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LE ROY DES SOTZ

British Museum

British Library

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LE  ROY  DES  SOTZ

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Triboulet, le bouffon de René d’Anjou, composa cette sottie vers 1456. Il y tient son propre rôle, comme il le fera dans les Vigilles Triboullet.

Le 6 janvier, on saluait la fête des Rois1 par des représentations de sotties : « [Triboulet] estoit celluy/ Qui au palais royal est sailly [a joué]/ Quant la feste des Rois estoit. » (Vigilles Triboullet.) Le Roi des Sots exhibé sur la scène est un double du « bon roi René », qui faisait jouer chez lui beaucoup de théâtre, et qui voyait d’un œil magnanime les insolences de son bouffon.

On attribuera longtemps au monarque angevin l’Abuzé en Court, une satire des courtisans qui fustige comme notre pièce les rapporteurs, les flatteurs et les entremetteurs :

     Trois choses sont soubz moy, la Court….

     L’une est raporter par fallasse [tromperie] ;

     L’autre, le fait de flaterie ;

     L’autre (qui tout honneur efface)

     Est l’estat de maquerèlerie.

Source : Recueil du British Museum, nº 38. La brochure fut imprimée à Lyon vers 1545, en la maison de feu Barnabé Chaussard2. Comme d’habitude, la présente édition reproduit une édition très antérieure, aujourd’hui perdue : voir ma note 24.

Structure : Rimes plates, avec 3 triolets et une sorte de virelai.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Sottie  nouvelle

à  six  personnaiges

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C’est assavoir :

       LE  ROY  DES  SOTZ

       SOTTINET

       TRIBOULET

       COQUIBUS 3

       MITOUFFLET 4

       GUIPPELLIN 5

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           LE  ROY  DES  SOTZ  commence   SCÈNE  I

     Je suis des Sotz seigneur et roy ;

     Pour tant6, je vueil par bon arroy7

     Maintenant cy ma Court tenir,

     Et tous mes Sotz faire venir

5     Pour me faire la révérence ;

     Et aussi que c’est grand plaisance

     Quant frères8 habitent ensemble,

     Comme on [le] chante, ce me semble.

           En chantant :

     Ecce quam bonum et quam jocundum

10   Habitare fratres in unum ! 9

     Pour quoy, sur peine de l’amende,

     [Que tous mes Sotz, je le commande,]

     Soyent-ilz10 présent[z] ou absens,

     Maintenant viennent [icy], sans

     Délay ne [r]estat11 demander,

15   Ne procureur pour eulx mander12 ;

     Car ainsi me plaist estre faict.

     Ou aultrement, de leur forfaict

     Les fairé grièfvement pugnir.

     Pensez doncques tous de venir

20   Devant que [d’]encourir mon ire.

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     Sottinet !                         SCÈNE  II

           SOTTINET13

          Hau !

           LE  ROY

               Quel « hau » ? Mais « Sire »14.

     Vien çà, [ou] que Dieu te mauldie !

     Que fais-tu ?

           SOTTINET

             Je dors.

           LE  ROY

                   C’est pour rire ?

     Sottinet !

           SOTTINET

           Hau !

           LE  ROY

               Quel « hau » ? Mais « Sire ».

           SOTTINET

25   Qu’i a-il ?

           LE  ROY

            Ung mot à te dire.

           SOTTINET

     Avancez-vous donc, qu’on le dye.

           LE  ROY  DES  SOTZ

     Sottinet !

           SOTTINET

          Hau !

           LE  ROY  DES  SOTZ

               Quel « hau » ? Mais « Sire ».

     Vien çà, [ou] que Dieu te mauldie !

           SOTTINET

     C’est une droicte mélodie15,

30   De vous ouÿr ainsi crier.

           LE  ROY  DES  SOTZ

     Je te vouldroyes ainsi prier

     Que tu t’en allasses partout

     Cercher noz Sotz de bout en bout16,

     Et les faire venir icy

35   À moy (car il me plaist ainsi),

     Pour veoir lesquelz mon honneur gardent.

           SOTTINET

     Veez-en cy17 tant, qui nous regardent ;

     Que n’y viennent-ilz vistement ?

           LE  ROY  DES  SOTZ

     Ilz sont saiges.

           SOTTINET

              Non sont, vrayement,

40   Pas tous.

           LE  ROY  DES  SOTZ

           Si le cuydent-ilz estre18.

           SOTTINET

     Par cela les peult-on congnoistre,

     Car fol est qui cuyde estre saige.

     Je congnoistray bien au visaige

     Ceulx qui sont en vostre service :

45   D’une seulle visée j’en visse19,

     Se ne fust ce grand sot hideulx

     Qui est debout20 au-devant d’eulx.

     Voire : une couple [d’yeulx] de beuf21 !

           LE  ROY  DES  SOTZ

     J’e[n] voy là six, ou sept, ou neuf

50   Qui oncq ne me firent hommaige.

     Hé ! mes beaulx frères, quel dommaige

     Vous sera-ce, ne déshonneur,

     Se vous me venez faire honneur ?

     Je ne demande point d’argent.

55   Je t’institue mon sergent

     Pour les adjourner de main mise22.

           SOTTINET

     Puisque la chose m’est commise,

     Vous en admèn(e)ré pied ou elle23.

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     Que ne viens-tu, quant on t’appelle           SCÈNE  III

60   Tant de foys, meschant estourdy ?

           TRIBOULET

     À qui dis-tu ?

           SOTTINET

              À qui je dy ?

     C’est à vous-mesmes, mon seigneur.

           TRIBOULET

     Se je ne craignoyes mon honneur…

           SOTTINET

     [Maistre Mousche]24, tenez moy cest homme !

