LE ROY DES SOTZ
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LE ROY DES SOTZ
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Triboulet, le bouffon de René d’Anjou, composa cette sottie vers 1456. Il y tient son propre rôle, comme il le fera dans les Vigilles Triboullet.
Le 6 janvier, on saluait la fête des Rois1 par des représentations de sotties : « [Triboulet] estoit celluy/ Qui au palais royal est sailly [a joué]/ Quant la feste des Rois estoit. » (Vigilles Triboullet.) Le Roi des Sots exhibé sur la scène est un double du « bon roi René », qui faisait jouer chez lui beaucoup de théâtre, et qui voyait d’un œil magnanime les insolences de son bouffon.
On attribuera longtemps au monarque angevin l’Abuzé en Court, une satire des courtisans qui fustige comme notre pièce les rapporteurs, les flatteurs et les entremetteurs :
Trois choses sont soubz moy, la Court….
L’une est raporter par fallasse [tromperie] ;
L’autre, le fait de flaterie ;
L’autre (qui tout honneur efface)
Est l’estat de maquerèlerie.
Source : Recueil du British Museum, nº 38. La brochure fut imprimée à Lyon vers 1545, en la maison de feu Barnabé Chaussard2. Comme d’habitude, la présente édition reproduit une édition très antérieure, aujourd’hui perdue : voir ma note 24.
Structure : Rimes plates, avec 3 triolets et une sorte de virelai.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Sottie nouvelle
à six personnaiges
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C’est assavoir :
LE ROY DES SOTZ
SOTTINET
TRIBOULET
COQUIBUS 3
MITOUFFLET 4
GUIPPELLIN 5
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LE ROY DES SOTZ commence SCÈNE I
Je suis des Sotz seigneur et roy ;
Pour tant6, je vueil par bon arroy7
Maintenant cy ma Court tenir,
Et tous mes Sotz faire venir
5 Pour me faire la révérence ;
Et aussi que c’est grand plaisance
Quant frères8 habitent ensemble,
Comme on [le] chante, ce me semble.
En chantant :
Ecce quam bonum et quam jocundum
10 Habitare fratres in unum ! 9
Pour quoy, sur peine de l’amende,
[Que tous mes Sotz, je le commande,]
Soyent-ilz10 présent[z] ou absens,
Maintenant viennent [icy], sans
Délay ne [r]estat11 demander,
15 Ne procureur pour eulx mander12 ;
Car ainsi me plaist estre faict.
Ou aultrement, de leur forfaict
Les fairé grièfvement pugnir.
Pensez doncques tous de venir
20 Devant que [d’]encourir mon ire.
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Sottinet ! SCÈNE II
SOTTINET13
Hau !
LE ROY
Quel « hau » ? Mais « Sire »14.
Vien çà, [ou] que Dieu te mauldie !
Que fais-tu ?
SOTTINET
Je dors.
LE ROY
C’est pour rire ?
Sottinet !
SOTTINET
Hau !
LE ROY
Quel « hau » ? Mais « Sire ».
SOTTINET
25 Qu’i a-il ?
LE ROY
Ung mot à te dire.
SOTTINET
Avancez-vous donc, qu’on le dye.
LE ROY DES SOTZ
Sottinet !
SOTTINET
Hau !
LE ROY DES SOTZ
Quel « hau » ? Mais « Sire ».
Vien çà, [ou] que Dieu te mauldie !
SOTTINET
C’est une droicte mélodie15,
30 De vous ouÿr ainsi crier.
LE ROY DES SOTZ
Je te vouldroyes ainsi prier
Que tu t’en allasses partout
Cercher noz Sotz de bout en bout16,
Et les faire venir icy
35 À moy (car il me plaist ainsi),
Pour veoir lesquelz mon honneur gardent.
SOTTINET
Veez-en cy17 tant, qui nous regardent ;
Que n’y viennent-ilz vistement ?
LE ROY DES SOTZ
Ilz sont saiges.
SOTTINET
Non sont, vrayement,
40 Pas tous.
LE ROY DES SOTZ
Si le cuydent-ilz estre18.
SOTTINET
Par cela les peult-on congnoistre,
Car fol est qui cuyde estre saige.
Je congnoistray bien au visaige
Ceulx qui sont en vostre service :
45 D’une seulle visée j’en visse19,
Se ne fust ce grand sot hideulx
Qui est debout20 au-devant d’eulx.
Voire : une couple [d’yeulx] de beuf21 !
LE ROY DES SOTZ
J’e[n] voy là six, ou sept, ou neuf
50 Qui oncq ne me firent hommaige.
Hé ! mes beaulx frères, quel dommaige
Vous sera-ce, ne déshonneur,
Se vous me venez faire honneur ?
Je ne demande point d’argent.
55 Je t’institue mon sergent
Pour les adjourner de main mise22.
SOTTINET
Puisque la chose m’est commise,
Vous en admèn(e)ré pied ou elle23.
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Que ne viens-tu, quant on t’appelle SCÈNE III
60 Tant de foys, meschant estourdy ?
TRIBOULET
À qui dis-tu ?
SOTTINET
À qui je dy ?
C’est à vous-mesmes, mon seigneur.
TRIBOULET
Se je ne craignoyes mon honneur…
SOTTINET
[Maistre Mousche]24, tenez moy cest homme !
TRIBOULET
65 Allez, follastre !
SOTTINET
Tout tel comme
Vous povez estre, Triboulet25.
TRIBOULET
Vien-le-moy dire tout seullet
Cy-devant !
