TURELUTUTU ET GRANCHE-VUYDE
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TURELUTUTU ET
GRANCHE-VUYDE
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J’ai publié plusieurs extraits farcesques du Mistère du Viel Testament : le Fossoieur et son Varlet, Gournay et Micet, la Tour de Babel, Saoul-d’ouvrer et Maudollé. Pour finir en apothéose, voici les aventures de monsieur Turlututu et monsieur de Grange-vide. Ce duo désargenté, composé d’un pique-assiette sans scrupules et d’un nobliau sans terre, annonce déjà messieurs de Mallepaye et de Bâillevant. Comme eux, ils pourraient dire : « En fuitte je suis couraigeux, / Et à frapper je suis piteux. / Je crains trop les coups pour les armes. » Pourtant, ils s’engagent dans l’armée de Nabuchodonosor, non par vocation militaire mais par goût du pillage.
Sources : Je prends pour base le Très excellent & sainct Mystère du Viel Testament, imprimé par Jehan Réal en 1542 ; il reproduit — avec moins de fautes — le Mistère du Viel Testament par personnages, imprimé par Pierre Le Dru vers 1500. L’édition Trepperel, parue vers 1520, propose quelques corrections utiles. Graham A. Runnalls a publié cette partie du Viel Testament chez Droz en 1995 ; il l’intitule Mystère de Judith et Holofernés, et il l’attribue à Jehan Molinet.
Structure : Rimes plates, rimes abab/bcbc, avec 1 triolet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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LE SÉNESCHAL 1 SCÈNE I
Vous n’estes pas icy trèstous ?
Monsïeur Turelututu !
MONSIEUR TURELUTUTU 2
C’est nostre maistre3.
MONSIEUR DE GRANCHE-VUYDE 4
Quant à nous,
[Le prisons autant qu’ung]5 festu.
MONSIEUR TURELUTUTU
5 Parle bas, tu es trop testu :
Tous deux pourrons bien estre escoux6.
MONSIEUR DE GRANCHE-VUYDE
On nous devroit chasser aux loups7,
De tant endurer.
LE SÉNESCHAL 8
Mal-venu !…
Vous n’estes pas icy trèstous ?
10 Monsïeur Turelututu !
MONSIEUR TURELUTUTU
Qu’esse, monsïeur9 ?
LE SÉNESCHAL
Malostru !!
Me donnez une belle bride10 !
TURELUTUTU
C’est monsïeur de Granche-vuyde
Qui me contoit de ses beaulx faitz.
MONSIEUR DE GRANCHE-VUYDE
15 De vous nous sommes bien refaitz,
Turelututu ! Monsïeur,
Il humeroit11 [trop] plus d’honneur
Qu(e) une truye ne feroit12 de laict.
LE SÉNESCHAL
De vous deux, [ce] n’est rien que plait13 !
20 Il fault aller au Roy.
TURELUTUTU 14
À l’aide15 !
Sus, monsïeur de Granche-vuyde,
Avance-toy16 ! Hau ! où es-tu ?
MONSIEUR DE GRANCHE-VUYDE
Qu’i a-il, Turelututu ?
TURELUTUTU
Qu’i a-il ? La guerre est ouverte17 !
GRANCHE-VUYDE
25 Nostre vie est donc recouverte18.
Acoup, acoup ! tost en besongne !
LE SÉNESCHAL
Il est saison que l’on besongne :
Prenez l’estendart19 !
TURELUTUTU
Sans songer20 ?
LE SÉNESCHAL
Mon frain me faictes bien ronger21 !
GRANCHE-VUYDE
30 Monsïeur, pas ne tient à moy22.
LE SÉNESCHAL
(En la malle grâce23 du Roy
Je seray, et par ces paillars.)
TURELUTUTU
Devant24, monsïeur ?
LE SÉNESCHAL
Quoquillars25 !
Que chascun soit en ordonnance
35 Pour faire monstres26 à plaisance
Devant le Roy, nostre cher sire !
Icy, cheminent et viennent vers le Roy.27
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NABUGODONOSOR SCÈNE II
Qu’esse que nous oyons là bruyre ?
HOLOFERNÈS
Cher sire, c’est le séneschal.
NABUGODONOSOR 28
Ce vaillant seigneur cy faict mal
40 Son devoir, veu le cas hastif29 :
Il a le courage30 craintif
Pour soy trouver aux horïons31.
HOLOFERNÈS
Si a-il32 de francs champions,
Preux et hardys, pour gens de guerre.
LE SÉNESCHAL
45 Le plus puissant qui soit sur terre,
De tous nobles souverain chef,
Salut !
NABUGODONOSOR
C’est bien tard venu.
LE SÉNESCHAL
Bref,
Autrement ne se povoit faire :
Il estoit chose nécessaire
50 Que tous mes gens feussent en point.
Icy, se mettent par ordre.
NABUGODONOSOR
Çà, çà, il fault vuyder ce point33 :
Que les monstres acoup soient faictes !
LE MARESCHAL
Sont les banières bien pourtraictes34 ?
LE CAPPITAINE
Voyez en l’air quelz estendars !
LE SÉNESCHAL 35
55 Guydons, lances, javelotz, dars !
LE MAISTRE DE L’ARTILLERIE
Bombardes, canons, serpentines !
LE MARESCHAL
Haubergeons, jaques, brigandines !
LE CAPPITAINE
Crannequins, arbalestes, ars36 !
LE SÉNESCHAL
Espées, bistories et faulsars37 !
