nous sommes bien gastéz.
LA FEMME
300 Nous som(me)s122 bien, Dieu mercy et vous.
LE CURÉ
Et de mon vin, qu’en dictes-vous ?
LE MARY
Il est de goust bien affiné.
LE CURÉ
Vous ne venez point, Guillerme ? [Hé !]
Mais où, dyable, est cest estourdy ?
305 Viendras-tu [pas] ? Respons-moy, dy !
*
GUILLERME123 SCÈNE X
Égo gardatis cuysina.
LE CURÉ
De folier huy ne fina124.
Mais viendras-tu, que ne t’empoigne ?
GUILLERME
(Le dyable y ait part à la besongne !
310 Ilz auront tantost tout rongé.)
LE CURÉ
Se tu sors mèshuy sans congé125,
Par bieu, je te romp(e)ray la teste !
GUILLERME
Non ferez.
LA FEMME
Il est [par] trop beste ;
Comment vous serv[ez-v]ous de soy126 ?
LE CURÉ
315 Et ! par mon âme, je ne sçay.
LE MARY
Je ne sçay pas s’il avoit beu,
Aujourd’huy, mais si l’eusse creu
Des parolles qu’il me disoit,
J’eusse creu certes, en effect,
320 Que coqu m’eussiez voulu faire.
Mais j’apperçoys bien le contraire :
À cela, n’y aquérez blasme.
LE CURÉ
Je ne daigneroys127, sur mon âme !
LA FEMME
Non, seurement, mon vray amy.
LE MARY
325 Il y a bien ung point, ma femme ;
Aussi ne le vouldroys [pas, voire]128.
LE CURÉ
Guillerme !
GUILLERME
Placet ?
LE CURÉ
Verse à boire.
GUILLERME
Égo vadam 129. (Que au grant dyable
Soient toutes voz dens! [Sur la table,]
330 Ilz ne laisseront que les os.)
LE CURÉ
Mengez !
LE MARY
Si fais-je à tous propos.
Je suis soûl130, plus n’en puis porter.
GUILLERME
Je puis bien, doncques, tout lever131 ?
(La reste sera pour ma peine.)
LE CURÉ
335 Laisse ! Que de fièbvre quartaine
Eusses-tu132 le cueur affollé !
GUILLERME
Et ! puisqu’il dit qu’il est saoullé133,
Le voulez-vous faire crever ?
LE MARY
Il luy en fault pour son souper.
LE CURÉ
340 Il en aura.
GUILLERME
Ouy, des reliques134.
(Il n’y a guères grans pratiques135 :
Ilz sont jusqu(es) à ossa mea 136.)
LE CURÉ
Puisque ma commère ayme ça137,
Je luy veulx monstrer, [ce me semble,]
345 À m[él]anger la langue138 ensemble,
Mais que je l’aye bien acoustrée139.
LA FEMME
Quant ma leçon m’aurez monstrée,
Je pourroys bien estre maistresse140…
LE CURÉ
Tien, villain, que je ne te dresse !
350 Boute sur le feu [ce pasté141].
GUILLERME
(Par sainct Jehan ! je la mengeray142.)
LE CURÉ143
Compère, tastez de cela,
Il est trèsbon. Que fais-tu là144 ?
Aprens-tu à parler latin,
355 Là-derrière ?
GUILLERME
(Passe, mâtin145 !
Il a cuidé verser la pinte146.)
LE CURÉ
Garde-la bien147.
GUILLERME
J’en ay grant crainte148.
LE CURÉ
Or sus ! sans [plus] longue harengue,
Apporte[s] icy ceste langue.
GUILLERME
360 Quelle langue ? Que vous estes bon[s] !
LE CURÉ149
Il l’a laissée sur les charbons,
Ou je ne fus onc(ques) plus déceu150.
GUILLERME
Jésus ! si j’eusse apperceu
Vostre malice…
LE CURÉ
Quel malice ?
GUILLERME
365 Et ! me tenez-vous si novice
Que je n’aye bien osté la reste151 ?