SOTTINET
Hé ! Sot ! Villain punès26 !
TRIBOULET
Je suis plus gentil27 que tu n’es.
70 Se n’estoyent ces gens de bien…
SOTTINET
Ne m’en chault, je ne te crains rien.
TRIBOULET
Te viens-tu, dis, farcer28 de moy ?
SOTTINET
Si viendrez-vous parler au Roy.
TRIBOULET
Par le sang bieu, je te tueray !
SOTTINET
75 Vous estes ung peu trop fourray29 ;
Ne maschez pas trop fort le sens30.
TRIBOULET
J’en ay tué plus de cinq cens.
SOTTINET
Des poulx31 ? Brief vous viendrez, j’en jure !
TRIBOULET
Comment souffrez-vous tel injure,
80 Mes seigneurs, en vostre présence ?
SOTTINET
Vous viendrez, par ma conscience,
Ou je vous port(e)ray en mon col32 !
TRIBOULET
Je vous pry, ostez-moy ce fol !
SOTTINET33
Venez avant, bon gré mon âme !
TRIBOULET
85 Alarme, alarme, alarme, [alarme] !
À la mort ! À l’ayde ! À la mort !
Ha, hay ! ha, hay ! hay ! Il me mord !
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Mon seigneur, hélas, je me clame34 SCÈNE IV
De ce traistre larron infâme
90 Qui se mocque de gens de bien.
SOTTINET
Dea ! Toutesfoys je sçavoyes bien,
Puisque mys l’avoyes en ma teste,
Que vous viendriez à la Feste35
Bien tost. [Sire, c’est ung follet.]36
LE ROY
95 Comment a-il nom ?
TRIBOULET
Triboulet.
LE ROY
Or te despouille ton37 pourpoint !
TRIBOULET
Certes, je ne le fairé point.
LE ROY
Et pourquoy dea ?
TRIBOULET
Je n’oseroye,
Car je me déshonnoreroye
100 Devant ces gens icy d’honneur.
LE ROY38
Despouille[-le] tost !
SOTTINET
Quel « seigneur » !
Il est tout fin fol, par-dessoubz.
LE ROY
Il en est beaucoup, de telz foulz ;
Tout le monde en est bien déceu.
105 J’ay [jà] plusieurs pareilz folz veu.
Chascun, de moy, ainsi se joue.
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COQUIBUS39 SCÈNE V
Qui veult à moy faire la moue40 ?
Pour une grue assez rottie41,
Bien prise et bien caillebottie42,
110 Je la fais bien compectamment43.
SOTTINET
Vélà ung aultre Sot, vrayement ;
Voyez qu’il faict layde grimasse.
Ce [me] semble ung sergent à masse,
À luy veoir porter sa marotte.
LE ROY
115 Qu’esse qu’il porte en ceste hotte ?
COQUIBUS
Ce sont ratz44.
SOTTINET
C’est ung rapporteur45
Qui vous vient servir.
LE ROY
C’est [grand] eur
Ou grand maleur, à qui qu’il soit46.
TRIBOULET
Tousjours vous et voz Sotz diroit47,
120 Sire ; deffendez-luy la Court !
LE ROY
Il fault qu’il vienne brief et court48,
Car je veulx gens de toute sorte.
SOTTINET
Vécy Coquibus, qui ratz porte.
COQUIBUS
Dieu vous doint bon jour !
LE ROY
Des nouvelles ?
COQUIBUS
125 Tout chargié mon col49 en apporte.
SOTTINET
Vécy Coquibus, qui ratz porte.
[ LE ROY
…………………………. -porte
…………………………. -elles.
SOTTINET
Vécy Coquibus, qui ratz porte. ]
COQUIBUS
Dieu vous doint bon jour !
LE ROY
Des nouvelles ?
COQUIBUS
De gros boudins, larges rouelles50.
LE ROY
130 Que dit-on, de là où tu viens ?
COQUIBUS
On dit maintenant que les chiens
Si ont eu trèsgrand froid aux dens51,
Et que les pouvres indigens
Sont mors de fain sur ung fient.
SOTTINET
135 Voire52 ? Ou celluy qui parle ment 53 ?
Car ilz ont bien plusieurs loppins54.
COQUIBUS
J’ay rencontray deux Jacopins55
Qui portoient leur cul au pape56,
Trèstout foireux [des]soubz leur chappe,
140 Pour l’enchâsser57 après leur mort.
LE ROY
À luy58, à luy ! Rapporte fort ;
Ne change jamais la manière.
COQUIBUS
Je ne rapporte que derrière59,
Car ilz me mordent droit devant.
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SOTTINET60 SCÈNE VI
145 Vécy ung Sot qui donne vent61 ;
Il nous servira de soufflet.
LE ROY
[Le] sang bieu, qu’il souffle62 souvent !
SOTTINET
Vécy ung Sot qui donne vent.
TRIBOULET
Tenez, sire, venez avant63.
LE ROY DES SOTZ
150 Comment as-tu nom ?
MITTOUFFLET
Mittoufflet.
SOTTINET
Vécy ung Sot qui donne vent ;
Il nous servira de soufflet.
MITTOUFFLET
Pour bien bailler ung chault moufflet64,
J’en suis maistre par-dessus tous.
155 Je souffle dessus et dessoubz,
Hault et bas, devant et derrière.
LE ROY DES SOTZ
De quoy te sert ceste bavière65 ?
Je cuyde que tu es baveur.
MITTOUFFLET
À bien baver je prens saveur,
160 Tant que souvent pers mon disner66.
Je bave et vente sans finer67,
Pour mieulx à gens de bien complaire.