LE MAISTRE [DE L’ARTILLERIE]
60 Fondes38, fusées, ribaudequins !
VAGAO 39
C’est pour festoyer ces hongnars,
Povres malheureux et coquins.
LE MARESCHAL
Manches de mailles, gorgerins !
LE CAPPITAINE
Carquois, cricz40, signolles, raillons !
LE SÉNESCHAL
65 Haches, voulges, becz-de-faulcons !
LE MAISTRE [DE L’ARTILLERIE]
Courtaulx, plombées, chaussetrappes !
LE MARESCHAL
Biquoquetz, héaulmes, sallades !
LE CAPPITAINE
Trousses, flesches, vires, dondaines !
LE SÉNESCHAL
Hallebardes, picques soudaines41 !
LE MAISTRE [DE L’ARTILLERIE]
70 Coullars42, veuglaires, gros mortiers !
VAGAO
Pour guérir de fièvres quartaines
Acoup, ne fault point d’aultres ouvriers.
HOLOFERNÈS
Artilliers, voulgiers, pïonniers,
Coulevriniers, arbalestiers,
75 Archiers !
NABUGODONOSOR
Trèsbelle compaignie.
LE MARESCHAL
Au moins, la mienne est bien fournie
De ces chappeaulx de Montaubam43.
……………………………
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HOLOFERNÈS SCÈNE III
Marchons tost sur noz ennemys,
Tirant vers Mésopotamye44 !
TURELUTUTU
80 Quant à moy, je n’y fauldray mye45.
Sus, Granche-vuyde, monsïeur46 !
GRANCHE-VUYDE
Je prétens, moy, d’avoir honneur
Et d’acquerre chevalerie47.
TURELUTUTU
Avant, tost à la pillerie !
GRANCHE-VUYDE
85 Que tous deux soyons personniers48 !
TURELUTUTU
À butin tous noz prisonniers49 !
GRANCHE-VUYDE
Que nous deux soyons frères d’armes !
TURELUTUTU
Je suis, moy, usité50 en armes.
GRANCHE-VUYDE
Vaillant, hardy sur la poullaille51.
TURELUTUTU
90 Tu n’as suyvy que quoquinaille52.
GRANCHE-VUYDE
Dieu ait l’âme de mon grant-père !
TURELUTUTU
Qui fut à53 Rifflandoulle frère.
GRANCHE-VUYDE
Il fist, en son temps, de beaulx faitz.
TURELUTUTU
Dessoubz la cheminée54.
GRANCHE-VUYDE
Paix !
95 Mais à qui parlez-vous, beau sire ?
TURELUTUTU
À ung ouvrier de faire paix55
Des gentilz hommes.
GRANCHE-VUYDE
Sans mot dire56 !
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…………………………… 57
LE SÉNESCHAL SCÈNE IV
Allez diligemment sommer
Ceste place58 ! Ou [bien] consommer,
100 Au reffus, du tout les feray59.
TURELUTUTU
Trèsbien dire je leur sçauray.
GRANCHE-VUYDE
Iray-je avec luy, monsïeur ?
LE SÉNESCHAL
Vistement !
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TURELUTUTU SCÈNE V
Mais qui n’auroit peur
D’aller seulletz, sans compaignie ?
GRANCHE-VUYDE
105 C’est une place bien garnie.
Ha, quel butin !
TURELUTUTU
Bien sotz seront,
Ou promptement ilz ouvreront :
Car ilz seront [de coups]60 servis.
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NAGE 61 SCÈNE VI
Ilz approchent, à mon advis.
NAASON
110 Seurement ilz viennent sur nous.
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GRANCHE-VUYDE 62 SCÈNE VII
Sus, sus, gallans ! Deffendez-vous
Ou rendez la place, à ceste heure !
TURELUTUTU
Rendez-vous sans plus long demeure,
Ou acoup nous besongnerons !
NAGE
115 Seurement nous nous deffendrons !
Allez, allez, allez, follastres63 !
NAASON
Vuydez64, vuydez, faulx ydolastres,
Que n’ayez de nostre service65 !
GRANCHE-VUYDE
L’av’ous66 dit ?
TURELUTUTU
Mais qu’on les rostisse67,
120 Ilz changeront bien leur langaige.
NAGE
Quérez ailleurs vostre68 avantaige !
Le parler n’est pas le plus fort69.
GRANCHE-VUYDE
Je m’en voys faire le rapport
À monsïeur70.
TURELUTUTU
Mais moy !
GRANCHE-VUYDE
Mais moy !
NAASON
125 Je dy, moy : fy de vostre roy !
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NAGE SCÈNE VIII
Gardons-nous !
NAASON
Prenons bon courage !
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TURELUTUTU 71 SCÈNE IX
Sus, monsïeur72 ! À l’avantage !
LE SÉNESCHAL
Que disent-ilz ?
GRANCHE-VUYDE
Absolument
Ilz nous ont dit publiquement
130 Qu’ilz n’en feront rien.
LE SÉNESCHAL
À l’assault !
Avant, compaignons, bas et hault !
N’espargnez ne femmes, n’enfans !
Et, sur la hart73, je vous deffends
Qu’on ne preigne nulz à mercy74 !
TURELUTUTU
135 Leur chasteau est fort renforcy75.
LE SÉNESCHAL
Dedans, dedans !
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Icy, assaillent. SCÈNE X
NAGE
À l’arme, à l’arme !
GRANCHE-VUYDE
À l’assault !
NAASON
Tout est desconfit.
TURELUTUTU
Il fault icy jouer de charme76.