           TRIBOULET

65   Allez, follastre !

           SOTTINET

               Tout tel comme

     Vous povez estre, Triboulet25.

           TRIBOULET

     Vien-le-moy dire tout seullet

     Cy-devant !

           SOTTINET

            Hé ! Sot ! Villain punès26 !

           TRIBOULET

     Je suis plus gentil27 que tu n’es.

70   Se n’estoyent ces gens de bien…

           SOTTINET

     Ne m’en chault, je ne te crains rien.

           TRIBOULET

     Te viens-tu, dis, farcer28 de moy ?

           SOTTINET

     Si viendrez-vous parler au Roy.

           TRIBOULET

     Par le sang bieu, je te tueray !

           SOTTINET

75   Vous estes ung peu trop fourray29 ;

     Ne maschez pas trop fort le sens30.

           TRIBOULET

     J’en ay tué plus de cinq cens.

           SOTTINET

     Des poulx31 ? Brief vous viendrez, j’en jure !

           TRIBOULET

     Comment souffrez-vous tel injure,

80   Mes seigneurs, en vostre présence ?

           SOTTINET

     Vous viendrez, par ma conscience,

     Ou je vous port(e)ray en mon col32 !

           TRIBOULET

     Je vous pry, ostez-moy ce fol !

           SOTTINET33

     Venez avant, bon gré mon âme !

           TRIBOULET

85   Alarme, alarme, alarme, [alarme] !

     À la mort ! À l’ayde ! À la mort !

     Ha, hay ! ha, hay ! hay ! Il me mord !

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     Mon seigneur, hélas, je me clame34            SCÈNE  IV

     De ce traistre larron infâme

90   Qui se mocque de gens de bien.

           SOTTINET

     Dea ! Toutesfoys je sçavoyes bien,

     Puisque mys l’avoyes en ma teste,

     Que vous viendriez à la Feste35

     Bien tost. [Sire, c’est ung follet.]36

           LE  ROY

95   Comment a-il nom ?

           TRIBOULET

                  Triboulet.

           LE  ROY

     Or te despouille ton37 pourpoint !

           TRIBOULET

     Certes, je ne le fairé point.

           LE  ROY

     Et pourquoy dea ?

           TRIBOULET

                Je n’oseroye,

    Car je me déshonnoreroye

100  Devant ces gens icy d’honneur.

           LE  ROY38

    Despouille[-le] tost !

           SOTTINET

                  Quel « seigneur » !

    Il est tout fin fol, par-dessoubz.

           LE  ROY

    Il en est beaucoup, de telz foulz ;

    Tout le monde en est bien déceu.

105   J’ay [jà] plusieurs pareilz folz veu.

    Chascun, de moy, ainsi se joue.

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           COQUIBUS39               SCÈNE  V

    Qui veult à moy faire la moue40 ?

    Pour une grue assez rottie41,

    Bien prise et bien caillebottie42,

110   Je la fais bien compectamment43.

           SOTTINET

    Vélà ung aultre Sot, vrayement ;

    Voyez qu’il faict layde grimasse.

    Ce [me] semble ung sergent à masse,

    À luy veoir porter sa marotte.

           LE  ROY

115  Qu’esse qu’il porte en ceste hotte ?

           COQUIBUS

    Ce sont ratz44.

           SOTTINET

              C’est ung rapporteur45

    Qui vous vient servir.

           LE  ROY

                  C’est [grand] eur

    Ou grand maleur, à qui qu’il soit46.

           TRIBOULET

    Tousjours vous et voz Sotz diroit47,

120   Sire ; deffendez-luy la Court !

           LE  ROY

    Il fault qu’il vienne brief et court48,

    Car je veulx gens de toute sorte.

           SOTTINET

    Vécy Coquibus, qui ratz porte.

           COQUIBUS

    Dieu vous doint bon jour !

           LE  ROY

                    Des nouvelles ?

           COQUIBUS

125  Tout chargié mon col49 en apporte.

           SOTTINET

    Vécy Coquibus, qui ratz porte.

           [ LE  ROY

    …………………………. -porte

    …………………………. -elles.

           SOTTINET

    Vécy Coquibus, qui ratz porte. ]

           COQUIBUS

    Dieu vous doint bon jour !

           LE  ROY

                    Des nouvelles ?

           COQUIBUS

    De gros boudins, larges rouelles50.

           LE  ROY

130  Que dit-on, de là où tu viens ?

           COQUIBUS

    On dit maintenant que les chiens

    Si ont eu trèsgrand froid aux dens51,

    Et que les pouvres indigens

    Sont mors de fain sur ung fient.

           SOTTINET

135  Voire52 ? Ou celluy qui parle ment 53 ?

    Car ilz ont bien plusieurs loppins54.

           COQUIBUS

    J’ay rencontray deux Jacopins55

    Qui portoient leur cul au pape56,

    Trèstout foireux [des]soubz leur chappe,

140  Pour l’enchâsser57 après leur mort.

           LE  ROY

    À luy58, à luy ! Rapporte fort ;

    Ne change jamais la manière.

           COQUIBUS

    Je ne rapporte que derrière59,

    Car ilz me mordent droit devant.

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           SOTTINET60               SCÈNE  VI

145  Vécy ung Sot qui donne vent61 ;

    Il nous servira de soufflet.

           LE  ROY

    [Le] sang bieu, qu’il souffle62 souvent !

           SOTTINET

    Vécy ung Sot qui donne vent.

           TRIBOULET

    Tenez, sire, venez avant63.

           LE  ROY  DES  SOTZ

150  Comment as-tu nom ?

           MITTOUFFLET

                  Mittoufflet.

           SOTTINET

    Vécy ung Sot qui donne vent ;

    Il nous servira de soufflet.