Se vous avez de moy affaire,
Je vous serviray de bon cueur.
SOTTINET
165 Regardez, regardez, mon seigneur68 :
Je voy ung Fol par ce pertuys.
LE ROY DES SOTZ
Où ? Où ?
SOTTINET
Au-dessus de cest huys.
Je n’en sçauroys veoir que la teste.
LE ROY DES SOTZ
Et ! vien çà, [vien çà]69, sotte beste !
170 Que fais-tu là ? Tire avant70, tire !
Sang bieu ! ce Sot-là me faict rire.
Il ne hobe71 pour rien qu’on die.
SOTTINET
Et, venez ! Que Dieu vous mauldie !
Vous vous faictes trop requérir.
LE ROY DES SOTZ
175 Il fault que l’on l’aille quérir ;
Aultrement ne viendra-il point.
SOTTINET
De fièbvre quarte72 soit-il oingt !
(Aussi bien, j’ay73 perdu ma boyste.)
COQUIBUS
Il doubte que le temps ne soit moyste74 :
180 Il a peur de mouiller sa patte.
LE ROY DES SOTZ
Allez-le quérir ! Qu’on se haste :
Il nous feroit [muser, mèshuy]75.
À luy, à luy, à luy, à luy !
Le dyable emporte le dernier !
TRIBOULET
185 Mais76, par sainct Jacques, le premier !
LE ROY DES SOT[Z]
Admenez-le-moy, le paillard !
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SOTTINET77 SCÈNE VII
Quel avalleur78 !
LE ROY
Quel papelart79 !
COQUIBUS
Quel ouvrier80 !
LE ROY
Quel souffle-tostée81 !
TRIBOULET
Quel « seigneur » !
LE ROY
Quel teste pelée82 !
MITTOUFFLET
190 Quel sot !
LE ROY
Mais quel coup de fouet83 !
TRIBOULET
Monsïeur, il faict du muet ;
Il n’a voulu dire nul mot.
LE ROY DES SOTZ
Pourquoy ?
SOTTINET
Pource qu’il est trop sot.
LE ROY
Qui est-il ?
COQUIBUS
C’est ung guippelin84 ;
195 Et le mal de sainct Mathelin85
Le tient au sommet de la teste.
LE ROY DES SOTZ
Non faict, mais ce n’est q’une beste.
Ou il est, en ce point, honteux.
TRIBOULET
Il cloche86 devant les boyteux,
200 Et faict le sot devant les Sotz.
Guippelin, respons-moy deux motz :
Dy-moy, pourquoy ne parles-tu ?
SOTTINET
Il craint, ainsi87, d’estre battu.
COQUIBUS
Non faict, mais il a le lempas88.
LE ROY DES SOTZ
205 Non a, vrayement, il ne l’a pas :
Tu scès bien qu’il n’est pas cheval.
SOTTINET
Il a donc[ques] quelque aultre mal.
A-il point le panthagruel89 ?
LE ROY DES SOTZ
On ne l’a jamais si cruel
210 Qu’il garde90 de parler aux gens.
TRIBOULET
Il pourroit bien avoir les dens
Ou la gorge toute verrie91.
LE ROY DES SOTZ
Tu le dis affin que je rie.
SOTTINET
Quoy doncques ? A-il l’équinance92 ?
MITTOUFFLET
215 Par Nostre Dame ! je le pense,
Car il beut hyer mon ypocras93.
LE ROY DES SOTZ
Mais, il a le gousier tout gras
Encor(e) de Caresme-prenant94.
SOTTINET
S’on veult qu’il parle, maintenant
220 Il le vous fault boutter en caige95.
LE ROY DES SOTZ
Nenny, nenny, tu n’es pas saige ;
Mais luy donner de bonne pie96.
COQUIBUS
Par ma foy ! il a la pépye97
Qui luy détient ainsi la langue.
LE ROY DES SOTZ
225 On te puist getter en la fang[u]e98 !
Tu as beaucoup mis à le dire.
SOTTINET
Il luy fault remédier, sire,
Et la luy oster de la bouche.
TRIBOULET
Il faict signe qu’on ne luy touche.
230 [On devroit oster]99 le fillet.
SOTTINET
Je luy osteray bien ; mais qu’il ayt
Ung bâillon100, de peur qu’il ne morde.
Adonc il luy met ung bâillon.
Il est aussi gros q’une corde,
Et le tiens101 desjà par le bout.
235 Voyez qu’il est gros.
LE ROY DES SOTZ
Esse tout ?
SOTTINET
Je cuyde qu’il n’y a plus rien.
LE ROY DES SOTZ
Escoutez s’il parlera bien.
Dy, Guippellin, es-tu guéry ?
GUIPPELLIN
Ouÿ, monseigneur, Dieu mercy,
240 Et vous, et tous mes bons amys !
LE ROY DES SOTZ
Et qui t’avoit le fillet mys ?
GUIPPELLIN
Long temps y a que je l’avoye.
Remède trouver ne sçavoye,
Car il estoit trop long et gros,
245 Lequel se nomme à tous propos
« Fillet » : c’est ung gros fil retors
De troys cordelons gros et fors,
Desquelz l’ung a nom Mal vestu ;
Le second est fier et testu,
250 Et s’appelle Faulte d’argent ;
Le tiers, si, n’est ne beau ne gent,
Qui se dit Crainte juvénale 102,
Laquelle m’a esté tant malle103
Que je n’eusse osay dire mot.
