L’AVEUGLE ET PICOLIN
.
*
L’AVEUGLE
ET PICOLIN
*
.
Dans sa Vie de sainct Christofle (~1510-1514), Claude Chevalet nous donne en exemple un clochard aveugle et son valet, qui profitent de la naïveté des chrétiens. Ce duo comique intervient dans beaucoup de farces et de mystères : voir la notice de l’Aveugle, son Varlet et une Tripière.
Source : La Vie de sainct Christofle, élégamment composée en rime françoise et par personnages par maistre Chevalet. Imprimé à Grenoble en 1530. Bibliothèque nationale de France, Rés. Yf. 116. Édition critique de Pierre SERVET : La Vie de sainct Christofle ; Droz, 2006.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
*
Deux mendiants — un vieil aveugle et son valet — sont assis par terre, dans la rue. L’aveugle porte une vielle en bandoulière ; Picolin boit à une énorme bouteille, puis il la repose discrètement près de son maître.
.
PICOLIN SCÈNE I
Nous deussions bien amasser mousse1 :
On ne bouge plus d’une place.
L’AVEUGLE
Que diable veulx-tu que je face ?
Tous les jours courons par ces portes2,
5 Mais les aulmosnes sont si courtes
Que vers nous ne peuvent venir.
PICOLIN
Vous voulez-vous icy tenir
Pour les avoir ? On les vous forge3 !
Ne faictes que bailler la gorge4 :
10 Vous aurez vostre compte rond
Pour avaller…
L’AVEUGLE
Quoy ?
PICOLIN
Ung estront,
Affin que bien vous le sachez !
Car (par Dieu !) si vous ne marchez,
Je ne sçay plus de quel boys tordre5.
L’AVEUGLE
15 Et ! comment ? N’avons-nous que mordre
Ne que boyre en la bouteille ?
Ce seroit une grant merveille
Qu’elle fust vuyde, somme toute !
PICOLIN
Il n’en y6 a pas une goutte :
20 Soyez seur qu’ell’ est despêchée.
L’AVEUGLE
Ta gorge l’a ainsi séchée ;
Elle porte ung mauvais vent.
PYCOLIN
Ou vous la baisez7 trop souvent,
Dont nous vient celle sécheresse.
25 Cuydez-vous que le vin y croisse,
De tousjours oster et rien mettre ?
L’AVEUGLE
C’est trop hault parlé à son maistre !
Pour te déclairer la teneur8,
Tu ne me porte point d’honneur,
30 Puisqu’il convient que je le die.
PICOLIN
Et quel honneur (maulgré ma vie !)
Voulez-vous donc que je vous face ?
Je vous ay servy long espace9 ;
Et si, n’ay ne denier ne maille10.
L’AVEUGLE
35 Je n’ay rien que je ne te baille,
Soit ou andoulle11 ou jambon.
Et qui nous donne rien de bon12,
Tu en as le premier lopin.
PICOLIN
Le premier ? Non ay, par Jupin !
40 Le premier n’a garde de choir :
Vous le prenez sur mon trenchoir13
Aulcuneffoys, par souspeçon14.
L’AVEUGLE
Tu es cault15 — j’entens bien le son —,
Et prens du meilleur qu’on me baille.
45 Mais allons avant, ne te chaille,
Pour sçavoir s’on nous donra rien16.
PICOLIN
A ! par Dieu, je vous entens bien !
Vous ne demandez que desbat17.
L’AVEUGLE
Je ne le dis que pour esbat18,
50 Puisque la matière est ouverte19.
Mais tu as la teste si verte20
Et si creuse que c’est pitié !
PICOLIN
Vous l’avez pire la moytié,
Et l’aurez tant que vous vivrez.
55 Despêchez-vous et me suyvez,
Ou (par Dieu) je vous laisseray.
L’AVEUGLE
Allons ! Car je ne cesseray
De faire sonner ma vïelle21
Tant que j[’en] aye ou pied ou hèle22
60 — Dont tu auras tousjours ta part.
.
PICOLIN SCÈNE II
Si vostre vï[e]lle fust preste,
Nous eussions escus à milliers :
Ne voyez-vous ces chevaliers ?
Allez leur dire23 une note !
L’AVEUGLE
65 Comment dea, « voyr » ? Je n’y voy goutte
Autant du cul que de la teste24 !
