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LE TESTAMENT
PATHELIN
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Cette farce normande fut écrite en 1470-75 selon André Tissier, en 1480-90 selon Jean-Claude Aubailly, au début du XVIe siècle selon August Wiedenhofen, et quelque peu avant selon Halina Lewicka. Elle s’appuie sur la Farce de Maistre Pathelin (∼1457), attribuée à Triboulet par Bruno Roy1 et Thierry Martin2, et sur le Testament de François Villon, qui est devenu populaire avec l’édition de 1489 : je pense que cet imprimé fut le déclic qui motiva l’écriture du Testament Pathelin, outre l’encouragement que constituait la création récente du Nouveau Pathelin (∼1485). Dans les Repues franches (av. 1493), maître Pierre est déjà « deffunct ».
Source : Édition Herouf. Arsenal, 8° BL-14489 Rés.
Structure : Rimes plates, aabaab/bbcbbc, abab/cdcd, avec 3 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. (Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.) Éd. = édition Herouf combinée aux autres éditions gothiques. Pour un relevé exhaustif des variantes, voir l’édition critique très complète d’André Tissier3.
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Le Testament Pathelin
*
À quatre personnaiges, c’est assavoir :
[MAISTRE PIERRE] PATHELIN
GUILLEM[E]TTE
L’APOTICAIRE [Maistre Aliborum]
Et MESSIRE JEHAN [L’ANGELÉ], LE CURÉ
*
MAISTRE PIERRE commence
Qui riens n’a plus que sa cornette4, SCÈNE I
Guères ne vault le remenant5.
Sang bieu ! voicy bonne sornette,
[Qui riens n’a plus que sa cornette.]
5 Où estes-vous ? Hau, Guillemette !
Dieux ! s’il vous plaist, venez avant.
Qui riens n’a plus que sa cornette,
Guères ne vault le remenant.
.
GUILLEMETTE SCÈNE II
Que vous fault-il ?
PATHELIN
Tout maintenant,
10 Le sac6 à mes causes perdues.
Vistement, sans plus de tenues7,
Despeschez[-vous] : car je n’attens
Qu’à faire tauxer8 les despens,
Ainsi comme raison est deue9.
15 Dea ! Pourtant, se j’ay la barlue10 ;
Désormais je suis ung vieillart
Nommé Pathelin Patrouillart11,
Qui très haultement vous salue.
Las ! qu’est la saison12 devenue
20 Puis dix ans ? En ma conscience,
Je pers maintenant patience ;
Car je souloye13 gaigner francz
Là où je ne gaigne petis blancz14.
Praticque si ne vault pas maille15.
25 Hau, Guillemette !
GUILLEMETTE
Comme(nt) il bâille16 !
Que demandez-vous, maistre Pierre ?
PATHELIN
Ne m(e) estes-vous pas allé querre
Le sac où sont mes escriptures ?
GUILLEMETTE
Et ouy !
PATHELIN
À toutes adventures,
30 Apportez, avec, mes lunettes ;
Et gardez qu’elles soient nettes.
Sus ! hastez-vous de revenir,
Car aujourd’huy me fault tenir
Le siège17 en nostre auditoire.
GUILLEMETTE
35 Et dictes-vous18 ?
PATHELIN
Il est notoire
Et certain, par mon sacrement !
Je vous pry, faictes prestement19.
Tout est dedans mon escriptoire20,
Sur le comptoir.
GUILLEM[E]TTE
Dieu, quel mémoire !
40 Arsoir21 le mistes sur le banc,
Vostre sac. Bref, à parler franc,
Vous vous troublez d’avocasser
Et ne povez rien amasser
Pour procèz [qu’à mener avez]22.
PATHELIN
45 M’AMYE, ET ! PUISQUE VOUS SÇAVEZ
Où tout est, apportez-les-moy23 ;
Et je vous donray, par ma foy,
Je ne sçay quoy que je vous garde.
GUILLEMETTE
Les m’avez-vous bailléz en garde ?
50 Par Dieu, voicy bonne farce[rie] !
PATHELIN
Ma femme, ma trèsdoulce amye,
Yrez-vous point quérir mon sac
À mes causes ?
GUILLEMETTE
(Il est passe au bac24,
Maistre Pierre, par Nostre-Dame !)
PATHELIN
55 Hélas ! despeschez-vous, ma femme.
Il est jà tard, l’heure s’aproche.
Fauldray-je, ennuyt25 ? Las ! quel reproche
J’auray des aultres assistens26 !
[Or çà,]27 mon sac ! Je vous attens ;
60 Ou dictes se je ne l’auray point.
GUILLEMETTE
Je ne sçay quel mouche vous point.
Par celuy Dieu qui me fist naistre28 !
Je cuide que, se estiez prebstre,
Vous ne chanteriez que de sacz
65 Et de lettres !
PATHELIN
Que de fatras !
En vous, y a peu de sçavoir.
Somme toute, je vueil avoir
Mon sac : il fault que je m’en voyse.
(C’est la façon de ma bourgoyse
70 De riens faire s’i ne luy plaist.)
GUILLEMETTE
Or [laissez, de par Dieu, ce plait :]29
Vélà toute vostre besongne30 !
PATHELIN
Par Nostre-Dame de Boulongne !
Vous valez moins que ne cuidoye.
75 Mais sçavez-vous que je pensoye ?
Devant qu(e) aller en l’auditoire,
Je ne sçay que faire ; de boire
Ung horion31, c’est le plus seur.
GUILLEMETTE
Pourquoy ? n’estes-vous pas asseur ?
80 Vous doubtez-vous d’aulcune chose32,
Maistre Pierre ?
PATHELIN
Je présuppose
Que le temps ne soit dangereux ;
Et d’aultre part, je suis jà vieulx.
Cela faict à considérer.
GUILLEMETTE
85 Sus, sus ! il vous fault libérer33 :
Ne pensez qu’à faire grant chère34.
PATHELIN
Aussi ne fais-je, m’amye chère.
Gardez tout jusques au retour.
GUILLEMETTE
Ne faictes guères de séjour ;
90 Revenez disner à l’hostel35.
PATHELIN
Si feray-je, tenez-lay tel.
Seurement, je n’y fauldray pas36.