LE SÉNESCHAL
Dedans, dedans !
NAGE
À l’arme, à l’arme !
GRANCHE-VUYDE 77
140 Je suis mort ! quel coup de guysarme !
TURELUTUTU
À butin !
GRANCHE-VUYDE
À commun prouffit78 !
LE SÉNESCHAL
Dedans, dedans !
NAGE
À l’arme, à l’arme !
GRANCHE-VUYDE
À l’assault !
NAASON
Tout est desconfit.
Icy n’y a plus de prouffit.
145 Je m’en fuyray bref, se je puis.
Icy, Naason s’en fuyt vers Mésopotamye
dire des nouvelles.
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Icy, les gens d’armes destruisent toute la place.
LE SÉNESCHAL SCÈNE XI
Au moins, de la place je suis
Maistre pour la première entrée79,
Où proesse80 s’est bien monstrée,
Pour ung coup.
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Icy, Turelututu vient dire des SCÈNE XII
nouvelles à Holofernès.
TURELUTUTU
Honoré seigneur,
150 La place avons prise, à rigueur81,
D’assault.
HOLOFERNÈS
C’est [très] bien besongné.
TURELUTUTU
Aucuns des villains ont hongné82 ;
Mais de vray, ilz ont faict follie.
HOLOFERNÈS
Sus ! devant Mésopotamie83,
155 Chauldement !
TURELUTUTU
Point n’y aura faulte.
Icy, Turelututu vient au séneschal.
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Icy, parle Naason en s’enfuyant. SCÈNE XIII
NAASON
En nostre faict, a eu deffaulte
Que n’avons ouvert le passaige84.
Nonpourtant85, me tiens assez saige
D’avoir ce danger évité.
160 De par moy sera récité86
De bref à Mésopotamye.
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TURELUTUTU, en parlant au séneschal :
Monsïeur et la compaignie : SCÈNE XIV
Holofernès, par moy, vous mande,
Et par motz exprès vous commande
165 Vers Mésopotamye tirer.
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………………………… 87
TURELUTUTU SCÈNE XV
Que demandez-vous ?
ACHIOR
Crier mercy, à deux genoulx,
À Holofernès vostre maistre,
Affin que nous puissons tous estre
170 En sa grâce.
GRANCHE-VUYDE
Venez vers luy ;
Sitost qu’il vous aura ouÿ,
Vous aurez du tout88 son amour.
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…………………………. 89
LE SÉNESCHAL SCÈNE XVI
Se chascun se vient ainsi rendre,
Gens d’armes rien ne gaigneront ;
175 Par ainsi, s’anéantiront
Et seront de lasche courage.
De guerre, s’il n’y a pillage,
Ce n’est riens pour les compaignons.
LE MARESCHAL
Je n’en donroye90 pas deux ongnons,
180 Si n’y a autre pillerie.
LE CAPPITAINE
Ce ne sera que poullerie91,
Se je n’y voy autre butin.
LE MAISTRE DE L’ARTILLERIE
Je n’entens note en ce latin92 :
Chascun se rend sans coup férir ?
185 J’aymeroye aussi cher93 mourir
Que de vivre ainsi sans rien faire.
TURELUTUTU
Ha, bref ! je ne m’en sçauroye taire :
C’est cy, pour nous, peine perdue.
GRANCHE-VUYDE
Se si tost ne se fust rendue,
190 Nous estions riches à jamais.
……………………….. 94
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LE SÉNESCHAL 95 SCÈNE XVII
Hau ! Turelututu !
GRANCHE-VUYDE
Il pleure.
LE SÉNESCHAL
Que vous avez lasches courages !
TURELUTUTU
Riens ne recepvons de noz gages :
Sommes-nous de la morte-paye96 ?
GRANCHE-VUYDE
195 Tout du moins, que l’on nous parpaye…
LE SÉNESCHAL
Escoutons97 !
GRANCHE-VUYDE
… le terme passé98.
TURELUTUTU
J’ayme aussi cher estre cassé99
De tout point que de tant attendre.
LE SÉNESCHAL
Ha ! villains, on vous fera pendre100 !
200 Vous fault-il hongner101 maintenant ?
GRANCHE-VUYDE
Qu’i a-il ?
LE SÉNESCHAL
Tost, hastivement !
TURELUTUTU
Monsïeur, nous sommes tous prestz.
LE SÉNESCHAL
Par ung commandement exprès
D’Holofernès, menez ce traïstre
205 — Qui du dieu d’Israël faict tiltre102 —
Près de la ville Béthulie,
Affin qu’avec eulx compaignie
Tienne103, quant ilz seront destruictz !
GRANCHE-VUYDE
Nous sommes, pour le faire, instruictz
210 Aussi bien que nul de l’armée.
LE SÉNESCHAL
Dépeschez-vous !
TURELUTUTU
Mieulx que fermée
Sera104, se nous n’entrons dedans.
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GRANCHE-VUYDE SCÈNE XVIII
Les juifz sont tant oultrecuydans,
Rebelles, et tant obstinéz !
215 Sus, sus avant ! Tost, cheminez
Devant105 !
TURELUTUTU
Pour doubte qu’il ne fuye,
Je dy, moy, qu’il fault qu’on le lye ;
Que t’en semble ?
GRANCHE-VUYDE
Tu ditz trèsbien.
Acoup !
TURELUTUTU
Acoup !
GRANCHE-VUYDE
De ce lÿen
220 Sera lyé, qu’il ne nous morde.
TURELUTUTU
Je suis bien fourny d’une corde.