LE ROY DES SOTZ
255 Vrayement ? Tu estoyes donc bien sot :
Il ne fault jamais craindre honte.
GUIPPELLIN
Non, certes, car on ne tient compte
Des honteux. Pour ce, vous prometz
Que je ne le seray jamais ;
260 Mais je parleray à tous cas
Avec[ques] les grans advocatz,
Ou que l’on m’appelle Huet104 !
SOTTINET
Tu ne seras donc(ques) plus muet ?
GUIPPELLIN
Non, non, je l’ay assez esté.
265 Je feray bruyt, en cest esté,
De bien parler et de bien dire.
Ung tas de pierres feray rire105.
À force de bien flageoller106,
De bien chanter, saillir, voller,
270 Je seray bon maistre tenu107.
LE ROY
Tu soyes doncques le bien venu !
GUIPPELLIN
Je feray bruyt de bien dancer,
Mieulx que vous ne sçauriez penser ;
Vous verrez bien que ce sera.
SOTINET
275 Par Nostre Dame, non fera !
GUIPPELLIN
Je suis homme, quant est à moy,
Pour gouverner tout seul ung roy108
Et son peuple gros et menu.
LE ROY
Tu soyes doncques le bien venu !
GUIPPELLIN
280 Je feray bruyt, je feray raige ;
Je feray, d’ung pot, une caige
D’argent109, quant bon me semblera.
SOTTINET
Par Nostre Dame, non fera !
GUIPPELLIN
Je suis si grant et saige Sot
285 Que j’entens bien tout à ung mot,
D’ung sermon110, tout le contenu.
LE ROY
Tu soyes doncques le bien venu !
GUIPPELLIN
Je farderay bien une femme
D’ung fard qui n’est ort111 ne infâme,
290 Et jamais ne se deffera112.
SOTTINET
Par Nostre Dame, non fera !
GUIPPELLIN
Je cours aussi tost comme vent ;
Nul ne sçauroit partir devant
Que je ne soye revenu.
LE ROY
295 Tu soyes doncques le bien venu !
Je te retiens113 mon gouverneur.
SOTTINET
Nenny, mais vostre gros ven[e]ur 114 ;
Je cuyde qu’il le doibt bien estre.
LE ROY DES SOTZ
Je te faictz seigneur et grand maistre
300 Sus les Sotz de ma Court notable.
Et si, te faictz mon connestable,
Pour le baston de la frairie115
Porter devant moy, Sotterie 116,
Et régir mes gens que voicy.
GUIPPELLIN
305 Grand mercy, sire, grand mercy !
Je me gouverneray saigement.
Mais sçavoir vueil planièrement117
Les noms et l’estat118 de voz gens.
SOTTINET
Je suis ung des loyaulx sergens
310 Du Roy, qui ay nom Sottinet,
Qui suis si mignon et si nect
Qu’il m’a retenu pour son cueur119.
Vous le povez veoir, mon seigneur,
Car à tout faire suis habile.
TRIBOULET
315 Et je suis le sens120 de la ville :
Je conseille tout ce qu’on faict.
Triboulet est mon nom parfaict,
Qui ne se mesle point d’abus.
COQUIBUS
Chascun m’appelle Coquibus,
320 Qui [mon col chargé de ratz porte]121.
GUIPPELLIN
Telz gens doibvent vuyder la porte122 :
Car nulz biens n’y a où ilz sont,
Pour les maulvais raportz qu’ilz font.
Toy, scès-tu lire ne chanter ?
MITTOUFFLET
325 Je ne sers, moy, que de vanter,
Et me nomme[-l’on] Mittoufflet.
GUIPPELLIN
Je n’ay que faire de soufflet123,
Car en Court, le feu n’estaint point.
Il vous fault jouer d’aultre point
330 Que j’ay sur vostre cas songié :
Empoignez vous deux ce congié,
Et demandez ibo mictum 124.
COQUIBUS
Quel congié ? Ce n’est qu’ung baston
De seur125, qui est ainsi tortu.
SOTTINET
335 Par bieu ! c’est ung congié, voys-tu,
Qu’on porte quant on va chier.
COQUIBUS
[Vous aurez beau nous conchier :]
Pour vous, ne nous en irons pas.
LE ROY
Si ferez, plus tost que le pas !
C’est raison d’obéir aux maistres.
SOTTINET
340 Coulées sont, voys-tu, tes guestres126 ;
Tires-les127 : si, cherront à terre.
LE ROY
Allez, allez, tirez grand erre128 !
Nous n’avons cure de telz foulx.
TRIBOULET
Ha ! les folastres !
SOTTINET
Sont-ilz doulx129,
345 Les varletz !
GUIPPELLIN
Ilz sont plus pesneux130
Que s’on leur donnoit à tous deux,
Par les joues, d’une vessye131.
LE ROY
Guippellin, je vous remercye
Dont132 si bien gouvernez ma Court.
GUIPPELLIN
350 Il fault penser au temps qui court,
Qui bien veult133 son Estat conduyre,
Et getter ceulx dont peult produyre
Et sourdre débat et envie,
Comme j’ay faict134. Dont vous supplie :
355 Puisque les maulvais sont hors mys,
Et nous (qui sommes bons amys
Et frères) tous Sotz, ce me semble,
Maintenons[-nous] tousjours ensemble
[En] nostre Grand Fraternité
360 De Sottie, et en unité.
Or135 buvons trèstous d’ung accord,
Chantant à haulte voix et fort :
Ecce quam bonum et quam jocundum
Habitare fratres in unum !