Ma foy ! je ne suis point si beste
Que je ne l’aye bien osté.
LE MARY
Il a mengé et brouillassé152.
370 Il cuidoit que [vous] parlissiez
À luy, quant me disiez : « Mengez ! »
LE CURÉ
Par le sang goy, vous en aurez !
Debout, [pour de ce lieu s’esbatre]153 !
GUILLERME
Dictes, ne me venez point batre.
375 Tenez-vous là, tout de séjour154.
Vous me batistes l’autre jour,
Après que vous [n’]eustes gousté155 ;
Mais par ma foy, si l’eusse156 esté,
Je me fusse bien revangé.
LE CURÉ
380 À ce coup, te donnes congé.
Mais croys [bien], par le Dieu parfaict,
Que si ne157 joues plus de tel faict,
Que je t’iray bien avancer158.
LA FEMME
C’est faict, il n’y fault plus penser :
385 De luy, vous n’aurez que diffame.
LE MARY
[Or] il s’en fault aller, ma femme :
La nuyct approche.
LE CURÉ
Non ferez ;
Quelque aultre chose vous aurez.
Il n’est pas encores fort tart.
390 Où sont ces figues, dis, sotart ?
(De tel n’en y a159 soubz la lune.)
GUILLERME
Les voylà.
LE CURÉ
Il n’en y a qu(e) une ?
Je croy que l’autre est vendangée ;
Qu(e) en as-tu faict ?
GUILLERME
Je l’ay mengée.
LE CURÉ
395 Tu l’as mengée ?!
GUILLERME
[Sainct] Michel ! ouy.
LE CURÉ
Tenez, que je suis resjouy !
Le diable de toy me parla160 !
Et comment as-tu fait cela,
Villain [de déshonneur]161 farci ?
GUILLERME
400 Et ! par sainct Pierre, tout est ainsi162,
Ne plus ne moins.
LE CURÉ
Ha !! Ha !! Villain !!
Par bieu, vous en sentirez ma main !
Vous venez-vous de moy gaber163 ?
LA FEMME
Hé ! Monsieur…
LE CURÉ
Laissez-moy aller164 !
405 Me tromperez-vous en ce point ?
LE MARY
Hé ! Monsieur…
LE CURÉ
Ne me tenez point,
Car il en aura de ce pas !
GUILLERME
Par saint Jehan ! vous ne me tenez pas :
Quant vouldray165 je courray à vous.
LA FEMME
410 Va-t’en, que tu n’ayes des coups ;
S’il te tient, il t’affollera166.
LE CURÉ
Par le jour Dieu ! il y viendra.
Et ! m’a-il faict tant de reproche167
En ma maison ?
GUILLERME
Ouy, d’une broche168.
415 Et si, cassay169 deux ou troys potz.
LE CURÉ
Par bieu, vous irez chier dehors !
Ailleurs irez coquilles170 vendre !
LE MARY
Voylà comment il fault apprendre
À faire telle abusion.
*
LE CURÉ
420 Et pour toute conclusion,
De sottes gens ne vous servez ;
Mettez-les hors si en avez.
Et ne faictes faire messaige
À homme vivant s’il n’est saige ;
425 Qu(e) à son cas [soit] duit et aprins171.
Car, pour conclure ce passaige,
Vous voyez comment m’en est prins.
FINIS
Cy fine la Farce de Guillerme
qui mengea les figues de son maistre le Curé.
Imprimé nouvellement
en la maison de feu Barnabé Chaussard,
près Nostre-Dame-de-Confort.