Mais encores es-tu plus beste
De me dire que je le[s] voye.
PICOLIN
Disons quelque chançon qu’on oye,
70 Affin que nous ayons argent.
L’AVEUGLE
« Donnez au pouvre indigent
(Mes beaulx seigneurs) qui ne voit rien,
Une maille ! »
PICOLIN
[Ung] estront de chien !
Demandez plus grosse monnoye !
75 Et parlez hault — qu’on ne vous oye25 —,
Sans demander denier ne maille26 !
L’AVEUGLE
Et ! cuyde-tu bien qu’on nous baille
Escus ?
PICOLIN
Et pourquoy non, beau sire ?
Il n’en griève non plus à dire
80 « Ung ducat » qu’il fait « ung denier »27.
L’AVEUGLE
Dea ! si tu estois aulmonyer,
Je ne te cognois point si large
Qu’on eust de toy escu ne targe28 :
Tu es trop rouge à la taille29.
PICOLIN
85 Et s’il advient qu(e) escus on baille,
Maistre, les reffuserez-vous ?
L’AVEUGLE
Ce n’est pas monnoye pour nous,
Si tu entens le jobelin30.
PICOLIN
« En l’honneur du dieu Apolin,
90 Et d’Herculès le fort géant,
Donnez au pouvre non-voyant
— Qui a perdu le luminaire31
À la taverne pour trop boyre —
De voz ducatz une douzaine ! »
L’AVEUGLE
95 Mais ta forte fièbvre quartayne !
Tu me porte bien peu d’honneur !
Dy que je suis ung grant seigneur
Adveuglé par [la] tyrannye32
Des Turcs au siège d’Albanye :
100 Tu les en debvrois advertir.
PICOLIN
Que gaignerois-je de mentir ?
« Le vin l’a faict33, sans contredire !! »
L’AVEUGLE
Vérité n’est pas belle à dire
Tousjours : il y a temps et lieu.
*
Les deux païens ont la chance de tomber sur des nouveaux chrétiens que leur conversion a rendus gâteux. Tous les quatre donnent leur bourse au mécréant Picolin.
.
LE CONTE SCÈNE III
105 Tien, mon amy : prens cest[e] aulmosne !
GRACIEN
Et moy cela, que je te donne
En l’honneur de Jésus, mon maistre.
FLORIDÈS
Prens cela ! Pense de le mettre
En ton sac, pour te secourir.
BROADAS
110 Jésuchrist, qui voulut mourir34,
Veulle [ceste aumosne]35 en gré prendre !
L’AVEUGLE
Juppiter le vous veulle rendre,
Et Vénus, la belle déesse !36
.
Je croy qu’il y a grant richesse ? SCÈNE IV
115 Regarde comme cecy poyse37 ;
Et affin qu’il n’y ai[t d]e noyse,
Ne me cache rien, somme toute.
PICOLIN
Jamais vous ne fustes sans doubte38
De moy et de voz compaignons.
120 Ce sont sachèz d’aulx39 et d’oignons
Qu’on vous a donné[z] pour bien boyre.
L’AVEUGLE
Le me cuyde-tu faire acroire ?
Encor n’a[s-]tu pas prou vescu40 !
Je cognoistray mieulx ung escu
125 Que tu ne feras ung patas41.
PICOLIN
Comment se fait cela ?
L’AVEUGLE
Au tas[t]42.
Car, combien que rien je n’y voye,
Je cognois la bonne monnoye
Comme le43 lièvre les brachetz.
130 Pour tant44, baille-moy ces sachetz,
Car je vueil garder le butin.
PICOLIN
Vous ne demandez que hutin45
Et noyse ! Pour vous advertir,
Si nous convient noz biens partir46,
135 Puisque n’avez en moy fiance.
L’AVEUGLE
Dea ! n’emporte point la finance !
As-tu entendu, mon varlet ?
Car si je te prens au collet,
Tu auras de moy la secousse47 !
140 Où es-tu, dis ? Hau48 !
PICOLIN
En Escosse !
Attendez-moy jusqu’à demain,
Car voicy ma dernière main49
Pour mon dé et pour ma chandelle50.
L’AVEUGLE
Approuche-toy, quant on t’appelle !