Icy, luy lyent les mains derrière.
ACHIOR
Seigneurs, soyez-moy gracieulx106 !
GRANCHE-VUYDE 107
Il me semble, brief, qu’il vault mieulx
Que tu soys le « maistre des euvres108 »,
225 Car tu es ouvrier109.
TURELUTUTU
En ces euvres,
Je ne m’y congnois que par toy110.
ACHIOR
Hélas, ayez pitié de moy !
Laissez-moy aller, je vous prie !
GRANCHE-VUYDE
Quant près serons de Béthulye,
230 Tu seras hors de nostre garde.
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LA PREMIÈRE ESPIE 111 SCÈNE XIX
Oy-tu riens112 ?
LA SECONDE ESPIE
Partout je regarde,
Mais je ne voy venir personne.
LA PREMIÈRE ESPIE
Parlons bas !
LA SECONDE ESPIE
S(e) ung seul mot on sonne113,
En lieu sommes cy pour l’ouÿr.
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TURELUTUTU SCÈNE XX
235 Il n’a garde de s’en f[o]uÿr114,
S’il ne jouoit d’enchanterie115.
Est-il proprement116 ?
GRANCHE-VUYDE
Béthulye,
Comme j’entens, nous fera riches.
Icy, doyvent ceulx de Béthulie getter ung canon
ou chose semblable pour espoventer.117
TURELUTUTU
O-tu comme il[z] servent de miches118 ?
240 Il y a dangier !
GRANCHE-VUYDE
Voire, près.
ACHIOR
Ayez pitié de mes regretz !
Hélas, las, saulvez-moy la vie !
TURELUTUTU
Tu seras dedans Béthulie
Mené, affin que de famine
245 Ta vie misérable termine119.
On dit souvent : trop parler nuyt.
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LA PREMIÈRE ESPIE SCÈNE XXI
J(e) oy, ce me semble, là ung bruyt.
Escoute…
LA SECONDE ESPIE
Je l’ay bien ouÿ.
LA PREMIÈRE ESPIE
Pour doubte120 que n’ayons ennuy,
250 Que noz fondes121 soient toutes prestes !
LA SECONDE [ESPIE]
Faisons devoir !
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GRANCHE-VUYDE SCÈNE XXII
Tant de molestes122 !
Touchant123 ce malotru icy,
Pendons-le !
TURELUTUTU
Tost, tost, sans mercy !
Car nous ne sommes que nous deux :
255 S’i survenoit cy des coureux124,
Nous serions mors.
GRANCHE-VUYDE
Mors sans remède125.
ACHIOR
Hélas ! et mouray-je sans ayde ?
Prenez-moy à miséricorde !
TURELUTUTU
Pendu seras de ceste corde
260 À ceste arbre126.
GRANCHE-VUYDE
Dépeschons-nous !
Car bien pourra estre rescoux127,
Et nous, mis à mort sans mercy.
TURELUTUTU
Pour le plus bref, lyons-le cy,
Et vienne qu’avenir pourra.
Icy, le lient à ung arbre.
GRANCHE-VUYDE
265 À glayve128, en ce boys, il mourra.
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LA PREMIÈRE ESPIE SCÈNE XXIII
Gaignons ce boys pour l’adventure,
Car j(e) oy des gens.
LA SECONDE ESPIE
C’est ta nature
Que d’estre tousjours soubsonneux.
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TURELUTUTU SCÈNE XXIV
Laissons icy ce malheureux,
270 Et nous enfuyons !
GRANCHE-VUYDE
Tu as cause129 :
Nous pourrions bien trop longue pose130
Faire en ce lieu, je le congnois131.
Icy, laissent Achior et s’en retournent.
.
………………………… 132
TURELUTUTU SCÈNE XXV
Nous sommes riches, à ceste heure !
GRANCHE-VUYDE
Vive133 moy, se je n’y demeure !
………………………. 134
TURELUTUTU
275 C’est une rude quoquinaille,
Et sont courageux à merveille.
GRANCHE-VUYDE
Je n’y ay perdu qu(e) une oreille135.
TURELUTUTU
Et moy, qu’ung136 œil tout simplement.
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……………………….. 137
TURELUTUTU SCÈNE XXVI
Voy-tu rien venir, Granche-vuyde138 ?…
280 Monseigneur !
GRANCHE-VUYDE
Turelututu ?
TURELUTUTU
Mais dy, hau ! à quoy pense-tu ?
GRANCHE-VUYDE
Regarde139 : c’est quelque avantage.
TURELUTUTU
C’est une gracieuse ymage.
GRANCHE-VUYDE
Ha ! seurement c’est quelque proye.
TURELUTUTU
285 Ilz viennent cy la droicte voye140.
GRANCHE-VUYDE
Sans plus songer, parlons à elle.
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TURELUTUTU SCÈNE XXVII
Sus, sus, arrestez, Damoyselle !
JUDICH
Messeigneurs, je suis toute arrestée.
GRANCHE-VUYDE 141
Vous venez espier l’armée ?
JUDICH
290 Saulve l’honneur de vous142 !
TURELUTUTU
Pourquoy
Venez-vous ainsi à requoy143 ?
Cautelle144 de femme est trop fine.
JUDICH
Messeigneurs, on meurt de famine
En nostre cité145, seurement ;
295 Parquoy je me suis bellement146
Issue dehors affin de vivre.
GRANCHE-VUYDE
À chascun la sienne, à délivre147 !
Qu’en dictes-vous ?