           MITTOUFFLET

    Pour bien bailler ung chault moufflet64,

    J’en suis maistre par-dessus tous.

155  Je souffle dessus et dessoubz,

    Hault et bas, devant et derrière.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    De quoy te sert ceste bavière65 ?

    Je cuyde que tu es baveur.

           MITTOUFFLET

    À bien baver je prens saveur,

160  Tant que souvent pers mon disner66.

    Je bave et vente sans finer67,

    Pour mieulx à gens de bien complaire.

    Se vous avez de moy affaire,

    Je vous serviray de bon cueur.

           SOTTINET

165  Regardez, regardez, mon seigneur68 :

    Je voy ung Fol par ce pertuys.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Où ? Où ?

           SOTTINET

            Au-dessus de cest huys.

    Je n’en sçauroys veoir que la teste.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Et ! vien çà, [vien çà]69, sotte beste !

170  Que fais-tu là ? Tire avant70, tire !

    Sang bieu ! ce Sot-là me faict rire.

    Il ne hobe71 pour rien qu’on die.

           SOTTINET

    Et, venez ! Que Dieu vous mauldie !

    Vous vous faictes trop requérir.

           LE  ROY  DES  SOTZ

175  Il fault que l’on l’aille quérir ;

    Aultrement ne viendra-il point.

           SOTTINET

    De fièbvre quarte72 soit-il oingt !

    (Aussi bien, j’ay73 perdu ma boyste.)

           COQUIBUS

    Il doubte que le temps ne soit moyste74 :

180  Il a peur de mouiller sa patte.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Allez-le quérir ! Qu’on se haste :

    Il nous feroit [muser, mèshuy]75.

    À luy, à luy, à luy, à luy !

    Le dyable emporte le dernier !

           TRIBOULET

185  Mais76, par sainct Jacques, le premier !

           LE  ROY  DES  SOT[Z]

    Admenez-le-moy, le paillard !

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           SOTTINET77               SCÈNE  VII

    Quel avalleur78 !

           LE  ROY

                Quel papelart79 !

           COQUIBUS

    Quel ouvrier80 !

           LE  ROY

               Quel souffle-tostée81 !

           TRIBOULET

    Quel « seigneur » !

           LE  ROY

                 Quel teste pelée82 !

           MITTOUFFLET

190  Quel sot !

           LE  ROY

            Mais quel coup de fouet83 !

           TRIBOULET

    Monsïeur, il faict du muet ;

    Il n’a voulu dire nul mot.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Pourquoy ?

           SOTTINET

             Pource qu’il est trop sot.

           LE  ROY

    Qui est-il ?

           COQUIBUS

             C’est ung guippelin84 ;

195  Et le mal de sainct Mathelin85

    Le tient au sommet de la teste.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Non faict, mais ce n’est q’une beste.

    Ou il est, en ce point, honteux.

           TRIBOULET

    Il cloche86 devant les boyteux,

200  Et faict le sot devant les Sotz.

    Guippelin, respons-moy deux motz :

    Dy-moy, pourquoy ne parles-tu ?

           SOTTINET

    Il craint, ainsi87, d’estre battu.

           COQUIBUS

    Non faict, mais il a le lempas88.

           LE  ROY  DES  SOTZ

205  Non a, vrayement, il ne l’a pas :

    Tu scès bien qu’il n’est pas cheval.

           SOTTINET

    Il a donc[ques] quelque aultre mal.

    A-il point le panthagruel89 ?

           LE  ROY  DES  SOTZ

    On ne l’a jamais si cruel

210  Qu’il garde90 de parler aux gens.

           TRIBOULET

    Il pourroit bien avoir les dens

    Ou la gorge toute verrie91.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Tu le dis affin que je rie.

           SOTTINET

    Quoy doncques ? A-il l’équinance92 ?

           MITTOUFFLET

215  Par Nostre Dame ! je le pense,

    Car il beut hyer mon ypocras93.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Mais, il a le gousier tout gras

    Encor(e) de Caresme-prenant94.

           SOTTINET

    S’on veult qu’il parle, maintenant

220  Il le vous fault boutter en caige95.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Nenny, nenny, tu n’es pas saige ;

    Mais luy donner de bonne pie96.

           COQUIBUS

    Par ma foy ! il a la pépye97

    Qui luy détient ainsi la langue.

           LE  ROY  DES  SOTZ

225  On te puist getter en la fang[u]e98 !

    Tu as beaucoup mis à le dire.

           SOTTINET

    Il luy fault remédier, sire,

    Et la luy oster de la bouche.

           TRIBOULET

    Il faict signe qu’on ne luy touche.

230  [On devroit oster]99 le fillet.

           SOTTINET

    Je luy osteray bien ; mais qu’il ayt

    Ung bâillon100, de peur qu’il ne morde.

           Adonc il luy met ung bâillon.

    Il est aussi gros q’une corde,

    Et le tiens101 desjà par le bout.

235  Voyez qu’il est gros.

           LE  ROY  DES  SOTZ

                 Esse tout ?

           SOTTINET

    Je cuyde qu’il n’y a plus rien.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Escoutez s’il parlera bien.

    Dy, Guippellin, es-tu guéry ?

           GUIPPELLIN

    Ouÿ, monseigneur, Dieu mercy,

240  Et vous, et tous mes bons amys !

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Et qui t’avoit le fillet mys ?

           GUIPPELLIN

    Long temps y a que je l’avoye.