145 Me veulx-tu laisser tout seullet ?
PICOLIN
Tu as dit vray, Jehan de Nyvelle ! 51
L’AVEUGLE
Approuche-toy, quant on t’apelle !
PICOLIN
Par noz dieux ! il a la cervelle
Plus estourdie q’ung mullet.
L’AVEUGLE
150 Approuche-toy, quant on t’appelle !
Me veulx-tu laisser tout seullet ?
PICOLIN
À Dieu, maistre !
L’AVEUGLE
Hé, mon varlet !
Approuche-toy, et n’aye doubte52.
Tu scez bien que je n’y voy goutte
155 Nen plus53 q’une vielle lanterne.
Va me mener à la taverne :
Et là, nous burons ung tatin54,
Et partirons55 nostre butin
Ainsi que je deviseray56.
PICOLIN
160 Vous partirez ? Je choisiray !
Avez-vous ouÿ la teneur57 ?
Car à vous [n’]appartient l’honneur58 ;
La coustume [n’]est tousjours telle59.
L’AVEUGLE
Tu ne le dis que par cautelle60
165 Et pour me tromper, j’en suis seur.
PICOLIN
Comment ? M’appellez-vous « trompeur » ?
C’est pour recommencer la noyse !
L’AVEUGLE
Laissons cela, et que l’on voyse61
À la taverne, je le veulx !
170 Et là, nous despendrons62 tous deux
Tous les biens qu’on nous a donnéz.
*
Deux prostituées, que nous avons découvertes dans les Tyrans au bordeau, reversent aux mendiants une partie de l’argent qu’elles ont gagné à la sueur de leur… front.
.
NYCETTE SCÈNE V
Il nous63 fauldroit donner, m’amye,
L’aulmosne à ces [deux] pouvres gens.
AQUELINE
C’est bien dit, car telz indigens
175 Ne sçavent de quoy desjuner.
NYCETTE
Tien, mon amy ! C’est pour disner.
Prie pour moy qui le te donne.
L’AVEUGLE
Grant mercy !64
.
Juppin, quelle aulmosne ! SCÈNE VI
PICOLIN
Mais qu’elle [soit] monnoye exquise65,
180 Elle doit bien estre de mise66,
Puisqu’elle vient de telle main.
L’AVEUGLE
Ma foy ! j’en vueil faire demain
Ung brevet67 pour guérir des fièbvres.
PICOLIN
Morbieu ! il feroit sallir68 chièvres
185 Avant qu’ilz69 eussent queue levée.
L’AVEUGLE
Allons ail[l]eurs faire levée70,
Et jouerons de tricherie.
*
Le bourreau Morgalant et son valet Pascalet <voir L’Andureau et L’Andurée, vers 50-379> ont besoin d’aide pour charger une meule de moulin sur une claie tirée par deux chevaux. Ils aperçoivent les mendiants, au loin.
.
PASQUALET SCÈNE VII
Çà, villain[s] ! Venez sans targer71
— Avant que je vous aille querre
190 Tous deux — pour charger ceste pierre !
Acoup ! Et soyez diligens !
L’AVEUGLE
A ! mon varlet, qui sont ces gens ?
J’ay paour que ce soient gens d’armes.
S’ilz nous preignent, ce sont les termes
195 De nous endosser de beau boys72 !
PYCOLIN, varlet de l’Aveugle.
Ce sont deux sergens (je les voys73)
Qui ont deux chevaulx, et la traŷne74
Dont au gibet souvent on meyne
Les larons. Av’ous entendu ?
MORGALANT
200 Vien çà ! Que tu soye pendu !
Me feras-tu mèshuy attendre ?
L’AVEUGLE
Hélas, nous veult-on mener pendre ?
Fuyons-nous-en, comment qu’il aille75 !
PASQUALET
Qu’en despit de la villennaille76 !
205 Vous fault-il tant de foys requerre77 ?
Venez, ou je vous iray querre,
Et tous deux prendray78 au collet !
PYCOLIN
C’est le bourreau et son varlet,
Mon maistre. Nous sommes perdus !
210 S’il nous prent, nous serons pendus,
Tant seullement pour la despoulle79.
L’AVEUGLE
Je vouldrois estre en la Poulle80,
Ou en mer, puis avoir bon vent !