JUDICH
L’honneur des dames
Doit estre préservé de blasmes,
300 Entre les mains de gentilz hommes148.
De noble lieu, certes, nous sommes,
Sans vitupère149 et villennie ;
Parquoy, Messeigneurs, je vous prie
[Qu’on n’en ait]150 point de déshonneur.
TURELUTUTU
305 Venir vous fault à Monseigneur151.
JUDICH
G’iray partout où vous plaira.
GRANCHE-VUYDE
De vostre venue, il sera
Joyeulx, et vous fera grant chère.
JUDICH
Je suis sa povre chambèrière,
310 S’il luy plaist.
TURELUTUTU
N’ayez nulle doubte152
De desplaisir.
JUDICH
Je ne redoubte
Autre chose que déshonneur.
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GRANCHE[-VUYDE], en saluant Holofernès :
Hault chef, de Noblesse l’honneur, SCÈNE XXVIII
Salut !
HOLOFERNÈS
Que disent les seigneurs ?
315 Qui vous maine ?
TURELUTUTU
Qui ? Joyeulx cueurs
Amoureux.
HOLOFERNÈS
Bien soyez venuz !
Joyeulx amoureux maintenuz
Sont dessus tous153, en nostre Court.
GRANCHE-VUYDE
Monseigneur, à le faire court,
320 Nous avons trouvé ceste proye
Que vous amenons.
HOLOFERNÈS
À grant joye
Soit-elle venue, la mignonne !
VAGAO, en derrière :
(Elle porte assez bonne trongne,
Pour ung amoureux afamé.)
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……………………….. 154
TURELUTUTU SCÈNE XXIX
325 Je voy lumière.
LE SÉNESCHAL
C’est la Dame et la chambèrière
De Béthulie.
GRANCHE-VUYDE
Quoy ! de nuyt,
Passer parmy nous ?
LE SÉNESCHAL
Saufconduit
De ce faire a de Monseigneur.
LE MARESCHAL
330 Qu’on luy a faict grant mal au… cueur !
LE CAPPITAINE
Je mettray qu’elle a mal aux… dens.
LE MAISTRE DE L’ARTILLERIE
Il luy tarde qu’el soit dedans155
Pour conter de ses adventures.
TURELUTUTU
Qu’el marche droit156 !
GRANCHE-VUYDE
Quel[s] emboistures157
335 Pour bien porter « lance » en l’arrest158 !
LE SÉNESCHAL
Monsïeur en a eu le prest159,
Mais la marchandise le vault.
TURELUTUTU
Il n’y a mal que du deffault160 ;
Bien trouveroit autre service161 !
GRANCHE-VUYDE
340 En ung tel amoureux assault,
Il n’est si ferré qui ne glisse162.
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…………………………. 163
Icy, regardent tous la teste de Holofernès.
TURELUTUTU SCÈNE XXX
Qu’esse-là ?
GRANCHE-VUYDE
C’est ung piteux jeu !
LE SÉNESCHAL
Quoy ! la teste de nostre maistre ?
…………………………..
TURELUTUTU
Hélas ! pleurons tous derechef
345 Ceste douloureuse adventure !
GRANCHE-VUYDE
Hélas ! tous lamentons ce grief
Et ceste angoisseuse pointure164 !
TURELUTUTU
Gémissons165 sa noble figure,
Dont nous avions si grant secours !
GRANCHE-VUYDE
350 D’amours c’est rigle de droicture166 :
« Pour une joye, cent doulours. »
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JUDICH 167 SCÈNE XXXI
Saillez sur eulx !
OZIAS
Veu leurs clamours168,
Ilz n’ont [plus] force ne puissance.
Icy, viennent hors de la cité, tous en armes.
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LE SÉNESCHAL SCÈNE XXXII
Fuyons ! il est faict de noz jours169.
LE MARESCHAL
355 Nostre vie est bien en balance.
LE CAPPITAINE
En ce lieu n’a point de fiance170.
LE MAISTRE DE L’ARTILLERIE
Habandonnons tout, il n’est tel171.
BENJAMYN
À mort !
MANASSÈS
À mort !
TURELUTUTU
Mors, sans doubtance ?
GRANCHE-VUYDE
Ce jour, pour nous, est bien cruel.