*
1 Ce nom, ratifié par les vers 130 et 210, désigne un beau parleur. 2 Guillaume. C’est le jeune clerc du Curé. En tant que tel, il s’évertue à baragouiner du latin de sacristie. 3 BM : voysin (C’est effectivement un voisin du Curé, mais il est partout désigné comme « le Mary ».) 4 Plaît-il, Maître ? On prononçait magistron. 5 BM : es (Le notable maître craint que son élève, roi de la gaffe, ne lui fasse du tort à l’extérieur.) 6 De dehors. 7 Je fut (sic) deux heures à lire des lettres. On lisait souvent dehors, pour profiter de la clarté naturelle, comme le curé du Testament Pathelin (vers 239). 8 Ce lourdaud. « Et moy, pauvre lourdibus, ne sçavois/ De sens la manière. » Fleur des Chansons nouvelles. 9 Il n’a pas plus de bon sens que le petit d’une oie. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 282. 10 Un moyen. 11 Mon esprit. 12 L’étude de la théologie. 13 Un jour férié, où je pourrais me reposer. 14 Atteints de délire. 15 Il y a longtemps qu’on le sait. 16 BM : Quel estudiant (On scandait « tio-lo-gie » en 3 syllabes.) 17 Que les étudiants en droit civil et en droit canon soient plus sages que ceux de la faculté des Arts, lesquels passaient pour des demeurés. (Voir la note 124 de l’Avantureulx.) « Chascun voit par expérience lezquelx sont plus ydios, les Juristes ou les Artistes. » Le Songe du vergier. 18 BM : eauillation (Cavillation = argument spécieux.) 19 Par la colique. 20 Crucifié. 21 Une semelle de bois. 22 BM : ne t en donneray (« Je n’en donneroys une maille. » Daru.) Maille = centime. 23 Chanter les répons pendant la messe. 24 Les gens se mêlent de ce qui ne les regarde pas. 25 Qu’en savent-ils, si je sais quelque chose ? 26 Je ne changerai rien à ma conduite. 27 Je m’y adonnerai. 28 Promène. 29 En même temps que moi, à mon côté. Un disciple doit marcher quatre pas derrière son maître. 30 BM : aller 31 BM : cheual (Le courtaud est un cheval de selle : le Gentil homme et son Page, vers 234.) Guillerme se met « à quatre pieds », c’est-à-dire à quatre pattes, derrière le Curé, qui ne le voit plus et le cherche. 32 Hue ! Ordre qu’on donne à un cheval pour qu’il tourne à droite. « Ung chartier sans fouet/ Qui ne dit “dea !” ne “hurehau !”. » (Sermon pour une nopce.) BM ajoute sur la même ligne : car ie suis cheual 33 Tu n’es pas disposé comme je le veux. 34 BM : fourassez (À rapprocher du normand foureuses [foireuses], ou d’un éventuel fréquentatif de enfoirées [encrottées] : « Vous vous enfoireriez les babines. » Godefroy.) 35 Graisseuses. Voir le vers 369. 36 Plus sûre : pour que je sois à la bonne distance de vous. 37 La conversation reprend où on l’avait laissée au vers 43. L’intermède comique fut-il inséré postérieurement ? 38 BM : toute la faincte (Interversion courante : « Celle où j’ay ma joye toute. » Serre-porte.) 39 Louons le Seigneur. Cette formule conclusive de la messe appelle en réponse : Deo gratias [merci à Dieu]. Camus = coi. 40 BM : scias (Ni ne sauras jamais répondre.) 41 BM : gratias (Comme toujours dans les pièces comiques, le maître ne connaît pas mieux le latin que son élève. Il dit systématiquement graties, qu’on prononçait alors grassïé ; mais un correcteur a partout rétabli gratias, ce qui empêche de comprendre le pataquès de Guillerme, résolu aux vers 97-99. J’ai donc décorrigé la correction.) 