MORGALANT
Avant, de par le Diable, avant,
215 Vostre seigneur et vostre maistre81 !
Et nous venez ayder à mettre
Ceste meulle sur ceste traŷne,
À celle fin que l’on la meyne
Au Roy, qui nous attent sans doubte82.
L’AVEUGLE
220 Hélas, Monsieur : je n’y voy goutte.
Laissez-moy, en l’honneur des dieux !
PASQUALET
Tu ne m(e) ayderas pas des yeulx83.
As-tu entendu, mon mignon ?
Prens delà, et ton compaignon !
225 Aultrement, il y aura noyse.
PYCOLIN
Ventre sainct Gris84, comme elle poise !
Je me suis quasi rompu l’anche85.
MORGALANT
Prenons chescum une gazanche86,
Et la bouterons en coulant87.
PASQUALET
230 C’est bien dict. Boutte, Morgalant,
Par cy, et chescum t’aydera.
Tenez, elle m’eschappera !
Que maulgré en ait Barratron88 !
MORGALANT
Vous ne valez pas ung estron !
235 Soustenez bien, et ne vous chaille !
Et ! voylà89 bien, vaille que vaille.
Mais j’ay cy rompu une veyne.
L’AVEUGLE
Or nous donnez, pour nostre peine,
Quelque chose en payement !
PASQUALET
240 Vous serez payé gayement
De la monnoye que je porte90 :
Tenez, tenez ! Voicy la sorte
Dont on paye telle canaille !
L’AVEUGLE
Pour Dieu, que plus on ne m’en baille !
245 Je vous quitte tout91, de ce pas !
PASCALET
Par noz dieux ! ne l’espargne92 pas :
Tout est à ton commandement93.
.
L’AVEUGLE SCÈNE VIII
Voylà « payé » trop lourdement !
Nous avons esté bien batus.
PYCOLIN
250 Voyre ? [Mais] vous94, par mon serment !
L’AVEUGLE
Voylà « payé » trop lourdement !
Et toy ?
PYCOLIN
Je [m’en fuis]95 vaillamment,
Aussi hardiment comme Artus96.
L’AVEUGLE
Voylà « payé » trop lourdement !
255 Nous avons esté bien batus.
PYCOLIN
Vous estiez encor plus testus97
De leur demander de l’argent !
Car vous sçavez bien q’ung sergent
N’a rien acoustumé que prendre.
*
1 Allusion au « proverbe commun qui dit que ‟pierre qui roule n’amasse mousse” ». (Jean Boyron.) « Nous n’amassons plus mousse. » St Christofle. 2 Nous mendions d’une porte à l’autre. Rime dauphinoise en -ourtes. 3 Réponse narquoise qu’on fait à une personne trop exigeante. Cf. le Sermon joyeux de bien boire, vers 189. 4 Vous vous contentez d’avancer votre gorge, comme un oisillon qui réclame la becquée. 5 De quel bois faire flèche. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 127. 6 Éd : ny 7 Baiser la bouteille = boire. « Me fault ma bouteille baiser. » Mystère de St Clément de Metz. 8 Le point principal. Idem vers 161. 9 Pendant un long espace de temps. 10 Et pourtant, je n’ai ni un denier, ni un centime. Chevalet fait dire le même vers au valet des Basteleurs. 11 De l’andouille. 12 Quand on nous donne quelque chose de bon. 13 Après un banquet, on distribue aux pauvres les tranchoirs (ou tailloirs), épaisses tranches de pain qui ont tenu lieu d’assiettes, et sur lesquelles on abandonne quelques reliefs. 14 En soupçonnant que j’ai raflé le meilleur morceau. 15 Cauteleux, rusé. J’entends le son = je connais la chanson ! 16 Si on nous donnera quelque chose. 17 Vous ne cherchez que des disputes. 18 Que pour plaisanter. « Je ne l’ay faict que par esbat. » Deux jeunes femmes. 19 Puisque le sujet est abordé. 20 Si peu mûre. Cf. l’Arbalestre, vers 152 et note. 21 Éd : uiolle (La viole est un instrument aristocratique, alors que la vielle est populaire : c’est l’instrument dont les mendiants aveugles s’accompagnent pour chanter dans la rue. Je corrige la même faute au vers 61.) Si votre vielle était accordée. Dans l’Aveugle, sa Chambèrière et son Varlet (F 45), le valet accorde la vielle de l’aveugle : « Cependant, Gauguelu refait la vielle. / Quant [maintenant que] vostre vielle est refaicte,/ Quelque plaisante chansonnette/ Disons ! » 22 Jusqu’à ce que j’en obtienne une cuisse ou une aile. « Pour Dieu, donnez-moy cuisse ou elle ! » (Conversion S. Denis.) Cette expression culinaire signifie : obtenir quelque chose, si peu que ce soit. « Il en apporte ou pied ou elle. » Gournay et Micet. 