*
1 Il passe en revue ses troupes et fait l’appel. Au lieu de lui répondre, Turlututu et Grange-vide observent un garde-à-vous très approximatif et bavardent entre eux. Les 10 premiers vers, avec leurs refrains, sont l’amplification tardive d’un triolet de 8 vers. 2 Ce nom provient d’une chanson qu’évoque la farce du Retraict : « Turelututu, tutu, tutu,/ Turelututu, chapeau poinctu. » 3 Un vrai soldat aurait dit « notre chef ». Mais nos deux anarchistes sont allergiques à toute forme de discipline. 4 Dont la grange est vide : qui n’a plus de blé. Graham Runnalls (p. 16 et 248) traduit « grange » par estomac. « –J’en fourreray avant ma pance./ –Ainssy, Huet, emple [emplis] ta granche ! » Miracles madame sainte Geneviève. 5 Éd : Et puis autant que dung (Nous l’estimons autant qu’un fétu de paille. « Elle ne me prise un festu. » Le Raporteur.) 6 Secoués, battus comme des tapis. 7 On devrait nous huer, comme quand on veut faire fuir un loup. « Huer/ Tous les jours à ung tas de loups. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 8 Il continue à faire l’appel. Le soldat Mal-venu n’est pas là, comme son nom l’indique. 9 Il aurait dû appeler l’officier par son grade. Résultat, c’est lui qui va en prendre pour le sien. 10 Un coup de lanière, au sens figuré. « À quelc’un bailleray tel bride/ Qu’il dira : ‟Le dyable y ait part !” » Viel Testament. 11 Il goûterait. « L’honneur humerez. » Gournay et Micet. 12 Ne humerait, ne boirait. « Ils boivent plus de vin qu’une truye de laict. » Brantôme. 13 Des plaids, des disputes. 14 Son casque trop grand lui tombe sur les yeux : il ne voit plus rien. Le même gag revient plusieurs fois dans Baudet, Blondète et Mal-enpoint. 15 On prononce « aï-de », qui rime avec « vuide ». Le Viel Testament donnait déjà ces rimes aux vers 41115-6 de l’édition Rothschild et Picot. 16 Viens m’aider à retirer ce casque. 17 Déclarée, entre les Assyriens et les juifs. 18 Assurée : nous allons nous enrichir. « Ta vye sera recouverte. » Troys Gallans et Phlipot. 19 Le sénéchal confie l’étendard du régiment à Grange-vide. 20 Vous ne rêvez pas ? Vous parlez sérieusement ? « Ce fol ne faict cy que songer. » Le Retraict. 21 Vous m’obligez à contenir ma colère. « Trop long temps on nous fait ronger/ Nostre frain. » Viel Testament. 22 Ce n’est pas mon rôle de porter l’étendard. 23 En disgrâce. 24 Devons-nous marcher au premier rang ? 25 Imbéciles. 26 Pour défiler. Idem vers 52. 27 Les imprimés remontent de quelques vers la plupart des didascalies indépendantes : celle-ci se trouvait sous le vers 32. Prenant exemple sur Graham Runnalls, qui y voit une mauvaise lecture du manuscrit de base par le premier éditeur, je les remettrai tacitement à leur place logique. 28 À Holopherne, en parlant du sénéchal. 29 Il est en retard, vu l’urgence de la situation (la déclaration de guerre). Un peu avant, le sénéchal avait adressé la plus belle réplique de tout le Mystère à Nabuchodonosor, qui lui demandait : « –Séneschal, estes-vous prest ? –Non ! » 30 Le cœur. Idem vers 176 et 192. 31 Sous les coups de l’ennemi. 32 Il a pourtant. Ces champions rappellent plutôt les « champions de taverne » ; cf. le Sermon joyeux de bien boire, vers 22 et 323. 33 Il faut régler ce détail. 34 Bien peintes. Il contemple celle que Grange-vide laisse pendouiller. 35 Ici commence une longue énumération d’armes, d’objets ou de vêtements militaires qui avaient cours non pas à l’époque de Nabuchodonosor mais à celle de Louis XI. Il serait inutile d’accoler une note à chaque mot : ce n’est pas leur sens qui égayait les auditeurs du Mystère, c’est leur accumulation digne d’une sottie. 36 Arcs. 37 Éd : faulcons (Le faussard est une faux emmanchée sur une hampe. « Dagues, braquemars,/ Espées, rapières et faulsars. » ATILF.) 38 Frondes. Idem vers 250. 39 Le valet de chambre d’Holopherne n’a rien à faire là. Voir la note de l’édition Runnalls, p. 249. 40 Éd : crilz (Treuils qui servent à tendre les arbalètes à cric.) 41 D’un maniement rapide, car elles sont plus courtes et moins encombrantes que les lances. 42 Couillards : catapultes. 43 Ce casque était à la mode au temps de Louis XI. 44 En allant vers Mésopotamie. L’auteur nomme ainsi une ville de Judée, comme aux vers 143, 154, 161 et 165. 45 Je n’y manquerai pas. Turlututu a trouvé un casque à sa taille, et Grange-vide s’est débarrassé de l’étendard. 46 Ce grade peu réglementaire dont nos soldats d’opérette honorent le sénéchal va devenir entre eux un gag récurrent. 47 De devenir chevalier. Le hobereau veut redorer son blason. Turlututu est beaucoup moins chevaleresque. 48 Parçonniers, partageurs. 49 Exigeons d’eux une rançon. 50 Expérimenté. « Gens de guerre, tous usitéz d’armes. » ATILF. 51 Tu n’es qu’un voleur de poules. « Courant ainsy sur la poulaille. » L’Avantureulx. 52 Que des mendiants, autres voleurs de poules. 53 De. « Du gros cousin/ Qui fut à ma tante parent. » (Pernet qui va au vin.) Ton grand-père était le frère de Rifflandouille. Ce peu recommandable « bouffeur d’andouilles » est une valeur sûre de la littérature comique ; c’est un bourreau dans plusieurs Mystères, et l’un des plus grossiers sergents du Vilain et la Tavernière. 