.
Aux plaitz [je] m’envoys tout le pas37, SCÈNE III
Mon baston noilleux38 en ma main.
95 Jour39 est assigné à demain
Contre ung homme de la voyrie.
L’entendement si me varie ;
Ce n’est pas ce que je demande.
Colin Tévot40 est en l’amende,
100 Et aussi Thibault Boutegourt,
S’ilz ne comparent vers la Court41,
En la somme de cent tournoys.
« Appellez la femme au Dannoys
Contre sa voysine Mahault ;
105 Ou mises seront en deffault,
S’ilz ne viennent appertement42.
Messeigneurs43, oyez l’appointement
Ennuict44 donné à nostre Court ;
Fut présent Mathelin45 le Sourt,
110 Attourné46 de Gaultier Fait-nyent47… »
Qu’est cecy, dea ! Nully ne vient ?
Seray-je cy long temps sans feu ?
Sainct Jehan ! je n’entens point ce jeu.
Car je me sens ung petit fade48,
115 Et crains que ne soye malade.
Je me tiens fort foyble et cassé.
À mon hostel, par sainct Macé,
Je m’en revoys tout bellement.
.
Hau, Guillemette ! Appertement SCÈNE IV
120 Venez à moy, ou je me meurs !
GUILLEMETTE
Et ! dont vous viennent ces douleurs
Que vous souffrez, mon doulx amy ?
PATHELIN
Je suis demouré et failly,
Et cuide que la Mort m’assault.
125 Venez à moy, le cueur me fault49.
Je voulsisse50 ung peu reposer
Sus mon lict.
GUILLEMETTE
Je ne puis gloser
Dont vous procède tel méchef51.
PATHELIN
Aussi ne fais-je. Ung couvrechief,
130 M’amye, pour mettre en ma teste !
Voirement, il [n’]est ennuict feste
Pour moy. Doy-je point desj(e)uner ?
Ung peu de brouet à humer52 !
Je suis transy, se Dieu ne m’ayde.
GUILLEMETTE
135 Pour vous donner quelque remède,
Feray je venir l’apoticaire ?
PATHELIN
Baillez-moy [tout] premier à boire ;
Et mettez cuire une poire
Pour sçavoir s’il m’amendera53.
GUILLEMETTE
140 Ayez en Dieu bonne mémoire ;
Et ainsi, comme je puis croire,
Vostre douleur allégera.
PATHELIN
Las ! Guillemette, qui sçaura
Trouver, ou que ce soit çà ou là,
145 Que j’aye une foys de bon vin ?
Ou mourir il me conviendra
(De faulte point il n’y aura),
Car je me sens près de la fin.
GUILLEMETTE
Ha ! maistre Pierre Pathelin,
150 Le droit joueur de jobelin54,
Ayez en Dïeu confience55.
Point ne vous fault de médecin :
Si près estes de vostre fin,
Pensez de vostre conscience.
PATHELIN
155 Las ! Guillemette, ma science
(Qui procède de sapience56)
Est, se je meurs, pour moy perdue.
GUILLEMETTE
Il est vray, par ma conscience !
Il fault prendre en gré, quant j(e) y pense :
160 Ceste reigle est à tous deue57.
PATHELIN
Ung peu la main ! Le front me sue ;
De fine frayeur je tressue,
Tant je doubte58 à passer le pas.
Je n’yray plus à la cohue59,
165 Où chascun jour on brait et hue,
Se j’aloye de vie à trespas.
Tout beau ! Ma chère amye, hélas,
Choyez-moy. Certes, je décline.
GUILLEMETTE
G’y suis60, mon amy.
PATHELIN
Guillemine61,
170 Se je mouroye tout maintenant,
Je mourroye de la mort Rolant62.
À peine je puis papÿer63.
Je vous prye, que j(e) aye à pyer64
Ung coup de quelque bon vin vieulx.
175 Et vous dépêchez, car j’en veulx !
Le nouveau si m’est fort contraire65.
GUILLEMETTE
Ha ! maistre Pierre, il vous fault taire ;
Vous vous rompez tout le cerveau.
PATHELIN
N’apportez point de vin nouveau,
180 Car il faict avoir la « va-tost66 ».
Et si, vous prye…
GUILLEMETTE
De quoy ?
PATHELIN
Que tost
Vous allez [me] querre le prebstre.
Et puis après, allez chiez maistre
Aliborum67, l’apoticaire :
185 Qu’il vienne à moy, car j’ay affaire
De luy très nécessairement.
Et vous hastez ; car aultrement,
Je mourray, se l’on n’y prent garde.
GUILLEMETTE
Las ! maistre Pierre, fort me tarde
190 Que jà ne sont icy tous deux.
Souvienne-vous du Roy des Cieulx,
Qui pour nous, en croix, mort souffrit.
PATHELIN
On vous entent bien, il souffit ;
J’en auray bien tousjours mémoire.
195 Mais pourtant, laissez-moy à boire,
Avant qu(e) aller à ce curé.
Je ne vueil cidre ne péré68 :
Bien au vin je me passeray69.
GUILLEMETTE
Tousjours du mieulx que je sçauray
200 Feray pour vous, jusqu(e) au mourir.
Je voys70 nostre curé quérir :
C’est messire Jehan l’Angelé71.
.
PATHELIN SCÈNE V
Sang bieu ! on m’a [mon] vin meslé72,
Ou il fault dire qu’il s’esvente.
205 Je ne sçay quel vint73 ou quel trente…
Je n’en puis plus, à bref parler.
.
GUILLEMETTE SCÈNE VI
Je ne sçay où pourray aller
Pour plus tost ung voyage faire.
Je m’envoys chez l’apoticaire,
210 Et puis g’iray chez messir(e)74 Jehan.
.
Bon soir, sire ! SCÈNE VII
L’APOTICAIRE
Et vous, bon an,
Vrayement, m’amye, et bonne estraine75 !
Qu’i a-il ?
GUILLEMETTE
Quoy ? Soucy et peine,
Se vous n’y mettez bref remède.
L’APOTICAIRE
215 Touchant quoy ?
GUILLEMETTE
Ha ! tant je suis vaine76 !