23 Leur chanter. Rime dauphinoise en -oute : « Qu’il vous plaise dire une no[u]tte !/ Adieu vous dy, trèstous et toute ! » Le Roy des Sotz. 24 Quand Daru se fait passer pour un aveugle, il chante ceci : « (Je) ne voy où le pied je metz/ Non plus du cul que de la teste. » 25 Renversement de la formule consacrée : « Or parlez bas, qu’on ne vous oye ! » Le Vilain et la Tavernière. 26 Une monnaie trop faible. 27 Cela ne coûte pas plus de demander un ducat qu’un vulgaire denier. 28 Je ne sache pas que tu sois assez généreux pour qu’on ait de toi la moindre monnaie. « Il n’a escu ne targe : s’entend de ceux qui n’ont aucune monnoie. » Claude Fauchet. 29 Trop roublard. « Vous estes trop rouges en la taille. » Les Tyrans. 30 Si tu me comprends à demi-mot. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 292. 31 La lumière, la vue. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 328. 32 Rendu aveugle par la barbarie des musulmans vis-à-vis des chrétiens. « Secourir les Christiens, oppresséz de la tyrannie des Turcz. » P. de Saint-Julien. 33 C’est le vin qui l’a rendu aveugle. 34 L’Église cautionne le suicide du Christ et celui des saints, mais elle condamne tous les autres. 35 Éd : laumosne (Veuille me tenir gré de l’aumône que je vous fais. La charité chrétienne n’est jamais désintéressée : on donne dans cette vie pour que ce don nous soit rendu au centuple dans l’autre vie.) 36 Les mendiants s’esquivent. C’est Picolin qui porte les quatre bourses. 37 Combien cela pèse, vaut. 38 Sans méfiance. 39 Des sachets d’ails. L’ail et l’oignon donnent soif : « L’oignon (…) est inflammatif & provoque la soif. » La Nef de Santé. 40 Tu n’as pas assez d’expérience pour me le faire croire. 41 Que tu ne reconnaîtrais un patac, une pièce de monnaie provençale qui avait cours jusqu’à Grenoble, où fut créé ce Mystère. « Deux deniers tournoys, ou ung patas. » Archives de l’Isère. 42 Au tact, au toucher. « Nostre sens du tast. » ATILF. 43 Éd : la (Comme le lièvre reconnaît les braquets, les chiens de chasse : à l’oreille.) 44 Pour cette raison. 45 Des affrontements. « Sans noyse et sans hutin. » ATILF. 46 Nous devons partager nos biens. Idem vers 158 et 160. 47 Je te pendrai. Dans ce Mystère, le roi dit au bourreau : « Ne luy donne point la secousse/ Jusqu’à ce qu’on donne l’assault./ Alors fais-luy prendre ung sault/ Au gibet. » 48 Interjection interpellative. « Où es-tu ? Hau ! » Les Basteleurs. 49 Mon ultime vol. « À l’insigne voleur, ô merveille profonde,/ Qui, compagnon d’honneur du Roy de tout le monde,/ Pour sa dernière main luy desroba les cieux. » César Nostradamus. 50 Pour mes menus plaisirs. Cf. Cuisine infernale, vers 38 et 152. 51 Étant donné que Picolin vouvoie toujours son maître, on peut conclure que nous avons ici le refrain d’une des chansons qui furent consacrées à Jean de Nivelle ; voir celle qui ouvre la farce du Pauvre et le Riche. Il en subsiste un vague écho dans le Démon travesti, du chanoine Jacques : « Tu n’es qu’un vray Jean de Nivelle. » 52 N’aie pas peur. Le vers suivant était prononcé par l’Aveugle de la Vie et passion de monseigneur sainct Didier, de Guillaume Flamang. 53 Pas plus. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 258. 54 Nous boirons un coup. Cf. les Basteleurs, vers 227. 55 Nous partagerons (note 46). 