LE ROY
365 Versez de ce bonum vinum 136
Et m’en baillez, j’en tasteray.
TOUS ENSEMBLE chantent :
Ecce quam bonum et quam jocundum !
LE ROY DES SOTZ
Quant j’auray beu, je chanteray.
En chantant :
Ecce quam bonum et quam jocundum !
TRIBOULET137
370 Il est bon ?
SOTTINET
Par ma foy, c’est mon138 !
GUIPPELLIN
Chantez tousjours, et je bevray.
Adonc, ilz chantent tous ensemble :
Ecce quam bonum et quam jocundum
Habitare fratres in unum !
SOTTINET
Or, je vous requier de cueur fin139 :
375 Attemprez-vous140 au tabourin ;
Pour l’amour de la compaignie,
Qu’ilz nous pardonnent no141 folie,
[Qu’il] vous plaise dire une notte142.
À Dieu vous dy, trèstous et toute143 !
.
. CY FINE LA SOTTIE DU ROY DES SOTZ
ET AUSSI DE SES SUPPÔTZ
.
*
.
.
UNG HOMME QUI PORTE SUR SON DOZ
UNE HOTTE PLAINE DE RATZ,
ET S’APPELLE
LE RAPPORTEUR 144
.
Le temps qui court m’a à Court fait venir,
La hotte au doz (telle en est la manière),
À celle fin de m’y entretenir145
En raz portant coyement146 par-derrière.
5 Car ne congnois marchandise si chière,
Où tant gaigne, qu’à rapporter ainsi.
Et si je metz les seigneurs en soucy
Par rapporter en Court secrettement,
Que m’en chault-il, puisque j’ay leur argent,
10 Et que je voy et congnois qu’ilz supportent
Telz gens que moy qui à hottes147 rapportent
En ratz portant. Estant fin rapporteur,
De Court en Court, de seigneur à seigneur,
Je m’y esbaz tousjours en ratz portant,
15 Pour les proufitz que j’en suis rapportant
De ratz porter, où que les puis trouver.
Sans dire vray, tost les sçay controuver148
Bien proprement, et aux seigneurs complaire,
Pour, à la fin, de son bien débouter
20 Tel qu[i], en Court, est le149 plus nécessaire.
.
*
1 Sur le théâtre de l’Épiphanie, voir la notice de Pour porter les présens à la feste des Roys. 2 J’emprunte quelques corrections à Thierry Martin : TRIBOULET : La Farce de Pathelin et autres pièces homosexuelles. <Bibliothèque GayKitschCamp, 2011, pp. 17-57.> D’autres corrections viennent d’Émile Picot : Recueil général des sotties. <Tome III, 1912, pp. 205-231.> Le texte établi par Picot a été reproduit, avec toutes ses fautes de lectures, dans : Recueil des sotties françaises. <Tome I, Classiques Garnier, 2014, pp. 53-89.> Ses trois éditeurs n’ont visiblement pas consulté l’édition princeps, et n’ont pas regardé non plus le relevé des variantes de Picot, puisqu’ils adoptent toutes ses modifications sans même s’en rendre compte. 3 Sot. « Si tu n’es fol et quoquibus,/ Retien-le bien, faulx ypocrite ! » (Éloy d’Amerval.) Cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 137. 4 Mitoufle = hypocrite emmitouflé. « Vois-tu point ce maistre mitoufle/ Qui tient ce livret en son poing ?/ C’est celluy dont le grant bruit [la réputation] souffle. » ATILF. 5 Cet hapax pourrait être une forme de « guibelin » [homme farouche], que le Dictionnaire étymologique de l’ancien français rattache à l’italien ghibellino. 6 Pour cette raison. 7 En bon ordre. 8 Le roi a fondé une confrérie de Sots, la « Grand Fraternité de Sottie », qui parodie l’Ordre des Chevaliers du Croissant, fondé par le roi René en 1448. 9 Voyez combien il est bon et agréable, pour des frères, d’habiter ensemble. (Psaume 132.) 10 BM : Soyent en (« Soi-ent » compte pour 2 syllabes.) Le vers précédent est perdu. 11 Synonyme de délai. « Sanz plus de restat,/ (Il) te convient en Bourgongne aler. » ATILF. 12 Pour les contraindre juridiquement à venir. 13 Il est couché par terre, dans un coin. 14 Il ne faut pas répondre « ho », mais « Sire ». Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 135. Les Princes des Sots déplorent toujours le manque de respect de leurs sujets. 15 C’est un vrai plaisir. Même vers dans Ung jeune Moyne et ung viel Gendarme. Sottinet se lève et rejoint le Roi. 16 D’un bout à l’autre. 17 Voyez-en ici. Les acteurs de sotties font toujours mine de croire que leur public est composé de fous. Cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 232-233. 18 Ils pensent pourtant l’être. Ce cliché de la philosophie médiévale est abondamment développé dans les sotties. 19 BM : aduise (J’en verrais d’un seul coup d’œil.) 20 Les spectateurs de théâtre restaient debout. Thierry Martin ajoute en note : « Le grand sot hideux qui empêche Sottinet de voir les autres sots placés derrière est sûrement le roi René, qui accorda toutes les libertés à Triboulet : cf. le vers 316. Les autres spectateurs sont toujours appelés “mes seigneurs”, comme il se doit pour des courtisans. » 21 Tenez : (en voilà un qui a) une paire d’yeux de bœuf. Les Sots peuvent avoir un aspect bovin : « Et venez tost comme un bœuf de pasture. » (Première Moralité.) Voir aussi la sottie des Veaux, qui fut jouée devant un autre roi. 22 Pour les convoquer de force. Comme le dit le Sergent de la Laitière : « Je vous adjourne de main mise. » 23 Un pied ou une aile : peu ou prou. « Il en apporte ou pied ou elle. » (Gournay et Micet.) Sottinet interpelle Triboulet, qui est dans le public. 