    Remède trouver ne sçavoye,

    Car il estoit trop long et gros,

245  Lequel se nomme à tous propos

    « Fillet » : c’est ung gros fil retors

    De troys cordelons gros et fors,

    Desquelz l’ung a nom Mal vestu ;

    Le second est fier et testu,

250  Et s’appelle Faulte d’argent ;

    Le tiers, si, n’est ne beau ne gent,

    Qui se dit Crainte juvénale 102,

    Laquelle m’a esté tant malle103

    Que je n’eusse osay dire mot.

           LE  ROY  DES  SOTZ

255  Vrayement ? Tu estoyes donc bien sot :

    Il ne fault jamais craindre honte.

           GUIPPELLIN

    Non, certes, car on ne tient compte

    Des honteux. Pour ce, vous prometz

    Que je ne le seray jamais ;

260  Mais je parleray à tous cas

    Avec[ques] les grans advocatz,

    Ou que l’on m’appelle Huet104 !

           SOTTINET

    Tu ne seras donc(ques) plus muet ?

           GUIPPELLIN

    Non, non, je l’ay assez esté.

265  Je feray bruyt, en cest esté,

    De bien parler et de bien dire.

    Ung tas de pierres feray rire105.

    À force de bien flageoller106,

    De bien chanter, saillir, voller,

270  Je seray bon maistre tenu107.

           LE  ROY

    Tu soyes doncques le bien venu !

           GUIPPELLIN

    Je feray bruyt de bien dancer,

    Mieulx que vous ne sçauriez penser ;

    Vous verrez bien que ce sera.

           SOTINET

275  Par Nostre Dame, non fera !

           GUIPPELLIN

    Je suis homme, quant est à moy,

    Pour gouverner tout seul ung roy108

    Et son peuple gros et menu.

           LE  ROY

    Tu soyes doncques le bien venu !

           GUIPPELLIN

280  Je feray bruyt, je feray raige ;

    Je feray, d’ung pot, une caige

    D’argent109, quant bon me semblera.

           SOTTINET

    Par Nostre Dame, non fera !

           GUIPPELLIN

    Je suis si grant et saige Sot

285  Que j’entens bien tout à ung mot,

    D’ung sermon110, tout le contenu.

           LE  ROY

    Tu soyes doncques le bien venu !

           GUIPPELLIN

    Je farderay bien une femme

    D’ung fard qui n’est ort111 ne infâme,

290  Et jamais ne se deffera112.

           SOTTINET

    Par Nostre Dame, non fera !

           GUIPPELLIN

    Je cours aussi tost comme vent ;

    Nul ne sçauroit partir devant

    Que je ne soye revenu.

           LE  ROY

295  Tu soyes doncques le bien venu !

    Je te retiens113 mon gouverneur.

           SOTTINET

    Nenny, mais vostre gros ven[e]ur 114 ;

    Je cuyde qu’il le doibt bien estre.

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Je te faictz seigneur et grand maistre

300  Sus les Sotz de ma Court notable.

    Et si, te faictz mon connestable,

    Pour le baston de la frairie115

    Porter devant moy, Sotterie 116,

    Et régir mes gens que voicy.

           GUIPPELLIN

305  Grand mercy, sire, grand mercy !

    Je me gouverneray saigement.

    Mais sçavoir vueil planièrement117

    Les noms et l’estat118 de voz gens.

           SOTTINET

    Je suis ung des loyaulx sergens

310  Du Roy, qui ay nom Sottinet,

    Qui suis si mignon et si nect

    Qu’il m’a retenu pour son cueur119.

    Vous le povez veoir, mon seigneur,

    Car à tout faire suis habile.

           TRIBOULET

315  Et je suis le sens120 de la ville :

    Je conseille tout ce qu’on faict.

    Triboulet est mon nom parfaict,

    Qui ne se mesle point d’abus.

           COQUIBUS

    Chascun m’appelle Coquibus,

320  Qui [mon col chargé de ratz porte]121.

           GUIPPELLIN

    Telz gens doibvent vuyder la porte122 :

    Car nulz biens n’y a où ilz sont,

    Pour les maulvais raportz qu’ilz font.

    Toy, scès-tu lire ne chanter ?

           MITTOUFFLET

325  Je ne sers, moy, que de vanter,

    Et me nomme[-l’on] Mittoufflet.

           GUIPPELLIN

    Je n’ay que faire de soufflet123,

    Car en Court, le feu n’estaint point.

    Il vous fault jouer d’aultre point

330  Que j’ay sur vostre cas songié :

    Empoignez vous deux ce congié,

    Et demandez ibo mictum 124.

           COQUIBUS

    Quel congié ? Ce n’est qu’ung baston

    De seur125, qui est ainsi tortu.

           SOTTINET

335  Par bieu ! c’est ung congié, voys-tu,

    Qu’on porte quant on va chier.

           COQUIBUS

    [Vous aurez beau nous conchier :]

    Pour vous, ne nous en irons pas.

           LE  ROY

    Si ferez, plus tost que le pas !

    C’est raison d’obéir aux maistres.

           SOTTINET

340  Coulées sont, voys-tu, tes guestres126 ;

    Tires-les127 : si, cherront à terre.

           LE  ROY

    Allez, allez, tirez grand erre128 !

    Nous n’avons cure de telz foulx.

           TRIBOULET

    Ha ! les folastres !

           SOTTINET

                Sont-ilz doulx129,

345  Les varletz !

           GUIPPELLIN

             Ilz sont plus pesneux130

    Que s’on leur donnoit à tous deux,

    Par les joues, d’une vessye131.

           LE  ROY

    Guippellin, je vous remercye

    Dont132 si bien gouvernez ma Court.