L’APOTICAIRE
Qu’i a-il ?
GUILLEMETTE
Quoy ? Soucy et peine.
L’APOTICAIRE
Vous plaignez-vous de teste saine77 ?
Dictes vostre cas, qu’on vous ayde.
Qu’i a-il ?
GUILLEMETTE
Quoy ? Soucy et peine,
220 Se vous n’y mettez bref remède.
Sans plus que sermonne ne playde,
Mon mary si tend à la fin.
L’APOTICAIRE
Quel mary78 ?
GUILLEMETTE
Le bon Pathelin,
Mon amy. On n’y attend vie.
225 Je vous pry qu’on y remédye
Sans espargner or ne argent.
L’APOTICAIRE
Pas n’ay paour79 de vostre payement.
Je feray pour vous le possible.
GUILLEMETTE
Il est en fièbvre si terrible !
230 Venez-lay bien tost visiter.
ALIBORUM, APOTICAIRE
Je m’y en voys sans arrester,
Tenez-vous-en toute asseurée80.
.
GUILLEMETTE SCÈNE VIII
J’ay bien faict longue demourée ;
Penser me fault de retourner.
235 Je ne sçay où pourray finer81
De nostre curé, à ceste heure.
Aller me fault où il demeure82…
Je le voy : qu’il fait layde chère83 !
À sa main tient son brévière.
.
240 Bon jour, monsieur ! Deux motz à vous ! SCÈNE IX
MESSIRE JEHAN
Guillemette, tout doulx, tout doulx !
Comment vous estes effroyée84 !
GUILLEMETTE
Ha ! je suis la plus dévoyée85 :
On n’attent vie à mon mary.
MESSIRE JEHAN
245 Est-il si fort malade ?
GUILLEMETTE
Ouy,
Certes ; ce devez-vous sçavoir.
MESSIRE JEHAN
Je le vueil doncques aller veoir.
GUILLEMETTE
Maintenant.
MESSIRE JEHAN
J(e) y courray grant erre.
.
L’APOTICAIRE arrive chez Pathelin et luy dit :
Que faictes-vous86 ? [Hau], maistre Pierre ! SCÈNE X
250 Comment se porte la santé87 ?
PATHELIN
Je ne sçay. Par ma loyaulté88,
Je me vouloye laisser mourir.
L’APOTICAIRE
Et ! je viens pour vous secourir.
Où vous tient vostre maladie ?
PATHELIN
255 A ! devant que je le vous dye,
Donnez-m(oy) à boire ung horïon,
Oyez-vous, maistre Aliborum,
Avant que ma femme reviengne.
L’APOTICAIRE
Jésus en bon propos vous tienne,
260 Mon amy ! Vous estes fort au bas.
PATHELIN
Où est Guillemette !
ALIBORUM, APOTICAIRE
Elle n’y est pas ;
Elle est allée ung peu en la ville.
PATHELIN
Or, selon vostre usaige et stille,
Comme sommes-nous de la lune89 ?
L’APOTICAIRE
265 Au tiers quartier.
PATHELIN
J’en ay pour une90 !
Ne viendra mèshuy Guillemette ?
En malle estraine91 Dieu la mette !
Se je le vueil, qu’elle demeure !
.
GUILLEMETTE92 SCÈNE XI
Je reviens.
L’APOTICAIRE
À la trèsbonne heure !
GUILLEMETTE
270 Maistre Pierre, voicy venir
Messir(e) Jehan93 qui, sans plus tenir…
Est tout prest de vous ordonner. 94
PATHELIN
Il nous fault doncques chopiner,
Par accord, de tout le meilleur. 95
MESSIRE JEHAN
275 Comme le fait le bon seigneur ?
Va-il ne avant ne arrière ?
PATHELIN
Guillemette, à l’huys derrière,
Quelq’un m’apporte de l’argent.
MESSIRE JEHAN
Dieu bénye, Dieu gard, bonne gent !
280 Comme se porte ce malade ?
PATHELIN
Allez-moy quérir ma sallade,
M’amye, pour armer ma teste !
GUILLEMETTE
Et ! par Dieu, vous estes bien beste :
C’est messir(e) Jehan qui vous vient veoir.
PATHELIN
285 De par Dieu ! faictes-le séoir,
Et puis on parlera à luy.
MESSIRE JEHAN
Maistre Pierre, je suis celuy
Qui vous vouldroit [service faire]96
Et tout plaisir.
L’APOTICAIRE
[S’en vostre affaire]97
290 Ne pensez, vous vous en allez.
Dictes-moy se point vous voulez
User de quelque médecine98.
PATHELIN
Je ne veulx faisant, paon ne cigne99 :
J’ay l’appétit à ung poussin.
L’APOTICAIRE
295 User vous fault de succre fin100
Pour faire en aller tout ce flume101.
PATHELIN
Guillemette, que l’en me plume
Ces deux oyseaulx que vous sçavez.
GUILLEMETT[E]
Je cuyde, moy, que vous resvez.
300 Penser fault de vous mettre à point102.
L’APOTICAIRE
Brief, il ne luy amende point103,
Mais va tousjours de mal en pis.
PATHELIN
Une escuellée de bon coulis104,
Seroit-ce point bonne vïande105
305 Pour moy ?
L’APOTICAIRE
Ung pou de lait d’amende 106
Vous seroit meilleur à humer107.
PATHELIN
Si est-il bon à présumer
Qu’à peine je pourroye ce prendre.
GUILLEMETTE
Au surplus, il vous fault entendre
310 À vous confesser vistement
Et faire ung mot de testament :
Ainsi que doibt faire tout crestien.
PATHELIN
Or çà ! vrayement, je le vueil bien.
Faictes nostre curé venir.
MESSIRE JEHAN
315 Çà, maistre Pierre : souvenir
Vous convient de vos maulx108 passéz.
PATHELIN
Je les ay [de] piéçà109 laisséz
À ceulx qui n’en avoyent point.
MESSIRE JEHAN
Las ! mon amy, Jésus vous doint
320 Avoir de luy bonne mémoire,
Affin qu’avoir puissez la gloire110
En laquelle tous ont fiance.
Ayez, en après, souvenance
De tous les maulx que feistes oncques.