24 BM : Troys mousches (Maître Mouche, farceur et chef de troupe dont Triboulet fut le disciple. Voir la note 61 des Vigilles Triboullet. Lui aussi est dans le public.) Claude Chevalet connut une édition antérieure de cette œuvre ; entre 1510 et 1514, il reprit dans sa Vie de sainct Christofle ce vers délicieusement absurde : « Trois Mouches, tenez-moy cest homme ! » On songe à Rabelais, qui se délectait d’un vers fautif de la Farce de Pathelin, du même Triboulet : « Par mon serment de laine. » Pantagruel, 12. 25 Vous qui êtes un fou en titre d’office, un fou de Cour. 26 BM : pugnes (Punais = puant.) 27 Noble, en réponse au « vilain » [roturier] du vers précédent. 28 Moquer. Mais aussi : me jouer une Farce. 29 BM : ruzay (La rime est anormalement pauvre.) Fourré = rusé, sage. « Vous estes grant homme,/ Pour estre fourray ! » Les Sotz fourréz de malice. 30 Ne cogitez pas trop. Voir la note 30 des Sotz triumphans. 31 Cf. le Gentil homme et son Page, vers 29-34. 32 Sur mon col. Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 398-399. C’est ainsi qu’on portait les veaux : « Car chacun qui voyoit les veaulx/ Pendant autour de vostre col,/ Qui sont tant gracieulx et beaulx,/ Il s’en délesche [délecte]. » Bataille de sainct Pensard à l’encontre de Caresme. 33 Il descend du plateau, empoigne Triboulet, puis le traîne devant le Roi. 34 Je fais une réclamation, je me plains. Triboulet se jette aux pieds du Roi. 35 La fête des Rois. (Voir ma notice.) « Par Dieu, vous viendrez à la Feste ! » Les Sotz triumphans : cette sottie contient un épisode similaire au nôtre, où on déshabille un Sot récalcitrant pour découvrir sous son costume de sage une livrée de fou. 36 Je comble une lacune. « –J’ayme mieulx faire un petit sault,/ Comme fait maistre Triboulet./ –Tu ne scez que c’est qu’il te fault :/ Par ma foy, tu ne es que ung follet ! » La Condamnacion de Bancquet. 37 BM : en (« Je me despoulle mon pourpoint. » Guillaume Coquillart.) Triboulet a mis une autre scène de déshabillage dans les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 311-317. 38 À Sottinet. 39 BM : Triboulet (Coquibus entre avec une hotte sur le dos.) 40 Qui veut me chuchoter un ragot (en avançant ses lèvres près de mon oreille) ? 41 BM : sottie (En échange d’une grue en gelée.) « Chichibie, nouvel coquibuz en cuisine, appresta la grue et la mist rostir au feu. » <Laurent de Premierfait.> Quand la grue est rôtie, on peut accommoder le blanc sous forme d’aspic, en gelée. 42 Dont la gelée est bien prise et bien coagulée. « (Le lait) se prent et caillebote. » Godefroy. 43 Je fais la « moue » [je chuchote des calomnies] avec beaucoup de compétence. 44 Les rats symbolisent les rumeurs, les ragots que des maîtres chanteurs monnayent. 45 Un mouchard, un maître chanteur. Cf. la sottie des Rapporteurs. On peut voir ce personnage, avec sa hotte pleine de rats, sur le plafond peint du château du Plessis-Bourré (XVe siècle), qui illustre un quatrain : « En raportant de Court en Court/ Et en estant fin raporteur,/ Bien venu suys, au temps qui court ;/ Aussi sont baveur et flateur. » Je publie en appendice le poème qui inspira ce quatrain. « Baveur et flateur » qualifient le personnage de Mitoufflet. 46 Suivant à qui il appartient, pour qui il travaille. On pouvait être la victime des maîtres chanteurs, mais on pouvait aussi les employer pour ternir la réputation d’un concurrent. 47 BM : disoit (Il médirait.) 48 Immédiatement. 49 Plein ma hotte. Des crieurs de mort aux rats portaient sur l’épaule une perche où des rats morts étaient pendus. 50 Les gros boudins donnent de larges tranches. Coquibus manie en virtuose le galimatias fatrasique des Sots. Il est probable que son verbiage recèle des allusions à des personnages réels ; mais elles sont bien déguisées. 51 Ont eu très faim. « Tel porte belle robe et belle çainture d’or, qui a froit aux dens en sa maison. » (ATILF.) Cf. le Pauvre et le Riche, vers 43. 52 Vraiment ? 53 Allusion à un quelconque arrêt du Parlement. « En Parlement,/ On y oyt, qui le scet entendre,/ Bien souvent tel qui parle, ment. » Jehan Régnier. 54 Morceaux de viande. 55 BM : iacobins (Jacopin/lopin fait partie des rimes indissociables : cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 19-20, et Villon : « Grant bien leur fissent mains loppins (…)/ Qui se perdent aux Jacoppins. ») 56 Alfonso Borgia devint le pape Calixte III en avril 1455. Il était notoirement débauché, mais moins que son fils adoptif –ou naturel–, Rodrigue Borgia, le futur pape Alexandre VI. 57 Pour qu’il le pénètre. « Elle a beau corps, bouche vermeille (…) :/ C’est une très digne relicque,/ Qui ne veult souffrir l’enchâsser. » Jehan Molinet. 