           GUIPPELLIN

350  Il fault penser au temps qui court,

    Qui bien veult133 son Estat conduyre,

    Et getter ceulx dont peult produyre

    Et sourdre débat et envie,

    Comme j’ay faict134. Dont vous supplie :

355  Puisque les maulvais sont hors mys,

    Et nous (qui sommes bons amys

    Et frères) tous Sotz, ce me semble,

    Maintenons[-nous] tousjours ensemble

    [En] nostre Grand Fraternité

360  De Sottie, et en unité.

    Or135 buvons trèstous d’ung accord,

    Chantant à haulte voix et fort :

    Ecce quam bonum et quam jocundum

    Habitare fratres in unum !

           LE  ROY

365  Versez de ce bonum vinum 136

    Et m’en baillez, j’en tasteray.

           TOUS  ENSEMBLE  chantent :

    Ecce quam bonum et quam jocundum !

           LE  ROY  DES  SOTZ

    Quant j’auray beu, je chanteray.

           En chantant :

    Ecce quam bonum et quam jocundum !

           TRIBOULET137

370  Il est bon ?

           SOTTINET

            Par ma foy, c’est mon138 !

           GUIPPELLIN

    Chantez tousjours, et je bevray.

           Adonc, ilz chantent tous ensemble :

    Ecce quam bonum et quam jocundum

    Habitare fratres in unum !

           SOTTINET

    Or, je vous requier de cueur fin139 :

375  Attemprez-vous140 au tabourin ;

    Pour l’amour de la compaignie,

    Qu’ilz nous pardonnent no141 folie,

    [Qu’il] vous plaise dire une notte142.

    À Dieu vous dy, trèstous et toute143 !

.

.     CY  FINE  LA  SOTTIE  DU  ROY  DES  SOTZ

          ET  AUSSI  DE  SES  SUPPÔTZ

.

*

.

.

UNG  HOMME  QUI  PORTE  SUR  SON  DOZ

UNE  HOTTE  PLAINE  DE  RATZ,

ET  S’APPELLE

LE  RAPPORTEUR 144

.

     Le temps qui court m’a à Court fait venir,

     La hotte au doz (telle en est la manière),

     À celle fin de m’y entretenir145

     En raz portant coyement146 par-derrière.

5     Car ne congnois marchandise si chière,

     Où tant gaigne, qu’à rapporter ainsi.

     Et si je metz les seigneurs en soucy

     Par rapporter en Court secrettement,

     Que m’en chault-il, puisque j’ay leur argent,

10   Et que je voy et congnois qu’ilz supportent

     Telz gens que moy qui à hottes147 rapportent

     En ratz portant. Estant fin rapporteur,

     De Court en Court, de seigneur à seigneur,

     Je m’y esbaz tousjours en ratz portant,

15   Pour les proufitz que j’en suis rapportant

     De ratz porter, où que les puis trouver.

     Sans dire vray, tost les sçay controuver148

     Bien proprement, et aux seigneurs complaire,

     Pour, à la fin, de son bien débouter

20   Tel qu[i], en Court, est le149 plus nécessaire.

.