54 Bien au chaud sous le large manteau de sa cheminée. 55 Je parle à un spécialiste de la paix. Les Nobles étaient censés faire la guerre, et non la paix, sauf quand on les soudoyait. Jeu de mots sur « pets ». 56 Taisez-vous ! 57 L’armée babylonienne arrive en Judée. Elle met le siège devant le château d’Esdrelon. 58 Allez vite porter à cette place forte une sommation de capituler. 59 Ou s’ils refusent, je les ferai totalement consumer. « La terre toute consommée par feu. » ATILF. 60 Éd : acoup (Voir le vers 118.) 61 Les sentinelles juives montent la garde sur le rempart du château fort. Nage = fesse : « Pour baiser mon cul et ma nage. » Nicolas Loupvent. 62 Au pied du rempart. 63 Fous. « Allez, allez, villain follastre ! » Les Sotz triumphans. 64 Videz les lieux : partez. Tout au long du Mystère, les fanatiques juifs traitent d’idolâtres ceux qui ont une autre religion que la leur. 65 De peur qu’on ne vous serve des coups. 66 Éd : La vous (« Av’ous » est une contraction normande : « Av’ous besongné ? » Viel Testament.) Avez-vous osé dire cela ? « L’avez-vous dit, villain mastin ? » Le Munyer. 67 Éd : sortisse (Le premier imprimeur a interverti deux lettres et ses imitateurs l’ont suivi.) Pour peu qu’on les rôtisse : au vers 99, le sénéchal menace de les consumer. 68 Éd : autre (Votre intérêt. « C’est mal cherché vostre avantaige. » Le Monde qu’on faict paistre.) 69 Le plus difficile n’est pas d’en parler mais de le faire. 70 Au sénéchal. Les deux poltrons s’enfuient ; chacun essaie de courir plus vite que l’autre. 71 Les deux émissaires rentrent au camp. 72 Éd : messieurs (Il n’y a là qu’un seul officier, le sénéchal, que nos contestataires affectent d’appeler « monsieur ».) À l’avantage ! = courons au butin ! 73 Sous peine d’être pendus à une corde. 74 Qu’on fasse grâce à quiconque. Le sénéchal fait siens les ordres de Nabuchodonosor et Holopherne : « –N’espargnez femme ne enfans !/ –De par vous, ainsi leur deffens/ Qu’ilz ne pregnent nulz à mercy. » 75 Est bien protégé. 76 D’un sortilège pour que le diable nous vienne en aide. « Un charme/ Pour faire venir l’Ennemy. » Maistre Mimin estudiant. 77 On lui donne sur le casque un coup inoffensif avec le plat d’une hallebarde. 78 Partageons le butin ! Il n’en fallait pas plus pour que le soi-disant mort ressuscite. 79 À la première charge. 80 Où notre prouesse, notre vaillance. 81 Par la force. 82 Quelques-uns de ces misérables ont grogné. 83 Allons maintenant assiéger la ville appelée Mésopotamie. 84 Nous avons eu tort de ne pas leur ouvrir la porte de la ville. 85 Nonobstant. 86 Cette défaite sera par moi racontée. 87 En allant vers Mésopotamie, Holopherne convoite la ville juive de Béthulie. Quelques habitants viennent lui demander grâce. 88 Totalement. Idem vers 100. 89 Les troupes d’Holopherne se plaignent que des habitants de Béthulie se soient rendus : elles ne peuvent plus piller ce qui désormais appartient à leur roi, Nabuchodonosor. 90 Donnerais. La guerre ne vaut même plus deux oignons. « Je n’en donroys pas ung oignon. » Le Ramonneur de cheminées. 91 De la pouillerie, de la misère. Double sens bien digne de nos voleurs de poules : une poulerie est un marché aux volailles. « Avoir & tenir pouleries. » 92 Éd : chemin (Je ne comprends rien à ces palabres.) 93 J’aimerais autant. Idem vers 197. 94 Seuls quelques bourgeois de Béthulie se sont rendus ; on va donc pouvoir assiéger la ville pour dévaliser les autres. 95 Il arrive avec un prisonnier juif, Achior (vers 167-170), que lui a confié Holopherne pour qu’il l’envoie mourir de faim avec ses coreligionnaires dans la citadelle de Béthulie. 96 Faisons-nous partie de ces vieux soldats qui touchent une demi-solde pour garder une place forte ? « Je suis bien de la morte-paye,/ Il y pert [paraît] bien à mes habitz. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 97 Éd : A coup tost. (Cette formule invite un interlocuteur à parler. Le juge de la farce de Pathelin l’emploie pour interroger le drapier : « Or escoutons !/ Estoit-il point vostre aloué ? ») 98 Qu’on nous paye la solde en retard. 99 J’aimerais autant être cassé de gages, révoqué sans solde. « Comment/ Vivront ces gendarmes casséz ? » Les Esbahis. 100 On pendait les déserteurs : cf. Troys Gallans et Phlipot, vers 435. 101 Devez-vous grogner ? Idem vers 152. 102 Fait l’apologie. « Titre » rime avec « traï-tre ». L’Aveugle et Saudret porte exactement les mêmes rimes aux vers 602-3. 103 Afin qu’il tienne compagnie à ses habitants. 104 Il faudra que la porte de Béthulie soit fermée à double tour. 105 Grange-vide et Turlututu poussent Achior dans la forêt qui sépare leur campement et la ville de Béthulie. 106 Faites-moi grâce. 107 À Turlututu. 108 Le « maistre des haultes-œuvres » est le bourreau : cf. Gournay et Micet, vers 521. Le bourreau attache les mains du condamné qu’il va pendre : cf. Gournay et Micet, vers 171 et 336. 109 Habile. 110 Dans ce domaine, c’est toi qui m’as tout appris. 111 Le 1er espion. Dans la forêt, son camarade et lui surveillent les allées et venues des Assyriens. 