58 À l’attaque ! « Or sus, enfans ! À luy, à luy !…./ Frappons dessus ! » (Testament de Carmentrant.) Le Roi se livre aux mêmes injonctions au vers 183. 59 Derrière le dos de mes victimes, sinon elles me mordent. 60 Il voit entrer Mitoufflet, qui porte un bavoir autour du cou, et qui actionne un soufflet de cheminée. 61 Qui vente. Autrement dit, qui vante (vers 161 et 325) : c’est un flatteur. 62 Il souffle sur les braises, il attise les querelles. 63 Approchez-vous. 64 Pour souffler de la fumée au nez d’un dormeur. Voir la note 127 d’Ung Fol changant divers propos. 65 Ce bavoir que tu portes autour du cou. Nouveau registre de calembours : Baveur = bavard, médisant. (Cf. le Dorellot, vers 75 et 271.) Baver = bavarder inconsidérément. (Cf. le Ramonneur, vers 157 et 249.) 66 Je n’ai pas le temps de dîner. 67 Je médis et je flatte sans cesser. 68 On prononçait « mon sieur ». Sottinet montre au Roi la tête d’un Sot qui apparaît dans un œil-de-bœuf au-dessus de la porte. Dans la Condamnacion de Bancquet, une didascalie précise que deux personnages « espient par quelque fenestre haulte ». Les Sots aiment voir sans être vus, et grimpent souvent sur des fenêtres : cf. la note 29 des Vigilles Triboullet. 69 BM : vient 70 Approche. 71 Il ne bouge. Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 36. 72 BM : quartaine (« Les fièvres cartes et gravelles. » La Fille bastelierre.) 73 BM : ay ie (Cependant, j’ai perdu la boîte qui contenait l’onguent pour l’oindre. « D’oingnement fin plain une boiste. » Testament Pathelin.) 74 Il redoute que le temps ne soit pluvieux. On compare le Sot perché en hauteur à un chat. « Il est comme les chats, il craint de mouiller la patte : il craint l’eau. » Antoine Oudin. 75 BM : meshuyt muser / Or sus il vous fault deliurer (Il nous ferait perdre notre temps, aujourd’hui.) 76 Plutôt. Triboulet n’a pas eu le temps de bouger : tous les courtisans ont déjà bondi vers le Sot. 77 Il tire le Sot, et Coquibus le pousse. Le nouveau venu porte des habits rapiécés. 78 Pique-assiette. Cf. les Sotz escornéz, vers 15. 79 Mangeur de lard en Carême : faux dévot. Cf. Frère Guillebert, vers 96. 80 Intrigant. Cf. le Dyalogue pour jeunes enfans, vers 33. 81 Voleur de pain rôti. (Comme la tranche est brûlante, il souffle dessus.) « Souffletostées (…), yvrongnes et gourmans. » J. Molinet. 82 On appliquait aux fous une tonsure particulière. Voir les notes 31 et 86 des Sotz triumphans. 83 Comme vous le fustigez ! 84 Un sauvage, un ours (note 5). Les Sots vont le baptiser ainsi, faute de connaître son vrai nom. 85 La folie. Cf. Tout-ménage, vers 227. 86 Il boite : il adopte les défauts de ses interlocuteurs pour mieux les flatter. 87 S’il parle. 88 Maladie de la bouche des chevaux. Cf. Saincte-Caquette, vers 253. 89 Une altération de la gorge. « Le penthagruel le grate/ Si trèsfort, dehors et dedens,/ Que parler ne peult. » (Le Vergier d’Honneur, début XVIe siècle.) Rabelais fera de ce vieux mot le patronyme d’un bon buveur, fils de Gargantua ; il se réfère à un diablotin des Actes des Apostres, « Panthagruel,/ Qui de nuict vient getter le sel/ Dedans la gorge des yvrongnes » pour leur donner soif. 90 Qu’il empêche. 91 Véreuses, pourries. 92 Une angine. 93 Vin médicinal, inventé par Hippocrate, et censé guérir toutes sortes de maux. 94 Depuis le dernier Mardi gras. Cf. Trote-menu, vers 59. 95 On mettait des pies en cage pour leur apprendre à parler (v. la Mauvaistié des femmes). Maistre Mimin estudiant fit les frais de cette méthode pédagogique. 96 Du bon vin. Cf. le Gaudisseur, vers 9. Jeu de mots sur la pie qu’on met en cage. 97 Maladie de la langue des oiseaux. Cf. la Chanson des dyables, vers 186. 98 Qu’on te jette dans la fange ! La forme « fangue » est surtout provençale ; or, René d’Anjou était comte de Provence, et il allait souvent dans cette région, accompagné de toute sa Cour. Bruno Roy estime que Triboulet avait des origines provençales <Pathelin : l’hypothèse Triboulet. Paradigme, 2009, pp. 50-52>. 99 BM : Ce deueroit estre (L’opération du filet consiste à couper le frein qui empêche la langue de se mouvoir. C’est le sujet de deux farces, aujourd’hui perdues : Celluy qui avoit espousé une femme mute, et les Femmes qui ont le fillet. Voir la note 95 du Vendeur de livres.) 100 Un ouvre-bouche. 101 BM : tient (Sottinet sort une grosse corde de la bouche de Guipelin –ou plutôt, de sa propre manche.) 