325 Dictes après moy.
PATHELIN
Or sus doncques !
Je vous suyvray, en vérité.
MESSIRE JEHAN
Or dictes : « Bénédicité. »
PATHELIN
Bénédicité, monsïeur111.
MESSIRE JEHAN
Et ! voicy une grande hydeur !
330 Sav’ous respondre « Dominus » ?
PATHELIN
Par ma foy, je n’en congnois nulz112,
Affin que le vray vous en dies.
MESSIRE JEHAN
Confesser vous fault des ouÿes,
Des yeulx, du nez et de la bouche.
PATHELIN
335 Jamais à telz gens [je] n’atouche,
Car puisqu’ilz ont bouche, ilz ont dentz ;
Si je boutoye mon doy dedans,
Ilz me pourroyent jusqu’au sang mordre.
MESSIRE JEHAN
(En cest homme-cy n’a point d’ordre ;
340 Il a tout le cerveau troublé.)
Dea ! Dictes : « Je n’ay riens emblé113. »
[PATHELIN]114
Tout mon argent est[-il] en Seine ?!
MESSIRE JEHAN
(Dieu, par Sa grâce, le ramaine
Et le radresse en son [bon] sens !)
PATHELIN
345 Messir(e) Jehan, qu’esse que [je] sens :
Pain fleury, ou tourte[au] en pesle115 ?
Qu’on me baille trois coups de pelle
À ce chat116 que voy cy grimper !
Il fault ung peu le moust117 happer,
350 Curé, car je ne beuz piéçà.
MESSIRE JEHAN
(Je ne vis, puis dix ans en çà,
Homme si plain de fantasie118 !)
Or çà, vous confessez-vous mye
De ceulx que vous avez trompéz ?
PATHELIN
355 Si ne s’i fussent pas boutéz,
Je ne les alloye mye querre !
MESSIRE JEHAN
Il vous convient pardon requerre
De trèsbon cueur à Dieu le Père.
PATHELIN
Vrayement, si fais-je : à son père119,
360 Et [à] ses sainctes et ses sainctz.
Ces femmes qui ont si grans sains,
Trop ne m’en puis esmerveiller :
On n’a que faire d’or[e]illier,
Quant on est couché avec elles120.
MESSIRE JEHAN
365 (Il parle de Sains, de mamelles
L’ung parmy l’autre : c’est pitié.
Il a le cerveau tout vuydé,
Je me doubte121 fort et [le] crains.)
Confesser vous fault de voz mains
370 Et de vos cinq cens de Nature122.
PATHELIN
Mises les ay à la ceincture
Souvent, en faisant le gros-bis123,
En disant aux gens « Et vobis 124 »
Quant on me disoit : « Bona diès 125 ! »
MESSIRE JEHAN
375 Laissons trèstout cela en paix.
Et venons à parler des piedz,
Qui ès faulx126 lieux vous ont portéz ;
Car nul n’en fault laisser derrière.
PATHELIN
Et, comment ! Esse la manière ?
380 Se fault-il de tout confesser ?
MESSIRE JEHAN 127
Ouy, certainement ; et penser
Aux douze articles de la Foy. 128
PATHELIN
Quant à ceux-là, je les congnoy(s) :
Je les nommeroye bien par ordre.
385 Bref, ilz n’ont garde de me mordre. 129
Ay ! que je suis en challeur grande !
MESSIRE JEHAN
En après, je vous fais demande :
Avez-vous eu rien de l’autruy 130
Qu’il vous souviengne ?
PATHELIN
Hélas, ouy.
390 Mais de le dire n’est mestier. 131
MESSIRE JEHAN
Si est, vrayement.
PATHELIN
C’est du drapier,
Duquel j’eus cinq… dis-je six aulnes
De drap, que en beaulx escus jaulnes 132
Luy promis et devoye payer
395 Incontinent, sans délayer.
Ainsi, fut-il de moy content.
Mais je le trompay faulcement,
Car oncques il n’en receupt croix 133
Ne ne fera jà(mais).
MESSIRE JEHAN
Touteffoys,
400 Ce n’est pas bonne conscience.
PATHELIN
Il fault qu’il preigne en patience,
Car il n’en aura aultre chose.
MESSIRE JEHAN
Et du berger ?
PATHELIN
Parler n’en ose.
MESSIRE JEHAN
Pourquoy cela ?
PATHELIN
Pour mon honneur.
MESSIRE JEHAN
405 Et, hardyment !
PATHELIN
Mon déshonneur,
Si, y perroit134 à tousjours-mais.
MESSIRE JEHAN
Et comme quoy ?
PATHELIN
Pource qu(e) en « bês » 135
Il me paya subtilement.
MESSIRE JEHAN
Par qui fusse ?
PATHELIN
Par qui, vrayment ? 136
410 Par moy, qui l’avoye introduyt. 137
MESSIRE JEHAN
Je vous entens bien, il suffit :
Trompeurs ilz sont voulentiers trompéz, 138
Soit tost ou tard, ou loing ou près.
Oultre ! ne laissez riens derrière.
PATHELIN
415 Et, comment ! Esse la manière ?
Se fault-il du tout confesser ? 139
MESSIRE JEHAN
Ouÿ, certes, sans riens laisser
Dont conscience vous recorde140.
Des œuvres de miséricorde141 :
420 Avez-vous les nudz revestus ?
PATHELIN
Faulte de monnoye et d’escus
M’en ont gardé, et m’en confesse.
MESSIRE JEHAN
Ainsi vo(stre) confessïon cesse,
Et vous fault absolution.
425 Av’ous de tout faict mention ?
Requérez-vous à Dieu mercy142 ?
PATHELIN
Hélas, monseigneur ! et aussi
À toute sa benoiste Court.
MESSIRE JEHAN
C’est bien dit, pour le faire court.
430 Guillemette, et vous, mon amy,
Vous voyez ce povre homme-cy
En grant langueur et maladie,
Près quasi de finir sa vie ;
Il fault faire son testament
435 Cy-devant nous présentement,
Sans fraulder ses hoirs143 et sa femme.
Et, premier, commande144 son âme
(Comme bon catholique) à Dieu
Pour avoir [en Paradis lieu]145.