112 N’entends-tu rien ? Verbe ouïr. 113 Si nos ennemis prononcent un seul mot. 114 Il ne risque pas de s’enfuir. « Et pour m’en fouÿr au besoing. » Viel Testament. 115 Si ce n’est par magie. Turlututu croit à la sorcellerie : voir le vers 138. 116 Est-il comme il convient ? « Est-il enterré proprement ? » Le Fossoieur et son Varlet. 117 Les assiégés tirent un coup de canon. 118 Entends-tu comment ils nous servent des « miches » ? Ces pains ronds désignent ici les boulets de canon. « Miches du convent militaire : des balles, ou boulets. » Antoine Oudin. 119 Si on scande la diérèse « vi-e », comme cela est de règle, termine doit être remplacé par fine. « Moy qui sens ma vïe finer. » Viel Testament. 120 De crainte. 121 Que nos frondes. 122 Que de désagréments ! 123 En ce qui concerne. « Touchant ce peuple d’Israël,/ Achior, congnoissez-vous point/ Leur façon ? » Viel Testament. 124 Des éclaireurs à cheval. 125 Le rénovateur du texte a corrigé « remide », qui rimait avec « aïde ». Le Viel Testament donne ces rimes aux vers 43420-1 de l’édition Rothschild et Picot. 126 Ce mot est masculin dans la prochaine didascalie, mais il pouvait être féminin, comme arbor en latin. « Fut mis et pendu en une arbre. » Farce des Coquins, F 53. 127 Libéré par les siens, qui viendront à sa rescousse. 128 D’un coup de glaive. Il sera tué par les « brigands des bois », qui ligotent leur victime à un arbre afin de la détrousser, puis la poignardent pour qu’elle ne puisse témoigner contre eux. Une fois de plus, les deux reîtres désobéissent aux ordres. 129 Tu as bonne cause, tu as raison. 130 Une pause, une halte trop longue. 131 Je le reconnais. 132 L’armée d’Holopherne lance un assaut contre Béthulie. 133 Éd : Voire (« Vive moy, dit le seigneur Dieu ! Je ne veux la mort de l’impie. » Séraphin de La Croix.) Que je vive, si je ne meurs pas ! 134 La bataille fait rage. 135 Nos deux roublards imputent à la guerre des blessures peu glorieuses qu’ils avaient déjà. Le bourreau avait coupé une oreille à Grange-vide en tant que voleur. 136 Éd : que (L’alcoolisme pouvait causer la perte d’un œil. « [Il] but tant, se m’aist Dieux,/ Qu’il perdit presque l’ung des yeulx ;/ Et de l’aultre n’estoit pas sain. » Sermon joyeux de bien boire.) 137 Après la victoire d’Holopherne, la juive Judith et sa servante traversent le campement pour l’assassiner. Les deux gardes auraient pu sauver la vie de leur chef, mais c’est eux qui vont lui amener sa meurtrière. 138 Grange-vide, perdu dans la contemplation des deux beautés, n’entend pas cette question. 139 Les imprimés distribuent ce mot à Turlututu. Les deux femmes sont un avantage que des soudards peuvent prendre en nature : la guerre n’a pas pour seul intérêt le pillage, elle autorise aussi le viol. 140 Elles viennent droit vers nous. 141 Il tente d’effrayer les « proies » pour mieux en venir à bout. 142 Sauf le respect que je vous dois ! Formule polie de dénégation. 143 En secret. 144 Ruse. 145 Dans la ville de Béthulie, qui subit votre blocus. 146 Éd : tellement (Silencieusement. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 186, 231 et 651.) 147 Parmi ces femmes, que chacun choisisse la sienne librement ! 148 Judith flatte les deux soudards, qu’elle appelle « Messeigneurs ». 149 Sans honte. 150 Éd : Quen vous nait 151 Dans la tente d’Holopherne. Judith saute sur l’occasion. 152 Crainte. 153 Sont au-dessus des autres courtisans. 154 En pleine nuit, les deux femmes repassent devant le corps de garde. Elles emportent la tête d’Holopherne et une lanterne allumée. Ayant obtenu un laissez-passer, elles ne s’attirent pas d’autre inconvénient que des propos de corps de garde. 155 Dans sa ville de Béthulie. 156 Que sa démarche est raide ! 157 Éd : nourritures (« Emboisture : L’endroit où les choses s’emboistent. » Dict. de l’Académie françoise.) Au sens propre, l’emboîture n’est autre que « l’arrêt », cheville métallique fixée au côté droit du harnais, et sur laquelle les cavaliers emboîtent leur lance pour qu’elle tienne à l’horizontale. Au sens figuré, les deux femmes sont des ustensiles où des hommes peuvent emboîter leur lance virile. 158 Un pénis en érection. « Mettre sa lance en son arrest. » (Cent Nouvelles nouvelles, 28.) Jeu de mots sur « la raie ». 159 Holopherne en a eu la jouissance. 160 Il n’y a de mauvais que de tomber sur un impuissant. 161 Elle trouverait facilement un autre « serviteur ». 162 Même les chevaux bien ferrés peuvent glisser : tout le monde peut avoir un moment de faiblesse. « Il n’est si ferray qui ne glice. » Les Premiers gardonnéz. 163 Les criminelles retournent à Béthulie, et exposent la tête de leur victime au-dessus de la grand-porte. 164 Cette douleur poignante. 165 Pleurons. 166 C’est une règle immuable de l’amour. En fait, c’est surtout un proverbe bien connu, cité notamment par Villon. 167 Elle pousse l’armée juive à sortir de Béthulie pour profiter du désarroi d’un adversaire privé de son chef. 168 Éd : clameurs (Cf. les Mal contentes, vers 45, 270 et 422.) 169 C’en est fait de notre vie. 170 De sécurité. 171 Il n’y a rien de tel, il n’y a rien d’autre à faire. Tous les Assyriens prennent la fuite en abandonnant leurs affaires et le butin qu’ils ont accumulé.