*

1 Sur le théâtre de l’Épiphanie, voir la notice de Pour porter les présens à la feste des Roys.   2 J’emprunte quelques corrections à Thierry Martin : TRIBOULET : La Farce de Pathelin et autres pièces homosexuelles. <Bibliothèque GayKitschCamp, 2011, pp. 17-57.> D’autres corrections viennent d’Émile Picot : Recueil général des sotties. <Tome III, 1912, pp. 205-231.> Le texte établi par Picot a été reproduit, avec toutes ses fautes de lectures, dans : Recueil des sotties françaises. <Tome I, Classiques Garnier, 2014, pp. 53-89.> Ses trois éditeurs n’ont visiblement pas consulté l’édition princeps, et n’ont pas regardé non plus le relevé des variantes de Picot, puisqu’ils adoptent toutes ses modifications sans même s’en rendre compte.   3 Sot. « Si tu n’es fol et quoquibus,/ Retien-le bien, faulx ypocrite ! » (Éloy d’Amerval.) Cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 137.   4 Mitoufle = hypocrite emmitouflé. « Vois-tu point ce maistre mitoufle/ Qui tient ce livret en son poing ?/ C’est celluy dont le grant bruit [la réputation] souffle. » ATILF.   5 Cet hapax pourrait être une forme de « guibelin » [homme farouche], que le Dictionnaire étymologique de l’ancien français rattache à l’italien ghibellino.   6 Pour cette raison.   7 En bon ordre.   8 Le roi a fondé une confrérie de Sots, la « Grand Fraternité de Sottie », qui parodie l’Ordre des Chevaliers du Croissant, fondé par le roi René en 1448.   9 Voyez combien il est bon et agréable, pour des frères, d’habiter ensemble. (Psaume 132.)   10 BM : Soyent en  (« Soi-ent » compte pour 2 syllabes.)  Le vers précédent est perdu.   11 Synonyme de délai. « Sanz plus de restat,/ (Il) te convient en Bourgongne aler. » ATILF.   12 Pour les contraindre juridiquement à venir.   13 Il est couché par terre, dans un coin.   14 Il ne faut pas répondre « ho », mais « Sire ». Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 135. Les Princes des Sots déplorent toujours le manque de respect de leurs sujets.   15 C’est un vrai plaisir. Même vers dans Ung jeune Moyne et ung viel Gendarme. Sottinet se lève et rejoint le Roi.   16 D’un bout à l’autre.   17 Voyez-en ici. Les acteurs de sotties font toujours mine de croire que leur public est composé de fous. Cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 232-233.   18 Ils pensent pourtant l’être. Ce cliché de la philosophie médiévale est abondamment développé dans les sotties.   19 BM : aduise  (J’en verrais d’un seul coup d’œil.)   20 Les spectateurs de théâtre restaient debout. Thierry Martin ajoute en note : « Le grand sot hideux qui empêche Sottinet de voir les autres sots placés derrière est sûrement le roi René, qui accorda toutes les libertés à Triboulet : cf. le vers 316. Les autres spectateurs sont toujours appelés “mes seigneurs”, comme il se doit pour des courtisans. »   21 Tenez : (en voilà un qui a) une paire d’yeux de bœuf. Les Sots peuvent avoir un aspect bovin : « Et venez tost comme un bœuf de pasture. » (Première Moralité.) Voir aussi la sottie des Veaux, qui fut jouée devant un autre roi.   22 Pour les convoquer de force. Comme le dit le Sergent de la Laitière : « Je vous adjourne de main mise. »   23 Un pied ou une aile : peu ou prou. « Il en apporte ou pied ou elle. » (Gournay et Micet.)  Sottinet interpelle Triboulet, qui est dans le public.   24 BM : Troys mousches  (Maître Mouche, farceur et chef de troupe dont Triboulet fut le disciple. Voir la note 61 des Vigilles Triboullet. Lui aussi est dans le public.)  Claude Chevalet connut une  édition antérieure de cette œuvre ; entre 1510 et 1514, il reprit dans sa Vie de sainct Christofle ce vers délicieusement absurde : « Trois Mouches, tenez-moy cest homme ! » On songe à Rabelais, qui se délectait d’un vers fautif de la Farce de Pathelin, du même Triboulet : « Par mon serment de laine. » Pantagruel, 12.   25 Vous qui êtes un fou en titre d’office, un fou de Cour.   26 BM : pugnes  (Punais = puant.)   27 Noble, en réponse au « vilain » [roturier] du vers précédent.   28 Moquer. Mais aussi : me jouer une Farce.   29 BM : ruzay  (La rime est anormalement pauvre.)  Fourré = rusé, sage. « Vous estes grant homme,/ Pour estre fourray ! » Les Sotz fourréz de malice.   30 Ne cogitez pas trop. Voir la note 30 des Sotz triumphans.   31 Cf. le Gentil homme et son Page, vers 29-34.   32 Sur mon col. Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 398-399. C’est ainsi qu’on portait les veaux : « Car chacun qui voyoit les veaulx/ Pendant autour de vostre col,/ Qui sont tant gracieulx et beaulx,/ Il s’en délesche [délecte]. » Bataille de sainct Pensard à l’encontre de Caresme.   33 Il descend du plateau, empoigne Triboulet, puis le traîne devant le Roi.   34 Je fais une réclamation, je me plains. Triboulet se jette aux pieds du Roi.   35 La fête des Rois. (Voir ma notice.) « Par Dieu, vous viendrez à la Feste ! » Les Sotz triumphans : cette sottie contient un épisode similaire au nôtre, où on déshabille un Sot récalcitrant pour découvrir sous son costume de sage une livrée de fou.   36 Je comble une lacune. « –J’ayme mieulx faire un petit sault,/ Comme fait maistre Triboulet./ –Tu ne scez que c’est qu’il te fault :/ Par ma foy, tu ne es que ung follet ! » La Condamnacion de Bancquet.   37 BM : en  (« Je me despoulle mon pourpoint. » Guillaume Coquillart.)  Triboulet a mis une autre scène de déshabillage dans les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 311-317.   38 À Sottinet.   39 BM : Triboulet  (Coquibus entre avec une hotte sur le dos.)   40 Qui veut me chuchoter un ragot (en avançant ses lèvres près de mon oreille) ?   41 BM : sottie  (En échange d’une grue en gelée.)  « Chichibie, nouvel coquibuz en cuisine, appresta la grue et la mist rostir au feu. » <Laurent de Premierfait.