440 Ainsi soit-il ! Dictes « amen ».
PATHELIN
C’est trèsbien dit, messire Jehan.
Mais devant que rien en commence,
J’arrouseray ma conscience :
Guillemette, donnez-m(oy) à boyre !
445 Et puis après, ayez mémoyre
D’en présenter à mon voysin.
Et s’il n’y a assez de vin,
Je vous prie qu’on en voyse traire146.
Messire Jehan, vostre escriptoire
450 Et du papier ! Si, escripvez.
GUILLEMETTE
Regardez à qui vous lairrez147 :
Je demourray povre et seullette.
Icy commence Pathelin à faire son testament
en la manière qui s’ensuyt.
PATHELIN
Tout premier à vous, Guillemette,
Qui sçavez où sont mes escus,
455 Dedans la petite layette148 :
Vous les aurez, s’ilz y sont plus149.
Après, [à] tous vrays gaudisseurs150,
Bas percéz151, gallans sans soucy152 :
Je leur laisse les rôtisseurs,
460 Les bonnes tavernes aussi.
[Et aussi, aux quatre convens,]153
Cordelliers, et Carmes, [Jacopins,
Augustins]154 : soient hors ou soient ens155,
Je leur laisse tous bons lopins156.
465 Item, je donne aux Filles Dieu,
À Sainct-Amant et aux Béguines,
Et à toutes nonnains, le jeu
Qui se faict à force d’eschines157…
Item, je laisse à tous les sergens
470 (Qui ne cessent jour et sepmaine
De prendre et tromper [fort les] gens),
Chascun une fièvre quartaine.
À tous chopineurs et yvrongnes,
Noter [je] vueil que je leur laisse
475 Toutes gouttes-crampes158 et roingnes
Au poing, au costé, et à la fesse.
Et à l’hostel-Dieu de Rouen,
Laisse et donne de franc vouloir
Ma robbe grise que j’eu[z] ouen159,
480 Et mon meschant chapperon [noir].
Après, à vous mon conseiller160,
Messir(e) Jehan, sans truffe161 ou sornette,
Je vous laisse pour faire oreiller
Les deux fesses [de] Guillemette162,
485 Ma femme : cela est honneste.
Et à vous, maistre Aliborum,
D’oingnement [fin] plain une boiste,
Voyre du pur diaculum163
Pour exposer supra culum 164
490 De ces fillètes. Sans plus dire,
Chascun entend ceste rayson ;
Il n’est jà besoing de l’escripre.
C’est tout, messir(e) Jehan.
MESSIRE JEHAN
Or bien, sire.
PATHELIN
Guillemette ?
GUILLEMETTE
Quoy, maistre Pierre ?
PATHELIN
495 Mon couvrechief ne tient point serre :
Il est trop lâche par-derrière.
GUILLEMETTE
Il est bien.
PATHELIN
Hée ! m’amye chère,
Je n’en puis plus, à bref parler.
Par ma foy, je m’en vueil aller.
500 Acomplissez mon testament.
GUILLEMETTE
Las ! si feray-je, vrayement165.
Où voulez-vous estre enterré ?
PATHELIN
N’a-il plus rien au pot carré
À boire, avant que trespasser ?
GUILLEMETTE
505 Deussiez-vous en ce point farcer,
Qui estes si près de la mort ?
PATHELIN
De la mort ?
GUILLEMETTE
Voyre.
PATHELIN
J’ay donc(ques) tort.
MESSIRE JEHAN
Au nom de sainct Pierre l’apostre,
Dictes où vous voulez que vostre
510 Corps soit bouté en sépulture.
PATHELIN
En une cave, à l’advanture,
Dessoubz ung muy166 de vin de Beaulne.
Puis faictes faire en lettre jaulne167,
Dessus moy, en beau parchemin :
515 « Cy repose et gist Pathelin,
En son temps advocat soubz l’orme168,
Conseillier de monseigneur de Corne169
Et [ma] damoyselle sa femme.
Priez Dïeu qu’il ayt son âme. »
520 Vous sçavez bien tout cela faire.
MESSIRE JEHAN
Disposer fault du luminaire170 :
En voulez-vous bien largement ?
PATHELIN
Pour quatre liars seullement,
Prins sur le meilleur de mes biens.
525 Aussi, n’oubliez [sur tout] riens171
À faire mes armes pourtraire172 ;
Oyez que vous y ferez faire :
Pource qu(e) ayme la fleur du vin,
Troys belles grappes de raisin
530 En ung champ d’or semé d’azur173.
Je vous prie que j’en soye seur.
Aultre chose ne vous requiers plus.
GUILLEMETTE
Ne pensez point à telz abus,
Mon amy : pensez à vostre âme.
MAISTRE PIERRE PATHELIN
meurt à ceste heure.
535 Hélas, Guillemette, ma femme :
Il est, à ce coup, fait de moy.
Adieu ! Jamais mot ne diray.
La Mort va faire son effort…
GUILLEMETTE
Ha ! Nostre-Dame de Montfort !
540 Le bon maistre Pierre est basy174.
MESSIRE JEHAN
Le remède est prier pour luy,
Et requiescant 175 in pace !
Oublier fault le temps passé.
Riens n’y vault le desconfort[er].
545 Despeschez-vous de le porter
De ce lieu vistement en terre.
Aliborum, qu’on le me serre
Derrière et devant, ferme au corps !
L’APOTICAIRE
Dïeu luy soit miséricors,
550 Et à tous ceulx qui sont en vie !
GUILLEMETTE
Amen ! Et la vierge Marie !
MESSIRE JEHAN
Or, pensons de le mettre en corps176.
Jésus luy soit miséricors !
GUILLEMETTE
Hélas ! quant de luy me recors177,
555 Je suis amèrement marrie.
MESSIRE JEHAN
Dïeu luy soit miséricors !
GUILLEMETTE
Amen ! Et la vierge Marie !
MESSIRE JEHAN
Jésus luy soit miséricors,
Et à tous ceulx qui sont en vie !