102 Timidité juvénile. René d’Anjou, qui avait un faible pour les allégories, dut apprécier cette corde tressée de symboles. 103 Cruelle. 104 Niais. « Je veulx qu’on m’appelle Huet/ Se, de moy, il a jà tournoys [un sou] ! » Te rogamus audi nos. 105 « Il feroit rire un tas de pierres : se dit de celui qui est fort plaisant. » Dictionaire des proverbes françois. 106 De jouer du pipeau. 107 Guipelin veut déjà remplacer maître Mouche (vers 64). 108 BM ajoute un vers à ce tercet : Sans y auoir aulcun desroy 109 Contrairement au pot, la cage laissera fuir le vin. 110 Probablement d’un Sermon joyeux, comme le Sermon joÿeux à tous les Foulx (BM 37). 111 Qui n’est pas ordurier comme celui des prostituées. 112 Grâce à moi, les femmes n’auront plus besoin de se remaquiller. 113 Je te nomme. 114 Un chef de meute pour vos chiens de chasse. 115 De la confrérie. Voir la note 8. 116 Tel est le nom de la marotte qui sert d’emblème à cette confrérie. Le mot est synonyme de sottie : « On ne parloit que des farceurs, des conardz de Rouan, des joueurs de la Basoche, et autres sortes de badins et joueurs de badinages, farces, mommeries et sotteries. » Brantôme. 117 En détail. 118 La fonction. 119 Thierry Martin ne fut pas le premier à relever l’ambiguïté de ce passage ; en 1918, le docteur Boutarel l’avait ainsi commenté : « Son confrère en folie, Sottinet, nous donne un aperçu de la licence de la cour, où l’homosexualité régnait, comme le prouvent ces quelques lignes. » (La Médecine dans notre théâtre comique.) Et encore, le savant médecin ne précise pas que le psaume Ecce quam bonum a servi d’argument pour accuser les Templiers de sodomie. 120 Le bon sens. Triboulet démontre que « fol est qui cuyde estre saige » (vers 42). 121 BM : charge mon col de raporte (Voir les vers 123-125.) 122 Coquibus et Triboulet doivent prendre la porte, vider les lieux. Sottinet, qui a guéri Guipelin, n’est pas concerné par cette purge. 123 BM : mittoufflet (Voir le vers 146.) Le soufflet sert à ranimer le feu dans la cheminée. Pour clore cette satire des courtisans, on compare la Cour à l’enfer : « Au feu qui jamais n’estaindra,/ C’est assavoir au feu d’Enfer. » Éloy d’Amerval. 124 Voici la note de T. Martin : « En jargon estudiantin, demander ibo mictum [j’irai pisser] = demander la permission d’aller aux toilettes. Le CONGÉ désigna d’abord lesdites toilettes, par euphémisme, puis le bâton muni d’une éponge avec lequel on se torchait et qu’on immortalisa sous le nom de “bâton merdeux” (sans euphémisme). » Micton rime avec bâton. 125 De sureau. 126 Tes jambières sont descendues. 127 BM : Tirez les (Remonte-les, sinon elles tomberont à terre.) Double sens : tirer ses guêtres = déguerpir. « Mais si j’empoigne un baston rond,/ Bien te feray tirer tes guestres ! » Le Cousturier et Ésopet. 128 Partez vite. 129 Comme ils filent doux. 130 Peinés. 131 Que si on les giflait avec une vessie de porc. Sur cet attribut des Fols, voir la note 68 du Jeu du Prince des Sotz. 132 De la manière dont. 133 Si on veut correctement. 134 La morale politique de la pièce nous invite donc à remplacer les flatteurs, les parasites et les délateurs par des arrivistes sans scrupules. 135 BM : Nous 136 Bonum vinum lætificat cor hominis : Le bon vin réjouit le cœur de l’homme. (Citation biblique.) 137 Un peu à l’écart avec ses deux camarades d’infortune, Triboulet envie les buveurs. Dans les Vigilles Triboullet, il se dépeint comme un ivrogne. 138 C’est mon avis. 139 « Je t’en supplie de cuer fin. » René d’Anjou, le Cuer d’Amours espris. 140 BM : Attendez vous (Accordez-vous au tambourin. « Une femme qui attemproit une harpe et commença à jouer le Lay. » ATILF.) 141 Notre. 142 Veuillez chanter. On écrit note, mais on prononce noute : « De maints pinssons et si de choutes/ Je sçay tous les points et les no[u]tes. » La Pippée. 143 BM : tonte (Le singulier « toute » peut désigner Jeanne de Laval, la nouvelle et pudique épouse du roi. Sa présence expliquerait pourquoi notre sottie ne comporte aucune obscénité flagrante.) 144 Ce poème est inclus dans les Dictz moraulx pour faire tapisserie (BnF, ms. fr. 1716), d’Henri Baude. Je surligne les points communs entre la sottie et le poème, qui lui est légèrement postérieur. 145 De m’y enrichir en exerçant du chantage. « C’est le Temps, qui ouvre sa porte/ Au rapporteur qui luy raporte. » L’Abuzé en Court. 146 Coitement, discrètement. Les rats symbolisent les rumeurs, les fausses nouvelles monnayées par des maîtres chanteurs. 147 Par hottes entières. Le ms. fr. 24461 donne : hoctees [hottées]. Cette page du manuscrit est illustrée par un porteur de rats. 148 Je sais les inventer (les calomnies). 149 Ms : de moy (Nul n’avait oublié le rôle des médisants dans la disgrâce de Jacques Cœur.)