> Quand la grue est rôtie, on peut accommoder le blanc sous forme d’aspic, en gelée.   42 Dont la gelée est bien prise et bien coagulée. « (Le lait) se prent et caillebote. » Godefroy.   43 Je fais la « moue » [je chuchote des calomnies] avec beaucoup de compétence.   44 Les rats symbolisent les rumeurs, les ragots que des maîtres chanteurs monnayent.   45 Un mouchard, un maître chanteur. Cf. la sottie des Rapporteurs. On peut voir ce personnage, avec sa hotte pleine de rats, sur le plafond peint du château du Plessis-Bourré (XVe siècle), qui illustre un quatrain : « En raportant de Court en Court/ Et en estant fin raporteur,/ Bien venu suys, au temps qui court ;/ Aussi sont baveur et flateur. » Je publie en appendice le poème qui inspira ce quatrain. « Baveur et flateur » qualifient le personnage de Mitoufflet.   46 Suivant à qui il appartient, pour qui il travaille. On pouvait être la victime des maîtres chanteurs, mais on pouvait aussi les employer pour ternir la réputation d’un concurrent.   47 BM : disoit  (Il médirait.)   48 Immédiatement.   49 Plein ma hotte. Des crieurs de mort aux rats portaient sur l’épaule une perche où des rats morts étaient pendus.   50 Les gros boudins donnent de larges tranches. Coquibus manie en virtuose le galimatias fatrasique des Sots. Il est probable que son verbiage recèle des allusions à des personnages réels ; mais elles sont bien déguisées.   51 Ont eu très faim. « Tel porte belle robe et belle çainture d’or, qui a froit aux dens en sa maison. » (ATILF.) Cf. le Pauvre et le Riche, vers 43.   52 Vraiment ?   53 Allusion à un quelconque arrêt du Parlement. « En Parlement,/ On y oyt, qui le scet entendre,/ Bien souvent tel qui parle, ment. » Jehan Régnier.   54 Morceaux de viande.   55 BM : iacobins  (Jacopin/lopin fait partie des rimes indissociables : cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 19-20, et Villon : « Grant bien leur fissent mains loppins (…)/ Qui se perdent aux Jacoppins. »)   56 Alfonso Borgia devint le pape Calixte III en avril 1455. Il était notoirement débauché, mais moins que son fils adoptif –ou naturel–, Rodrigue Borgia, le futur pape Alexandre VI.   57 Pour qu’il le pénètre. « Elle a beau corps, bouche vermeille (…) :/ C’est une très digne relicque,/ Qui ne veult souffrir l’enchâsser. » Jehan Molinet.   58 À l’attaque ! « Or sus, enfans ! À luy, à luy !…./ Frappons dessus ! » (Testament de Carmentrant.) Le Roi se livre aux mêmes injonctions au vers 183.   59 Derrière le dos de mes victimes, sinon elles me mordent.   60 Il voit entrer Mitoufflet, qui porte un bavoir autour du cou, et qui actionne un soufflet de cheminée.   61 Qui vente. Autrement dit, qui vante (vers 161 et 325) : c’est un flatteur.   62 Il souffle sur les braises, il attise les querelles.   63 Approchez-vous.   64 Pour souffler de la fumée au nez d’un dormeur. Voir la note 127 d’Ung Fol changant divers propos.   65 Ce bavoir que tu portes autour du cou. Nouveau registre de calembours : Baveur = bavard, médisant. (Cf. le Dorellot, vers 75 et 271.) Baver = bavarder inconsidérément. (Cf. le Ramonneur, vers 157 et 249.)   66 Je n’ai pas le temps de dîner.   67 Je médis et je flatte sans cesser.   68 On prononçait « mon sieur ». Sottinet montre au Roi la tête d’un Sot qui apparaît dans un œil-de-bœuf au-dessus de la porte. Dans la Condamnacion de Bancquet, une didascalie précise que deux personnages « espient par quelque fenestre haulte ». Les Sots aiment voir sans être vus, et grimpent souvent sur des fenêtres : cf. la note 29 des Vigilles Triboullet.   69 BM : vient   70 Approche.   71 Il ne bouge. Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 36.   72 BM : quartaine  (« Les fièvres cartes et gravelles. » La Fille bastelierre.)   73 BM : ay ie  (Cependant, j’ai perdu la boîte qui contenait l’onguent pour l’oindre. « D’oingnement fin plain une boiste. » Testament Pathelin.)   74 Il redoute que le temps ne soit pluvieux. On compare le Sot perché en hauteur à un chat. « Il est comme les chats, il craint de mouiller la patte : il craint l’eau. » Antoine Oudin.   75 BM : meshuyt muser / Or sus il vous fault deliurer  (Il nous ferait perdre notre temps, aujourd’hui.)   76 Plutôt. Triboulet n’a pas eu le temps de bouger : tous les courtisans ont déjà bondi vers le Sot.   77 Il tire le Sot, et Coquibus le pousse. Le nouveau venu porte des habits rapiécés.   78 Pique-assiette. Cf. les Sotz escornéz, vers 15.   79 Mangeur de lard en Carême : faux dévot. Cf. Frère Guillebert, vers 96.   80 Intrigant. Cf. le Dyalogue pour jeunes enfans, vers 33.   81 Voleur de pain rôti. (Comme la tranche est brûlante, il souffle dessus.) « Souffletostées (…), yvrongnes et gourmans. » J. Molinet.   82 On appliquait aux fous une tonsure particulière. Voir les notes 31 et 86 des Sotz triumphans.   83 Comme vous le fustigez !   84 Un sauvage, un ours (note 5). Les Sots vont le baptiser ainsi, faute de connaître son vrai nom.   85 La folie. Cf. Tout-ménage, vers 227.   86 Il boite : il adopte les défauts de ses interlocuteurs pour mieux les flatter.   87 S’il parle.   88 Maladie de la bouche des chevaux. Cf. Saincte-Caquette, vers 253.   89 Une altération de la gorge. « Le penthagruel le grate/ Si trèsfort, dehors et dedens,/ Que parler ne peult. » (Le Vergier d’Honneur, début XVIe siècle.) Rabelais fera de ce vieux mot le patronyme d’un bon buveur, fils de Gargantua ; il se réfère à un diablotin des Actes des Apostres, « Panthagruel,/ Qui de nuict vient getter le sel/ Dedans la gorge des yvrongnes » pour leur donner soif.   90 Qu’il empêche.   91 Véreuses, pourries.   92 Une angine.   93 Vin médicinal, inventé par Hippocrate, et censé guérir toutes sortes de maux.   94 Depuis le dernier Mardi gras. Cf. Trote-menu, vers 59.   95 On mettait des pies en cage pour leur apprendre à parler (v. la Mauvaistié des femmes). Maistre Mimin estudiant fit les frais de cette méthode pédagogique.   