560 Adieu toute la compaignie !
CY FINE
LE TESTAMENT DE PATHELIN
*
1 Pathelin : l’hypothèse Triboulet. Paradigme, Orléans, 2009. 2 Triboulet : La Farce de Pathelin et autres pièces homosexuelles. GayKitschCamp, 2011. 3 Recueil de farces, VIII, pp. 151-208. Droz, 1994. 4 C’est la coiffure que porte l’avocat dans la Danse macabre de Guy Marchant. « Cornette d’Advocats, de Docteurs : le chapperon qu’ils portoient autrefois sur leur teste…. Advocats ne paroissoient point en public sans avoir leurs cornettes. » Furetière. 5 Le reste. 6 On fourrait les actes des procès dans un sac de toile. « J’avois mon sac de plaidoyries/ Tout remply de chicaneries. » Godefroy. 7 Retard, dans le jargon judiciaire. « Allons-nous au prétoire mettre/ Sans plus y faire de tenue. » Godefroy. 8 Taxer, fixer. « Taucer despens, dommages et intérests. » Godefroy. 9 Comme de raison, comme il se doit. 10 J’ai cependant la berlue. Pathelin a des troubles de la vision et porte des lunettes (vers 30). 11 Qui patauge dans la boue. 12 Le bon temps. 13 J’étais habitué à. On scande « sou-lai-e ». 14 Là où je ne gagne même plus des petites pièces. 15 La profession d’avocat ne vaut plus un sou. 16 Il gueule. « Et l’un crier, et l’autre baiallier. » Godefroy. 17 Il me faut siéger. 18 Plaiderez-vous. 19 Éd : presentement 20 Dans mon cabinet de travail. 21 Hier au soir. 22 Éd : que demener sachez 23 Le pronom normand « les » (ou « lay » aux vers 91 et 230), se traduit par « le ». 24 Il est déjà loin, il est gâteux. Mais aussi : il devient impuissant. Cf. Jehan Molinet, vers 2. 25 « Ferai-je défaut à l’audience d’aujourd’hui ? » Tissier, p. 157. 26 De ceux qui assistent à l’audience. 27 Éd : Sa 28 Même vers dans le Prince et les deux Sotz, et dans la Farce de Pathelin (deux fois). 29 Éd : tenez de par dieu ce soit (Plaid = discours, querelle. « Laissons ce plait et ce langage ! » R. de Collerye.) 30 Guillemette lance le gros sac sur la tête de Pathelin. Et c’est probablement ce qui va le tuer : en effet, il développe exactement les mêmes symptômes que le roi Charles VIII, mort d’un traumatisme crânien quelques heures après s’être cogné le front au linteau d’une porte. L’avocat va donc succomber au poids des procès ! 31 Un coup. Idem vers 256. 32 Redoutez-vous quelque chose ? 33 Éd : deliberer (Il faut que vous vous libériez de cette corvée. « Il faut vous libérer de cette dette. » Dict. de l’Académie françoise.) 34 Mangez. Elle est en train de préparer le dîner. 35 À la maison. Idem vers 117. 36 Je n’y manquerai pas. 37 Aux plaidoiries je m’en vais de ce pas. Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 135. 38 Noueux. 39 Une assignation à comparaître. 40 Cf. Colin, filz de Thévot. 41 S’ils ne comparaissent pas devant la Cour, ils sont condamnés à une amende de 100 tournois. 42 Si elles ne viennent promptement. 43 Mes sieurs (2 syllabes). Appointement = sentence. 44 Aujourd’hui. Idem vers 131. 45 Un matelin est un fou. Cf. Tout-ménage, vers 227. 46 Assisté. 47 Fainéant, qui ne fait rien. 48 Un peu faible. 49 Me manque. 50 Je voudrais. 51 Expliquer d’où vous vient cet inconvénient. 52 De bouillon à boire. Mais cette expression trop bien attestée a pu influencer les éditeurs. En effet, maître Pierre passe son temps à réclamer du vin <vers 145, 174, 198, 203, etc.>, et non de la nourriture. Je propose de lire « clairet à humer », qui donna lieu à une expression non moins attestée : « Et que bon vin cléret je hume,/ Qui est cy dedans ma bouteille. » (Vie et histoyre de ma dame saincte Barbe.) 53 Si cela me soulagera. 54 Boniments, jargon. 55 Éd. confidence (Sens identique, mais rime plus pauvre.) Pour « Di-eu » dissyllabique, qu’on retrouve aux vers 519 et 549, voir Quale Pathelin, de Giuseppe Di Stefano <Le Moyen français, nº VII, p. 151>. André de La Vigne (au vers 396) résout ce problème en ajoutant « Et » au début d’un vers identique. 56 De la sagesse. 57 Est valable pour tout le monde. 58 Je redoute de. (Idem vers 368.) Dans la Farce de Pathelin, quand il faisait semblant de mourir, maître Pierre s’écriait déjà : « Que je ne passe point le pas ! » 59 Au tribunal. « Qu’il adjournast à comparoir aujourd’hui (…) en la cohue du chastel de Rouen. » Godefroy. 60 Je suis là. 61 Éd : Guillemette (dont Guillemine est une forme hypocoristique. Cf. les Sotz nouveaulx, vers 24.) 62 Roland mourut de soif à Roncevaux. « C’est doncques de la mort Rollant/ Que je mourroye, car je bevroye/ Moult voulentiers ! » Le Ribault marié. 63 Pépier, balbutier. « Je sens mon cuer qui s’affoiblit,/ Et plus je ne puys papïer. » Villon, Testament. 64 À boire du piot, du vin. 65 Le vin nouveau me fait du mal. 66 « Le flux de ventre. » (Antoine Oudin.) « La foire, qu’on appelle (…) la va-tost. » (Supplément du Catholicon.) Les Normands disent aussi la « va-vite ». 67 Personnage de faux savant – son nom désignera les ânes – qu’on croise dans beaucoup de textes comiques (par exemple les Sotz qui corrigent le Magnificat). On prononçait « Aliboron ». Notre éminent apothicaire ne proposera, pour guérir un traumatisme crânien, que du sucre ou du lait d’amande. Les protagonistes de la pièce sortent un peu de leur rôle : l’apothicaire (le pharmacien) sert de médecin, le curé servira de notaire, et les deux hommes serviront de fossoyeurs. 68 Poiré, sorte de cidre que les Normands font avec des poires. 