42 BM : voz 43 BM : questoys present 44 Une belle voix. C’est à cet unique détail qu’on jugeait si un garçon était fait pour la cléricature. On dit de Maistre Mimin estudiant : « A-il belle voix ! » Et de Maistre Mymin qui va à la guerre : « Tu as encore belle voix. » Dans un autre registre, « avoir une bonne gorge » signifie : « Avoir une bonne descente. » 45 BM : Or respond (Tête d’écoufle = tête de buse.) 46 BM : gratias (Voir l’explication des vers 97-99.) La versification chaotique du passage 88-99 montre qu’il n’a pas été compris. 47 Tu as bien peu. 48 Ainsi. « Faictes doncques ainsin. » (ATILF.) 49 BM : deux gracesoyez / En francoys (On prononçait le latin à la française.) « Déo grassïé » est une homophonie approximative sur « deux grâce(s) oyez ». Les clercs s’amusaient à traduire omnia tentate par « on y a tant tâté », natura diverso gaudet par « Nature a dit : verse au godet », ou cornua confringam par « corps nu à con fringant ». Tabourot consacre un chapitre des Bigarrures à ces « équivoques latins-françois ». 50 BM : pas (Je n’y manquerai point.) 51 Le Curé aurait pu être le père de Guillerme : dans Jénin filz de rien, que le recueil du British Museum colle à notre pièce, le prêtre est le père de Jénin, un autre grand dadais auquel il veut apprendre à écrire. La progéniture des hommes d’Église était un sujet comique : voir la généalogie de Maistre Jehan Jénin, aux vers 91-96. 52 Je vais faire de toi mon messager. 53 De gaffer devant le mari. 54 Mon voisin. 55 Mener l’affaire. 56 Je me comporterai sagement. 57 Quand bien même je devrais les porter. Cf. la Nourrisse et la Chambèrière, vers 244-245. 58 Sans t’arrêter en chemin. 59 BM : vient (Cela me tient à cœur.) 60 Que tu y ailles. 61 Il n’y a que deux figues dans le sachet. La réponse « Et non ! » peut avoir une valeur positive après une phrase contenant une négation : « –(Je) n’en parleray/ Mèshuy, pour chose qu’il adviengne./ –Et non, mais qu’il vous en souviengne. » Farce de Pathelin. 62 C’est un nom exotique. Il est totalement exclu que Guillerme n’ait jamais vu de figues, connues depuis l’Antiquité, et qu’il ne sache pas leur nom, employé tel quel depuis le XIIe siècle. À l’époque où notre farce fut écrite, les figues poussaient partout et avaient peu de valeur : « On ne gaigne (même) plus une figue. » <La Réformeresse.> Mais notre Curé goûte fort les allusions érotiques (vers 271-2 et 343-6) ; il veut donc offrir des figues à sa maîtresse parce que ce fruit symbolise à la fois le sexe de la femme et, lorsqu’il y en a une paire, les testicules. Le Jeune homme aux figues, de Simon Vouet, représente la figue féminine avec sa main droite, et les figues masculines avec sa main gauche. Au bout du compte, c’est Guillerme qui va faire la figue au Curé. 63 BM : Par le sainct bien (Il n’existe pas de saint Bien, et le vers est trop long. Voir la note 1.) 64 Je l’inviterai. 65 Il commence à « mettre la table » sur deux tréteaux qu’il a dépliés, tandis que Guillerme sort en tenant le sachet de figues. 66 Accomplir sa mission. 67 Que d’être intelligent. 68 Je me souviens. Guillerme ouvre le sachet de figues. 69 Ne saurais-je, ne pourrais-je. Cf. Troys Gallans et Phlipot, vers 26. 70 Cette figue (bas lat. fica). Guillerme ignore le nom français de ce fruit, mais il en connaît le nom latin ! 71 BM : ne lay (Je n’ai mangé que la moitié des figues : une sur deux.) 72 Le diable, qui ne fait que me tenter. 73 BM : pour (Si elle avait été mangée par un autre, « tenant lieu » de Guillerme.) 74 Je l’ai bien eue. 75 La seconde figue. 76 Préparé ma maison. Jeu de mots sur « parer un autel », bien digne d’un homme d’Église. 77 Et cependant. 