96 Du bon vin. Cf. le Gaudisseur, vers 9. Jeu de mots sur la pie qu’on met en cage.   97 Maladie de la langue des oiseaux. Cf. la Chanson des dyables, vers 186.   98 Qu’on te jette dans la fange ! La forme « fangue » est surtout provençale ; or, René d’Anjou était comte de Provence, et il allait souvent dans cette région, accompagné de toute sa Cour. Bruno Roy estime que Triboulet avait des origines provençales <Pathelin : l’hypothèse Triboulet. Paradigme, 2009, pp. 50-52>.   99 BM : Ce deueroit estre  (L’opération du filet consiste à couper le frein qui empêche la langue de se mouvoir. C’est le sujet de deux farces, aujourd’hui perdues : Celluy qui avoit espousé une femme mute, et les Femmes qui ont le fillet. Voir la note 95 du Vendeur de livres.)   100 Un ouvre-bouche.   101 BM : tient  (Sottinet sort une grosse corde de la bouche de Guipelin –ou plutôt, de sa propre manche.)   102 Timidité juvénile. René d’Anjou, qui avait un faible pour les allégories, dut apprécier cette corde tressée de symboles.   103 Cruelle.   104 Niais. « Je veulx qu’on m’appelle Huet/ Se, de moy, il a jà tournoys [un sou] ! » Te rogamus audi nos.   105 « Il feroit rire un tas de pierres : se dit de celui qui est fort plaisant. » Dictionaire des proverbes françois.   106 De jouer du pipeau.   107 Guipelin veut déjà remplacer maître Mouche (vers 64).   108 BM ajoute un vers à ce tercet : Sans y auoir aulcun desroy   109 Contrairement au pot, la cage laissera fuir le vin.   110 Probablement d’un Sermon joyeux, comme le Sermon joÿeux à tous les Foulx (BM 37).   111 Qui n’est pas ordurier comme celui des prostituées.   112 Grâce à moi, les femmes n’auront plus besoin de se remaquiller.   113 Je te nomme.   114 Un chef de meute pour vos chiens de chasse.   115 De la confrérie. Voir la note 8.   116 Tel est le nom de la marotte qui sert d’emblème à cette confrérie. Le mot est synonyme de sottie : « On ne parloit que des farceurs, des conardz de Rouan, des joueurs de la Basoche, et autres sortes de badins et joueurs de badinages, farces, mommeries et sotteries. » Brantôme.   117 En détail.   118 La fonction.   119 Thierry Martin ne fut pas le premier à relever l’ambiguïté de ce passage ; en 1918, le docteur Boutarel l’avait ainsi commenté : « Son confrère en folie, Sottinet, nous donne un aperçu de la licence de la cour, où l’homosexualité régnait, comme le prouvent ces quelques lignes. » (La Médecine dans notre théâtre comique.) Et encore, le savant médecin ne précise pas que le psaume Ecce quam bonum a servi d’argument pour accuser les Templiers de sodomie.   120 Le bon sens. Triboulet démontre que « fol est qui cuyde estre saige » (vers 42).   121 BM : charge mon col de raporte  (Voir les vers 123-125.)   122 Coquibus et Triboulet doivent prendre la porte, vider les lieux. Sottinet, qui a guéri Guipelin, n’est pas concerné par cette purge.   123 BM : mittoufflet  (Voir le vers 146.)  Le soufflet sert à ranimer le feu dans la cheminée. Pour clore cette satire des courtisans, on compare la Cour à l’enfer : « Au feu qui jamais n’estaindra,/ C’est assavoir au feu d’Enfer. » Éloy d’Amerval.   124 Voici la note de T. Martin : « En jargon estudiantin, demander ibo mictum [j’irai pisser] = demander la permission d’aller aux toilettes. Le CONGÉ désigna d’abord lesdites toilettes, par euphémisme, puis le bâton muni d’une éponge avec lequel on se torchait et qu’on immortalisa sous le nom de “bâton merdeux” (sans euphémisme). » Micton rime avec bâton.   125 De sureau.   126 Tes jambières sont descendues.   127 BM : Tirez les  (Remonte-les, sinon elles tomberont à terre.)  Double sens : tirer ses guêtres = déguerpir. « Mais si j’empoigne un baston rond,/ Bien te feray tirer tes guestres ! » Le Cousturier et Ésopet.   128 Partez vite.   129 Comme ils filent doux.   130 Peinés.   131 Que si on les giflait avec une vessie de porc. Sur cet attribut des Fols, voir la note 68 du Jeu du Prince des Sotz.   132 De la manière dont.   133 Si on veut correctement.   134 La morale politique de la pièce nous invite donc à remplacer les flatteurs, les parasites et les délateurs par des arrivistes sans scrupules.   135 BM : Nous   136 Bonum vinum lætificat cor hominis : Le bon vin réjouit le cœur de l’homme. (Citation biblique.)   137 Un peu à l’écart avec ses deux camarades d’infortune, Triboulet envie les buveurs. Dans les Vigilles Triboullet, il se dépeint comme un ivrogne.   138 C’est mon avis.   139 « Je t’en supplie de cuer fin. » René d’Anjou, le Cuer d’Amours espris.   140 BM : Attendez vous  (Accordez-vous au tambourin. « Une femme qui attemproit une harpe et commença à jouer le Lay. » ATILF.)   141 Notre.   142 Veuillez chanter. On écrit note, mais on prononce noute : « De maints pinssons et si de choutes/ Je sçay tous les points et les no[u]tes. » La Pippée.   143 BM : tonte  (Le singulier « toute » peut désigner Jeanne de Laval, la nouvelle et pudique épouse du roi. Sa présence expliquerait pourquoi notre sottie ne comporte aucune obscénité flagrante.)   144 Ce poème est inclus dans les Dictz moraulx pour faire tapisserie (BnF, ms. fr. 1716), d’Henri Baude. Je surligne les points communs entre la sottie et le poème, qui lui est légèrement postérieur.   145 De m’y enrichir en exerçant du chantage. « C’est le Temps, qui ouvre sa porte/ Au rapporteur qui luy raporte. » L’Abuzé en Court.   146 Coitement, discrètement. Les rats symbolisent les rumeurs, les fausses nouvelles monnayées par des maîtres chanteurs.   147 Par hottes entières. Le ms. fr. 24461 donne : hoctees [hottées]. Cette page du manuscrit est illustrée par un porteur de rats.   148 Je sais les inventer (les calomnies).   149 Ms : de moy  (Nul n’avait oublié le rôle des médisants dans la disgrâce de Jacques Cœur.)