69 Je me contenterai bien de vin. 70 Je vais. 71 L’angelot. Guillemette s’en va, et Pathelin en profite pour sortir une bouteille qui était cachée sous son oreiller. 72 Pour limiter la consommation d’alcool de Pathelin (vers 256-258), Guillemette mêle son vin d’eau. 73 Confusion entre vin et vingt. Voir la confusion entre saints et seins à 360. 74 On appelait fréquemment les prêtres « messer », comme au Vatican. « Commandez, Messer Jehan : si feray-je ou y périray. » (Baculard d’Arnaud.) Mais on écrivait « messire », comme dans tous les octosyllabes de la farce normande de Messire Jehan ; par exemple, la femme qui est couchée sous le prêtre lui dit : « Messir(e) Jehan, vous estes pesant ! » Dans le Testament Pathelin, on prononce encore messer aux vers 271, 284, 345, 482 et 493. 75 Bonne fortune ! Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 141. 76 Sans force. 77 Pour rien. « Vous vous pleignez de teste saine. » Les Femmes qui demandent les arrérages. 78 Il semble hésiter entre Pathelin et le curé. 79 Peur : je ne m’inquiète pas. 80 Il se dirige vers la maison de Pathelin. 81 Me pourvoir. 82 Au presbytère, dont Guillemette a l’air de bien connaître le chemin… Le curé lit devant sa porte, pour profiter de la lumière du jour. 83 Mauvaise figure. 84 Saisie d’effroi. 85 Égarée. 86 Comment allez-vous ? 87 Même vers dans la Farce de Pathelin, et dans Chagrinas, où apparaissent d’autres analogies avec notre farce. 88 Vraiment. 89 Les quatre quartiers de la lune symbolisaient les saisons, et aussi les saisons de la vie. Le 3º quartier annonçait l’hiver et la mort. « Du tiers quartier jusques à la fin, [la lune] est froide et moiste comme l’yver, et est lors corrompue de froide humeur vile et fleumatique. » Pierre des Crescens. 90 J’ai mon compte. « Ilz en ont pour une :/ Ilz sont sonnés à grosse cloche. » (Jehan Michel.) Cf. Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, vers 293. 91 Qu’en mauvaise fortune. « En male estraine/ Soiez-vous mis ! » Le Messager et le Villain. 92 Elle entre avec le curé. Dans la farce du Munyer aussi, un curé rend visite au mari agonisant de sa maîtresse. 93 Pathelin comprend « Voici venir mes sergents » (note 74) ; ce à quoi il répond <vers 281> : « Allez me chercher mon casque pour protéger ma tête ! » Il évoquera de nouveau la brutalité proverbiale des sergents à 469-472. 94 Passage interpolé. Les répliques 275-276 et 279-280 font double emploi. 95 Boire ensemble du meilleur. 96 Éd : faire service (Réminiscence du Povre Jouhan : « Et croyez que je suis celuy/ Qui plus vous feroit de service. ») 97 Éd : Maistre pierre sen vostre faict 98 Pathelin comprend : quelque mets de cygne (d’un plat à base de cygne). Notons que -igne rimait en -ine : voir la rime médicine/signe dans Trote-menu. 99 Le Monde qu’on faict paistre (vers 236-237) fournit un calembour analogue sur « médecine » et « sine », c’est-à-dire « cygne » ; le paon est également nommé, au vers 238. On mangeait des paons et des cygnes, pour des raisons symboliques plus que gustatives. 100 Raffiné, blanc, par opposition au sucre brun qui avait moins de valeur, de même que le pain complet avait moins de valeur que le pain blanc du vers 346. 101 Flegme ; congestion, notamment cérébrale. « C’est signe de fleume qui est habondant en la teste…. Le poivre purge le cerveau de fleume. » Jehan Corbichon. 102 En règle avec Dieu. 103 Son état ne s’améliore pas. 104 De suc roboratif. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 235. 105 Nourriture. 106 C’est la graphie qu’adoptent plusieurs éditions gothiques. Pathelin se repaît d’amendes (vers 99) ; Aliboron joue sur « laide amende ». 107 À boire. 108 Vos mauvaises actions. Pathelin comprend « vos mots » : en tant qu’avocat, il parle au nom de ses clients illettrés, par exemple le berger Thibaud l’Agnelet, qui ne savait dire que « bêê ». 109 Depuis longtemps. Idem vers 350. 110 La gloire éternelle, le Paradis. 111 Il ignore la formule initiale de la confession, comme le brigand de la Confession du Brigant au Curé. Beaucoup de pièces normandes révèlent que les hommes n’allaient jamais à l’église, et que les femmes y allaient pour rencontrer leur amant, qui était souvent le curé. La Normandie gardera longtemps une réputation d’athéisme : « [Dieu] fait vivre cent ans le Normand Fontenelle,/ Et trousse à trente-neuf mon dévot de Pascal. » (Voltaire.) 112 Je ne connais pas de seigneur, ou le Seigneur. 113 Dérobé. 114 Les éditions mettent cette rubrique au-dessus du vers 341, lequel ne peut être dit que par le curé, sur le modèle de 327. Pathelin croit alors que tout l’argent qu’il a gagné malhonnêtement est perdu. La Seine arrose Rouen. 115 Le tourteau en poêle est une crêpe. « Fricaçoient quelques tourteaux en poisle avec de l’huile. » (Denis Sauvage.) Nous avons là un détournement irrévérencieux de l’odeur de sainteté qu’exhalent les martyrs en mourant : les saints embaument la rose, Pathelin pue le graillon. 116 Les superstitieux voyaient dans le chat un animal satanique. « Au chat, au chat ! Comment il monte ! » Farce de Pathelin. 117 Le jus du raisin, le vin. « Quant je puis croquer de ce moust,/ Qui me semble de si bon goust,/ Je suis guéry de la pépie. » Gournay et Micet. 118 De folie. 119 Au père de Dieu : encore un blasphème. 120 « Aux vers 483-484, ce seront les fesses de Guillemette qui serviront à cet usage. » Tissier, p. 188. 