78 BM : chemin (Les voisins habitent dans le même village que le Curé, mais assez loin du presbytère. Ils sont censés avoir des chiens dans leur cour.) 79 Guillerme entre chez les voisins. Sa formule de politesse inversée est typique des Badins et des Sots. « –Dieu vous gard/ De bien et de bonne santé !/ –Il a le cerveau évanté. » Les Cris de Paris. 80 Ayant la tête pleine de vent. 81 Que je vous invite. 82 « Négoces domesticques qu’il avoit à faire par la maison. » ATILF. 83 Son beau-père ? Plus d’un auditeur a dû entendre : son attribut. 84 La liaison sexuelle de ma femme avec le Curé. À la suite de cet aparté, le mari interroge son épouse. 85 BM : Ce on (Si nous devons nous disputer.) 86 BM : vostre huys ferme a clef (Rime du même au même.) 87 BM : Jesus (Il est normal que les cocus jurent sur le prénom Jean, qui est bien souvent le leur. Dans le Cuvier, Jaquinot, qui vient de se marier, se fait traiter de « Jehan » par sa belle-mère, et s’étonne « d’estre si tost Jehan devenu ».) 88 Cette chienne (femelle du mâtin). 89 BM : blaspheme (La rime diffame / femme est un couple inséparable. Voir les vers 385-386, et la note 67 des Sotz escornéz.) 90 BM : moy 91 Pour votre femme, il ne fut rien de plus que vous. 92 Affecté, hypocrite. 93 Une journée entière. 94 Craintive des dangers. 95 Peureuse. « La paoureuse est celle qui ne ose coucher sans homme. » Les IX manières de conditions des femmes. 96 Intimement. 97 À l’abri des regards sous le large manteau de la cheminée. « On dit qu’un mariage a esté fait sous la cheminée, pour dire qu’il a esté fait clandestinement. » Dict. de l’Académie françoise. 98 Que le diable m’emporte si… « Si j’y vais jamais, croix de paille ! Si cette fille épouse cet homme, croix de paille ! » Dict. de l’Académie françoise. 99 S’unit. « La fille de l’hoste n’estant point mariée, mais s’estant jouée avec quelc’un, accoucha d’une fille. » Henri Estienne. 100 Luttons corps à corps. « Il estoit aussi bien fourny de lance que sa femme de cul, et ne demandoit autre chose que luitter. » Bonaventure Des Périers. 101 À bas, à la renverse. 102 BM : bont (À grands pas.) Le vers suivant pourrait provenir d’une chanson à boire. 103 Il parle à Guillerme, qui vient d’entrer. 104 Une discussion houleuse. 105 Son époux la traite de chienne au vers 207. 106 Désormais. Le couple entre dans le presbytère. 107 Il en raconte. 108 En toute intimité. 109 C’est donc un jour maigre, où on ne mange pas de viande. Mais notre Curé, que les scrupules religieux n’étouffent pas, va tout de même servir une langue de bœuf. Et pour faire bonne mesure, il omettra de dire le Bénédicité avant le repas. Ledit Curé se complaît dans les allusions érotiques (vers 343-6) ; à l’intention de sa maîtresse, il met un double sens dans la « chair » (la verge : Complainte d’ung gentilhomme, vers 34), et dans le « chose » (le pénis : la Fille bastelierre, vers 201). 110 Se mette à table. 111 Ne faisons pas semblant. 112 Il reste debout, sans manger, pour servir les convives. 113 Je vais m’armer. Il déplie son couteau, et tente de piquer un morceau dans le plat qu’il tient. 114 Pardon, je veux dire Maître. 115 Le temps (de piocher dans le plat). 116 Pour nous, le Curé est bon comme un père. 117 C’est mon avis. Cf. le Munyer, vers 458. 118 Là ! Ici ! Là ! « On passe par hic ou par hec. » (G. Coquillart.) Guillerme sautille en face du Curé pour capter son attention. 119 BM : guillerme (« Tous deux sont sans cervelle. » Farce de Pathelin. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 177, et les Cris de Paris, vers 82.) 