56 Comme je le déciderai. 57 Le point principal. 58 L’honneur de partager notre butin ne vous appartient pas. 59 La coutume n’est pas immuable. Louis XII était alors en train de simplifier le droit coutumier ; voir la notice de Digeste Vieille. 60 Par ruse. 61 Et allons. 62 Nous dépenserons. 63 Éd : vous (Correction de P. Servet.) Il faudrait que nous donnions. 64 Les prostituées s’en vont. L’aveugle soupèse l’argent (vers 126). 65 Pour peu que ce soit une monnaie recherchée, rare (lat. exquisita). « Partout est la monnoye exquise :/ Le peuple n’a plus maille ne denier. » Eustache Deschamps. 66 Elle doit avoir cours. La monnaie que gagnent les prostituées circule très vite et n’a pas le temps d’être décriée. 67 Je veux pendre cette bourse à mon cou, comme une amulette miraculeuse. « Brevet, ou autre chose, qu’on pend au col (…) pour préserver ou guarir de quelque maladie ou poison. » Godefroy. 68 Saillir, couvrir. Lors de la saillie, les quadrupèdes femelles lèvent leur queue pour que le mâle puisse s’introduire. Picolin sous-entend que l’aveugle va vite en besogne, et oublie encore de partager. 69 Qu’elles. 70 Jouer aux cartes. 71 Sans tarder. 72 C’est la certitude qu’ils nous chargeront le dos de coups de bâtons. 73 Picolin n’y voit pas beaucoup mieux que son patron : les sergents sont immédiatement reconnaissables parce qu’ils portent une « masse » ou une « verge », ce qui n’est pas le cas des bourreaux. 74 La claie. Idem vers 217. Sur la peine infamante de la claie, voir la note 24 de Massons et charpentiers. Le roi Danus, qui est un raffiné, prépare à saint Christophe un supplice plus personnel : « Luy estachez [attachez-lui] une grant meulle/ De moulin (ainsi je le veulx)/ Par le col et par les cheveulx,/ Et le traŷnez par monts et vaulx/ À belles queues de chevaulx ! » 75 Quoi qu’il en soit. 76 N’en déplaise à cette canaille. « Paix, qu’en despit de Saturnus ! » St Christofle. 77 Faut-il vous requérir tant de fois ? 78 Éd : prendre 79 Pour que les bourreaux prennent nos dépouilles, nos vêtements. Cf. Gournay et Micet, vers 468 et 505. 80 Dans la région italienne des Pouilles : loin d’ici. 81 Allons, de par le Diable, qui est votre seigneur et maître ! 82 Sans craindre que nous ne venions pas. 83 Tu ne m’aideras pas avec tes yeux mais avec tes bras. 84 Par le ventre de saint François d’Assise. Dans une circonstance analogue, le Fol du mystère a lui aussi recours à ce juron chrétien : « Ventre sainct Gris, comme tu poyse ! » 85 La hanche. 86 Un pieu en bois pour faire levier. « Pour six grosses pièces de chane [chêne] appeléz gazanches pour besoigner esdits fossés de St-Just. » Marthe PAQUANT : Réforme, Humanisme, Renaissance, 2007, nº 65, p.191. 87 En la glissant sous la meule. 88 Les Mystères attribuent ce dieu fantaisiste aux musulmans, et en règle générale aux païens. Βάραθρον = gouffre. « Maulgré Barratron et Mercure ! » St Christofle. 89 Éd : uoyle la (C’est bien.) La meule est installée sur la claie. 90 Pascalet, qui tient un des pieux du v. 228, en donne des coups aux mendiants. Picolin s’abrite derrière son maître, lequel reçoit toute la bastonnade. 91 Je vous tiens quitte de tout paiement. « Je vous quitte tout pour sauver ma vie. » Le Nouveau Panurge. 92 Éd : lespargnez (Ne ménage pas mon paiement. Les hommes généreux disaient toujours : « N’espargnez pas ma bourse ! ») 93 À ton entier service. Les mendiants s’enfuient. 94 Vraiment ? Surtout vous. 95 fais (Je pris la fuite.) 96 Le roi Arthur ne fuyait jamais. 97 Éd : natus (« Fussiez-vous encor plus testu. » Le Nouveau marié.)