121 Je le redoute. 122 « La veuë, l’ouÿe, l’odorat, le toucher, le goust, sont les cinq sens de Nature. » Dict. de l’Académie françoise. 123 L’important. « Ces advocas,/ Ces riches bourgois et marchans/ Qui s’en vont, en gros-bis marchans. » (La Nef des folz du monde.) Les notables se pavanaient avec les pouces derrière la ceinture, contre le ventre : « Et les poulces sur la sainture (…),/ Disans : “Han ? Quoy ? Il n’en est rien !” » Villon, Testament. 124 Et à vous aussi. Réplique injurieuse : vos bis = vos vulves. Cf. Ung jeune moyne et ung viel gendarme, note 140. 125 Bonjour. 126 En ce qui concerne les mauvais lieux, on n’a que l’embarras du choix : tavernes, tripots, lupanars, étuves, rues chaudes, et même cimetières ! 127 Le passage 381-416, avec son fastidieux résumé de la Farce de Pathelin, fut ajouté après coup. Ces greffons, dont je n’ai repéré que les plus maladroits, expliquent la longueur anormale de la pièce. 128 Au Symbole des Apôtres. Cf. la Confession Rifflart, vers 173. Nous arrivons donc au Credo. 129 Rappel du vers 338. 130 Vers analogue dans la Confession du Brigant au Curé. Voir aussi la Confession Rifflart (vers 98), et Guy Marchant : « J’ay eu de l’aultruy, quant je y pence. » 131 Ce n’est pas nécessaire. 132 D’or. Idem vers 513. 133 Par métonymie, on appelait « croix » les monnaies dont le côté face s’ornait d’une croix. 134 Éd : perdroit (Paroir = paraître. « À tousjours-mais il y perra. » Le Pasté et la tarte.) 135 Éd : bee (La Farce de Pathelin donne effectivement « bee », mais notre rime réclame un pluriel. « Respondra en mouton : “Bêz, bêz !” » Pour le cry de la Bazoche.) 136 Éd : Par qui se fut 137 Qui l’avais initié à cette ruse. 138 Même vers dans Mahuet badin (BM 28). Voir aussi les Sotz triumphans qui trompent Chacun. 139 Pour retomber sur ses pieds, l’interpolateur reprend les vers 378-380. 140 Vous rappelle le souvenir. 141 C’est le vers 169 de la Confession Rifflart, avec la même rime. Le curé passe sans transition à la charité chrétienne. « C’est une des œuvres de miséricorde de vestir les nuds. » Dict. de l’Académie françoise. 142 Pardon. 143 Ses héritiers. « Les hoirs de deffunct Pathelin,/ Qui sçavez jargon jobelin. » Les Repues franches. 144 Avant, je recommande. 145 Manque dans les éditions gothiques. Lieu = place : « Pour gaigner en Paradis lieu. » Mellin de Saint-Gelais. 146 Qu’on aille en tirer. 147 Prenez garde à qui vous laisserez vos biens. 148 Le coffret. 149 S’ils y sont toujours. 150 Fêtards. (Cf. le Gaudisseur.) Jehan d’Abundance écrira dans un autre testament : « Adieu à tous bons gaudisseurs !/ Je vous laisse les roustisseurs,/ Et bonnes tavernes aussi. » Testament de Carmentrant. 151 Ceux qui sont à sec. Voir la note 97 du Dorellot. 152 Cette compagnie joyeuse de Rouen montait des farces et des sotties. Les vers 457-8 seront imités aux vers 555-6 d’une autre farce normande, les Botines Gaultier. 153 Éd : Aux quatre conuens aussi (Convent = couvent.) 154 Éd : augustins/ Jacopins (Jacopins rime plus richement avec « Lopins » : Villon, Laiz 148-151 et Testament 1572-4.) 155 Qu’ils soient hors du couvent ou dedans. 156 Bons morceaux, au sens gastronomique et au sens érotique. 157 Ce quatrain imite le Laiz XXXII de Villon. 158 « Goutte-crampe » est une locution formée d’un nom et de l’adjectif cramp [contracté] : les éditeurs modernes ont tort de mettre une virgule entre ces deux mots. Cf. les Sergents, vers 78. Rogne = gale, teigne. 159 Cette année. 160 Mon conseiller spirituel, mon confesseur. 161 Plaisanterie. « Telz truffes ne telz mocqueries. » Le Messager et le Villain. 162 Ni l’épouse, ni le curé ne protestent contre ce legs, qui semble officialiser un prêt de longue date. 163 De la vaseline. Cf. les Sotz fourréz de Malice, vers 376. 164 Sur le cul. 165 Elle accepte docilement d’être l’oreiller du prêtre. 166 Un tonneau de la capacité d’1 muid (268 litres). 167 D’or. « Les parolles cy proposées (…),/ Escriptes d’or en lettre jaune,/ Sur ung tonneau de vin de Beaune. » Sermon joyeux de bien boire. 168 « Advocat dessous l’orme : un jaseur, un advocat ignorant. » (A. Oudin.) L’expression est dans la Farce de Pathelin. Cf. Colin filz de Thévot, vers 330. 169 Monseigneur (mon sieur) de Corne est sans doute un prototype de cocu. 170 Des cierges. 171 Par-dessus tout. « Sur tout riens, est femme d’amiable talant. » Évangile aux Femmes. 172 Peindre. 173 Armoiries quelque peu fantaisistes. À titre de comparaison, le blasonnement d’Aussac (Tarn) est : D’or à la bande d’azur, chargée de trois grappes de raisin du champ. 174 Clamecé, canné. L’auteur rompt le pathos en faisant appel au registre argotique. 175 Qu’ils reposent en paix. Ce pluriel est singulier mais pas unique : « De luy, comme d’ung trespassé,/ Chantons requiescant in pace ! » Régnault qui se marie à La Vollée. 176 Éd : biere (Ce prétendu rondel de 11 vers est en fait un triolet de 8 vers. L’expression « Mettre en corps » pour « Mettre le corps en terre » est une impropriété populaire qui a donné à corps le sens d’enterrement <v. Godefroy, II, p.314 c>. Refusant sans doute de l’entériner, les premiers copistes la corrigèrent au détriment de la rime. Par cette brèche ouverte dans le plan sacro-saint du triolet, tous les abus purent s’engouffrer.) 177 Je me souviens.