120 Sous prétexte d’aller quérir des chandelles, Guillerme va grappiller à la cuisine, derrière le rideau de fond, auquel le Curé tourne le dos. 121 BM : cure 122 On pouvait écrire « nous soms », comme aux vers 79 et 93 de la Seconde Moralité de Genève. 123 Il revient, la bouche pleine. Le latin de cuisine va remplacer le latin de sacristie. 124 Il ne cessa de faire l’idiot de tout aujourd’hui. 125 Sans ma permission. 126 De lui. Voir le vers 182. 127 Je n’oserais pas vous faire cocu. 128 BM : ie pas veoir (Vraiment, je ne le tolérerais pas.) 129 Je vais y aller. 130 Rassasié. 131 Débarrasser. Il fait mine d’enlever le plat. 132 BM : Puisses tu auoir 133 Rassasié. 134 Des restes. Jeu de mots sur les reliques conservées dans l’église. 135 Il n’y a plus grand-chose à faire. 136 Mes os. (Ils mangent même les os que je comptais ronger.) Double sens : ils ont lu le Psaume 21 jusqu’à « Dispersa sunt omnia ossa mea ». 137 BM : la carpe (« Ça » commençait à devenir l’abréviation de « cela » : « Veulx-tu changer à moy ça tien ? » Les Sotz ecclésiasticques.) 138 Le mari comprend : De la langue de bœuf (vers 359). Sa femme comprend : À mêler nos langues. 139 Assaisonnée. Accoutrer une femme = la besogner. « Il la besongna toute vive…. Il l’accoustra naturellement, charnellement. » Béroalde de Verville. 140 Passer ma maîtrise. Mais aussi : Être votre maîtresse. 141 Il donne à Guillerme une poêle contenant un pâté de langue à réchauffer dans la cheminée. C’est une langue de bœuf enveloppée de pâte et cuite au four. « Ung pasté de veaul, quatre poussins en pasté, ung pasté de langue. » Jehan de Vandenesse. 142 Derrière le dos du Curé, où est stylisée une cheminée, Guillerme ouvre le pâté, mange la langue, et referme le pâté. 143 Il sert du vin au mari. 144 Cette réplique s’adresse à Guillerme, qui achève la langue derrière le Curé. 145 File, clébard ! Cette expression est surtout appliquée aux humains : cf. Daru, vers 201. 146 En se retournant pour voir Guillerme, le Curé a failli renverser la cruche de vin. 147 Surveille bien la langue, pour qu’elle ne brûle pas. 148 Je veille sur elle avec le plus grand souci. 149 Il s’aperçoit que le pâté est vide, et croit que la langue est tombée dans la cheminée. 150 Escroqué par le traiteur qui m’a vendu ce plat. 151 Le reste du pâté, c’est-à-dire la langue. Un bon serviteur doit ôter les restes, mais Guillerme donne à ce mot une étendue très personnelle. 152 Il s’est mis de la graisse partout. Voir le vers 64. 153 BM : que de ce lieu on ne desplace (Pour que tu t’en ailles de ce lieu.) 154 BM : ce iour (En repos.) Même faute au vers 206 de Troys Gallans et Phlipot. 155 Ce goinfre de Guillerme a aussi mangé le goûter du Curé. 156 BM : ieusse (Guillerme a pu échapper à la punition.) 157 BM : me (Si tu ne me joues plus de tels tours.) 158 J’œuvrerai pour ton avancement, je te favoriserai. 159 D’aussi sot, il n’y en a pas. C’est « à la Lune » que Rabelais voue les « lunatiques, folz, écerveléz ». Pantagruéline prognostication. 160 C’est le diable qui t’a présenté à moi. 161 BM : deshonneste (« Il est farcy de joye. » Les Cris de Paris.) 162 En guise de démonstration, Guillerme engloutit la dernière figue. 163 Moquer. 164 Faire. Le mari et la femme le retiennent de tuer Guillerme. 165 BM : vouldrez (Quand je voudrai : si je veux.) 166 Il t’assommera. 167 De honte. 168 Du bouchon d’un tonneau, que Guillerme a oublié de remettre, laissant couler le vin. Cf. les Vigilles Triboullet, vers 203. 169 BM : cassera (Et aussi, j’ai cassé.) La rime pot / deho(r)s est normande. 170 Vos sornettes. Cf. Marchebeau et Galop, vers 203. 171 Qu’à son affaire il soit instruit et expert.